Introduction
Dans le cadre de son engagement en faveur
de l’abolition universelle de la peine de mort,
la FIDH entreprend des missions internationales
d’enquête dans les pays où cette peine inhumaine
est encore appliquée. Ces missions ont 4 objectifs :
(1) stigmatiser ce châtiment que 91 pays ont
aboli en droit, que 11 pays ont aboli pour tous
les crimes sauf les crimes exceptionnels, tels que
ceux commis en temps de guerre et que 35 pays
maintiennent dans les textes, mais qui n’ont pro-
cédé à aucune exécution depuis dix ans ou plus
(abolitionnistes de facto);(2) montrer que géné-
ralement, les prisonniers condamnés à mort ou
exécutés dans le monde n’ont pas bénéficié de
« procès équitables », au sens de la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme et du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques,
ce qui rend leur exécution plus inacceptable
encore. Ces missions d’enquête ont aussi pour
objectif (3) de faire la lumière et de dénoncer
les conditions d’existence des détenus dans le
couloir de la mort, de leur condamnation à leur
exécution. La situation de ces détenus équivaut
en effet souvent à un «traitement cruel, inhumain
et dégradant », interdit par le droit international
des droits de l’Homme. (4) En menant de telles
missions d’enquête, la FIDH cherche à formuler
des recommandations aux autorités des pays
concernés ainsi qu’aux acteurs pertinents,
dans un esprit de dialogue et afin de soutenir,
dans la mesure du possible, leurs efforts
en faveur de l’abolition de la peine de mort
ou à tout le moins, en faveur de l’adoption
d’un moratoire sur les exécutions.
Le présent rapport est le fruit d’une mission
internationale d’enquête menée à Tokyo
du 25 juillet au 3 août 2008. Une précédente
mission d’enquête sur la peine de mort avait été
conduite par la FIDH à Tokyo en octobre 2002,
laquelle avait donné lieu à un rapport publié
en mai 2003 (voir en annexe les recommandations
formulées dans ce rapport). Il s’agissait cette
fois-ci de vérifier la mise en œuvre des recom-
mandations faites dans ce rapport, et de prendre
la mesure de l’évolution du Japon au regard
de la question de la peine de mort. Le présent
rapport rend compte de cette mission de suivi,
menée également par trois chargés de mission
– Dan Van Raemdonck, professeur de linguistique
aux universités de Bruxelles et Vice-Président de
la FIDH ; Florence Bellivier, professeur de droit
à l’université Paris X-Nanterre et Secrétaire
générale de la FIDH, en charge de la question
de la peine de mort ; et Jia-Zhen Wu, membre
du bureau exécutif de la Taiwan Association
for Human Rights, membre de la FIDH.
La FIDH souhaite remercier sincèrement l’asso-
ciation Center for Prisoners Rights (CPR) pour son
soutien constant à la préparation de la mission
et durant celle-ci, ainsi que Forum 90 Calling
for Ratification of the Second Optional Protocol
to ICCPR,Amnesty International Japan et la
Japan Federation of Bar Associations (JFBA)
pour leur coopération précieuse. Elle souhaite
également exprimer toute sa gratitude à la tra-
ductrice qui lui a permis de procéder à toutes
les entrevues désirées.
Comme déjà observé en 2002, dans l’ignorance
ou le mépris de l’opinion mondiale, le Japon
continue en effet à condamner à mort des
criminels, au surplus dans des conditions contes-
tables, à les enfermer pendant des décennies
dans des prisons où règnent la terreur et
l’isolement. Ces conditions restent contraires
à la dignité humaine. Par rapport à il y a 6 ans,
le rythme des exécutions s’est accéléré, avec
un record pour le dernier ministre de la Justice,
Hatoyama Kunio (13 exécutions en 10 mois),
récemment remplacé lors du remaniement minis-
tériel de fin juillet–début août.
Comme en 2002, la coopération des autorités
japonaises avec la mission de la FIDH n’a pas
été pleinement satisfaisante. Le ministre de la
Justice n’a pas donné suite aux demandes de
rendez-vous des chargés de mission. La mission
n’a pu rencontrer que des hauts fonctionnaires
du ministère de la Justice. Ces derniers nous ont
fait remarquer que l’on ne procédait plus aux
exécutions seulement entre deux sessions par-
lementaires ou en période de congés publics
et politiques, ce qu’avait épinglé le précédent
rapport, reprochant au pouvoir en place de tout
faire pour étouffer le débat. Avec un cynisme
à peine dissimulé, ces fonctionnaires nous ont
signalé que depuis lors, les exécutions avaient
lieu durant toute l’année, ce qui constituait
donc, selon eux, une réponse positive aux
recommandations du rapport.
Par ailleurs, la Cour Suprême a refusé de rencon-
trer la mission, se bornant à envoyer quelques
données brutes, qu’il a été demandé à la mission
d’inclure dans le rapport. Dans la mesure où
il n’a pas été possible de discuter ces données
FIDH - La peine de mort au Japon : la loi du silence / 5