5
Une certaine supervision des banques est traditionnellement exercée par la Banque de France sans
qu’elle n’en ait jamais été légalement chargée. Cette surveillance ne concerne toutefois que la liquidité
des banques. La politique du crédit dirigé s'appuie sur un système complexe de financements par des
réseaux bancaires cloisonnés. Le marché monétaire, les marchés des dépôts, du crédit et des changes
sont séparés les uns des autres et soumis à une réglementation propre. Par rapport aux institutions de
crédit publiques et semi publiques, les banques se voient assigner dans les orientations du Commissariat
général au Plan un rôle relativement secondaire dans le nouveau système de financement de l’économie.
En matière de supervision bancaire, pour la première fois, l’inscription des institutions financières sur
les listes du Conseil national du crédit devient obligatoire. Les banques doivent choisir leur statut entre
banque de dépôt, banque d’affaires ou banque de crédit à moyen et long terme. Chaque catégorie se voit
imposer des restrictions sur sa collecte de ressources et ses emplois et un système complexe de
coefficients de liquidité, de fonds propres, de planchers d’effets publics, de coefficients de
transformation, etc. Les banques, établissements financiers, établissements à statut légal spécial et autres
sociétés financières voient leur compétence directement liée à leur statut juridique, et chacun doit
respecter une réglementation prudentielle spécifique.
Le principal organe de supervision bancaire est le Conseil national du crédit, assemblée représentative
des intérêts économiques de la nation dont une forte représentation des syndicats. Le Trésor et le CNC
relèguent à l'arrière-plan la Banque de France dont on ne souhaite pas exposer trop facilement le crédit
de l’institution nouvellement nationalisée. Bientôt, sous la forte personnalité du gouverneur Wilfrid
Baumgartner
, la Banque de France trouve sa place et elle exerce de plus en plus le rôle pivot de banque
des banques, c’est-à-dire de fournisseur ordinaire de la liquidité de place. Ces instances sont complétées
par la Commission de contrôle des banques, chargée d’un pouvoir de sanction des contrevenants aux
dispositions du contrôle prudentiel nouvellement mis en œuvre.
1.2. Le déclin des financements administrés
Jusqu’aux années 1970, le cloisonnement des circuits bancaires et financiers est organisé sous l’égide
du Trésor qui distribue à chaque secteur économique son enveloppe de crédits bonifiés en fonction des
priorités désignées par les plans d’équipement de la nation. Chacun de ces secteurs est financé par un
organisme spécialisé sous tutelle de l’État. Les banques jouent un rôle auxiliaire, se contentant de
drainer vers les organismes spécialisés des effets commerciaux éligibles au réescompte et de participer
aux syndicats de prêts orchestrés par les pouvoirs publics.
Le rapport Lorain
(1963) montre les obstacles au développement du secteur bancaire, soulignant
notamment que les banques pourraient jouer un rôle plus actif pour participer au financement des
investissements des entreprises. Il conviendrait, pour ce faire, d’autoriser les banques à pratiquer plus
activement la transformation de ressources liquides et à court terme en crédits à long terme, c'est-à-dire
Voir Olivier Feiertag, Wilfrid Baumgartner – Un grand commis des finances à la croisée des pouvoirs (1902-1978), Comité
pour l’histoire économique et financière de la France, ministère des Finances, de l’Économie et de l’Industrie, Paris, 2006 ,
786 p.
Les grandes entreprises nationales étaient financées par le Crédit national, l’agriculture par le Crédit agricole mutuel, le
logement par le Crédit foncier, le Comptoir des entrepreneurs et la Caisse de prêts aux organismes de HLM (une filiale de la
Caisse des dépôts), les collectivités territoriales par la Caisse d’aide aux collectivités locales, le secteur public par la Caisse
nationale des marchés de l’État, le tourisme par la Caisse de crédit hôtelier, etc.
Cf. notamment les rapports du groupe de l'équilibre de la commission de l'économie générale et du financement du Plan,
pour la préparation du IVe Plan, ainsi que les discussions concernant le financement du Ve Plan, et le rapport Lorain sur le
financement des investissements (mai 1963).