La genèse de la Caisse de dépôt et placement (1961- 1965)

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NOTE DE
RECHERCHE
La genèse de la Caisse de
dépôt et placement (1961-
1965)
Publié à titre posthume
ANDRÉ MARIER (1932-2014)
André Marier était non seulement l’un des grands
économistes de son époque mais également l’un des
réformateurs de la Révolution tranquille. On lui doit
l’idée de la création de la Caisse de dépôt et
placement. Le GERIQ publie la communication qu’il a
présentée lors du colloque La Caisse de dépôt et
placement et le développement économique du Québec
(1965-2005) tenu à l’Université du Québec à Montréal,
le 16 mars 2006. Par respect pour M. Marier, le texte
n’a pas été retouché.
http://www.geriq.com
ISBN 978-2-89734-032-2 (PDF)
Dépôt légal Bibliothèque et Archives Canada, 2015
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D’abord, faisons le constat que, si la Révolution tranquille est
née de la volonté du gouvernement dirigé par le premier
ministre Jean Lesage de moderniser le Québec, de changer
l’ordre des choses, cette volonté n’a pu se traduire dans les
faits que par le travail coordonné d’un bon nombre de
personnes agissant dans une évidente complicité et décidées à
ne ménager aucun effort pour y arriver.
Dès la fin de 1961, le gouvernement crée le Conseil
d’orientation économique du Québec (COEQ), qu’il charge
d’élaborer « le plan d’aménagement économique de la
province, en prévoyant l’utilisation la plus complète possible de
ses ressources matérielles et humaines ». Le Conseil, sous la
direction de René Paré, a également pour mandat de «
conseiller le gouvernement, de sa propre initiative ou sur
demande, sur toute question économique ». À la suite de la
publication, le 21 septembre 1962, des « Documents de base
en vue de la planification» dont j’avais rédigé la section 3
intitulée « Les caractéristiques principales de l’économie
québécoise », le Conseil lance le projet d’une planification
quinquennale - à la française - de l’économie québécoise
devant porter sur la période 1965-1970. Les travaux
préparatoires, animés par le secrétaire du COEQ, Maurice
Joubert, devaient être réalisés par des groupes de travail dits «
verticaux » (i.e. les mines ou l’industrie laitière) et « horizontaux
» (i.e. la main-d’œuvre ou le financement), sous la coordination
d’ensemble d’un groupe dit «d’équilibre» chargé de définir la
perspective, de stimuler les groupes, de coordonner leurs
travaux et d’établir la synthèse générale. Ce groupe d’équilibre
comptait neuf membres soit : Claude Morin, Jean-Baptiste
Bergevin, Michel Bélanger, André Marier et Yvon Tremblay,
pour l’Administration gouvernementale, et les professeurs
Jacques Parizeau, Pierre Harvey, Otto Thur, des HEC, et Yves
Dubé, du département d’économique de la Faculté des
sciences sociales de Laval.
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À la même époque, le premier ministre, tenu au courant par
son ministre du Travail, René Hamel, de l’intérêt des centrales
ouvrières «pour une caisse de retraite centrale pour la
collectivité des travailleurs », avait, dans un premier temps,
demandé à Wheeler Dupont (autrefois surintendant adjoint du
Service des Assurances) de suivre de près les travaux d’un
comité ontarien d’étude sur la «transférabilité» des caisses de
retraite des employés qui passaient d’une entreprise à l’autre.
Fin 1962, M. Lesage lui demandait de former un Comité
interministériel pour étudier l’opportunité, pour le Québec, de
se doter d’un tel programme. À M. Dupont qui recherche un
économiste, Jean-Baptiste Bergevin suggère mon nom. J’étais
alors directeur des études économiques au ministère des
Richesses naturelles et j’avais terminé depuis peu la direction
du travail d’élaboration de l’argumentaire ayant servi à René
Lévesque à vendre à la population et au Conseil des ministres
la rationalisation de l’industrie de l’électricité à l’intérieur d’une
Hydro-Québec élargie à la grandeur du territoire.
Je rejoignis à ce Comité Dupont, Gérald Alain, statisticien au
ministère de l’Industrie et du Commerce et Édouard Laurent,
conseiller juridique au ministère des Finances, qui avait, en
1955, organisé l’implantation du Service de l’impôt sur le
revenu du Québec. Pendant 6 mois, ce Comité se réunit tous
les matins, recevant tous les groupes syndicaux, patronaux ou
professionnels désireux de faire valoir leurs points de vue.
Pour ma part, je rédigeais le soir le document « Vers une
politique de la vieillesse » dont je lisais, au fur et à mesure, les
pages aux collègues tous les matins aucune rencontre avec
des interlocuteurs extérieurs n’était prévue. Ce document
faisait l’analyse de la situation financière des personnes âgées
au moment de la retraite, des déficiences de la loi ontarienne
sur la «transférabilité» des caisses de retraite et de
l’insuffisance des modifications qui pourraient être apportées à
un tel système. Au début de juillet 1963, le Comité avait tiré les
conclusions qui s’imposaient : la loi ontarienne ne répondait
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pas aux exigences de la situation québécoise. Il fallait plutôt
créer un régime de rentes de retraite public, universel,
contributoire, à rentes indexées au coût de la vie et avec
protection au décès de la veuve, des orphelins et couvrant
également les invalides.
Le président du Comité était donc prêt à soumettre son rapport
au premier ministre avec optimisme puisque, affirmait-il, la
protection contre les « aléas de la vieillesse est une des neuf
branches de la sécurité sociale ». Il faut se rappeler, à cet
égard, que le gouvernement de l’époque était largement ouvert
aux changements dans le domaine social. Ainsi, le Comité
d’étude sur l’Assistance publique préconisait-il une intervention
vigoureuse dans la politique sociale : création de l’assurance
hospitalisation, d’une allocation aux femmes célibataires de 65
à 69 ans, entre autres, et d’un ministère de la Famille, dont
incidemment mon frère aîné Roger sera le premier sous-
ministre titulaire.
Avant même d’amorcer la rédaction de son rapport, Wheeler
Dupont recevait du premier ministre une demande de réactions
à un mémorandum du 21 juin qui émanait du groupe de
financement du COEQ dont les membres étaient Claude Morin,
alors conseiller économique auprès du premier ministre, Michel
Bélanger, sous-ministre adjoint au ministère des Richesses
naturelles, Jean-Baptiste Bergevin, sous-ministre adjoint au
ministère de l’Industrie et du Commerce, et Jacques Parizeau,
professeur aux HEC, qui en était le rapporteur. Ce groupe
recommandait que, dans l’hypothèse le gouvernement
adopterait une loi analogue à celle de l’Ontario, la
« transférabilité » soit assurée dans un cadre public par la
création d’une caisse publique de retraite qui devrait être
associée étroitement à la réalisation du Plan de développement
économique du Québec :
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