Denis de Rougemont - Cours de Philosophie de Terminale par Jean

Accueil
Actuali
Pamphlet F. Hollande
Cours de philosophie
Introduction
Livre I : L’idéologie philosophique
Livre II : Conscience et individualité
livre III: le rapport au monde
livre IV: la raison et le réel
livre V: la morale
Livre VI: le politique
Livre VII: de l'anthropologie à l'histoire
Livre VIII: qu'est ce que l'art?
Culture philosophique
Philosophes
Notions
Lectures
Dissertations
Culture générale
Histoire
Société
Culture littéraire
cours synthétiques
théâtre
auteurs
oeuvres
poésie
antiquité
Culture politique
Introduction au Marxisme I II III
La Question du communisme Lucien Sève
Poèmes
Présentation
Poème du partage
Poèmes du ravage
Poèmes politiques
Poèmes du voyage
Poèmes de l'alliage
Poèmes du village
Poèmes de l'échange
Dernière balade Galerie de peinture
DENIS DE ROUGEMONT
Menu
DENIS DE ROUGEMONT
FOUCAULT
SAUSSURE
BLANCHOT
LÉVI STRAUSS
BAUDRILLARD
LEROI GOURHAN
RICOEUR
LUC FERRY
RICOEUR BIS
BOURDIEU
DIALECTIQUE
PLATONICIENNE
HEIDEGGER
ACCUEIL ACTUALIT
ÉCOURS DE
PHILOSOPHIE CULTURE
PHILOSOPHIQUE
CULTURE
GÉNÉRALE CULTURE
LITTÉRAIRE CULTURE
POLITIQUE POÈMES GALERIE
DE
PEINTURE
L’Amour et l’Occident
par Denis de Rougemont :
LE "MYTHE"
ET LE TRAITEMENT SPECULATIF DU MYTHE
INTRODUCTION : QU'EST-CE-QU'UN MYTHE ?
Denis de Rougemont, dans son livre "L'Amour et l'Occident " part d’une définition du Mythe, à laquelle rien, semble-t-il, n’empêche de suscrire :
« Un Mythe est une fable, un récit (du grec : « muthos » ) qui peut être une simple parole ou une image, qui exprime une autre réalité que celle qu'il
représente et met en scène une réalité tout autre, toute différente qui reste "inaperçue", inconnue de ceux qui adhèrent au mythe, parce que le mythe a
précisément pour fonction de dissimuler, de masquer cette réalité. »
Mais, Denis de Rougemont précise :
« Les mythes traduisent toujours "des réalités humaines que nous pressentons fondamentales" ; mais, "en même temps qu'il exprime ces réalités, le mythe
les voile ". Car explique-t-il il s'agit de "réalités dont nous ne pouvons prendre conscience sans qu'éclate la contradiction. »
On peut ainsi développer les principales caractéristiques du mythe.
1. Parole, image ou récit, le mythe est une représentation qui renvoie à une réalité, dont la nature, le contenu sont tout difrents de l'expression que le
mythe nous en donne.
2. Cette réalité que le mythe exprime à sa façon reste "inaperçue" de ceux qui ont produit le mythe ou de ceux qui y adhèrent.
3. La fonction du mythe est précisément de dissimuler, de masquer cette réalité, d'en voiler le sens, le "vrai" sens.
4. Si le mythe a pour fonction de dissimuler une telle réalité, c'est que la prise de conscience de cette réalité, consistant en "relations-humaines que nous
pressentons fondamentales " ferait éclater "la contradiction".
Cette définition parait apporter tous les termes qui permettent d'expliquer la nature du mythe, c'est à dire, à la fois son caractère d'illusion et l'origine ou la
base de cette illusion.
Mais, elle nous dévoile en même temps le sens de la démarche de Denis de Rougemont : Ce que le mythe dissimule, ce n’est pas une contradiction
historique, qui est apparue et s’est développée au sein des rapports sociaux ; c’est un divorce au cœur de relations humaines « fondamentales »
Selon Denis de Rougemont, le récit de Tristan et Iseult illustre cette définition, mais il fait plus : il permet de découvrir une contradiction qui est au ur
de la psychè occidentale : inhérente à la passion de vivre : laffirmation de la mort ; de l’impossibilité de vivre.
Plus encore : l’amour-passion, qui recouvre l’idée de la vie impossible, est pour ainsi dire le secret ressort de la civilisation occidentale : le goût de la
mort, né d’un instinct de guerre, qui est tentative de dépasser les limites, mène à une ‘essentielle catastrophe.
Publie en 1939 L’Amour et lOccident . - ce livre, qui connaîtra un grand succès et dont les analyses seront complétées par Les Mythes et l’amour (1961) -
, explique que l’amour passion n’est en réalité qu’une invention de l’Occident datant des XIIe et XIIIe siècles et ayant pour origine la secte des cathares.
I. L’analyse du mythe de Tristan et Iseult : le contenu manifeste du mythe
Selon Denis de Rougemont, le récit de Tristan et Iseult fait appartre que l'amour-passion- qui conduit inéluctablement à la mort est "inexplicable", tant
dans sa genèse (seul le philtre les lie l'un à l'autre) que dans son histoire :
L'amour, dont la naissance est inexplicable, est en même temps impossible : "fondamentalement" impossible : Bien des épisodes du récit (dont le plus
connu est celui de la forêt du Morrois Tristan et Iseult, vivants ensemble, restent "séparés" par l'épée qu'ils ont placée entre eux) montrent que les
obstacles qui empêchent la réalisation de la passion (et le bonheur) sont symboliques ou imaginaires, de sorte que l'impossibilité de leur amour appart
comme l'essence même de la passion.
Denis de Rougemont explique que le récit, qui fait intervenir des obstacles imaginaires, "des obstacles voulus", dissimule la vraie nature de la passion.
"Tout manifeste, dans le comportement du chevalier et de la princesse une exigence ignorée d'eux, -et peut-être du romancier,- mais plus profonde que
leur bonheur"..." Qu'elle est cette exigence ? Denis de Rougemont explique : "Cette préférence accordée à l'obstacle voulu, c'est l'affirmation de la mort ...
les amants malgré eux n'ont jamais dési que la mort ...L'on assiste in extremis au renversement de la dialiectique passion-obstacle .... l'obstacle devient
le but, la fin désirée pour elle-même : la passion n'a joué qu'un rôle d'épreuve purificatrice au service de cette mort qui transfigure".
Tel est le sens profond du mythe, qui traverse toute notre culture jusqu’à nos jours dans le très beau vers d’Aragon : " Il n'y a pas d'amour heureux".
Et Denis de Rougemont, comme s'il commentait le poète, écrit :
"L'amour heureux n'a pas d'histoire dans la littérature occidentale ... l'obsession de l'Européen, c'est le secret de Tristan : Connaître à travers la douleur
l'amour-passion, à la fois combattu et partagé, anxieux d'un bonheur qu'il repousse, magnifié par sa catastrophe : l'amour réciproque malheureux ...".
Il pose alors la question :
"D'où vient que l'amour réciproque soit malheureux ?
"Amour réciproque, en ce sens que Tristan et Iseult (les amants) "s'entraiment", ou du moins qu'ils en sont persuadés ...Il est vrai qu'ils sont l'un envers
l'autre, d'une fidélité exemplaire. Mais le malheur (souligné par D. de Rougemont) c'est que l'amour qui les "démeine" n'est pas l'amour de l'autre tel qu'il
est. Ils s'entraiment mais chacun n'aime l'autre qu'à partir de soi, non de l'autre. Leur malheur prend sa source dans une fausse réciprocité ...A tel point
qu'à certains moments on sent passer dans l'excès de leur passion une espèce de haine ... Wagner l'a bien vu, avant Freud et nos modernes psychologues
...".
II. Le contenu latent : La mystique des cathares
La passion fait la preuve de l'impossibilité de la vie qui est la base de la conversion, de toute mystique du salut : "La vraie vie est ailleurs". "La passion
"mortelle" se ramène à une mystique".
Le mythe, conclut Denis de Rougemont, voila le lien profond de la passion et de la mort. Et le livre de Denis de Rougemont va consister à rechercher les
origines religieuses et en particulier mystiques du mythe et à examiner ensuite sa postérité jusqu'à nos jours...
Il montrera que le lyrisme des troubadours "parlait" la religion des Cathares, que la religion des Cathares remonte aux doctrines néoplatoniciennes et par
delà aux doctrines nanichéennes...
Denis de Rougemont cherche à montrer comment la convergence des mythes iraniens, gnostiques et hindouistes donne naissance à une religion (qu'il
désigne comme "orientale") qui, par la voie des mystiques arabes, s'impose dans le Midi de la France au XIIème siècle sous la forme de l'hérésie cathare.
« Si nous embrassons le domaine géographique et historique qui va de l'Inde à la Bretagne, nous constatons qu'une religion s'y est répandue, d'une
manière à vrai dire souterraine, dès le IIme siècle de notre ère, syncrétisant l'ensemble des mythes du Jour et de la Nuit, tels qu'ils s'étaient élaborés en
Perse d'abord, puis dans les sectes gnostiques et orphiques : et c'est la foi manichéenne. »
Des siècles avant l'apparition de Manès (-250 après J-C) qui donnera son nom à cette mythologie religieuse, on peut déceler dans les mythologies indo-
européennes l'opposition entre un monde de lumre incréé, intempore et un monde de ténèbres règne le mal, qui est celui de toute la création visible :
le nôtre ; le Jour et la Nuit -le monde de lumière et le monde de ténèbres- ont chacun leurs Dieux :
Dieux lumineux sont : l'Ahura Mazda (ou Ormuzd) des Iraniens, l'Apollon grec, l'Abellion celtibère ;
Dieux sombres portent les noms de : Dyaux Pitar dans l'Hindouisme, d'Ahriman en Iran, de Dionysos en Grèce, du Jupiter latin, du Dispater gaulois ...
De l'Inde aux rives de l'Atlantique, nous retrouvons, exprimé dans les formes les plus diverses ce même mystère du Jour et de la Nuit et de leur lutte
"mortelle" dans l'homme.
N’est-ce pas alors au cœur de l’homme qu’il faut découvrir cet antagonisme : cette lutte "mortelle" ?
Denis de Rougemont écrit :
« Le succès prodigieux du roman de Tristan révèle en nous, que nous le voulions ou non, une préférence intime pour le malheur. Que ce malheur, selon la
force de notre âme, soit la "délicieuse tristesse" et le spleen de la décadence, ou la souffrance qui transfigure, ou le défi que l'esprit jette au monde, ce que
nous cherchons, c'est ce qui peut nous exalter jusqu'à nous faire accéder, malgré nous, à la "vraie vie" dont parlent les poètes. Mais cette "vraie vie", c'est
la vie impossible. Ce ciel aux nuées exaltées, crépuscule empourpré d'héroïsme, n'annonce pas le Jour, mais la Nuit ! La "vraie vie est ailleurs " dit
Rimbaud. Elle n'est qu'un des noms de la Mort, seul nom par lequel nous osions l'appeler - tout en feignant de la repousser.
C'est une véritable ontologie que Denis de Rougemont développe dans ce texte,- une ontologie c'est à dire la transformation d' "un sens vécu" en une
essence : le malheur " vécu", "vissé" dans la passion, recherché est transmué en propension "essentielle" de l'homme au malheur Le mythe lui-même, ici le
roman de Tristan et Iseult, ne masque pas "une contradiction" extérieure à l'homme mais traduit en termes "voilés" une contradiction interne à l'homme :
l'opposition entre la vie et la mort, qui constitue le sens même de la vie. Désirant dépasser ses limites l'homme fait l'épreuve de sa finitude, de
l'impossibili de vivre, parce que fondamentalement vivre, c'est mourir.
III. L’explication spéculative du mythe
Citons intégralement le texte de Denis de Rougemont qui montre comment l'analyse descriptive conduit à une véritable ontologie :
« Passion veut dire souffrance, chose subie, prépondérance du destin sur la personne libre et responsable. Aimer l'amour plus que l'objet de l'amour, aimer
la passion pour elle-même, de l'amabam amare d'Augustin jusqu'au romantisme moderne, c'est aimer et chercher la souffrance. Amour-passion : désir de
ce qui nous blesse, et nous anéantit par son triomphe. C'est un secret dont l'Occident n'a jamais toléré l'aveu, et qu'il n'a pas cessé de refouler,- de
préserver ! Il en est peu de plus tragiques, et sa persistance nous invite à porter sur l'avenir de l'Europe un jugement très pessimiste.
Marquons ici une incidence qui méritera plus tard son développement : c'est la liaison ou la complicité de la passion, du goût de la mort qu'elle dissimule,
et d'un certain mode de connaître qui définirait à lui seul notre psyché occidentale.
Pourquoi l'homme d'Occident veut-il subir cette passion qui le blesse et que toute sa raison condamne ? Pourquoi veut-il cet amour dont l'éclat ne peut
être que son suicide ? C'est qu'il se connaît et s'éprouve sous le coup de menaces vitales, dans la souffrance et au seuil de la mort. Le troisme acte du
drame de Wagner décrit bien davantage qu'une catastrophe romanesque : il décrit l'essentielle catastrophe de notre sadique génie, ce goût réprimé de la
mort, ce goût de se connaître à la limite, ce goût de la collision révélatrice qui est sans doute la plus inarrachable des racines de l'instinct de la guerre en
nous. »
Et ainsi, pour Denis de Rougemont, toute l'histoire (qu'on étudie l'histoire de la littérature ou l'histoire des méthodes de la guerre) n'est que l'expression de
cet antagonisme essentiel
"La réponse du XIIe siècle avait été la chevalerie courtoise et ses mythes romanesques (conciliant l'hérésie s'exprimait l'Eros divinisant et l'orthodoxie
porteuse des valeurs d'ordre et sanctifiant les intérêts fondamentaux de la cité et de l'homme) ... La réponse du XVIIe siècle a pour symbole la Tragédie
classique ; la réponse du XVIIIe siècle fut le cynisme de Don Juan et l'ironie rationaliste ...
La réponse du XXe siècle, née de la guerre, à la menace permanente que la passion et l'instinct de mort font peser sur toute société, c'est l'état totalitaire
..."
Le renversement idéaliste est total : loin que le mythe trouve dans la réalité et dans l'histoire sa base et son origine, c'est le mythe qui se réalise dans
l'histoire. L'histoire n'est rien d'autre que l'illustration du mythe.
IV. Une philosophie de la catastrophe
Voici un texte de Denis de Rougemont qui développe cette philosophie de la catastrophe:
« Les forces anti-vitales longtemps contenues par le mythe se répandirent dans les domaines les plus divers, d'où résulta une dissociation, au sens précis de
relâchement des liens sociaux. La première guerre européenne fut le jugement d'un monde qui avait cru pouvoir abandonner les formes, et libérer d'une
manière anarchique le "contenu" mortel du mythe.
Cependant, je ne pense pas que le drainage de toute passion par la Nation soit autre chose qu'une mesure de détresse. C'est repousser la menace
immédiate, mais l'aggraver alors en la faisant peser sur la vie même des peuples ainsi constitués en blocs. L'Etat totalitaire est bien une forme recréée, mais
une forme trop vaste, trop rigide et trop géométrique pour modeler et organiser dans ses limites la vie complexe des hommes, même militarisés. Des
mesures de police ne font pas une culture, des slogans ne font pas une morale. Entre le cadre artificiel des grands Etats et la vie quotidienne des hommes,
il subsiste encore trop de jeu, trop d'angoisse et trop de possible. Rien n'est réellement résolu. Dès lors ce sera la guerre atomique totale, la désintégration
physique et morale, et le problème de la passion sera supprimé avec la civilisation qui l'a fait naître. »
Dans ce texte, l'on peut assister au "renversement " par lequel les faits sociaux et les évènements historiques sont considérés comme la manifestation d'une
contradiction interne à l'homme, à la vie humaine.
Résumons :
- Le relachement des liens sociaux" manifeste "une dissociation" qui est "le résultat" des "forces anti-vitales longtemps contenues par le mythe" : c'est à
dire du désir d'infini qui définit l'homme et le conduit pour dépasser ses limites à nier sa vie, à vouloir la mort.
L'évolution des relations sociales réelles "devient" l'expression de la contradiction tragique qui est l'essence de l'homme.
- De même l'évènement historique de la première Guerre mondiale est le résultat du "jugement d'un monde" (traduisez : d'une société) qui avait cru
pouvoir abandonner les formes (traduisez : les normes) c'est à dire mettre en cause l'instance supérieure de la Société, les contraintes sociales- l'ordre
social et moral- qui seul permet de contenir la passion de l'homme dont nous savons qu'elle est "instinct de mort". La guerre n'est pas un évènement
historique qui trouverait sa cause dans une contradiction réelle dont l'explosion entraîne la mort de millions d'hommes, ce n'est que "le contenu mortel" du
mythe qui tente de se libérer de façon anarchique.
- Enfin l'Etat totalitaire se définit comme une forme -une structure -qui comme telle est identique dans le régime fasciste et les sociétés socialistes.
Et, loin que le fascisme trouve dans l'histoire elle-même ses causes, loin que la formation des sociétés socialistes soit le résultat de conditions historiques
déterminées (qui n'ont aucun point commun avec l'apparition du fascisme) ; l'apparition du fascisme à un moment donné de l'histoire du capitalisme, la
formation des sociétés socialistes sont toutes deux l'expression d'une forme commune : le totalitarisme. Et cette forme elle-même (l'abstraction, l'Idée du
totalitarisme qui fait abstraction de la réalité historique) n'est qu'une tentative (une ruse de l'Histoire) pour mobiliser la passion.
L'Etat totalitaire est ine ultime tentative pour concilier la norme et le désir, la contrainte morale et la passion, la société et l'individu,- autant de termes dont
l'opposition définit l'essence même de l'homme, la tragédie de la vie humaine.
L'histoire, qui n'est que la manifestation sous différentes formes de cet antagonisme "essentiel",ne peut jamais trouvé d'issue. "Rien n'est (jamais)
réellement résolu", écrit Denis de Rougemont.
Au lieu d'expliquer le mythe par les contradictions de l'histoire et de la réalité sociale, Denis de Rougemont à réduit l'histoire à n'être que l'expression,
l'incarnation du mythe.
Parce que la contradiction réelle que D. de Rougemont recherchait à la base du mythe a été travestie en cet antagonisme fondamental - essentiel à la vie
humaine -, D. de Rougemont ne peut que développer une vision catastrophique de l'histoire.
"Ce sera la guerre atomique totale, la désintégration physique et morale et le problème de la passion sera supprimé avec la civilisation qui l'a fait
naître".
Le cercle vicieux de l'idéalisme est bouclé :
C'est l'essence "antagoniste" de l'homme et de la vie humaine qui est à l'origine de l'histoire et de la civilisation. Le développement de l'antagonisme
conduit à la fin de l'histoire, à la destruction de la civilisation, à la mort de l'homme.
V. Une contradiction historique
L’interprétation par D. de Rougemont
De cette extrémité tragique, illustrée, avouée et constatée par la pureté du mythe originel, redescendons à l'expérience de la passion telle que la vivent les
hommes d'aujourd'hui.
Ne faut-il pas alors reprendre l’analyse pour découvrir la portée du mythe?
L'étude de la démarche de Denis de Rougemont est particulièrement instructive : Avant de faire le saut de la spéculation,- que nous avons décrit, il avait
proposé une explication du mythe comme dissimulation d'une réalité sociale objective. C'était le premier paragraphe de son livre, qu'il intitule : "Triomphe
du Roman, ce qu'il cache".
Voici la description qu'il propose :
"Dans la passion, nous ne sentons plus "ce qui souffre" mais "ce qui est passionnant" ... Tout en nous et autour de nous (toute notre culture, notre
éducation, les images qui font le décor de nos vies) glorifie à tel point la passion que nous en sommes venus à voir en elle une promesse de vie plus
vivante, une puissance qui transfigure, une béatitude. Et pourtant, la passion d'amour signifie de fait (c'est D. de Rougement qui souligne) un malheur ...".
Voici le paradoxe : D'un côté la passion d'amour est promesse d'une vraie vie, de l'autre elle signifie le malheur.
Comment expliquer le paradoxe ? Quelle est la réali qui se cache sous cette ambiguïté de la passion le culte de l'amour masque le malheur lié à
l'amour ?
D. de Rougemont nous le dévoile: L'amour passion signifie de fait l'adulre.
Et, il explique :
« Le mariage était devenu pour les seigneurs au XIIe siècle une pure et simple occasion de s'enrichir et d'annexer les terres données en dot ou espérées
en héritage, tel point que) quand l'affaire tournait mal, on répudiait sa femme, sous prétexte d'inceste ... Et l'Eglise accordait l'annulation en mariage
..."
Or, poursuit D. de Rougemont "la socié nous vivons et dont les moeurs n'ont guère changé sous ce rapport, depuis des siècles, réduit l'amour
passion, neuf fois sur dix, à revêtir la forme de l'adultère...".
La réalité de l'adultère explique, selon D. de Rougemont, le malheur de l'amour passion.
Si lon veut comprendre la fonction du mythe, il faut poser la question :
"Vivons-nous dans une telle illusion, dans une telle "mystification" que nous ayons vraiment "oublié" ce malheur ?
Ce que dissimule le mythe du malheur de l’amour passion, synonyme de l’impossibilité de vivre, c’est à la fois le culte et l’interdiction de l’amour hors de
la contrainte sociale du mariage.
En quoi consiste cet oubli » ou cette dissimulation qui définissent le mythe ?
- Dans ce fait paradoxal que « nous voulons la passion et le malheur à condition de ne jamais avouer que nous les voulons en tant que tels. "
C’est la contrainte sociale,- l'institution du mariage- renforcée et consacrée par les contraintes religieuses et morales, qui oblige l'amour à ne se réaliser
que dans l'adultère ; et la fonction du mythe serait de dissimuler le conflit entre la contrainte sociale et le désir
Nous voici ramenés à une interprétation psychanalytique : "la réalité sociale" que le sociologue "découvre" à l'origine du mythe se confond avec la société
comme norme, comme règle, comme contrainte. Et, si la passion apparaît comme un malheur, c'est que l'homme a intériorisé ce conflit. La dissimulation
qui est la fonction du mythe se réduirait à un refoulement, à une censure : Le culte de la passion "mortelle" ne fait que refouler le désir de l'adultère,
"refusant de le nommer" et le travestissant dans le rêve de l'amour-impossible.
Il faut sans doute aller plus loin. Quelle est, en effet, la base de l'erreur de la sociologie et de la psychanalyse ?
C'est l'idéologie d'une société considérée comme une réalité en soi, étrangère à l'individu, qui constitue une instance supérieure dont le rôle, la finalité est,
au travers du droit et de la morale, d'imposer aux individus des normes, des règles sans lesquelles ils seraient, comme tous les êtres vivants, la proie de
1 / 8 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !