doc general - Ent Paris 13

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Quelques documents sur l’évolution
humaine
Quand l'évolution change le temps des êtres p.2
L'enfance si humaine du chimpanzé p.7
Ces 1,4 % qui nous séparent des chimpanzés ! p.10
Les gènes HAR (Human accelerated regions) p.15
1
Quand l'évolution change le temps des êtres
01/01/1999 dans La Recherche mensuel n°316 à la page 56
Pendant longtemps les paléontologues furent les seuls, après certains embryologistes, à s'intéresser aux
hétérochronies. Ce sont les modifications intervenues, au cours de l'évolution, dans la durée du
développement des êtres vivants. La découverte des gènes architectes permet désormais d'enraciner ces
recherches dans le terreau de la biologie moléculaire.
Elaborée voici plus de cinquante ans, la théorie synthétique de l'évolution a résisté à la découverte du
code génétique, mais porte la marque de son temps. D'après cette théorie, l'évolution des espèces serait
le produit de la sélection naturelle s'exerçant sur le bruit de fond d'une myriade de micromutations
survenant au hasard. Comme le résume Richard Dawkins en conclusion de son best-seller L' Horloger
aveugle, " une sélection naturelle cumulative, lente et graduelle est l'explication ultime de notre
existence1 ". Force est d'admettre aujourd'hui que cette théorie méconnaît un certain nombre de faits.
Elle ignore notamment ce que l'on appelle les hétérochronies du développement, depuis longtemps
répertoriées par les zoologistes, les paléontologues et les embryologistes, désormais rejoints par les
généticiens du développement.
A la frontière entre plusieurs disciplines, ce domaine de recherche progresse aujourd'hui rapidement,
encore qu'en ordre dispersé. Les travaux sur l'embryologie des primates ou sur l'évolution du crâne des
hominidés peuvent servir à en introduire les concepts de base. Un exercice d'école consiste à mener une
comparaison entre l' Homo sapiens et le chimpanzé, dont on sait qu'ils sont seulement séparés,
génétiquement, par une divergence de l'ordre de 1,5 %, alors même que sur le plan morphologique, la
divergence est considérable2. D'où vient un tel découplage ?
La phase embryonnaire dure deux semaines chez le chimpanzé, huit semaines chez l'homme. C'est
durant cette seule phase que se multiplient les cellules nerveuses, jusqu'à 5 000 neurones par seconde,
ce qui aboutit à nos quel- que cent milliards de neurones3. Chez l'homme, cette multiplication par
quatre de la durée de la phase embryonnaire peut être interprétée comme une hétérochronie*. Cela
signifie qu'au cours des millions d'années pendant lesquelles s'est produite l'hominisation, la régulation
des étapes du développement a été modifiée. On voit en l'occurrence que le déclenchement de la phase
fœtale post-embryonnaire est déplacée dans le temps. C'est un cas de " post-déplacement " d'un
caractère, qui entraîne une hypermorphie cerveau plus développé.
La phase fœtale, en revanche, est légèrement plus courte chez l'homme que chez le chimpanzé.
L'accouchement se produit vers le 238e jour pour le chimpanzé et vers le 266e jour chez nous,
normalement: un mois de différence pour la durée totale de la gestation, alors que la phase
embryonnaire est plus longue de six semaines. Il s'est donc produit au cours de l'évolution un
raccourcissement relatif de la durée de cette phase de croissance. Ce raccourcissement pourrait être lié
au fait que dans l'espèce humaine, comme l'a fait observer Philippe Lazar, il se produit dans les
semaines qui précèdent la parturition une décélération de la croissance cérébrale - ce qui facilite
l'accouchement. Cela expliquerait que le bébé humain naisse plus immature que le bébé chimpanzé.
Nous serions là en présence d'un phénomène de pré-déplacement de la naissance.
Après la naissance vient la phase dite lactéale, qui s'achève avec l'apparition de la première molaire
supérieure. Cela se produit vers 3 ou 4 ans chez le chimpanzé, et 6 ou 7 ans chez l'homme. Nouveau
phénomène de post-déplacement, puisque la durée de la phase est quasi doublée. C'est durant cette
période, vers l'âge de un an et demi, que se produit chez le chimpanzé le processus de remontée du trou
occipital vers l'arrière, ce qui entraîne la quadrupédie. Jusque-là, le jeune chimpanzé est autant bipède
que quadrupède. Chez le gorille, plus éloigné de nous génétiquement que le chimpanzé, cet épisode
2
survient dès l'âge de un an. En revanche, chez le jeune humain, la remontée n'a pas lieu, ce qui permet
la bipédie permanente.
Cette non-apparition d'un caractère trou occipital dirigé vers l'arrière peut aussi être vue comme une
forme d'hypomorphose*. Le phénomène avait déjà été interprété comme tel au début du siècle par
Louis Bolk, qui l'a baptisé " foetalisation ". Stephen Jay Gould y voit une manifestation de néoténie*,
comme chez le chien, qui n'acquiert pas certains des caractères du loup adulte.
Or, ce maintien en position avancée du trou occipital s'accompagne d'un autre phénomène, que notre
équipe de Dijon et de l'Institut de paléontologie humaine de Paris a récemment réanalysé: la forme
arrondie du crâne du jeune chimpanzé se retrouve chez l'homme adulte, comme si elle avait été
conservée au cours de l'évolution: exemple frappant de néoténie.
Enfin la phase dite de substitution remplacement des dents de lait par les dents définitives, qui s'achève
avec l'apparition de la maturité sexuelle, est deux fois plus longue chez l'homme que chez le
chimpanzé. Nouveau processus de post-déplacement, accompagné de manifestations d'hypomorphie:
l'homme n'a pas les canines en croc ni le bourrelet sus-orbitaire de ses cousins. En revanche notre
fémur s'allonge beaucoup plus, tandis que la capacité crânienne augmente.
Les grandes étapes du passage des singes supérieurs à l'homme méritent d'être reconsidérées en
intégrant une réflexion sur ces manifestations hétérochroniques. Notre équipe de Dijon a abordé le
problème en développant une méthode qui permet de quantifier les différences morphologiques entre
les crânes fossiles indépendamment des différences de taille. Cela nous a conduit à déterminer
l'existence de seulement trois plans d'organisation crâniens distincts: le plan Singe supérieur, le plan
Australopithèque et le plan Homo , qui inclut les hommes archaïques et les hommes modernes. Nous
nous contenterons d'évoquer ce travail, point de départ pour des études ultérieures.
Les hétérochronies sont largement répandues dans le monde vivant. L'exemple classique est l'axolotl,
grosse larve de salamandre qui, au Mexique, au lieu de se métamorphoser en salamandre terrestre,
comme le font habituellement les larves de salamandre, reste parfois toute sa vie dans l'eau à l'état
larvaire avec branchies et nageoire dorsale - et pourtant se reproduit. C'est un exemple classique de
néoténie. Chez certains oursins abyssaux on observe au contraire une accélération du développement,
qui donne des descendants à la morphologie hyperadulte, en forme de bouteille8. Chez une espèce
arboricole de salamandre, Bolitoglossa occidentalis, la maturité sexuelle est avancée : l'adulte est de
plus petite taille que deux autres espèces terrestres voisines, et garde des pieds palmés comme les
jeunes des deux autres espèces: cas d'hypomorphose. Les principaux processus hétérochroniques,
exemples à l'appui, sont présentés dans les figures de l'encadré: " Quand le développement ralentit,
s'accélère... ".
Certains processus hétérochroniques peuvent faire l'objet d'expériences, si bien que l'on commence à en
comprendre les fondements génétiques. Ainsi la non-métamorphose de l'axolotl est sous la dépendance
de deux gènes, qui contrôlent la production d'hormone thyroïdienne. Il suffit d'injecter de cette
hormone à l'axolotl pour le faire se métamorphoser. Mais surtout les progrès spectaculaires de la
génétique du développement permettent aujourd'hui d'envisager un renouvellement complet de
l'analyse de ces phénomènes.
Les recherches entreprises sur le rôle des " gènes architectes " ou " homéo-gènes " découverts au cours
des années 1980 sont en train de révolutionner de fond en comble nos idées non seulement sur le
développement des individus mais encore sur l'ancienneté des mécanismes génétiques et donc évolutifs
mis en jeu. Ces gènes, appelés Hox, correspondent à des séquences d'ADN, ou homéodomaines, très
semblables chez tous les organismes. On sait par exemple qu'un même gène architecte intervient dans
la formation de l'oeil chez la mouche et chez l'homme - alors même que la structure de l'oeil est
complètement différente. Ces gènes architectes imposent une chronologie précise des événements qui
3
se suivent au cours du développement. Un changement dans l'expression d'un de ces gènes peut suffire
à modifier la chronologie et donc la morphologie adulte.
Depuis la découverte des premiers tétrapodes animaux à quatre pattes dans des niveaux du Dévonien
supérieur vers 370 millions d'années, les paléontologues ont essayé, à partir des restes fossiles, de
comprendre comment les doigts étaient apparus et... les hypothèses furent nombreuses.
On sait maintenant que les gènes Hox sont impliqués. Ils sont indispensables à la formation des
membres chez tous les tétrapodes. Ces membres se construisent toujours en trois phases successives:
l'humérus et le fémur stylopode apparaissent en premier, le radius et le cubitus zeugopode en deuxième,
de même que le tibia et le péroné, puis, en dernier, la main et le pied autopode. Qu'en est-il chez les
poissons? Des expériences sur le poisson-zèbre actuel montrent que ces mêmes gènes Hox existent,
mais s'expriment seulement au stade précoce du développement, dans la partie proximale de la future
nageoire. La phase III, celle qui chez les tétrapodes donne la main et le pied, n'apparaît pas. Denis
Duboule, auteur de ces expériences, y voit à juste titre " une illustration très réussie d'un mécanisme
d'hétérochronie, par lequel le temps détermine la structure finalement produite".
Les études embryologiques montrent la succession événementielle suivante. Dans la phase I, les gènes
Hoxd-9 et 10 s'expriment dans la totalité du bourgeon du membre jusqu'à ce que le premier élément de
la patte soit formé. La phase II est déclenchée par les gènes Hoxd-11 et 12 . La phase III intervient
lorsque le gène Hoxd-13 agit dans le bourgeon terminal14.
Dans ce cas particulier, on retrouve, revue et corrigée par la génétique moléculaire, la vieille idée
formulée au milieu du siècle dernier par l'Allemand Ernst Haeckel, selon laquelle " l'ontogenèse
récapitule la phylogenèse". Idée longtemps vilipendée, mais qui acquiert ainsi une nouvelle jeunesse. Il
y a en effet concordance entre la succession des événements du développement individuel ontogenèse
et la succession des événements historiques: le passage des poissons aux tétrapodes ne correspondrait,
en ce qui concerne les pattes, qu'à... l'acquisition de la phase III, phase qui apparaît comme une
potentialité intrinsèque du programme ontogénétique des poissons - puisque les gènes capables de la
déclencher sont présents dans leur génome - mais ne s'y expriment pas.
L'analyse des ancêtres fossiles du célèbre cœlacanthe poissons sarcoptérygiens permet de retrouver
cette succession. On voit le fémur et l'humérus apparaître en premier, probablement vers le Silurien
supérieur, puis la phase II et enfin la phase III au Dévonien supérieur.
Le passage des poissons aux tétrapodes serait donc fondé, sans qu'on sache précisément comment ni
pourquoi, sur le déclenchement d'une hétérochronie fondamentale, liée à la poursuite de l'activité de
certains gènes architectes. Les recherches récentes ont par ailleurs permis de démontrer qu'une
mutation dans un gène Hox est capable de déclencher une hétérochronie du développement.
Le gène Hoxd-9, exprimé précocement chez la souris, modifie la morphologie du bras. Exprimé au
contraire tardivement, le gène Hoxd-13 modifie la formation de la main. Chez l'homme, des maladies
rares liées à une modification de Hoxd-13 peuvent entraîner une décélération du développement
inhibant la formation des deuxièmes phalanges, et entraînant parfois jusqu'à la disparition des doigts.
Certaines de ces modifications se transmettent à la descendance comme un trait dominant.
Nous sommes en train de vivre une véritable révolution conceptuelle: le monde vivant est réglé par
toute une série d'horloges internes, sous contrôle génétique, allant du rythme cardiaque et des rythmes
circadiens à la détermination des étapes du développement. Lorsque les horloges qui règlent ces
dernières se décalent, elles sont susceptibles de faire évoluer une espèce. Les contraintes de
l'organisation morphologique étant considérables, le passage d'un stade de l'évolution à un autre doit se
faire rapidement. On est loin de la conception selon laquelle nous serions uniquement le produit de la
sélection naturelle s'exerçant sur une myriade de micromutations. Il est clair désormais qu'une simple
4
mutation, autorisant, réprimant ou modifiant l'expression d'un gène à une étape donnée du
développement - étape de préférence précoce - peut suffire à changer, chez un individu, la morphologie
d'un ou de plusieurs caractères, les fonctions d'un ou de plusieurs organes, voire un plan d'organisation,
et transmettre ces modifications à sa descendance. Depuis toujours, les paléontologues ont été
confrontés au problème que pose l'apparition, apparemment brutale dans le registre fossile,
d'innovations morphologiques imprévisibles. Les récentes découvertes dans le domaine de la biologie
du développement permettent de penser que l'apparition de ces innovations est souvent associée à la
modification d'un système régulateur.
L'évolution des primates elle-même, on l'a vu, devra être réenvisagée sous cet angle, comme le suggère
la mosaïque de phénomènes hétérochroniques qui séparent l'ontogenèse de l'homme de celle du
chimpanzé. Ces résultats confortent l'idée avancée dès 1977 par François Jacob selon laquelle
l'évolution résulte d'un vaste bricolage qui modifie constamment les structures préexistantes et peut
parfois échapper aux très coercitives contraintes de construction16.
Il demeure que la compréhension détaillée des liens entre ces deux niveaux majeurs de l'organisation
hiérarchique du vivant que sont le programme génétique et la morphologie des individus reste à
conquérir.
5
A DÉCÉLÉRATION (= néoténie)
Par rapport à l'ancêtre, un ralentissement du développement sans modification de la durée de vie ni de
l'âge de la maturité sexuelle aboutit à un descendant de même taille mais de morphologie plus juvénile
néoténie. Exemple: l'axolotl, capable de se reproduire à l'état larvaire.
B ACCÉLÉRATION
La morphologie du stade adulte ancestral apparaît plus tôt au cours du développement. L'âge de la
maturité sexuelle est identique et la taille n'est pas modifiée, mais la forme est " hyperadulte ".
Exemple: certains oursins abyssaux.
C HYPOMORPHOSE
La croissance s'arrête précocement et le descendant aura une taille plus petite que celle de l'ancêtre et
une morphologie plus juvénile. Ainsi la salamandre arboricole B. occidentalis, dont les pieds restent
palmés.
D HYPERMORPHOSE
La croissance est prolongée, ce qui peut dans certains cas produire une morphologie "hyperadulte ".
C'est ainsi qu'est interprétée la série des titanothères, sortes de rhinocéros.
E LES POST-DÉPLACEMENTS
D'autres altérations ne touchent qu'un organe ou un caractère précis en décalant son développement
propre par rapport au développement global de l'organisme. Chez les campagnols appelés rats-taupiers,
les dents croissent de manière continue (hypsodontie). Ce trait est lié à un post-déplacement du début
de la formation des racines dentaires, qui parfois n'apparaissent même jamais.
F LES PRÉ-DÉPLACEMENTS
C'est l'apparition précoce d'un caractère. Exemple: le développement précoce des cornes des
titanothères lors du passage de l'Eocène à l'Oligocène.
6
L'enfance si humaine du chimpanzé
évolution de l'homme - 30/06/2004 par Yves Sciama dans La Recherche mensuel n°377 à la page 78
(1259 mots)
Observez un jeune chimpanzé: n'a-t-il pas des allures presque humaines? De là à proposer que l'homme
ne soit qu'une sorte de chimpanzé juvénile, il n'y avait qu'un pas, franchi allègrement par nombre de
paléontologues du XXe siècle.
Finalement, l'homme ne serait-il qu'un chimpanzé inachevé? L'idée, énoncée explicitement pour la
première fois en 1926 par l'anatomiste néerlandais Louis Bolk, n'en finit pas de hanter les débats
consacrés aux origines de notre espèce [1]. Avec sa théorie de la «fœtalisation», Bolk fit scandale dans
le grand public: pour lui, l'homme pouvait être considéré comme «… un fœtus de primate
génériquement stabilisé». À peine un demi-siècle après que Darwin eut apparenté l'homme au singe,
voilà qu'un biologiste remettait sur la place publique ce désagréable cousinage, en proposant un
mécanisme explicatif, simple de surcroît!
Bolk avançait des arguments qui sont encore aujourd'hui acceptés par les anatomistes: le crâne du très
jeune chimpanzé ressemble bien plus à un crâne d'humain que celui du chimpanzé adulte. Sa face est
plate, et non pas projetée vers l'avant. Le crâne est quasi sphérique, tout comme le nôtre. Et la posture
du jeune chimpanzé est plus proche de la bipédie que celle de l'adulte quadrupède; une posture qui
s'explique par la position basse du point d'entrée de la moelle épinière dans le crâne, position qui migre
vers le haut lorsque le chimpanzé atteint l'âge de 18 mois.
Mais ces observations pertinentes furent noyées par Bolk –puis par ses continuateurs jusqu'aux années
soixante– dans un pêle-mêle hétéroclite. Il invoquait, à l'appui de sa thèse, une bonne vingtaine de
caractères dont il est aujourd'hui établi qu'ils n'ont rien de juvénile: notamment la pilosité, la structure
des membres inférieurs, la taille des grandes lèvres du sexe féminin, la forme des oreilles, etc. D'où de
longues et confuses controverses qui se poursuivirent dans une indifférence croissante. Celle-ci aurait
sans doute fini par emporter la théorie de la fœtalisation si elle n'avait reçu en 1977 le soutien inespéré
de Stephen Jay Gould, de l'université de Harvard, dans son ouvrage Ontogeny and Phylogeny [2].
L'ouvrage fit date: Gould y réhabilitait l'étude des étapes et du rythme du développement autrement dit
du chemin menant de l'embryon à l'adulte, via le fœtus puis les formes juvéniles comme outil majeur de
la compréhension des mécanismes évolutifs. Une démarche qui a donné naissance à une nouvelle
discipline, en plein essor aujourd'hui, l'«évolution du développement», familièrement nommée «évodévo».
En revanche, Gould semble bien s'être fourvoyé lorsqu'il a entrepris de raisonner sur l'homme, en
reprenant à son compte une partie des errements de Bolk. Il est vrai que, comme le souligne Christine
Berge, du laboratoire d'anatomie comparée du Muséum national d'histoire naturelle, «dès que l'on
touche à l'espèce humaine, les gens se mettent à avoir des convictions qui l'emportent sur le reste».
Gould pensait, comme Bolk, que l'être humain est fondamentalement néoténique*, c'est-à-dire que
toute son organisation, par rapport au singe, s'explique par la conservation à l'état adulte de caractères
juvéniles.
Or, le travail des anatomistes depuis même si certains ont des points de vue divergents a montré que
cela est seulement vrai pour les caractères crâniens, et encore pas tous. Ainsi l'os du nez ou le menton,
particularités morphologiques humaines, n'apparaissent à aucun stade du développement des singes, et
sont donc des acquisitions propres à Homo sapiens. Certes, ce sont là des caractères assez mineurs.
Mais on ne peut pas en dire autant de l'appareil locomoteur humain, dont l'évolution a pourtant été
précisément à l'inverse de la néoténie.
7
La comparaison des os du bassin chez les hommes, les australopithèques et les singes, menée par
Christine Berge [3], montre en effet que le bassin de l'adulte, plat chez les singes, se creuse de plus en
plus à mesure que l'on passe aux australopithèques, puis aux hommes primitifs, et enfin à Homo
sapiens. Ensuite, lors de son développement, notre espèce passe par un stade «chimpanzé» du bassin
fœtus, puis par un stade «australopithèque» naissance, puis par des formes de plus en plus humaines,
celle définitive étant acquise vers 7 ou 8 ans. Enfin, la croissance des jambes s'est prolongée au cours
de l'évolution, avec pour résultat un allongement chez l'homme des membres inférieurs.
Le passage du singe à l'homme ne résulte donc pas seulement d'un processus néoténique, mais de
plusieurs changements contradictoires du rythme et des proportions du développement. Ce dernier tend
à se ralentir en ce qui concerne le crâne, mais, à l'inverse, il s'accélère pour l'appareil locomoteur. Ces
changements, qu'on nomme les hétérochronies, sont à présent très étudiés. Mais l'espoir d'y découvrir la
clé de l'évolution est quelque peu retombé.
«Le problème avec les hétérochronies, commente Jean Chaline, de l'université de Dijon, qui fut l'un des
premiers à les étudier en France, c'est qu'elles ne constituent qu'une description des relations entre un
ancêtre et un descendant. Et qu'en plus il faut raisonner caractère par caractère, et non pas globalement,
comme on l'a fait trop souvent. Bien sûr, elles améliorent notre compréhension. Mais le grand secret
des mécanismes de l'évolution se trouve dans la génétique.»
Même son de cloche chez Armand Marie Leroi, spécialiste de l'évolution du développement à
l'Imperial College de Londres: «L'hypothèse néoténique est une vieille idée qui persiste et qui est sans
doute en partie vraie. Mais l'avancée des connaissances l'a court-circuitée. Maintenant, c'est la biologie
moléculaire sur laquelle on compte pour éclairer les changements évolutifs.» Non pas qu'il soit devenu
inutile de simplement décrire. Mais, à tort ou à raison, les généticiens ont le sentiment qu'ils seront
bientôt capables d'expliquer par quelles mutations, situées sur quels chromosomes, se sont faites
certaines évolutions importantes. Les regards se tournent vers eux.
Les biologistes moléculaires traquent à présent les gènes commandant le développement. Avec déjà
quelques belles pièces à leur tableau de chasse, comme les gènes Homéobox par exemple, dits
«architectes» car ils contrôlent, par leur expression successive, la construction de pans entiers des
organismes. À l'image des fameux gènes eyeless et smalleye, très proches, qui régissent la construction
de l'œil celle-ci implique l'expression d'environ 2500 autres gènes, respectivement chez la drosophile et
la souris [4].
Mais la biologie moléculaire a-t-elle quelque chose à nous dire pour ce qui est de l'éventuelle origine
néoténique de notre crâne? «Pour l'instant, avoue Armand Marie Leroi, on n'a pas identifié chez les
mammifères de gènes donnant le type de néoténie qui nous intéresse ici. Mais s'il fallait chercher dans
une direction, en ce qui me concerne je me pencherais sur les mutations associées au “syndrome de
Robinow”.»
Le syndrome de Robinow aussi appelé FFS, pour Fetal Face Syndrom a été décrit en 1969. Il induit à la
naissance, et jusqu'à l'âge adulte, des traits que Leroi qualifie de supernéoténiques», car ils
correspondent à ceux d'un fœtus au huitième mois de grossesse: à savoir un nez court, des narines et
des yeux très espacés, une bouche de forme triangulaire, une hypertrophie du crâne, etc. La piste peut
sembler prometteuse. Toutefois, ce syndrome s'accompagne d'autres modifications nanisme,
malformations génitales, soudure des vertèbres, etc. dont il est difficile d'imaginer comment elles
s'intégreraient dans un scénario d'apparition de l'homme [5]. D'autant qu'il ne s'agirait de toute façon
que d'une explication partielle, puisque limitée au crâne.
Ainsi, même si la biologie moléculaire rencontre d'indéniables succès, nous ne disposons toujours pas,
pour ce qui concerne l'émergence de l'homme, d'un scénario aussi simple et global que celui offert par
8
la théorie néoténique. Il n'y a sans doute pas à chercher plus loin d'explication à son impressionnante
longévité.
Par Yves Sciama
9
Ces 1,4 % qui nous séparent des chimpanzés !
Véronique Barriel
Département d’Histoire de la terre,
USM 0203-UMR 5143,
Paléobiodiversité, Case postale n° 38,
Muséum National d’Histoire Naturelle,
57, rue Cuvier, 75231 Paris Cedex 05, France.
[email protected]
1
Depuis des décennies, les relations de parenté entre l’homme et les grands singes (chimpanzés,
gorilles et orangs-outans) suscitent de nombreux débats, controverses et une pléthore de publications ;
deux faits principaux ont longtemps agité la communauté scientifique des primatologues. Dans les
années 1960, alors que la classification tra-ditionnelle restreignait la famille Hominidae à l’homme (les
grands singes africains et asiatiques étant regroupés dans la famille des Pongidae), l’analyse de
certaines protéines sérologiques suggérait l’existence d’un ancêtre commun à l’homme et au
chimpanzé, qui excluait le gorille [1]. Le chimpanzé était donc plus proche de l’homme qu’il ne l’était
du gorille, ce que confirma la grande ressemblance génétique (98 % d’homologie) entre l’homme
(Homo sapiens) et le chimpanzé commun (Pan troglodytes) [2]. Ces différents travaux, et bien d’autres,
conduisirent à regrouper dans la famille Hominidae l’homme et les grands singes africains (chimpanzés
et gorilles), les orangs-outans devenant les seuls représentants actuels de la famille Pongidae.
2
Si la ressemblance génétique entre Homo et Pan, estimée à 98-99 %, a été au centre du débat
pendant longtemps, la question de la différence génétique, donc des 1 à 2 %, s’y est insinuée plus
récemment. En effet, ce sont bien ces 1,4 % de différence qui font que l’homme est homme, et les
recherches se sont orientées à la fin du xxe siècle dans cette direction [3]. Ces premiers résultats
montraient par exemple que les cellules humaines avaient perdu une forme particulière de l’acide
sialique (acide N-acétyl-neuraminique), présent à la surface de toutes les cellules, et jouant un rôle dans
la transmission de pathogènes comme le choléra, la grippe, la malaria… maladies auxquelles les
chimpanzés sont moins sensibles que l’homme, ce qui pourrait être le fait de la modification de cette
molécule. À partir des années 2000, la comparaison des génomes humain et de grands singes a
confirmé la faible divergence génétique - évaluée à 1,2 %-1,75 % selon le type de données [4-9], voire
0,6 % pour des sites non synonymes [10] - entre l’homme et le chimpanzé commun. Le temps de
divergence (ancêtre commun) est alors estimé à 4,6-6,2 millions d’années (MA) pour l’homme et les
chimpanzés, et à 6,2-8,4 MA pour le gorille [5].
3
Par ailleurs, le séquençage du génome complet de chimpanzé commun[1], débuté dès 1998,
vient de se terminer, et une version préliminaire est désormais publiée et accessible sur Internet
(GenBank). Une comparaison des deux génomes - chimpanzé et homme - est également effectuée par
une équipe internationale de l’université Washington de Seattle (USA). L’alignement des deux
séquences devrait faciliter la recherche biomédicale en permettant d’identifier grossièrement les
différences et les similitudes, peut-être indicatives des changements biologiques survenus au cours de
l’évolution, depuis la divergence entre l’homme et les chimpanzés.
4
Très récemment, en décembre 2003, une équipe américaine (un consortium public-privé) dirigée
par Andrew Clark de l’université Cornell à New York, et Michelle Cargill de la firme de
biotechnologie Celera Diagnostics en Californie a publié dans la revue Science la comparaison pour
l’homme, le chimpanzé commun et la souris (représentative de l’espèce non primate nécessaire à la
comparaison) de 7 645 gènes [11]. La classification en grandes fonctions biologiques et en familles de
gènes est établie avec le système PANTHER. Sur les 200 000 séquences initiales, 7 645, pour
lesquelles l’orthologie a pu être confirmée, ont été retenues. Elles ont ensuite été soumises à différents
10
modèles et tests statistiques incluant de nombreux paramètres afin d’identifier les gènes pour lesquels
une évolution accélérée due à une pression de sélection positive (avantage sélectif), et non pas au
hasard (dérive génique), est mise en évidence, et ce pour chacune des trois lignées. Cette pression de
sélection positive caractérise 1 547 gènes humains et 1 534 gènes de chimpanzés et, pour nombre
d’entre eux, les évolutions - et donc les pressions de sélection - divergeaient entre les trois espèces. Si
de nombreux gènes montrent des valeurs non significatives, ceux contrôlant certaines fonctions
biologiques présentent une évolution rapide : audition, catabolisme des acides aminés, processus du
développement (squelette) ou de neurogenèse. Chez l’homme, il s’agit majoritairement de gènes
impliqués dans l’olfaction (une cinquantaine, presque tous codant pour des récepteurs olfactifs [OR]) et
il semblerait donc que le mode de vie différent de l’homme et de son plus proche parent ait conduit à
des pressions de sélection différentes pour ces récepteurs. L’olfaction n’étant pas un sens prédominant
pour la survie de l’homme, il aurait été délaissé au profit d’autres sens au cours de l’évolution humaine.
De même, le gène FOXP2 (forkhead-box P2 transcription factor), impliqué dans le développement du
langage (une des caractéristiques définissant l’espèce humaine ?), présente un profil de substitutions
inhabituel, comme plusieurs autres gènes (une vingtaine) impliqués dans le développement de
l’audition et qui paraissent également subir une évolution adaptative dans la lignée humaine. Une
mutation dans le gène FOXP2 conduit à une condition connue nommée SLI (specific language
impairment) pouvant notamment engendrer des problèmes d’élocution, des difficultés à former des
mots et à comprendre et utiliser la grammaire, donc à une perte des compétences nécessaires au
développement du langage. Par ailleurs, le gène ayant la pression de sélection positive la plus
significative chez l’homme code pour l’α-tectorine, une protéine qui joue un rôle vital dans la
membrane tectoriale de l’oreille interne et dont les anomalies sont responsables de surdité d’origine
génétique. Pour les auteurs, la compréhension du langage parlé et son apprentissage ont requis des
mises au point de l’acuité auditive.
5
Les auteurs disposent maintenant d’une liste de gènes qui font que « l’homme est homme », et
souhaitent l’utiliser pour mieux comprendre les liens entre fonctions moléculaires et processus
biologiques, et comparer la variabilité homme-chimpanzé à celle qui existe au sein de l’espèce
humaine. Les perspectives sont donc nombreuses : analyse de gènes de régulation, comparaison entre
chromosomes, impact des taux de recombinaison, contenu en GC, différences d’expression des gènes et
ajout de génomes de mammifères supplémentaires.
6
Confirmant la multiplication des travaux dans ce domaine, deux nouvelles études publiées en
janvier 2004 complètent la liste des « gènes humains » ; l’une analyse un gène lié à la taille du
« cerveau » [12] et l’autre à la vision des couleurs [13].
7
Une autre caractéristique de l’évolution humaine reste en effet l’augmentation progressive de la
taille du cortex cérébral. Le gène ASPM (abnormal spindle-like microcephaly associate) joue un rôle
important dans ce processus évolutif, sa perte de fonction conduisant à une microcéphalie, c’est-à-dire
à une réduction sévère de la taille du cortex cérébral. Bruce Lahn et al., de l’Howard Hughes Medical
Institute, ont comparé la séquence de ce gène pour sept espèces de primates, dont l’homme [12] (Figure
1). Pour chaque espèce, les chercheurs ont identifié des mutations responsables (mutations non
synonymes) ou non (mutations synonymes) de changements de structure de la protéine codée par
ASPM. Seules les premières sont susceptibles d’avoir subi une pression de sélection, les autres reflétant
le taux de mutation global. Le rapport entre les deux types de mutations donne une mesure de
l’évolution du gène sous la pression de la sélection naturelle. Dans le cas de ASPM, cette analyse
conclut à une accélération significative de l’évolution de ce gène dans la lignée menant aux grands
singes et à l’homme, par rapport à celle qui est observée pour d’autres primates de l’Ancien Monde
(Afrique et Asie) et du Nouveau Monde (les platyrhiniens d’Amérique du Sud) et pour d’autres
mammifères (carnivores, rongeurs, artiodactyles). Par ailleurs, l’excès de substitutions non synonymes
11
par rapport aux substitutions synonymes traduit une sélection positive, au moment de la divergence
Homo-Pan. L’étude du polymorphisme d’ASPM dans l’espèce humaine suggère qu’un changement
avantageux d’acides aminés s’est probablement produit tous les 300 à 400 000 ans. Le gène ASPM a
donc subi une évolution adaptative forte chez les grands singes et surtout chez l’homme et son rôle
possible dans l’élargissement du cortex cérébral - par exemple par la régulation du nombre de neurones
produits par division cellulaire - est envisagé.
Figure 1
Phylogénie du gène ASPM chez les primates.
Les lignées hominidés/pongidés sont surlignées en rouge et celle menant à la lignée humaine en gras. Le rapport taux de
substitutions des mutations non-synonymes/mutation synonymes est indiqué sur l’arbre phylogénétique pour chacune des
branches (d’après [12]).
8
En janvier 2004 également, une équipe germano-israélienne dirigée par Y. Gilad [13] a étudié le
processus de dégénérescence du répertoire olfactif chez les primates (19 espèces) en estimant la
proportion de gènes non fonctionnels pour 100 gènes OR pris au hasard. En effet, la proportion de
pseudogènes dans cette famille est d’environ 60 % chez l’homme, 35 % chez les grands singes et moins
de 20 % chez les singes du Nouveau Monde et chez d’autres mammifères. L’augmentation du nombre
de pseudogènes semble corrélée à la décroissance du sens de l’olfaction pour des espèces chez
lesquelles les signaux visuels et auditifs sont devenus plus importants. Une proportion élevée
significative de pseudogènes (par rapport à 6 autres platyrhiniens et un lémur) caractérise les grands
singes, les cercopithécoïdes et un platyrhinien, le singe hurleur Alouatta : la diminution de taille du
répertoire olfactif se serait donc produite deux fois indépendamment au cours de l’évolution des
primates. Mais, par ailleurs, l’homme, les grands singes et les singes de l’Ancien Monde possèdent la
vision en trois couleurs, tandis que les singes d’Amérique du Sud ne distinguent en général que deux
couleurs. L’Alouatta étant le seul singe du Nouveau Monde qui possède une pleine vision
trichromatique, les auteurs supposent que la vision trichromatique des primates se serait développée
parallèlement à la détérioration du sens de l’olfaction, la vision tricolore compensant la perte d’odorat
pour la recherche de nourriture.
9
Cependant, deux points ne sont jamais abordés dans ce type d’analyse et méritent d’être
soulignés. L’homme, Homo sapiens, est le seul représentant actuel du genre Homo ; c’est aussi le cas
pour les genres Gorilla et Pongo qui ne comportent qu’une seule espèce et plusieurs sous-espèces ; en
revanche, ce n’est pas le cas des chimpanzés. Pour le genre Pan, on distingue deux espèces : Pan
troglodytes (le chimpanzé commun avec quatre sous-espèces) et Pan paniscus (le bonobo). Le bonobo,
décrit pour la première fois dans la littérature en 1929, a un habitat naturel restreint à une petite zone
forestière de la République démocratique du Congo. Il présente des caractéristiques morphologiques et
comportementales très particulières qui tendent à le rapprocher de l’homme - notamment son
comportement sexuel qui fait régulièrement la « une » des journaux. La quasi-totalité des analyses
12
moléculaires montre que les deux espèces de Pan sont étroitement apparentées avec une divergence
estimée à 2-3 MA.
10
Il est regrettable que l’espèce de chimpanzé concernée par les analyses de comparaison
hommes-grands singes publiées ne soit que très rarement précisée. Quant à la sous-espèce de
chimpanzés communs, pour lesquels il existe un polymorphisme génétique réel, elle ne l’est
évidemment jamais… De plus, les auteurs se concentrent sur les gènes qui font que « l’homme est
homme », mais quels sont ceux qui font que le « chimpanzé est chimpanzé » ? En effet, l’ancêtre des
chimpanzés et de l’homme n’est pas un chimpanzé ! Il serait donc intéressant dans ce contexte
d’étudier les gènes montrant une pression de sélection positive pour identifier les caractéristiques
propres aux chimpanzés depuis leur séparation d’avec la lignée humaine, et non pas seulement la
condition ancestrale.
Note
[1]
Ce Primate Genome Project impliquait plusieurs centres de recherche, sous la direction de l’Institut
national de recherche sur le génome humain (NHGRI), qui dépend des National Institutes of Health
(NIH) basés à Bethesda (Maryland, USA).
Références
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of full trichromatic vision in primates. PLOS Biology 2004 ; 2 : 120-5.
Auteur : Véronique Barriel
Titre :
Ces 1,4 % qui nous séparent des chimpanzés ! / These 1.4 % which separate us from the
chimpanzees!
Revue : , Volume 20, numéro 10, octobre 2004, p. 859-861
URI : http://id.erudit.org/iderudit/009330ar
14
Les gènes HAR (Human accelerated regions)
En comparant des séquences ADN de l'homme, du chimpanzé, de la souris et du rat, des chercheurs
pensent avoir découvert un gène à l'évolution rapide, responsable des différences de développement
du cortex intervenues entre la lignée humaine et celle de leurs proches cousins.
Derrière le nom HARF1 se cache peut-être la clé de l'évolution du cerveau humain. C'est du moins ce
que suggère une équipe de chercheurs dans l'édition du 17 août 2006 de la revue Nature.
À l'aide de ce programme, les biostatisticiens ont pu localiser 49 sections d'ADN qui sont restées
stables chez le chimpanzé, la souris et le rat, mais qui ont subi d'importantes modifications chez
l'homme au cours des derniers millions d'années.
Parmi ces portions d'ADN baptisées HAR (human accelerated region), le gène du HAR1 compte 118
paires de bases, dont deux seulement diffèrent entre le poulet et le chimpanzé. Par contre, les
chercheurs ont remarqué que, depuis que les lignées de l'homme et du chimpanzé se sont
différenciées, il y a 5 à 7 millions d'années de cela,
18 paires de bases ont changé dans le génome humain.
Des études complémentaires menées par Sofie Salama (UC Santa Cruz) ont ensuite montré que
HAR1 contient les gènes HAR1F et HAR1R, qui ne codent pas des protéines mais produisent de
l'ARN aux fonctions spécifiques. En effet, si l'on attribue souvent à l'ARN le simple rôle d'intermédiaire
entre protéines et ADN, des scientifiques ont constaté que certains types d'ARN non-codant ont des
effets directs, notamment celui de régulation d'autres gènes.
Des chercheurs de l'UC Santa Cruz et des universités de Bruxelles et de Claude Bernard, à Lyon, se
sont penchés tout particulièrement sur HAR1F. Ils ont découvert qu'il s'exprime entre le second et le
cinquième mois du développement embryonnaire et joue un rôle important dans le développement du
cerveau. Ils suggèrent dans la revue Nature que HAR1F aide à contrôler la production de la reeline,
une protéine impliquée dans l'organisation des différentes couches du cortex cérébral.
Les scientifiques ayant participé à ces travaux pensent que l'évolution du gène HAR1F pourrait
expliquer en partie le rapide développement du cerveau humain par rapport à celui du chimpanzé.
D’après Futurasciences
Alignement multiple de HAR1F avec d’autres amniotes. Les couleurs correspondent à des
transitions (vert), des transversions (vert clair) ou des substitutions (violet) .
Article original :
An RNA gene expressed during cortical development evolved rapidly in humans
Katherine S. Pollard, Sofie R. Salama, Nelle Lambert, Marie-Alexandra Lambot, Sandra Coppens,
Jakob S. Pedersen, Sol Katzman, Bryan King, Courtney Onodera, Adam Siepel, Andrew D. Kern,
Colette Dehay, Haller Igel, Manuel Ares, Jr, Pierre Vanderhaeghen and David Haussler
Nature 443, 167-172(14 September 2006)
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