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qui imposait à tout voyageur d’acheter la
protection des tribus installées sur des ter-
ritoires qu’il traversait. Outre le régime de
dépendancetrèsétroitqu’ilinstitue,lesys-
tèmedelakafalaaaussipourfonctionpoli-
tiqueessentielledemaintenirlemigrantdans
un statut d’étranger sans droits, y compris
celui,crucial,d’acquérirunbienensonnom
propre7.Àtraverscesystème,l’Étatdélègue
à ses citoyens des fonctions qui, dans les
autrespays,sontgénéralementendosséespar
lesbureaucraties,établissantenlieuetplace
d’un pouvoir bureaucratique, des rapports
personnelsenquelquesortelabélisésoucau-
tionnés.Lesystèmedelakafalaprévoitque
lekalouemployeur,personnephysiqueou
morale, endosse la responsabilité légale de
son employé pendant la durée du contrat.
L’employé ne peut travailler dans le pays
d’accueilquepourlecomptedel’employeur
dontildevient,de facto,dépendant.
Les régimes de kafala varient d’un pays à
l’autre,peucependantsurlepointessentiel
deladépendancepersonnelledel’employé
à son employeur et au kal, formant une
« servitude » que d’aucuns n’hésitent pas
à comparer à l’esclavage. Le kal peut
cédersesemployés,sansleurconsentement,
àd’autreskals.
En constante adaptation, sous le régime
généraldelakafala,sedéclinentaujourd’hui,
plusieurs sortes de visas : le « House »,
réservé aux employés de maison ; le
«Company»quiestunvisadecourtoisie;
le«Sponsorship by state institution»etle
« Sponsorship for business partnership »,
réservés aux entreprises. Les agences de
recrutementetintermédiairesserventdelien
entre le kal et les potentiels migrants qui
souhaitenttravaillerdanslespaysduGolfe.
Ils proposent les termes du contrat qui ne
sont généralement pas négociables (heures
de travail, salaire…) et s’occupent des
formalitésdevisaetdevoyage.
Si le système de la kafala octroie tous
les pouvoirs à l’employeur, dans le cas de
femmes hautement diplômées les choses
sont différentes. Relevant de visas de type
«sponsorship»,ellesnesontpasdansune
situationdedépendance,etmaîtrisentleurs
droits et leur statut qui gurent déjà dans
leurs visas avec l’authentication de leurs
diplômes, au moins depuis 2006 dans les
ÉmiratsArabesUnis.
Au Maroc, les contrats sont visés par le
ministère de l’Emploi et de la Formation
Professionnelle. Le département de l’Emploi
reçoitl’offre,soitdirectementdel’employeur
oudesonreprésentant,soitdel’Ambassade
dupaysd’accueilaccréditéauMaroc.Illa
transmetpourtraitement(présélectionetsé-
lectiondénitivedescandidats)àl’Agence
nationalepour lapromotiondel’emploiet
des compétences (ANAPEC). L’offre en
question est habituellement accompagnée
desautorisationsdupaysd’accueilpourle
recrutementdelamain-d’œuvremarocaine,
ainsi que d’indications générales sur les
salaires,lesconditionsdevieetdetravailet
lesdatesauxquelleslestravailleursdevront
rejoindreleurlieudetravail.
Lorsque l’offre d’emploi est nominative,
le travailleur s’est procuré un contrat de
travail par ses propres moyens, tel qu’un
contactdirectavecunemployeuràl'étran-
geroupar desrelations familialesou des
agencesprivéesderecrutement.Lecontrat
detravaildoitêtreaccompagnédel'appro-
bation des autorités compétentes du pays
d'accueil. Il doit être visé par le départe-
ment de l'Emploi et par la représentation
diplomatique du pays d'accueil accréditée
auMaroc.Lorsquelecontratconcerneune
femme,illuiestdemandéparlesautorités
des pays d’accueil, des pièces spéciques
comme un acte de mariage, une autorisa-
tionpaternelleoumaritaleetdescerticats
de«bonneconduite».
7Lakafalaestaussiunhéritagedel’économiedebazar,
lorsquel’exercicedel’activitécommercialeestsoumise
àdesrapportsdeclientèle,ausenspolitiqueduterme,
hiérarchisés,permettantauxétrangersd’exercer l’une
oul’autredesactivitésafférantaucommerce, sousla
tutelle, voire des tutelles croisées, des groupes domi-
nants[Geertz,2003].