C L A N SOINS PALLIATIFS ET ALIMENTATION Dr Dominique Grouille Service d’Accompagnement et de Soins Palliatifs 8ème journée inter-CLAN du Limousin 23/11/2012 ENSIL - LIMOGES Définition des Soins Palliatifs (SFAP) • « Les soins palliatifs sont des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne atteinte d'une maladie grave, évolutive ou terminale. • L’objectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle. • Les soins palliatifs et l'accompagnement sont interdisciplinaires. • Ils s'adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. • La formation et le soutien des soignants et des bénévoles font partie de cette démarche. » LES PHASES DE LA MALADIE (oncologie) Nous allons surtout nous intéresser à la période palliative terminale: Les traitements curatifs (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie) sont stoppés en raison de leur inefficacité et/ou de leur intolérance L’ALIMENTATION « Concerne l’apport de nourriture qui permet à un organisme vivant de fonctionner » • Dans l’espèce humaine: – dimension symbolique = la vie – hédonique : le plaisir – familiale et sociale : partage, convivialité – culturelle : alimentations différentes selon pays, régions, etc. – religieuse : souvent festive : baptême, bar mitsva, Aïd El Fitr, etc. LA LOI LEONETTI (2005-2006) • Loi anti acharnement thérapeutique • Un traitement qui maintient artificiellement la vie (alimentation artificielle, etc.) peut être stoppé ou ne pas être entrepris : – si le malade le demande de façon réitérée – après une procédure collégiale si le malade n’est pas en capacité de décider lui même QUID DE L’ALIMENTATION ARTIFICIELLE EN PHASE PALLIATIVE TERMINALE ? Généralités • Il est plus facile de ne pas entreprendre une alimentation artificielle que de la stopper (è symbolique, etc.) ! • Raisonner en terme de rapport bénéfice/risque et de confort optimal • Alimentation et hydratation artificielles sont-elles indissociables ? Quels bénéfices de l’alimentation artificielle en Soins palliatifs terminaux (SPT) ? • prolonge la durée de vie si le malade ne mange plus (mais la qualité de vie ?) • limite l’apparition d’escarres • moindre perte de poids et meilleur maintien de l’apparence physique QUELS RISQUES ? • Sonde gastrique : • inconfort, • infection sinus, • diarrhée, • reflux, • inhalation • Gastrostomie : • geste invasif, • diarrhée, • reflux, • inhalation • Nutrition parentérale : • geste invasif pour cathéter, • infections, • surcharge liquidienne (oedèmes, encombrement respiratoire, sécrétions), • attention si métastases hépatiques : risque d’encéphalopathie • Syndrome de renutrition inapproprié (déficits ionique et vitaminiques) Comment évaluer le rapport bénéfice / risque en SPT ? • estimation de la durée de vie < 3 mois • Indice de Karnofsky < 50 % (perte d’autonomie importante) è alimentation artificielle déconseillée INDICE DE KANOFSKY Description Pourcenta ge Activité normale 100 % Critères Etat général normal - Pas de plaintes, ni signes de maladie 90 Activité normale - Symptômes mineurs Signes mineurs de maladie 80 Activité normale avec difficultés Symptômes de la maladie Incapable de travailler Séjour possible à la maison Soins personnels possibles 70 Capable de s'occuper de lui-même Incapable de travailler normalement 60 Besoin intermittent d'une assistance mais de soins médicaux fréquents 50 Besoin constant d'une assistance avec des soins médicaux fréquents Incapable de s'occuper de luimême Soins institutionnels souhaitables 40 Invalide - Besoin de soins spécifiques et d'assistance 30 Complètement invalide - Indication d'hospitalisation - Pas de risque imminent de mort 20 Très invalide - Hospitalisation nécessaire Traitement intensif 10 Moribond Etats terminaux Quel rapport bénéfice/ risque en SPT ? - En général en défaveur de l’instauration de d’une alimentation artificielle - Par contre, si elle est déjà en place, l’arrêt n’est pas systématique - L’arrêt se décide en concertation avec le malade, la famille, l’équipe et procédure collégiale si patient en incapacité - Surtout si apparaissent des signes d’intolérance (surcharge) Pédagogie des problèmes d’alimentation en SPT • Lorsque les patients n’absorbent que très peu de nourriture et de boissons, une pédagogie est nécessaire auprès des familles et des équipes • Expliquer que le malade ne meurt pas « de faim » ou « de soif » mais de sa maladie même si c’est dans un contexte de dénutrition et de déshydratation*: * Il va mourir de faim, il va mourir de soif, que répondre? Fiche pratique SFAP et SFGG, 2007, www.sfap.org • Expliquer que le confort du malade n’en est pas affecté et même amélioré: • les patients se plaignent très rarement de la faim ou de la soif • moins d’encombrement de fin de vie, d’œdèmes, de vomissements dans les carcinoses péritonéales, etc. • pas plus d’escarres avec les matelas adaptés Quels types d’alimentation en SPT? • « alimentation plaisir » orale • le but n’est plus du domaine de la nutrition efficace ni du respect d’un régime • essayer de donner au malade tout ce qui lui fait envie • même si c’est en très petite quantité • soigner la présentation (verrines, etc.) • continuer les compléments alimentaires • toujours proposer, ne jamais « forcer » è pédagogie famille Et en cas de fausses routes ? • alimentation lisse et liquides épaissis • importance de la position du patient pour absorber • verre à encoche nasale, paille • si plaisir et fausses routes peu nombreuses : prendre le risque de continuer voie orale (è pédagogie famille, équipes) Alimentation et hydratation artificielles • Certains experts préconisent de ne pas dissocier alimentation et hydratation artificielles*è l’arrêt de l’un implique l’arrêt de l’autre • Mais discuté *Devalois B, Gineston L, Leys A. Controverse « Peut-on ou non discuter d’un éventuel arrêt de la nutrition/ hydratation médicalement assistée ou doit-on les considérer comme de soins « de base » ? ». Med Pal 2008; 7 : 222-228 • Pourquoi ne pas hydrater un malade qui ne prend plus rien par la bouche ? • si pas de signe de surcharge • si affection intercurrente • ou projet personnel : – visite – évènement (anniversaire, etc.) – sortie temporaire, – retour à domicile, etc. • Mais volumes d’hydratation plus faibles: 500 à 1000 ml /24 h (attention aux « perfusettes » !) • car il existe une rétention et une production endogène d’eau en fin de vie* • et un lien avec l’encombrement pulm. ** * Vinay P, Daneault S, Seck M, Gagnon L, Baass A, Petitclerc C. Physiologie du mourir : sécrétion accrue d’ADH en fin de vie. Med Pal 2011 ; 10 : 137-143. ** Vinay P, Daneault S, Belleau L, Dallaire M, Gagnon L. Des râles en fin de vie : une analyse biodynamique. Med pal 2008 ; 7 : 9-17. Cas clinique N° 1: • Mr D Alain 50 ans • récidive de cancer ORL avec métastases pulmonaires, en abstention thérapeutique • nourri exclusivement par gastrostomie • Aggravation rapide • confusion, agitation • arrache sa sonde de gastrostomie • faut-il la remettre en place? • comment décider ? Procédure collégiale : • PH, Interne, IDE, Kiné, AS • avis des 2 sœurs recueilli • décision de stopper la nutrition artificielle • de maintenir une hydratation artificielle jusqu’à l’apparition de signes de surcharge • de renforcer les soins de confort • malheureusement décès 2 jours plus tard Cas clinique N° 2 • Mr T Philippe 45 ans • cancer du poumon métastatique en abstention thérapeutique • alimentation parentérale sur son site mise en place avant les chimiothérapies • et alimentation orale légère • aggravation • confus • dénutrition malgré la nutrition parentérale • infections répétées è suspension nutrition • encombrement respiratoire • faut-il reprendre la nutrition artificielle? • comment décider ? Procédure collégiale • PH, Interne, cadre de santé, IDE, AS • avis de l’épouse recueilli • décision de ne pas reprendre la nutrition parentérale • de poursuivre l’alimentation plaisir • et de renforcer les soins de confort • décès 5 jours plus tard Merci de votre attention Avez-vous d’autres questions?