Clinique de la dyslexie
Catherine Billard - Centre référent sur les troubles des apprentissages, Hôpital Bicêtre
Résumé
La dyslexie est un trouble de l’acquisition de la lecture avéré, durable, inattendu qui
survient chez un enfant intelligent, dans des conditions d’apprentissages « normales », sans
pathologie sensorielle, psychiatrique ou neurologique lésionnelle. La dysorthographie est son
corollaire quasi constant. Dans le vaste problème des difficultés scolaires, la dyslexie
représente les troubles de la lecture liés à un dysfonctionnement rébral qui a été mis en
évidence par les progrès considérables des neurosciences en imagerie ou génétique. Malgré
cela, il n’est pas aujourd’hui de diagnostic possible de la dyslexie par un examen
complémentaire si sophistiqué soit-il. Le diagnostic repose sur l’examen clinique donnant
toute son importance à la symptomatologie. Optimiser la prise en charge de l’enfant
dyslexique est un enjeu essentiel aujourd’hui possible grâce aux connaissances des bases
cognitives et à la mobilisation des acteurs. Connaître la symptomatologie est donc essentiel
pour que le médecin de l’enfant assure la coordination et harmonisation de la pédagogie et des
soins et puisse guider les parents.
Summary
Dyslexia is characterized by a severe, persistent reading disorder occurring in an
intelligent child. In the large field of learning disabilities, dyslexia is related to a cerebral
dysfunction well described with Imagery and genetic studies. Nevertheless the diagnosis of
dyslexia cannot be done by another way than clinical symptoms. Optimizing the management
of children with dyslexia is a critical issue and is now possible, thanks to the improvement of
neurosciences data and the mobilization of the key stakeholders. The knowledge of the
precise symptoms is essential in order to lead the child’s doctor able to improve coordination
and harmonization of teaching and care and guidance of parents.
Mots clés : dyslexie – troubles de la lecture – enfant – traitement-
Key words : dyslexia-reading disorder-child- treatment
La dyslexie est un trouble de l’acquisition de la lecture avéré, durable, inattendu qui
survient chez un enfant intelligent, dans des conditions d’apprentissages « normales », sans
pathologie sensorielle, psychiatrique ou neurologique lésionnelle. La dysorthographie est son
corollaire quasi constant. Dans le vaste problème des difficultés scolaires, la dyslexie
représente les troubles de la lecture liés à un dysfonctionnement rébral qui a été mis en
évidence par les progrès considérables des neurosciences en imagerie ou génétique [1,2,3].
Malgré cela, il n’est pas aujourd’hui de diagnostic possible de la dyslexie par un examen
complémentaire si sophistiqué soit-il. Le diagnostic repose sur l’examen clinique donnant
toute son importance à la sémiologie. Le médecin de l’enfant est le prescripteur des soins
orthophoniques, que nécessite tout enfant dyslexique. Connaître la symptomatologie est donc
essentiel pour que la prescription médicale soit éclairée, qu’il puisse suivre l’évolution de
l’enfant et réajuster ces soins, enfin guider les parents.
Dyslexie et apprentissages de la lecture : les enjeux
Les compétences en lecture sont influencées par plusieurs facteurs intriqués que l’on peut
classer en 2 grandes catégories :
- intrinsèques à l’enfant : compétences cognitives spécifiques au langage écrit que
reverrons en détail, compétences intellectuelles globales, équilibre psychoaffectif…
- extrinsèques : pédagogiques mais aussi environnementaux socioculturels,
linguistiques.
La dyslexie représente le trouble de l’acquisition de la lecture lié au déficit des compétences
cognitives qui lui sont spécifiques. Elle est le trouble spécifique des apprentissages le mieux
connu [1]. Même si elle ne résume pas le problème de l’illettrisme, elle fournit un modèle très
utile pour le combattre.
Lire, écrire, compter sont autant d’acquisitions absolument indispensables dans nos sociétés
occidentales. Le pourcentage d’enfants qui, en fin de primaire n’ont pas acquis les
fondamentaux en lecture et orthographe reste élevé, voire s’aggrave dans les environnements
défavorisés [4,5,6,7]. La prise en charge optimale de tout enfant en difficultés pour apprendre
à lire ne peut se concevoir que dans une coordination de tous les professionnels concernés.
Ces professionnels appartiennent à plusieurs disciplines du monde de l’éducation, des
sciences humaines et de la santé, dont la concertation est indispensable à un programme
efficace. Il en est de même pour les troubles spécifiques d’acquisition du langage écrit que
représente la dyslexie. En témoigne le Plan d’Action réalisé en 2000 en faveur des enfants
atteints de troubles du langage qui a réuni les recommandations de 4 ministères, Education
nationale, Santé, Recherche et Handicap. Dix années après ce plan, beaucoup de progrès ont
été réalisés. Mais il reste encore beaucoup à faire, pour que l’objectif, qui n’est pourtant pas
utopique, une lecture « fonctionnelle » et une écriture lisible pour tous se réalise. L’enfant
pourra alors, même s’il garde des séquelles, utiliser ses talents pour une vie sociale épanouie
et harmonieuse et une vie professionnelle assurée. Réaliser, aussi, de sérieuses économies à
long terme pour la société.
Malgré une mobilisation et un intérêt réels des enseignants, la réponse pédagogique de
première intention ne répond pas encore (ou pas assez) aux recommandations de la littérature
internationale en terme de spécificité et d’intensité [1,3,8,9]. Or, les programmes
pédagogiques intensifs, obéissant aux recommandations scientifiques, ont montré qu’une
partie des enfants mauvais lecteurs (30 à 50%) pouvaient, à ce prix, retrouver un niveau de
lecture proche de leurs pairs [3,9].
Les adaptations pédagogiques et l’utilisation des compensations sont encore trop précaires.
Les rééducations orthophoniques restent encore souvent insuffisantes ou imparfaitement
sélectionnées, insuffisamment évaluées et leur coordination avec la pédagogie insuffisamment
développée. La prise en compte des troubles associés (psychopathologiques, attentionnels,
touchant le graphisme ou le calcul) est difficile et les référentiels manquent. Tout ceci n’a rien
à voir avec un désinvestissement ou une ignorance des professionnels mais est lié à la
complexité du problème et à la difficulté d’assurer une concertation coûteuse en temps. Au
centre de cette concertation, le médecin de l’enfant a manqué de formation initiale et continue
pour aborder ce champ pourtant si important de la pédiatrie qu’on pourrait appeler « sociale »,
champ large, complexe, nécessitant des consultations longues, peu valorisées. Or il est le
prescripteur des soins, il est l’interlocuteur privilégié de la famille, qu’il connaît souvent sous
tous ces aspects, donc le mieux placé pour voir l’enfant dans sa globalité et pouvoir échanger
avec les orthophonistes au centre des soins rééducatifs et les médecins/psychologues scolaires
qui font le lien avec les enseignants.
Les préalables
Connaître clairement la définition de la dyslexie… et ses limites
La dyslexie, qui ne résume pas les troubles d’apprentissage de la lecture, est un trouble de
l’acquisition de la lecture avéré, durable, inattendu [1,10,11]. Il survient chez un enfant
intelligent, dans des conditions d’apprentissages « normales », sans trouble majeur sensoriel
(vision et audition), psychiatrique et sans pathologie neurologique lésionnelle identifiable. La
dysorthographie est son corollaire quasi constant. Cette définition est claire.
En même temps il persiste dans cette définition des ambiguïtés, principalement sur les
adjectifs.
-avéré. On ne peut affirmer qu’un trouble est avéré qu’en ramenant le niveau de l’enfant à
celui attendu. Un test de lecture et d’orthographe étalonné sera donc une partie essentielle de
l’examen « neurologique » de l’enfant dans ce contexte. Il en existe et les médecins doivent
les connaître, savoir les effectuer et interpréter (Annexe 1). Comme les enfants ne se classent
pas en 2 catégories distinctes : soit normaux (en lecture), soit dyslexiques, mais qu’il existe un
continuum, le seuil pour définir le trouble dépendra du choix du test (chronométré ou non,
avec sens ou non) et de l’âge de l’enfant.
-durable : on ne peut affirmer la durabilité qu’après un certain temps d’apprentissage. Dix
huit mois à 2 ans. Ceci ne veut pas dire qu’il faut attendre ce temps sans rien faire. L’aide
pédagogique dès le CP, voire même les actions préventives à l’école en maternelle sont
possibles et essentielles. Il y a des indications de soins associés à cette réponse pédagogique
dès le CP.
-inattendue : les médecins sont habitués à vérifier l’audition et la vision de l’enfant, ils
connaissent les pathologies chroniques neurologiques ou psychiatriques qui excluent le
diagnostic de dyslexie, du moins dans leurs formes sévères. Ils sont moins bien formés à
reconnaître un trouble psychopathologique plus discret (anxiété, dépression, trouble de la
relation), un trouble de l’attention ou du comportement qui n’exclue pas le diagnostic de
dyslexie mais peut rendre la rééducation moins efficace. Ils sont également moins habitués à
une évaluation clinique des différentes fonctions cognitives ou du fonctionnement psychique
de l’enfant nécessaire pour définir l’indication d’évaluation psychologique. Enfin, ils sont
moins informés sur les effets de la précarité sociale, culturelle ou linguistique qui influe sur
l’apprentissage de la lecture.
Connaître la lecture, son apprentissage et les fonctions cognitives sous jacentes
Les travaux des 20 dernières années ont éclairci les connaissances scientifiques sur
l’apprentissage du langage écrit et ses troubles. Ces connaissances ont fait l’objet en 2006
d’une expertise INSERM [1].
Pour résumer brièvement. Un lecteur compétent lit l’immense majorité des mots de façon
« globale » ou par « adressage ». Comme il possède son image mentale ou lexique
orthographique, l’image visuelle du mot à lire active immédiatement cette image mentale et il
le reconnaît instantanément, en accédant directement à son sens. De cette façon il peut lire en
quelques centaines de millisecondes le mot « chrysanthème » et se représenter de façon quasi
réflexe la fleur qu’il représente. Mais le lecteur compétent peut aussi lire un mot qu’il n’a
jamais rencontré, dont il n’a pas l’image mentale comme « ramitépraton ». Il doit alors utiliser
la procédure « d’assemblage » ou de déchiffrement ou « analytique » comme le ferait un
enfant apprenti lecteur, procédure qui sera beaucoup plus longue, car plusieurs actions
successives sont à réaliser :
- découper le mot à lire dans ses sous unités syllabiques (ra/mi/té/pra/ton) ou phonémiques (la
syllabe « pra » est faite de la succession de 3 sons co-articulés : p/r /a/).
- connaître la correspondance entre les lettres et les sons, ou les groupes de lettres (par
exemple le succession des lettres /o/ et /n/ correspond au son « on »),
- retenir dans un espace de mémoire transitoire que l’on appelle la mémoire de travail les sons
décodés du début du mot « ra » pendant qu’il décode la fin du mot « ton »,
- assembler les différentes sous unités puis oraliser « ramitépraton » et si cela avait un sens,
accéder à ce sens.
L’enfant apprenti lecteur n’a pas constitué son lexique orthographique. Tous les mots sont
pour lui nouveaux et il doit les aborder par décodage, ou déchiffrement ou assemblage. Il faut
que l’enfant ait décodé correctement, sans erreurs, environ 4 fois de suite un mot, pour qu’il
s’inscrive dans son lexique mental orthographique et qu’il puisse ensuite le lire en accédant
automatiquement à son sens. Autrement dit si l’enfant décode le mot « école » une première
fois « ésole », une seconde « écote », une troisième « égole », il ne pourra pas constituer
l’image mentale du lexique orthographique.
Trois fonctions cognitives que l’on appelle les compétences phonologiques sont essentielles
au décodage :
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