SAUVER LA BIODIVERSITÉ!! UN VIBRANT PLAIDOYER DE JEAN

publicité
SAUVER LA BIODIVERSITÉ!! UN VIBRANT
PLAIDOYER DE JEAN-MARIE PELT
p
d
f
_
b
u
t
t
o
n
.
p
n
g
¬
p
r
i
n
t
B
u
t
t
o
n
.
p
n
g
em
ail
Bu
tto
n.p
ng
¬
¬
Écrit par Dominique Valck
27-02-2008
Page 1 sur 3
JMPelt.jpg ¬
Depuis un quart de siècle le concept de diversité est à l'ordre du jour. Les
progrès rapides de l'astrophysique grâce à des vaisseaux spatiaux et des
télescopes de plus en plus sophistiqués nous ont permis de mieux
connaître les planètes et les satellites du système solaire ; et depuis dix
ans les exoplanètes gravitant autour d'autres soleils. Or contrairement à
ce que l'on croyait chacun de ces astres a ses caractéristiques propres
révélant une incroyable "cosmo-diversité" totalement insoupçonnée
jusque là. Durant ce même quart de siècle l'explosion des moyens de
communication de masse ont permis à chaque terrien de découvrir
l'extraordinaire "ethnodiversité" de la planète : diversité des cultures, des
traditions, des ethnies, des religions, des langues etc...
LA DIVERSITÉ, UNE LOI DE LA NATURE
Entre cette cosmodiversité en amont -à laquelle on pourrait ajouter la
"chimiodiversité" des atomes et des molécules- et cette ethnodiversité en
aval se situe la biodiversité, celle qui touche l'ensemble des êtres vivants.
Il n'est pas un seul milieu naturel ou artificiel, forêt ou jardin, steppe ou
champ cultivé, désert ou océan, où nous ne reconnaissons pas aisément
la riche diversité des espèces qui le peuplent. Cette diversité est une loi
de la nature ; d'ailleurs elle ne touche pas seulement les espèces mais
aussi les individus de chacune d'elles. Hormis les vrais jumeaux, pas deux
visages qui se ressemblent ce qui permet de mettre un nom sur chacun et
d'identifier sans effort nos frères en humanité. Mais cette diversité
intraspécifique -au sein d'une même espèce- n'est pas le propre de
l'homme. Pas deux vaches ou deux chiens au pelage tacheté qui se
ressemblent, pas deux chênes, pas deux sapins, même si ces différences
souvent minimes nous échappent en raison du manque d'attention que
nous leur portons. Qui d'entre nous aurait l'idée de prêter attention à ce
qui fait que deux épicéas ou deux violettes ne sont point exactement
identiques ?
Identifier les espèces vivantes, en décrire les caractères, les classes,
établir leurs fonctions au sein des écosystèmes auxquels elles
appartiennent, telle est la tâche des naturalistes et des écologues
malheureusement trop peu nombreux. Massivement remplacés dans les
universités et les instituts de recherche par des spécialistes de biologie
moléculaire et de génétique dont l'influence est sans cesse grandissante
au sein de la biologie, ils se trouvent bien démunis pour mener à terme
l'immense inventaire des espèces vivantes peuplant la planète :étrange
paradoxe en vérité au moment où l'on parle tant de préserver les
espèces, les espaces, les écosystèmes dont on imagine mal comment on
pourrait les protéger sans même les connaître.
INVENTAIRE DE LA BIODIVERSITÉ
Depuis deux siècles et demi et grâce au grand naturaliste suédois Carl
Von Linné, on identifie, on répertorie, on classe. Pas moins de 1 800 000
espèces ont ainsi pu être décrites et ce chiffre est abondé chaque année
par environ 16000 espèces nouvelles. Au sein de cette vaste famille des
espèces vivantes connues, les insectes forment le contingent le plus
important avec un million d'espèces, immédiatement suivi par celui des
plantes supérieures qui en représentent 270000. Viennent ensuite les
mollusques avec 85000 espèces, les crustacés avec 55000, les poissons
avec 29000, suivis par des contingents plus modestes : 9900 espèces
d'oiseaux, 8200 de reptiles, 5400 de mammifères. Toutes les algues, les
champignons et surtout les êtres microscopiques, bactéries et virus sont
encore bien loin d'être connus. On estime par exemple que seules 5% des
bactéries des sols ont à ce jour été identifiées.
Mais que représentent au juste ces chiffres, par rapport à la totalité des
espèces vivant sur la planète. En fait la biodiversité connue croît au fur et
à mesure des efforts que l'on déploie pour l'inventorier. Un inventaire
détaillé du parc national américain de Great Smocky Mountains a permis
de découvrir pas moins de 3358 espèces inconnues et il en va de même
des grandes explorations naturalistes mises en œuvre dans des régions
encore peu connues, notamment dans la ceinture intertropicale. D'où
cette question : combien y-a-t-il en réalité d'espèces vivantes sur la
planète ? Une question à laquelle nul ne peut aujourd'hui répondre, les
estimations oscillant dans une fourchette de 5 à 50 millions d'espèces
avec peut-être une estimation raisonnable allant de 10 à 15 millions
c'est-à-dire 8 fois plus que ce qui est aujourd'hui connu. Beaucoup de
pain sur la planche donc pour les naturalistes d'autant qu'aujourd'hui on
ne se contente plus d'une simple description morphologique de l'espèce
mais que l'on tente de percer les secrets de son génome et de
comprendre ses fonctions au sein des écosystèmes et les multiples
relations de coopération et de compétition qu'elle entretient avec les
espèces qui partagent avec elle les mêmes milieux.
Le dense maillage des interrelations entre espèces est à la base des
équilibres de la nature, qu'il s'agisse de relations antagonistes ou hostiles
comme la prédation ou le parasitisme entre espèces reliées les unes aux
autres au sein des chaines alimentaires ; se pose alors la question de
savoir qui mange qui et qui mange quoi. Ou qu'il s'agisse au contraire de
relations amicales d'entraide, de symbiose, de mutualisme ou de
commensalisme -le partage de la nourriture- entre espèces se rendant
des services mutuels. Car la subtile dialectique de la compétition et de la
coopération est la loi immémoriale de la nature.
LA 6ÈME EXTINCTION DES ESPÈCES
Or cette riche biodiversité encore si mal connue subit une érosion
d'autant plus forte et rapide que l'action de l'homme sur la nature génère
des déséquilibres qui privent de nombreuses espèces des conditions de
vie et d'habitat qui leur sont nécessaires pour survivre. Mais là encore
nous sommes dans l'ignorance quant à l'intensité des pertes en
biodiversité. Selon les modèles et les auteurs, celles-ci seraient de 50 fois
à 1000 fois plus rapides qu'elles ne seraient si l'homme ne transformait la
terre avec ses moyens techniques chaque jour plus puissants mais aussi
plus destructeurs.
On sait qu'à l'instar des individus les espèces elles-aussi sont mortelles.
Leur longévité moyenne serait de l'ordre de cinq millions d'années dans
les conditions naturelles hormis toute intervention humaine. Or selon
Robert Barbaut, l'un de nos meilleurs spécialistes en matière de
biodiversité, rien que pour les vertébrés dont on ne devrait perdre en
moyenne qu'une espèce par siècle, on enregistre pour le seul 20ème
siècle plus de 260 extinctions. L'Union Internationale de conservation de
la nature (UICN) publie régulièrement un livre rouge où figurent les
espèces menacées. Elle en répertorie environ 17000, un chiffre
évidemment bien inférieur à la réalité puisqu'il faudrait, pour avoir une
vue exhaustive de l'intensité des extinctions, une myriade de naturalistes
observateurs sur le terrain qui chacun suivrait l'évolution des menaces et
des extinctions pour les différentes espèces connues, tâche
extraordinairement ambitieuse avec les moyens scientifiques actuels. Qui
pourrait dire aujourd'hui combien d'insectes ou de tout autre groupe
animal ou végétal disparaissent et ce malgré l'action de la CITES
organisme international né de la convention de Washington visant à la
protection des espèces vivantes. Un fait cependant s'impose à l'évidence :
nous accélérons prodigieusement le rythme des extinctions et il n'est pas
faux de dire que l'homme est responsable de la sixième grande extinction
des espèces après celles produites par des désastres géologiques, chutes
de météorites ou volcanisme intense ; au cours des temps géologiques, à
la fin des ères primaire et secondaire en particulier.
Les causes de ces extinctions sont connues. En premier lieu sans doute
les déforestations massives des grandes forêts tropicales. Selon la FAO,
l'Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture,
chaque année environ 940000km2 de forêts disparaîtraient, un chiffre
porté à 150000km2 selon d'autres estimations, soit une superficie égale à
plus du quart de celle de la France. Or l'essentiel de la biodiversité se
concentre dans la ceinture intertropicale. Lorsqu'une forêt disparaît brûlée
pour y installer des champs agricoles, inondée pour créer des barrages ou
détruite au bulldozer pour l'exploitation du bois, les espèces inféodées
aux arbres, végétales ou animales, disparaissent en même temps, comme
d'ailleurs les Indiens et leur culture. Dans ces forêts où l'humus est rare,
l'entrainement par les pluies diluviennes du sol vers les rivières, appauvrit
leur microfaune et détruit la faune piscicole asphyxiée par ces eaux
limoneuses.
L'assèchement des zones humides, très riches en biodiversité, aboutit
aussi à de lourdes pertes. Et que dire des grands travaux de génie civil
qui réduisent chaque année les espaces naturels ou cultivés à un rythme
de pas moins de 600 km2 par an en France soit plus du dixième de la
superficie d'un département. Raison pour laquelle des études d'impact
doivent impérativement être menées avant l'ouverture des grands
chantiers pour tenter de sauver la faune et la flore menacées.
MENACES SUR NOS ABEILLES
Viennent ensuite les impacts redoutables des pollutions chimiques. On ne
dira sans doute jamais assez ce que coûtent les pesticides à la
biodiversité partout dans le monde et en particulier dans les pays
développés comme le notre où ils ont causé la disparition des jolies fleurs
sauvages et colorées de nos moissons et de la plupart des herbes de nos
campagnes hormis les graminées. Conjointe à la réduction des cultures
de légumineuses et notamment de luzerne et de trèfle depuis que le
bétail est nourri au tourteau de soja et au maïs, la réduction des
populations de toutes ces espèces mellifères ont un impact évident sur la
survie des abeilles aujourd'hui particulièrement menacées. Une vaste
étude menée en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas a permis de corréler la
chute des populations d'abeilles avec la chute des plantes à fleurs
sauvages. Mais bien d'autres facteurs se liguent contre les abeilles :
l'impact global des pesticides certes, mais aussi l'action des virus et des
parasites auxquels ces insectes butineurs sont d'autant plus sensibles que
leurs défenses immunitaires se trouvent fragilisés par la détérioration de
leurs conditions d'alimentation et de vie. Victimes de guêpes, d'acariens,
de champignons microscopiques et de virus, les populations d'abeilles
s'effondrent un peu partout dans le monde notamment aux Etats-Unis en
2007. Elles ont même complètement disparu dans certaines zones de
l'Himalaya où l'on est désormais contraint à polliniser les fleurs à la main.
On va même jusqu'à suspecter aujourd'hui les émissions d'ondes
électromagnétiques par la téléphonie sans fil lesquelles perturberaient
leurs systèmes de guidage et contrarieraient leurs capacités de retrouver
leur ruches. Tous ces facteurs jouent sans doute simultanément car
l'écologie est rarement monofactorielle. Ils font peser une lourde menace
sur cette espèce amie de l'homme et dont nous avons besoin. Einstein ne
disait-il pas que si les abeilles venaient à disparaitre l'homme suivrait
dans les plus brefs délais.
LA MER AUSSI…
Pour compléter ce tableau, il convient d'évoquer aussi les impacts sur la
biodiversité que ne manquera pas de produire le réchauffement
climatique. Toutes les espèces ne supporteront pas d'importants
changements de leurs conditions de vie et disparaitront tandis que
d'autres tenteront de retrouver, en migrant à distance, des conditions
plus favorables. C'est ainsi que l'on voit par exemple le houx ou la mante
religieuse remonter vers le Nord. Dans les océans moins riches en
biodiversité que les continents puisqu'on n'y dénombre pour l'instant que
200 000 espèces, étant entendu que les abysses nous sont encore fort
mal connus, deux tiers des 36 espèces de poissons de l'Atlantique nord,
étroitement surveillées depuis vingt ans, sont remontés de 50 à 400
kilomètres vers le Nord ; tandis que d'autres comme la raie fleurie ont
préféré gagner les eaux profondes. A ces modifications touchant les
océans, il convient naturellement d'ajouter les risques que font courir aux
populations piscicoles la surpêche ainsi que les effets néfastes des
pollutions par les nappes d'hydrocarbure liées à l'intensification du trafic
maritime. La réduction de 50 à 90 % des populations des grands poissons
prédateurs, thons ou espadons, est avérée, comme celle des populations
de morues qui ne se sont toujours pas régénérées dans l'Atlantique nord
après l'interdiction il y a une quinzaine d'années de les pêcher ; un
phénomène qui serait dû à une modification de la composition du
plancton nourricier, elle-même lié au réchauffement marin, plancton dans
lequel les morues ne trouveraient plus les aliments qui leur conviennent.
On voit par cet exemple l'étroite imbrication des facteurs favorisant
l'érosion de la biodiversité : ici la surpêche et le réchauffement ont joué
de paire. Certains spécialistes considèrent que ce réchauffement pourrait
multiplier par deux la rapidité de l'érosion de la biodiversité à la fin de ce
siècle.
DÉVALISER LA BANQUE DE GÈNES ?
Il est encore difficile d'évaluer avec précision le coût que l'humanité aura
à payer pour les redoutables transformations qu'elle impose à la nature.
Si l'on évalue sans trop de difficultés les impacts prévisibles du
réchauffement climatiques, il n'en est pas de même en matière de
biodiversité. On constate simplement que l'homme dévalise la banque qui
thésaurise ses ressources c'est-à-dire la nature. Des plantes médicinales
par exemple sont menacées de disparition parce que trop récoltées sans
que la précaution soit prise de les cultiver avant que leurs gîtes naturels
soient entièrement pillés. Des plantes sauvages qui pourraient rendre
dans telle ou telle circonstance d'éminents services risquent de
disparaître. On songe à ce manioc sauvage qui croisé avec le manioc
cultivé, victime d'une grave maladie cryptogamique, a permis d'obtenir un
hybride résistant à cette maladie. Certes la disparition de petites plantes
sauvages frappe peu l'imagination à la différence des espèces
symboliques que sont le grand panda, l'ours polaire, l'ours brun, le loup
ou le gorille des montagnes dont la raréfaction des populations frappe
notre imaginaire. Les quatre espèces de grands singes sont en effet
aujourd'hui toutes menacées, comme le sont aussi dans leur équilibre 60
% des écosystèmes selon une étude menée par plus de 1300 experts
pour l'ONU. Ainsi la perte de 35% des mangroves apparaît-elle comme un
élément favorisant l'intensité des tsunamis dont elles limitent et
atténuent le pouvoir invasif sur les côtes. La biodiversité c'est encore
dans bien des cas, mais pas toujours, l'assurance de rendements
agricoles accrus. Une étude menée sur les prairies européennes a montré
que la productivité en herbe était proportionnelle à la richesse de la
biodiversité. Mais ce constat ne saurait être érigé en loi générale. Les
mangroves précisément mais aussi des forêts tempérées peuvent
atteindre de fortes productivités malgré la relative rareté des espèces qui
les constitue. En revanche ces écosystèmes sont fragiles et résisteraient
mal à des changements des conditions physiques ou biotiques qui
pourraient emporter une des rares espèces qui les constituent. Tel est le
danger bien connu des monocultures qui valut au milieu du 19ème siècle
à l'Irlande, frappée par le mildiou qui détruisit brutalement ses
monocultures de pommes de terre, la pire des famines qui sévit en
Europe durant les temps modernes, faisant 1 million de morts et 500 000
émigrés vers les Etats-Unis.
SERVICES RENDUS PAR LES ÉCOSYSTÈMES
Toutes ces raisons plaident évidemment pour le maintien, la protection et
la sauvegarde de la biodiversité. Or nous sommes sur ce point face à
d'étonnants paradoxes. Sait-on qu'aujourd'hui la plupart des villes
bénéficient d'une biodiversité bien supérieure à celle des campagnes
environnantes soumises à l'impact des intrants chimiques et en particulier
d'une multitude de pesticides dont on mesure mieux de jour en jour le
danger qu'il représente et pour la nature et pour la santé. En Allemagne
des villes comme Berlin ou Munich avec respectivement 880 et 300 km2
représentent des surfaces que n'atteint aucune réserve naturelle dans ce
pays. Or on a pu recenser pas moins de 260 espèces de papillons dans un
jardin public de 6000 m2 au centre de Munich, une biodiversité beaucoup
plus importante que celle des campagnes environnantes. Les agents des
collectivités territoriales sont en effet fortement mobilisés sur la réduction
de l'emploi des pesticides, encouragées sur ce point par l'Union
Européenne. La ville de Munich est de surcroît exemplaire pour avoir su
protéger ses zones de captage d'eau potable en y développant
l'agriculture biologique totalement dénuée d'intrants chimiques ; d'où des
ressources en eau de grande qualité qu'il n'est point nécessaire de purifier
avant leur adduction au robinet. Un exemple qu'a suivi avec succès la
ville de New-York qui en agissant de même a renoncé à la construction
d'une gigantesque et coûteuse usine de purification de l'eau. Voici un
exemple de ce que les spécialistes mobilisés par l'ONU appellent "les
services rendus par les écosystèmes et la biodiversité". Ceux-ci
résisteront d'autant mieux au réchauffement climatique qu'ils sont plus
diversifiés en espèces et que donc leur adaptation sera facilitée, chaque
espèce ne réagissant pas de manière identique aux variations du climat.
L'ÉTRANGE HISTOIRE DU KAKAPO
Le souci de protéger la biodiversité est présent dans la conscience
humaine depuis plus d'un siècle et demi à l'initiative d'abord des
Américains du Nord qui créèrent les premiers grands parcs naturels. Voici
plus d'un siècle aussi que les Néozélandais protègent leur mythique
kakapo une sorte de gros perroquet incapable de voler faute de prédateur
jusqu'à ce que hélas l'arrivée sur leurs îles des Polynésiens d'abord puis
des populations blanches apportèrent avec eux chiens, chats, kiores,
putois et autres carnivores qui réduisirent brutalement les populations
kakapos. C'est l'honneur des Néozélandais d'avoir développé des trésors
d'imagination pour les déplacer d'île en île, là où précisément ces
prédateurs n'avaient pas encore pris pied. Aussi parvinrent-ils à sauver
cette espèce symbolique et immédiatement menacée dont de surcroît la
capacité de reproduction est affaiblie par la réduction du nombre des
individus formant des populations extrêmement réduites. Or on sait que
plus les populations sont réduites, notamment chez les oiseaux, plus
faibles sont les capacités de survie d'une espèce menacée.
Aujourd'hui les efforts en vue de la protection de la biodiversité se
déploient partout dans le monde où parcs et réserves créent des zones de
protection et de conservation. Les experts ont détecté et défini 34 points
chauds de la diversité biologique sur la planète, la plupart dans les zones
intertropicales mais aussi méditerranéennes. Des départements comme
l'Hérault ou les Alpes maritimes sont en France les plus riches en
biodiversité. Face à l'afflux massif des migrations intérieures augmentant
la pression humaine, ce littoral mérite des efforts de protection
exceptionnels.
La préservation de la biodiversité se heurte malheureusement à une
difficulté majeure. Elle n'est pas censée générer des activités
économiques pourvoyeuses d'une spectaculaire bulle boursière comme ce
fut le cas hier de la bulle internet et comme ce sera sans doute le cas
demain pour les technologies propres destinées à réduire les impacts des
gaz à effet de serre. Il est donc difficile de mobiliser le pouvoir politique
sur ces enjeux. Pourtant, à l'instar du groupe intergouvernemental des
experts sur le climat (GIEC) constitué sous l'égide de l'ONU et qui a su,
en réunissant des milliers d'experts climatologues, alerter les chefs d'état
et de gouvernement et l'ensemble des responsables politiques et
économiques sur les redoutables effets à attendre du réchauffement
climatique y compris sur les équilibres économiques mondiaux, on
espérera que les spécialistes en matière de biodiversité parviennent à
faire de même pour peser désormais sur la conscience internationale et
sur la responsabilité des grands décideurs.
LA RÈGLE D'OR
Enfin protéger la biodiversité est aussi un acte éthique et moral. Les
Grecs anciens aimaient parler de la règle d'or qui se résume en une
simple phrase : "ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu'ils te
fassent". Une phrase que l'on retrouve dans les textes sacrés de toutes
les religions du monde et que l'on aimerait aussi qu'elle soit inculquée à
nos enfants à l'école. Le moment n'est-il pas venu, alors que la sensibilité
écologique se propage et s'intensifie, d'appliquer cette phrase non
seulement au monde humain mais au-delà, à toutes les créatures, à la
grande famille du vivant. N'est-ce pas ce que suggérait au 19ème siècle
l'ornithologue américain Yann Macmillan lorsqu'il disait "ce qui compte
vraiment dans la sauvegarde des condors et de leurs congénères ce n'est
pas tant que nous avons besoin des condors, c'est que nous avons besoin
de développer les qualités humaines qui sont nécessaires pour les sauver,
car ce sont celles-là même qu'il nous faut pour nous sauver
nous-mêmes".
Jean-Marie
PELT Président
de
l'Institut
Professeur Emérite de l'Université de Metz
Européen
d'Ecologie 
Téléchargement