
le mouvement d’investissement imposé par la guerre nationale et européenne de la
productivité, requéraient de plus en plus d’intensité capitalistique, donc de « capital ».
Un nouveau capitalisme coopérateur dans le grand Ouest
On sait combien, depuis le tournant du siècle, le Grand Ouest est un pionnier des
mutualisations. Le libre jeu des forces du capitalisme y reste contesté par les coopératives.
L’expression de« paysans entrepreneurs » est passée de mode, mais les entrepreneurs
agriculteurs constituent bel et bien une (heureuse) réalité économique. Des processus de
fusion se sont accélérés, d’abord autour de forces fédératrices, comme Coopagri Bretagne
(1911/66), Even (1930), Terrena (Val d’Ancenis, 1938), Cooperl. Ces groupes ont monté des
pôles de mutualisation en aval, comme l’UCLAB (1973 ; séchage de lait, lactosérum, beurre),
ou, en 1991, Laïta, pour la commercialisation des beurres et fromages.
Toutefois, l’accélération récente est révélatrice de la prise de conscience de
l’environnement concurrentiel, comme quand, en 2009, une nouvelle structure Laïta a
résulté de la fusion des activités laitières d’Even, Coopagri et Terrena (avec une base de 3
750 fermes). Laïta pèse désormais quelque 2 370 salariés, avec des marques comme
Mamie Nova, Régilait, Even, Paysan breton, etc. De leur côté, Eurial et Agrial ont monté
une union laitière en 2012, avec une base de 6 000 éleveurs, tandis qu’est préservée la
filière fromages d’Eurial ; le chiffre d’affaires de la seule Agrial (Basse-Normandie) pèse 3,6
milliards € en 2013, avec une base de 10 000 adhérents.
Des groupes coopérateurs milti-métiers se sont ainsi édifiés en quelques lustres. Even en
est une figure emblématique, riche en direct de 5 200 salariés au total et d’une base de
1 500 sociétaires ; ils parrainent sa stratégie multi-métiers : agro-fournitures, nutrition
animale, génétique porcine, viande (association avec Socopa en 2007), pôle de distribution
alimentaire (CHR, particuliers, avec 2 500 salariés). La surenchère aura gagné ensuite
Triskalia, créée en 2010 par l’union de Coopagri, Unicopa-Eolys et Cam56, avec une base
de 20 000 adhérents et environ 6 000 salariés, et Terrena, avec une base de 22 000
adhérents, un chiffre d’affaires de 4,5 milliards € et 11 000 salariés. Et SODIAAL garde sa
puissance historique, dorénavant élargie au grand Sud-Ouest par le biais de 3A, on l’a
indiqué.
La diffusion nationale d’un modèle de concentration
D’autres cheminements similaires ont bouleversé l’économie agricole bien au-delà de
l’économie de l’élevage et du lait. Dans l’univers des céréales, de la nutrition animale et des
fournitures agricoles, InVivo (2001) constitue l’aboutissement de la fusion des deux unions
nationales de coopératives de collecte et d’approvisionnement, SIGMA (1990, par fusion de
l’UNCAC, née en 1945, et des activités céréalières de l’UGCAF, née en 1948) et l’UNCAA (1945,
avec reprise ensuite de UCANOR en 1999), d’où ses 6 700 salariés et son chiffre d’affaires de
6,1 milliards € en 2012/13. Dans le grand Nord, Champagne céréales (1982) a rejoint
Nouricia en 2012 pour établir Vivescia (8 200 salariés pour 8 500 adhérents agriculteurs).
Tereos est devenue un géant de l’économie du sucre, après avoir même dévoré les vestiges
de la si forte société Beghin-Say des années 1960/70 ; « les betteraviers » et sucriers ont
très tôt pris conscience de la nécessité de se doter de groupes robustes, aptes à affronter la
concurrence. Le processus est donc étonnant, puisque des coopérateurs ont acquis des
symboles du capitalisme historique français ! Tereos constitue ainsi une sorte de
« modèle » des mutations en cours, avec des implantations au Brésil, une base de 12 000
sociétaires pour 26 000 salariés permanents et saisonniers.
On connaît la puissance du groupe Limagrains (1942/65), dont le cœur se situe en
Auvergne ; c’est que le Massif central a été l’un des pôles de l’histoire de la coopération
agricole, autour de Debatisse et de Richemonts (puis de SODIAAL). Limagrains a mêlé