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Vous avez travaillé sur la charité pastorale du Prêtre ! Qu'est-ce que le Curé d'Ars peut nous dire sur ce sujet ?
Dans son exhortation apostolique, Pastores Davo Vobis, du 25 mars 1992, le pape Jean-Paul
II nous a certainement offert une des plus belles réflexions sur la charité pastorale après le
Concile Vatican II. C'est grâce à la consécration sacramentelle spécifique au sacrement de
l'ordre qui est opérée par l'effusion de l'Esprit-Saint, que la vie spirituelle du prêtre est
empreinte, modelée, et marquée par les comportements qui sont propres au Christ, tête et
pasteur de l'Église et aussi époux de l'Église. Au n° 23 de ce document pontifical, nous lisons
: « Le contenu essentiel de la charité pastorale est le don de soi, le don total de soi-même à
l'Église, à l'image du don du Christ et en partage avec Lui. La charité pastorale est la vertu
par laquelle nous imitons le Christ dans son don de soi et dans son service. Ce n'est pas
seulement ce que nous faisons, c'est le don de nous-mêmes qui manifeste l'amour du Christ
pour son troupeau. La charité pastorale détermine notre façon de penser et d'agir, notre
mode de relations avec les gens. Cela devient particulièrement exigeant pour nous ». Dans ce
texte, comment ne pas penser à la figure du Curé d'Ars qui fut totalement donné à son
ministère. Il n'a pas fait de grandes choses, d'œuvres exceptionnelles mais il était totalement
donné, d'abord à Dieu dans la prière, la contemplation, et aussi au service de ses paroissiens,
et bientôt d'une multitude de pécheurs. Et aujourd'hui encore, le Curé d'Ars « passe son Ciel à
faire du bien à l'Église et en particuliers aux prêtres ». Il exerce d'une façon céleste, par ses
propres mérites unis à ceux de Jésus, sa charité pastorale vis-à-vis de toute l'Église.
Vous êtes prêtre de la Communauté Saint Martin : quels liens ou complémentarités relevez-vous entre ces deux saints ?
Le premier trait commun que je relève entre Saint Martin et le Saint Curé d'Ars, c'est leur
désir du Ciel. Le Curé d'Ars a écrit : « Je suis prêt à rester cent ans de plus sur terre pour
sauver une âme ». Comme Saint Martin, il avait pour unique horizon de sa vie terrestre
l'éternité avec Dieu. De même, saint Martin avant de mourir à Candes avait dit au Seigneur -
répétant les mots de saint Paul (Ph. 1, 23-24) - : « Pour moi la vie c'est le Christ, mourir
représente un gain. Cependant si la vie dans cette chair doit me permettre encore un
fructueux travail, j'hésite à faire un choix... Je me sens pris dans cette alternative : d’une part,
j'ai le désir de m'en aller et d'être avec le Christ, ce qui serait et de beaucoup plus préférable,
mais de l'autre, demeurer dans la chair est plus urgent pour votre bien ».
Que ce soit Saint Martin ou le Curé d'Ars - qui avait dit au petit berger : « Je te montrerai le
chemin du Ciel » -, tous les deux étaient habités par ce grand désir du Ciel, ce désir d'être
avec Jésus pour la vie éternelle. Mais tous les deux étaient aussi habités par ce désir de faire
la volonté de Dieu dans le service des plus pauvres.
Le deuxième trait commun, ils avaient tous les deux un cœur de pauvre. De Saint Martin
on dit dans une des antiennes liturgiques qu’il était : « humble et pauvre », et du Curé d'Ars
tout le monde percevait qu'il avait un cœur de pauvre. Non pas un cœur qui ne possède rien
mais un cœur « qui attend tout de Dieu » (Is. 30, 18), un cœur qui vit dans l'abandon et la
confiance dans le Seigneur. Cette humilité de Martin et du Curé d'Ars est très touchante, ils ne
se croyaient rien à partir d'eux-mêmes, ils savaient qu'ils ne pouvaient rien faire à partir d'eux-
mêmes, par eux-mêmes.
Un autre trait commun entre Saint Martin et le Saint Curé d'Ars, c'est leur charité. Nous
connaissons tous cette grande charité de Martin, encore catéchumène, qui couvrira de son
manteau le pauvre d’Amiens. En couvrant ce pauvre, Martin avait couvert le Christ lui-même.
Nous avons peut-être sous-estimé aussi cette charité extraordinaire du Curé d'Ars, cette bonté
et cette bienveillance « d'un cœur liquide » qui aime Dieu et son prochain. Tous les deux,
Martin et le Curé d'Ars, n'avaient pas une charité mièvre ou flatteuse. Ils étaient animés d’une