Dossier pédagogique 7… In la Mancha Pépito Matéo

publicité
Dossier pédagogique
7… In la Mancha
Pépito Matéo
Avant la représentation
Ce dossier pédagogique propose plusieurs types d’exercice et une présentation progressive de Pépito Matéo, de
son travail et du spectacle 7… In la Mancha.
Ces exercices peuvent prendre différentes formes : soit sur une séance (de deux heures, pour prendre son temps)
faire un travail sur table avec des jeux d’élèves, soit sur plusieurs séances avec un travail de collecte de paroles
donné à faire aux élèves durant un weekend par exemple (cf. partie 3. Le spectacle 7… In la Mancha.)
1. Premières approches du spectacle
Le titre :
- à quoi peut-il faire référence ?
- est-il écrit en français ?
- Le titre est en espagnol. Connaissez-vous un autre personnage venu « de la Manche » en
Espagne ?
Si les élèves parviennent à nommer Don Quichotte, poursuivre la réflexion : qu’est-ce qui caractérise
Don Quichotte ? Pourquoi proposer un spectacle en référence à Don Quichotte ?
Si les élèves réagissent bien, tirer du côté de la folie, de l’inadaptation de Don Quichotte à l’époque
dans laquelle il vit et laisser la discussion en l’état pour l’instant.
2. Un spectacle de conte
Sans dire aux élèves qu’on a affaire à un conteur, passer par la vidéo. (Vidéo : 10:42 min)
Voici une vidéo qui présente l’artiste, que comprenez-vous de son travail, que dit-il ?
http://www.dailymotion.com/video/x1q1s1_pepito-mateo_creation
Recueillir les points de vue des élèves. Attendre les remarques suivantes, ou recadrer la discussion en
direction de :
1
- il est seul sur scène
- il est drôle, il fait preuve d’humour
- travail sur l’imaginaire
- travail sur le corps
- il explique son travail
- jeu sur la langue : imaginer que la blessure (le panaris) devient une chose à part entière
- dédoublement : il est à la fois celui qui raconte et le personnage raconté qui devient
autonome
Demander aux élèves ce que fait cet homme. Du théâtre ? Du stand-up ?
Rebondir sur la question de l’imaginaire et de la solitude (en scène) pour arriver à une conclusion
générique : ce que fait cet acteur, Pépito Matéo, c’est du conte.
Il est possible d’ouvrir sur un travail générique sur le conte.
Quels contes connaissez-vous ?
Qui a déjà vu un conteur ? (à l’école, dans une bibliothèque…) En quoi est-ce différent des contes de
fées que vous connaissez ?
Le conte est-il une pratique contemporaine ?
 L’idée est d’obtenir des élèves des discours admettant que le conte peut être une pratique
contemporaine, et que cette pratique est différente des contes très connus de Perrault ou de Grimm.
Ensuite, tenter de nommer la différence : elle est thématique (époque différente), idéologique (visées
différentes, pas forcément dans la distinction du bien et du mal, ou dans l’apprentissage), formelle :
les conteurs contemporains travaillent majoritairement sur la parole et le contact avec le public.
 D’ailleurs, le terme de conte renvoie au fait de raconter, à l’oralité.
(Etre attentif à tous les élèves, si certains ont entendu des conteurs, les laisser expliquer ce que c’est,
et les trucs qu’emploient les conteurs pour attirer l’attention du public)
Leur montrer la vidéo suivante (5:05 min)
https://www.youtube.com/watch?v=-Fa3EThRVEU
2
Recueillir les commentaires des élèves sur cette vidéo (extraits de spectacle et interview de Pépito
Matéo).
3. Le spectacle 7… In la Mancha
- Le travail du corps
D’après ce que les élèves ont vu de Pépito Matéo, comment travaille-t-il ?
Dans la première vidéo, il insiste sur l’importance du passage par le corps, la façon dont le corps imite
des objets et produit des sensations. Il souligne particulièrement l’importance du travail sur les mots
« comment les mots procurent des perceptions et comment le corps se met à vivre ces mots-là en
créant des images qui deviennent presque des plans de parole ».
Il témoigne dans cette vidéo de la façon dont le travail d’Emile Noël l’a influencé. Emile Noël est acteur,
directeur de la troupe de théâtre « Atelier actuel », il s’intéresse aux arts de la parole. Son travail est
axé sur le fait que la parole soit le vecteur d’un ensemble d’influences issues à la fois de l’intérieur de
l’être et de l’extérieur ; la parole et le corps témoignent de ces influences multiples. Il invite à porter
attention à la façon dont notre corps habite le monde et le dit, en accordant plus d’importance aux
sensations physiques, à la conscience d’appartenir au monde.
Pépito Matéo met également en opposition la façon dont les gestes dessinent un univers imaginaire
et la façon dont le regard accompagne, comme une caméra, le récit qu’il construit.
« Avoir avec son corps et ses perceptions la possibilité d’inventer une écriture du corps. »
 Exercice : après visionnage de la vidéo et des explications (après les explications
précédentes, il est possible de passer par un second visionnage – jusqu’à 7:15 –), demander
aux élèves de réfléchir à une histoire et à la façon de la mimer en suivant les conseils de
Pépito Matéo. Proposer à des élèves volontaires de montrer le travail accompli, s’ils en ont
envie.
 Si vous désirez consacrer plus de temps à la préparation de ce travail et au jeu des élèves,
passer par des exercices debout : échauffement des élèves, claquement des mains en rythme,
échauffements de la voix, bruitages. Le passage par des exercices collectifs permet de
désinhiber les élèves, et le travail sur une rythmique permet de les faire se concentrer et
s’écouter les uns les autres.
 Il travaille à partir du corps et de l’imaginaire
Passer par un visionnage de la deuxième vidéo ; observer la relation du conteur au public.
Demander :
- Que raconte Pépito Matéo dans les passages de spectacle et dans les passages d’interview ?
- Comment nommeriez-vous sa pratique ?
- A quoi l’oppose-t-il ?
- Est-ce un conte habituel pour vous ? Pourquoi ?
- Est-ce que c’est intéressant ? Pourquoi ?
 Il travaille à partir de sa propre histoire et la fait évoluer en rêverie merveilleuse.
 Il est possible de proposer aux élèves d’inventer leur histoire sur le modèle de ce qu’ils ont entendu
dans cette vidéo, pour le plaisir de jouer avec l’imaginaire. Passer par un autre exemple imaginé par
le professeur et transformé de façon merveilleuse (récit de l’arrivée à l’établissement qui passe par
des accidents, du fantastique…)
3
- Histoire du texte
Au fil de sa carrière de conteur, Pépito Matéo souligne qu’il travaille de deux façons différentes
pour construire ses spectacles : soit il fait un travail de collecte (c’est le cas par exemple pour le
spectacle Urgences issu d’une collecte de paroles effectuées à l’hôpital), soit il se donne des
contraintes d’écriture.
Expliquer aux élèves ce qu’est un travail de collecte de la parole ; leur demander quel est selon
eux l’intérêt de cette collecte.
Proposition d’exercice sur deux séances :
 Exercice à faire à la maison : après avoir présenté le travail de Pépito Matéo et
éventuellement avant de présenter précisément le spectacle 7… In la Mancha.
Durant le weekend, essayer d’écouter la façon dont parlent leurs parents, leurs frères et
sœurs, leurs grands-parents, de choisir parmi leur entourage quelqu’un qui a un tic de langue
particulier, et leur demander de transcrire ses paroles, soit directement, soit sous la forme
d’une histoire racontée.
Si l’ambiance de classe le permet, passer par une restitution des travaux des élèves
volontaires.
 Leur demander en classe ce qu’ils ont pensé de cet exercice. Voir si les élèves parviennent
à dire si ce travail les a émus, s’ils ont pu découvrir des aspects de leur entourage qu’ils ne
voyaient pas avant…
Reprise sur l’intérêt de la collecte de parole.
Expliquer ensuite ce qu’est une contrainte d’écriture, et chercher avec les élèves quels peuvent
être les intérêts d’une écriture à contraintes.
Distribuer aux élèves l’extrait suivant de l’introduction tirée du livre Pépito Matéo raconte 7
[monologues], paru chez Paradox dans la collection « Conteur en scène », Paris, 2013, pp. 4-7, et qui
fonctionne comme note d’intention pour ce spectacle :
C’est d’abord une rencontre avec les « fous littéraires » […] qui a été le déclic.
[…] [Les fous littéraires sont des auteurs qui ont publié leurs ouvrages et n’ont
jamais obtenu aucune reconnaissance du public ou de la critique, publiant à
compte d’auteur et traitant des sujets surprenants. Ce sont également des
personnes souffrant d’un dérèglement de la fonction langagière qui peut aller
soit vers le délire et la « salade de mots », soit vers l'accumulation de formules
pauvres et stéréotypées]
La plupart de ces fous littéraires se sont édités eux-mêmes ou dans des éditions
marginales ou inconnues. […]
Ce sont des solitaires qui n’ont pas fait école et qui ont imposé leurs travaux
avec une pugnacité et une colère, seuls contre tous à la limite de la folie.
Ils prennent la parole pour rêver debout… avec de l’impertinence, de la
provocation, un côté absurde proche de la poésie, une envie de transformer la
réalité. […]
En tant que conteur, j’ai donc décidé de m’en inspirer en élargissant le propos
à l’oralité de gens décalés et marginaux d’aujourd’hui, de ceux qui se racontent
des histoires pour tenir debout face à l’absurdité de ce qu’ils vivent. Intéressé
par les façons étranges de s’exprimer, j’ai conservé des fous littéraires l’idée de
langages estropiés, pas adaptés, ou simplement imaginaires et poétiques.
4
J’ai eu envie, comme une évidence, de mettre ces personnages en avant… Non
plus cette fois à la manière du conteur qui parle d’eux, mais en les laissant
parler par eux-mêmes, comme un acteur.
Pour cela je me suis imposé une règle du jeu en 7 contraintes.
- Je suis parti de 7 silhouettes repérées dans mon entourage, 7 solitudes de
personnes à côté de la société et dont le comportement mystérieux me
questionne depuis longtemps.
- Pour 7 écritures de formes monologuées afin de raconter 7 histoires ou
scenarii de vies décalées à la première personne comme pour des confessions
solitaires. […]
- J’ai sélectionné 7 problématiques langagières, car, comme chez les fous
littéraires, les personnages ne disent pas les choses comme tout un chacun
[glossolalie, débit automatique, dialogue de sourds, un mot pour un autre,
langage en collision, en notice explicative, en étymologies…].
- J’ai donné à mes doubles de papier 7 résonances avec des archétypes
littéraires ou mythologiques (comme des prolongements plus ou moins odieux
ou refoulés ou qui interrogent nos peurs) pour les rendre universels :
Frankenstein, Dr Jekyll et Mister Hyde, Diogène, Barbe bleue, Antigone, Don
Quichotte, Samsa de la Métamorphose de Kafka.
- 7 situations absurdes dans des lieux fermés, sortes de bulles où l’adresse au
public sera comme un malentendu : face à un paravent, dans le bureau d’un
psy, dans un taxi, dans un cimetière, une laverie automatique, un appartement
sans meubles, devant un miroir…
- 7 péchés capitaux pour ce qui est de nos débordements et de nos normalités
monstrueusement adaptées : colère, luxure, envie, paresse, gourmandise,
avarice, orgueil. […]
Distribuer aux élèves l’extrait de texte suivant, tiré du même livre (texte du spectacle), p. 37 :
Ola, ne m’accroche pas croc-là, tu m’écrassouillerais comme un accoustique
avec ton grossissement…
Tu pieux m’étendre ce que je te dire ? Jouite ou nonte ?
Ah je fois, je te décroutes, du m’entrouvres rescugnant comme toucheuxlàzotes avec mes malmorfaçons, mes patapates qui m’ont épousseté et mon
acaparace de cafard mi-homme… !
Que dit-il ?
Comment le dit-il ?
 Une fois que le système de déformation des mots est compris, il est possible de demander
aux élèves de déformer de la même façon l’histoire qu’ils ont construite au début.
Le but est de les faire jouer avec les mots, de leur montrer le plaisir qu’il y a dans ce jeu.
 Leur faire dire face aux autres afin de voir si l’histoire peut être comprise, ce qu’apporte
ce détournement des mots.
Penser aussi que ce discours est la transposition d’un discours recueilli.
Penser aux représentations de marginaux, à la solitude de ce langage, à l’effroi qu’une rencontre de ce
type peut provoquer.
5
Réfléchir avec les élèves à l’aspect poétique qui peut se dégager de ces déformations de mots.
Penser à la façon dont ce peut être dit à un public.
Ecouter ensuite la présentation suivante du spectacle
https://www.youtube.com/watch?v=FWwUdCuItlk
Interview réalisée par TVFIL78, la télé locale de Saint-Quentin-en-Yvelines.
- La dramaturgie
D’après ce que vous avez lu de la note d’intention et vu des spectacles de Pépito Matéo, comment
peut se dérouler le spectacle ?
Comment et à qui le texte sera-t-il dit ?
De quoi aura-t-il besoin en fait de décors ?
Après la représentation
- Retours sur le spectacle et son aspect collectif
Reprendre les questions sur la dramaturgie :
Comment et à qui le texte a-t-il été dit ?
Est-ce que les spectateurs jouaient ou participaient ?
Est-ce que le conteur entendait le public ? (partir de cette observation-là pour signaler que même dans
les pièces où la dramaturgie repose sur le « quatrième mur », comme si les comédiens ne voyaient pas
le public, les acteurs entendent bien tous les bruits de la salle, et sont gênés si on ne les écoute pas,
voient les écrans de portable qui s’allument…)
Quels étaient les décors ? D’autres décors étaient-ils imaginables ou utiles ?
Comment le conteur est-il passé d’un personnage à l’autre ? Etes-vous d’accord avec la façon dont il
l’explique ici :
Qui sont vos personnages ? Comment les incarnez-vous ? Comment passezvous de l’un à l’autre ?
J’ai construit une série de rencontre, et ai transformé cette parole en récits
insérés.
6
Je pars donc des personnages de fous littéraires que je rencontre et je bascule
dans le personnage.
La présence du magnétophone permet de montrer la dramaturgie qui se
construit progressivement, les personnages qui viennent au cours de la
discussion.
Le passage à un personnage se fait par glissement, puis s’opère un retour à la
place du conteur, qui perdure comme exécutant, qui met en scène ces
personnages de fous littéraires.
Je rappelle l’importance du travail sur le chiffre 7, qui est un chiffre symbolique,
important.
J’ai dû réenvisager ce spectacle en tant que conteur, travailler sur la
construction de ma parole. Comme un auteur qui ferait venir les gens dans sa
boutique, je dois montrer de quoi je parle.
J’incarne les personnages en laissant venir chacun d’eux par le langage.
Vous savez, les conteurs sont pleins d’histoire, parfois on ignore ce que le
personnage va dire. Des interruptions ont lieu.
Un travail a lieu sur la lumière, qui est parfois gratuit, qui ne sert pas le passage
à un autre personnage. Je voulais à tout prix conserver l’importance du
glissement.
(Propos recueillis par Mathilde Aubague, Avignon le 14 juillet 2015)
- La résonance
Pendant et surtout après une représentation théâtrale a lieu un phénomène que l’on nomme la
résonance, c’est la façon dont le texte résonne en nous, dont nous le recevons et lui donnons un sens.
Penser aux sensations, aux émotions, à ce qui a été compris de l’histoire pendant le spectacle.
Faire témoigner les élèves.
Eventuellement passer par le dessin : est-ce qu’on en reste à un homme seul, figurant le conteur ou
est-ce qu’on crée une représentation du dialogue à travers deux personnages, dans les situations qu’il
a évoquées ?
Autre aspect de la résonance : les émotions
Quelles émotions avez-vous ressenties pendant le spectacle ? De la compassion, de la tristesse, de la
joie, du plaisir ?
Cette résonance aurait-elle pu avoir lieu de la même façon lors d’un visionnage vidéo ?
Quelle différence marque le théâtre vivant dans l’expérience qu’ils en ont faite avec un théâtre
filmé ? (comparer avec le Stand-up, les one-man-shows qu’ils ont certainement déjà vus en rediffusion
télévisuelle).
- Le conte : sa puissance, ses fonctions
Il faut que les élèves commentent la langue employée par le conteur, ses particularités, ses effets.
Après les avoir laissé parler, leur faire lire cet extrait (même interview que la précédente) :
Pourquoi travailler sur la marginalité ?
Je suis touché par l’étrange, l’étrangeté (mon père n’avait pas un usage parfait
du français, qui nous faisait rire, mais qui m’émeut, il lui arrivait parfois de dire
« bache » pour « vache » ; au-delà du rire, ce jeu sur la langue est riche de
sens).
7
J’aime travailler sur l’oreille, sur les mots mal compris. L’école peut être ça
aussi, un travail sur les langues sous-jacentes au français, qui constituent un
champ d’étonnement fabuleux.
Les fous littéraires ont une parole hors norme, et c’était mon but : faire entendre
des gens qu’on n’entend pas bien, en ajoutant à ce vœu des contraintes
d’écritures.
Ce spectacle est un exercice sur les contraintes du « mal dire », du « mal parler
», de ces mots qu’on entend dans la rue mais que l’on n’écoute pas, et qui sont
source de poésie et d’étonnement.
- Différence entre le théâtre et le conte
Pour fixer les différences génériques faire formuler aux élèves les distinctions qu’ils ont dégagées entre
le conte et le théâtre :
- La solitude
- La possibilité de modifier les choses
- Le jeu sur la langue, sur les mots et sur l’imaginaire : plus grande liberté dans la progression
du récit
Comparer avec d’autres pratiques théâtrales : une part de canevas et une part d’improvisation comme
dans la Commedia dell’Arte
- Liberté de mêler les lieux, les temporalités, fantastique
- Passage par le mime
- Prise à partie du public
Dossier réalisé par Mathilde Aubague, professeur missionnée
8
Téléchargement