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J’ai eu envie, comme une évidence, de mettre ces personnages en avant… Non
plus cette fois à la manière du conteur qui parle d’eux, mais en les laissant
parler par eux-mêmes, comme un acteur.
Pour cela je me suis imposé une règle du jeu en 7 contraintes.
- Je suis parti de 7 silhouettes repérées dans mon entourage, 7 solitudes de
personnes à côté de la société et dont le comportement mystérieux me
questionne depuis longtemps.
- Pour 7 écritures de formes monologuées afin de raconter 7 histoires ou
scenarii de vies décalées à la première personne comme pour des confessions
solitaires. […]
- J’ai sélectionné 7 problématiques langagières, car, comme chez les fous
littéraires, les personnages ne disent pas les choses comme tout un chacun
[glossolalie, débit automatique, dialogue de sourds, un mot pour un autre,
langage en collision, en notice explicative, en étymologies…].
- J’ai donné à mes doubles de papier 7 résonances avec des archétypes
littéraires ou mythologiques (comme des prolongements plus ou moins odieux
ou refoulés ou qui interrogent nos peurs) pour les rendre universels :
Frankenstein, Dr Jekyll et Mister Hyde, Diogène, Barbe bleue, Antigone, Don
Quichotte, Samsa de la Métamorphose de Kafka.
- 7 situations absurdes dans des lieux fermés, sortes de bulles où l’adresse au
public sera comme un malentendu : face à un paravent, dans le bureau d’un
psy, dans un taxi, dans un cimetière, une laverie automatique, un appartement
sans meubles, devant un miroir…
- 7 péchés capitaux pour ce qui est de nos débordements et de nos normalités
monstrueusement adaptées : colère, luxure, envie, paresse, gourmandise,
avarice, orgueil. […]
Distribuer aux élèves l’extrait de texte suivant, tiré du même livre (texte du spectacle), p. 37 :
Ola, ne m’accroche pas croc-là, tu m’écrassouillerais comme un accoustique
avec ton grossissement…
Tu pieux m’étendre ce que je te dire ? Jouite ou nonte ?
Ah je fois, je te décroutes, du m’entrouvres rescugnant comme toucheux-
làzotes avec mes malmorfaçons, mes patapates qui m’ont épousseté et mon
acaparace de cafard mi-homme… !
Que dit-il ?
Comment le dit-il ?
Une fois que le système de déformation des mots est compris, il est possible de demander
aux élèves de déformer de la même façon l’histoire qu’ils ont construite au début.
Le but est de les faire jouer avec les mots, de leur montrer le plaisir qu’il y a dans ce jeu.
Leur faire dire face aux autres afin de voir si l’histoire peut être comprise, ce qu’apporte
ce détournement des mots.
Penser aussi que ce discours est la transposition d’un discours recueilli.
Penser aux représentations de marginaux, à la solitude de ce langage, à l’effroi qu’une rencontre de ce
type peut provoquer.