conjointement et arrivent à leur plénitude aux envi-
rons des années 1900. L'art de Gallé atteint alors les
plus hauts sommets. Comme il l’écrit, la vie devient sa
principale source d’inspiration :
L'artiste a besoin que les spectacles changeants de la
vie et les chaleureux contacts de la nature viennent
ébranler ses facultés d'émotion esthétique, afin qu'il
éprouve l'irrésistible désir de communiquer à d'autres
hommes, par ses
œ
uvres, son admiration et son poi-
gnant émoi.
Si utile, si instructive que soit, pour l'éducation de
l'artiste, la connaissance des chefs-d'
œ
uvre de ses de-
vanciers, elle ne saurait point, sans danger, anéantir la
personnalité de l'artiste et son génie, se substituer à
cette école, à cette galerie de chefs-d'
œ
uvre qui s'ap-
pelle la vie.
(8)
Le 17 mai 1900, Charles de Meixmoron de Dombasle,
dans sa réponse au discours de réception de Gallé à
l’Académie de Stanislas, écrit :
Et toujours, dans ces milliers d’objets graciles ou puis-
sants, se déroule en variations infinies votre hymne à
la fleur ; vous chantez, tantôt avec des murmures de
flûte, tantôt avec des sonorités de cors, les grâces et les
éclats de ces amies si chères,
Anémones de Pâques,
Soldanelle des Alpes, Veilleuses, Safran d’automne,
Crocus hivernal, Orchidées
, qui deviennent autant de
motifs stylisés de pensées et d’ornementations.
Si les végétaux constituent sa principale source de mo-
dèles, le monde animal n’est cependant pas absent. La
libellule est un de ses thèmes favoris ; il a toujours été
attiré par cet insecte. Gallé s’intitulera lui-même, en
1889,
l’amant des frissonnantes libellules
. L'éphémère
a, tout autant que la libellule, inspiré Emile Gallé qui a
parfois associé les deux insectes. Le symbolisme en est
différent. L'éphémère rappelle que si la vie est belle,
elle est aussi fort courte.
Le monde marin fascine aussi Gallé :
L'océanographie, qui a parmi nous à Nancy l'un de ses
plus passionnés adeptes, est comme le magicien plon-
geur dans les contes des
Mille et une Nuits
, le roi de la
mer, qui emporte dans ses bras ses favoris terrestres
pour leur faire visiter les palais bleus.
(9)
Nous pouvons nous interroger sur la signification de
cet intérêt pour la vie marine et d'une manière plus
générale pour le milieu aquatique. La réponse est peut-
être dans une phrase qu'il a soulignée dans un ouvrage
de Costantin :
Tout vient de la mer, c'est l'idée fondamentale que
certains naturalistes cherchent à remettre en honneur,
que nous retrouvons dans la philosophie de Thalès
.
Au dix-neuvième siècle, les scientifiques soupçon-
naient en effet déjà que la vie était née dans l'eau, vrai-
semblablement en milieu marin. C'est dans cette idée
qu'il faut probablement rechercher les raisons de l'in-
térêt d'Emile Gallé pour les milieux aquatiques et, à la
fin de sa vie, plus particulièrement envers le milieu
marin. C'est dans cette direction qu'il faut aussi aller
pour tenter de comprendre la fascination de Gallé
pour les libellules qui l'ont autant inspiré que les om-
bellifères. La libellule est en effet un des symboles de
l'unité de la vie et de l'évolution. La larve naît dans
l'eau, puis, comme la vie, il y a quatre cent vingt mil-
lions d'années, quitte le milieu aquatique pour donner
naissance à l'animal parfait qui va ensuite vivre sur
terre et dans les airs. Cette explication du symbolisme
de la libellule dans l’œuvre d’Emile Gallé a été donnée
pour la première fois en novembre 1990 à propos d’un
vase en faïence aux libellules et à décor marin par
Georges Barbier-Ludwig, alors conservateur du Musée
de l’Ecole de Nancy. (10).
CONCLUSIONS
CONCLUSIONSCONCLUSIONS
CONCLUSIONS
Emile Gallé n’est pas un simple botaniste. Il cherche
jusqu’à sa mort à comprendre par quels mécanismes la
vie a évolué et a donné naissance à l’infinie diversité
des êtres vivants. A la fin du dix-neuvième siècle, la
pensée scientifique d'Emile Gallé se situe au niveau de
celle des plus grands. Il poursuit l'oeuvre des penseurs
évolutionnistes du dix-neuvième siècle, Lamarck,
Goethe et Darwin. Il a pour objectif de déterminer
comment une espèce peut dériver d'une autre. Enfin,
il décrit clairement les mutations et comprend, le pre-
mier ou un des premiers, le rôle qu'elles peuvent jouer
dans l'évolution des espèces. Cette vision évolutive du
monde végétal et de l'adaptation des végétaux aux mi