aux prix bas, pour nourrir son commerce. L’industrialisation fondée sur le machinisme, lui-même dépendant de
l’énergie du la vapeur produite à l’aide du charbon, était interne au pays et produisait un bouleversement économique
(exode rural et spécialisation agricole) et social (monde ouvrier prolétarisé, urbanisation, domination de la classe
marchande). Il était évident que ce bouleversement allait atteindre l’espace colonial, déjà développé de l’Amérique du
Nord à l’Inde. Ainsi la colonie devint-elle un débouché protégé par la puissance militaire, autant qu’un lieu de
confiscation des richesses locales : la guerre d’Indépendance des Etats-Unis (1776) se présente comme une
revendication des colonies à ne plus subir les interdictions de la métropole, soucieuse de préserver son monopole
commercial. D’autre part, la colonie devenait un déversoir pour les masses prolétarisées des banlieues industrielles,
lorsque l’industrie ne pouvait plus assumer ces flots issus des campagnes ou d’une démographie en plein essor :
Australie, Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Canada, toutes ces terres de peuplement participent d’une
mondialisation de la patrie britannique, vécue à l’époque comme le point d’orgue de l’affirmation de l’Etat- nation.
Terre de peuplement, d’exploitation, escales pour les flottes de navires à vapeur, les colonies du XIX e siècle prenaient
forme et les autres nations européennes allaient emboîter le pas de l’Angleterre avec quelques décennies de retard mais
dans des termes semblables …
2 - Le colonialisme français au XIX°siècle.
L’empire colonial français appartient à la seconde vague de la colonisation, engendrée par la volonté royale
dès le XVI e siècle, mais développé par la monarchie absolue au siècle suivant dans le contexte de l’enrichissement du
trésor royal et des villes marchandes de la côte atlantique. Le XVIII° est une période de reflux de la tendance coloniale
en France, tandis que la Révolution et l’Empire se concentrent dans une dimension continentale et nationale.
En 1830 la conquête de l’Algérie signale le retour de la France sur le théâtre de la politique internationale –
après une phase de repli succédant aux défaites napoléoniennes.
L’impérialisme entame son essor avec Napoléon III : l’essor national est désormais impossible en Europe,
saturée d’Etats-nations émergeants, revendiquant vigoureusement leur territoire. La puissance française opte donc pour
la politique coloniale : Nouvelle-Calédonie, Sénégal, Indochine sont autant de portes du futur second empire colonial
de la planète, mais sans la rigueur mercantile des choix britanniques. La Troisième république développe cette
politique à partir de 1885 et Jules Ferry, connu davantage pour ses lois scolaires, fut le champion d’un impérialisme
très entreprenant. Le contexte national et économique avait changé: après la défaite face à l’Allemagne en 1870, la
jeune République devait relever le défi de sa capacité à incarner la nation ; d’autre part le développement d’une
révolution industrielle tardive mais réelle supposait des matières premières et des débouchés ; enfin , les croyances
dans la force du progrès, l’instruction et l’autosatisfaction à l’heure du modernisme occasionnait une forme de
racisme : désormais il ne s’agissait plus de sauver les âmes par l’évangélisation mais d’apporter le savoir, le progrès
…C’est « le fardeau de l’homme blanc » décrit par Rudyard Kipling qui porte le poids de sa mission civilisatrice des
peuples « mi-enfant », « mi-démon ». Contrairement aux britanniques, les Français émirent l’idée – toute théorique-
détendre la nation à l’empire, en vertu de leurs principes de citoyenneté….
3– L’émigration dans une planète colonisée à la fin du XIX°siècle.
L’impérialisme européen ne fut pas le seul et pas le premier, mais sa force et surtout son expansion
économique et humaine demeurent inégalées.
Le destin de la planète en fut changé : en mois de trois cents ans, toutes les terres inconnues avaient été
explorées, inventoriées et pour la plupart conquises par les expéditions militaires. Ainsi il ne restait que l’Ethiopie
libre en Afrique en 1914. Après le passage des explorateurs et savants vinrent les expéditions militaires,
l’anéantissement des cultures locales et des populations, puis vinrent les colons. L’entreprise d’acculturation entamée
avec la colonisation d’annexion et de pillage était ainsi parachevée par l’implantation de populations européennes,
réclamant leur droit sur des terres où le souvenir des populations locales était à peine conservé. Dans la plupart des
cas, aucune mixité ethnique ne fut encouragée, la spoliation des terres demeura le lot commun, jusqu’à l’extrême de la
politique d’apartheid en Afrique du Sud. Les terres furent confisquées sous prétexte que les sociétés indigènes ne
connaissaient pas la propriété.
Seule l’Asie échappa au peuplement européen, ainsi que les zones tropicales répulsives, exploitées seulement
par l’implantation de mines et plantations.
La colonisation de peuplement ne freina pas l’acculturation des peuples par un modèle politique de
domination, une conversion religieuse – avec les missionnaires-, et le démantèlement des structures des sociétés
locales.
4 – La colonisation et les tensions internationales au début du XX°siècle.
L’impérialisme de la fin du XIXe siècle est inséparable du nationalisme guerrier et xénophobe qui se
développe en Europe, bien loin des aspirations révolutionnaires de 1789 à une Europe des peuples, libres mais pas
antagonistes. Le nationalisme n’est plus synonyme de démocratie et d’aspiration libérale sur le modèle romantique des
révolutions de 1830 et 1848. Non seulement parce que des nations émergeantes sont aux mains d’institutions
IUFM de Grenoble/UJF – MES1 HG – Hervé Laly