Ce danger des extrêmes. Nicolas Barré Les Échos le 21/04
Allez, les gens, allez, les patriotes !... En cette fin de campagne présidentielle, les extrêmes se
rejoignent, comme s'ils se démasquaient eux-mêmes. Elle, qui a décidément tous les traits de son
père, lui, qui n'en finit pas d'admirer les dictateurs sud-américains, offrent deux visages de la même
tromperie. L'une comme l'autre ont en commun l'outrance, la haine qui suinte à chaque discours et
la lutte des classes, ce fantôme ressuscité pour faire peur aux tenants du « système ». Allez, les
gens, allez, les patriotes ! « Ils » vous mentent, nous seuls vous défendons, n'ayez pas peur, suivez-
nous... Contre les « puissances d'argent », les « sachants » et les « médias officiels », nous sommes
le peuple... « Ils » sont l'échec, nous sommes la solution...
Comme rien ne vaut les grosses ficelles, car il faut tout de même essayer de convaincre, les siamois
de cette navrante scène politique promettent par centaines de milliards ce qu'ils ne pourront jamais
tenir. Mais qu'importe ! Ils l'occupent, cette scène, et leur tromperie paie : les deux ne finissent-ils
pas la course dans le carré de tête ?
Triste campagne, lorsque la moitié du corps électoral, au bas mot, s'apprêterait, par lassitude ou ras-
le-bol, à soutenir les candidats du n'importe quoi économique. Triste campagne, lorsque les affaires
éclipsent les élucubrations des duettistes de l'extrémisme sur l'euro, l'Europe, l'économie ou les
affaires du monde. Dans ce marathon électoral où des règles absurdes imposent aux médias
audiovisuels une rigueur notariale, les obligeant, chronomètre en main, à compter les secondes de
chacun, c'est comme si toutes les opinions se valaient.
Eh bien non ! Les extrêmes doivent être écartés dimanche car leurs prescriptions conduiraient ce
pays à la catastrophe. Plus de chômage et d'inflation, des taux d'intérêt grimpant en flèche, des
épargnants laminés, un accès aux marchés de capitaux coupé, une économie rapidement asphyxiée
car à court de liquidités, la mise en place d'un contrôle des changes, des retraits d'argent rationnés
aux guichets des banques... Un pays qui tourne le dos à ses voisins, au monde, à l'avenir. Voilà le
champ de ruines qu'ils nous préparent, ces prétendus « amis du peuple ». Il paraît que ce n'est pas
audible, que c'est encore un discours venu d'en haut. Serait-ce une raison pour cesser d'alerter du
danger ? Que l'on emprunte la voie souverainiste-socialiste d'extrême droite ou la voie socialiste-
souverainiste d'extrême gauche, les routes se rejoignent : au bout, il y a l'effondrement économique
et l'isolement du pays. Et rien qui ressemble à la France.