La Taxe Tobin

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Sawsen Ayari-Pouliquen
Conférence de M. Gonnet
Fiche technique
La Taxe Tobin
C’est en 1978, que James Tobin, professeur à Yale ( et lauréat du prix Nobel en 1981) a
publié son article le plus connu proposant l’établissement d’une taxe sur les transactions de
change.
Ses partisans, tout comme ses détracteurs prêtent souvent plus à la taxe Tobin que son
inventeur lui-même qui ne voyait dans cette proposition que la possibilité de contrarier la volatilité
du marché des changes en introduisant « un grain de sable dans la mécanique bien huilée des
marchés ». Et il est d’ailleurs important de souligner à quel point James Tobin lui-même a répudié
son idée, l’a critiquée et a stigmatisé l’impossibilité de sa mise en œuvre et son manque de
pertinence.
Pourquoi vouloir réduire la volatilité du marché des changes ?
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Contexte : L’abandon des changes fixes en 1971, marquant la fin du système de Bretton
Woods et l’adoption deux ans plus tard du système de changes flottants dans lesquels les
opérateurs financiers privés jouent un rôle important pour la détermination des prix relatifs
des monnaies. Aussi le développement dans ce nouveau système de changes flottants va
s’accompagner de nombreuses crises spéculatives
Caractère néfaste des variations des cours de change : Ces variations entraînent ainsi
une certaine incertitude économique ( détériorant l’investissement qui suppose la stabilité
des prix et de la production à moyen terme ) ainsi que de violentes variations des taux
d’intérêts ( les autorités publiques augmentant les taux d’intérêts afin de lutter contre la
dépréciation d’une monnaie et contre les conséquences inflationnistes d’une dévaluation,
en renchérissant le coût de la monnaie ) .
Toutes ces incertitudes et ces crises de change ont donc eu pour conséquence
macroéconomique un coup de frein à la croissance et une découragement de
l’investissement et c’est dans ce contexte que James Tobin a proposé l’instauration d’une
nouvelle taxe.
Les principes de la taxe Tobin
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L’idée de Tobin selon laquelle une trop grande liquidité du marché des changes est
propice à la spéculation et que l’on pourrait y remédier par une taxe sur les
transactions, n’est pas nouvelle. Déjà Keynes, qui avait observé qu’au cours du krach
boursier de 1929, les fluctuations des prix des actions avaient été plus violentes à Wall
Street qu’à la bourse de Londres, croyait que l’absence d’une taxe sur les achats et les
ventes en était la cause.
La proposition de James Tobin est formulée dans ce contexte d’abandon de la convertibilité
dollar/or et de basculement vers un système des changes flexibles. Elle vise en fait à limiter
les flux des capitaux à court terme sur le marché des changes pour éviter les crises de
changes, en prélevant une taxe de faible montant ( de 0,1% à 1% ) sur chaque transaction
mettant en jeu des monnaies différentes.
Les bénéfices attendus d’une telle taxe
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Pour James Tobin, cette taxe constituerait une « institution réductrice des incertitudes »
qui, en stabilisant les fluctuations des devises dans un système de changes flexibles,
participerait à la structuration de l’environnement macroéconomique, propice aux
investissements productifs.
La réduction de la volatilité des marchés par la diminution des opérations de
spéculation : La mise en place d’une telle taxe permettrait une certaine rationalisation des
transactions puisqu’elle conduirait les opérateurs à sélectionner les opérations en ne
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retenant que les plus justifiées et les plus rentables. Ainsi une taxe sur les mouvements de
capitaux même modeste freinerait la mobilité des mouvements de capitaux et empêcherait
l’éclosion de bulles spéculatives ( surtout quand l’on sait que la majorité des transactions
sur les marchés des changes correspondent à des allers-retours d’une semaine au plus ).
La constitution de réserves financières pour lutter contre la pauvreté : Comme tout
impôt, la taxe sur les transactions de capitaux ( TTC ) générerait des recettes qui
pourraient être considérables. Pour James Tobin toutefois, le produit de la taxe ne serait
qu’un « à côté » auquel il n’accorde que très peu d’importance : il envisage initialement de
confier les recettes de la taxe au FMI ou à la Banque Mondiale afin d’augmenter le budget
de leurs fonds d’intervention. Pour les partisans actuels de la TTC les recettes fiscales
sont, au contraire, un aspect important étant donné l’ampleur des inégalités sociales et
économiques et permettraient donc de recréer une certaine solidarité entre les nations.
Aussi les défenseurs actuels mettent en avant la constitution d’un fonds en faveur des pays
en voie de développement ( certains économistes comme Suzanne de Brunhof et Bruno
Jétin évaluent, sous l’hypothèse d’une taxe à 0,1%, les rentrées fiscales de la TTC à 228,5
milliards de dollars ).
La taxe Tobin, une utopie dangereuse ?
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Il est tout d’abord important de noter que la taxe n’est en aucun cas dans l’esprit originel de
son auteur une remise en cause du libre échange et des mécanismes de marché : James
Tobin dans Le Monde ( 11/09/01 ) « La taxe Tobin n’est en rien un tremplin pour les
réformes dont ces gens [ les adversaires de la mondialisation ] veulent ».
De plus la spéculation joue un rôle clef sur les marchés, il convient donc de ne pas
chercher à la contrarier : les spéculateurs endossent en effet un risque dont d’autres
agents ne veulent pas.
Difficultés pratiques : Il s’agit tout d’abord d’instaurer la taxe dans toutes les places du
marché des changes faute de quoi cette mise en place se traduirait immanquablement par
d’importantes délocalisations de transactions. De plus, la taxe Tobin risque surtout d’être
d’une efficacité relative. En effet soit le taux de la taxe est faible ( de 0,01% à 0,05%
comme le suggère James Tobin ) auquel cas son pouvoir de dissuasion demeurera
marginal, soit le taux de la taxe est plus élevé auquel cas son pouvoir de dissuasion est
certes garanti mais deviendrait en fait un obstacle au commerce international dans son
ensemble.
On peut également se demander s’il n’existe pas une certaine contradiction entre vouloir
réduire le plus possible la spéculation et simultanément faire de la TTC un instrument de
financement du développement.
Actualité de la proposition de James Tobin
C’est surtout sur les terrains médiatiques et politiques que la Taxe Tobin connaît, depuis
plusieurs années, une brillante carrière : de nombreux mouvements baptisés « antimondialisation » ont ainsi placé cette taxe au centre de leur combat ( comme ATTAC ou
l’Association pour la Taxation des Transferts d’Actions et de Capitaux ) et plusieurs
responsables politiques ont réclamé son instauration ( cf le programme de Lionel Jospin en
1995 ). Dans les faits, à l’automne 2000, un groupe de députés PS déposa un
amendement visant à instaurer une Taxe Tobin à un taux de 0% afin de créer un rapport de
force favorable ; cette proposition fut finalement rejetée. Plus tard la France frôla
l’instauration de cette nouvelle de taxe ( à un taux de 0,1% sous réserve d’harmonisation
européenne ) , la proposition ayant été acceptée par les députés puis rejetée par le Sénat
( novembre 2001 ).
Bibliographie :
- La Taxe Tobin : revue de la pensée magique, Olivier STORCH, « Fondation R. Schuman »
p.8-10, 12-18
- La taxe Tobin et la solidarité entre les nations, Bruno JETIN « Interfaces économiques » p.
55-60, 71-84,
- Tobin or not Tobin, François CHESNAIS « Esprit frappeur »
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