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plus générale et radicale des discours du mar-
keting, modalité idéologique identifiée dans
d'autres travaux en marketing (Holt, 2002).
« Encore un triomphe du marketing basé
sur l'identification (« deviens ce que tu
achètes », comme si le pékin moyen se
transformait
en
Hemingway,
pouffff,
une
fois le carnet acheté, ou madame en Char-
lize Theron une f ois aspergée de « J'adore »
de Dior, mais si bien sûr). S'ajoute, dans
le cas Moleskine (je me coucherai moins
sotte de connaître l'origine du mot en tout
cas !) une dose de « storytelling » assez
copieuse, même s'il faut tout de même ne
pas être très futé pour penser que tant
d'artistes d'horizons si divers ont acheté
leurs carnets auprès du même fournis-
seur ! » Jack Sullivan (pseudo)
La relation à la marque fonctionne ici sur le
mode du rejet et permet à l'incrédule d'expri-
mer sa résistance vis-à-vis de la démarche
du braud storytelling. L'incrédulité semble
valorisante pour le sujet : il met en doute
l'ensemble des discours marketing par une
prise de conscience face à un discours jugé
inauthentique.
La non-incrédulité
La position de non-incrédulité se présente
comme un dépassement de l'incrédulité.
L'individu prend le discours marketing avec
distance et recul, d'une manière qui peut pa-
raître « éclairée », sans pour autant le rejeter.
Le discours est accepté, voire apprécié.
« Pour une fois que le pire marketing fa-
brique une belle histoire qui ravit au lieu
d'humilier... je prends. » In girum (pseudo)
Le bon fonctionnement du récit de marque
repose sur une croyance de second degré : le
destinataire produit un travail de réflexivité
par lequel il adopte une position de croyance
consentie par rapport au récit. La croyance
dans un récit marketing et son acceptation
semble alors plus complexe qu'une crédulité
naïve.
L'interprétation active :
les suspensions de la crédulité et
de l'incrédulité
Les axes de la croyance et du doute, struc-
turant le carré sémiotique, ne sont pas uni-
quement définis à travers leur rapport au récit
de la marque. En effet, si les quatre positions
identifiées se veulent une interprétation de
ce braud storytelling, ces réactions entrent
également en résonance les unes avec les
autres. Elles entretiennent alors des rapports
actifs et évolutifs entre eux et face au récit.
La construction de sens du récit n'est donc
pas figée ; sa signification manifeste une co-
production entre destinateurs (managers) et
destinataires (consommateurs).
Si la production de sens relève d'une construc-
tion active, il est alors possible d'identifier
les processus qui la structurent. L'analyse
montre que le changement de positionnement
entre l'axe de la croyance et celui du doute,
se réalise par un processus de suspension
consentie de l'incrédulité ou de la crédulité.
La suspension consentie de l'incrédulité,
d'abord développée dans le cadre d'analyses
littéraires (Coleridge, 1817 ; Compagnon,
2000), suppose que l'individu accepte l'his-
toire qui lui est narrée pour la fiction qu'elle
représente, en sachant explicitement qu'elle
n'est pas réelle ; l'incrédulité est alors mise
en attente, pour croire le temps d'une nar-
ration, à l'histoire. Dans le cas du storytel-
ling de Moleskine, il apparaît que l'adoption
d'une position (croyance) suppose la suspen-
sion de l'autre (doute). Lobjectif des mana-
gers est alors de favoriser la suspension de
l'incrédulité des récepteurs et ainsi inciter à
la croyance dans le récit de marque. Du point
de vue du consommateur, la suspension de
la crédulité revient à mettre en cause le récit
marketing. Une question se pose alors : ces
positionnements se constituant à partir d'un
objet, le récit de marque lui-même, comment