Strasbourg, Pharmacologie DCEM3 «Les anticancéreux » - L. Monassier -2012 4
du cycle cellulaire. Cette donnée est particulièrement importante dans les tumeurs de grande
taille où l’on va trouver simultanément des cellules entrées dans le cycle cellulaire, des
cellules quiescentes et des cellules nécrotiques ou apoptotiques. Dès lors, on peut comprendre
qu’à un moment donné un médicament n’ait pas la même action sur l’ensemble de la
population. C’est ainsi que certains produits agissent surtout au moment de la synthèse des
nucléotides et ne seront donc actifs que sur les cellules en phase S du cycle cellulaire (Cf ci-
dessous). Il sera alors nécessaire soit de synchroniser les cellules, soit de répéter les cures
pour atteindre des cellules non affectées lors de la cure précédente. Cette variation
phénotypique au sein d’une population de cellules cancéreuses constitue, là encore, une raison
d’associer des médicaments anticancéreux au cours d’une même séquence de traitement.
Finalement, et l’on retrouve là un problème posé par certains microorganismes infectieux, les
cellules cancéreuses sont capables de développer des phénomènes de résistance. Elles peuvent
être d’emblée résistantes, contre-indiquant ainsi l’emploi de la molécule concernée, ou
devenir résistantes à l’occasion de la répétition des cures. Cette acquisition de résistance est
responsable d’un échappement thérapeutique qui oblige à passer à un autre protocole appelé
aussi «!ligne!» de chimiothérapie. La recherche cancérologique a donc pour objectifs de
trouver de nouveaux produits mais aussi de nouvelles combinaisons permettant de répondre
aux multiples obstacles cliniques et biologiques qu’offre cette maladie. C’est probablement
pour cette raison que la classe médicamenteuse et les protocoles de chimiothérapie sont aussi
complexes. Nous nous contenterons ici de donner une vue générale des molécules
individuelles en voyant successivement les agents cytotoxiques puis les modulateurs de la
réponse cellulaire.
A. Les anticancéreux cytotoxiques
Comme nous l’avons vu plus haut, ces médicaments ciblent la synthèse du matériel
génétique (ADN, ARN) et des protéines impliquées dans la mitose. Ils ont donc des
effets reliés à la phase du cycle cellulaire dans laquelle se trouve la cellule. Le cycle
cellulaire se compose de la succession des phases suivantes!:
- la phase G1 (ou G0 pour des cellules quasiment quiescentes) est la plus longue et la
plus variable. Tous les métabolismes ont lieu à l’exception de la synthèse de
l’ADN. Selon les cancers 75 à 90% des cellules sont dans cette phase et sont donc
peu sensibles aux médicaments «!cycle-dépendants!».
- la phase S suit la phase G1. Elle se caractérise par une activité intense de synthèse
d’ADN en préparation à la réplication.
- la phase G2 permet la constitution de l’appareil mitotique (polymérisation des
microtubules entre autres). Pendant cette phase, la cellule synthétise des protéines
et a donc besoin de transcrire son ADN en ARNm.
- la mitose ou phase M est l’aboutissement de la succession des phases S et G2. Elle
est rapide et constituée par la succession de la prophase (condensation des
chromosomes puis disparition de la membrane nucléaire), de la métaphase
(polymérisations et dépolymérisations des microtubules qui conduisent à la
localisation équatoriale des chromosomes), de l’anaphase (migration polaire des
chromosomes) et de la télophase (division cellulaire).
Certains médicaments sont dits «!cycle dépendants!» car n’agissent que sur les cellules
engagées dans le cycle cellulaire quelle qu’en soit la phase (exemple des agents
alkylants) et les produits «!phase dépendants!» qui ne sont actifs que pendant une
phase précise du cycle (exemple des poisons du fuseau mitotique qui sont actifs en
phase M). Ainsi, si on veut utiliser un produit «!cycle-dépendant!», il faut
préalablement faire entrer les cellules dans le cycle cellulaire en les sortant de la phase
G0. Ceci peut être obtenu par une réduction de la masse tumorale ou l’utilisation