Université Panthéon Sorbonne (Paris I)
Univerzita Karlova v Praze
POUR LA PATRIE, POUR LES SLAVES
Les slavisants français et leur rôle publique (1863–1920)
Tomáš Chrobák
Thèse de doctorat de l’Université sous la direction
de M. Bernard Michel de l’Institut Renouvin de l’Université Panthéon-
Sorbonne (Paris I) et de Mme. Luďa Klusáková de la Faculté des
Lettres de l’Université Charles de Prague
2008
TABLE DES MATIERES
Introduction …………………………………………… 3
Les Etudes slaves au Collège de France ……………… 12
Louis Leger ou le fondateur …...…………………….… 37
Louis Leger et la Bohême ................................................ 41
La rupture avec les Polonais …………………................ 49
L’influence de Strossmayer ………………………….. 55
Leger et les Slaves du Sud…………………………......... 69
Guerre 18701871 …………………………………….. 86
La Correspondance Slave ……………………………... 108
A la découverte de la Russie .……………………….... 112
Leger professeur ….……………………………………. 135
Louis Leger et la Bulgarie ……………………………. 146
Le projet panslave ..…………………………………... 158
Ernest Denis ou le propagandiste
La formation et la carrière ……………………………… 175
L’intellectuel et la guerre .…………………………….... 226
André Mazon ou l’informateur …………………………. 260
Dans les Balkans ………………………………….......... 262
En Russie……………………….………………………. . 280
Louis Eisenmann ou le diplomate ……………………... 292
La tentative de la typologie ……………………………… 335
Conclusion ……….…….………………………………... 353
Sources inédites ……….………………………………… 367
Littérature ……………….………………………………. 368
3
INTRODUCTION
Les études slaves représentent en France une science relativement
jeune, qui commence à gagner du terrain, malgré d’évidentes difficultés,
dans les années 1840. Dès le début, l’instauration d’une chaire de «la
littérature d’origine slave» au Collège de France, incarnée dans ses
débuts par le grand poète polonais Adam Mickiewicz, n’est pas
uniquement une affaire purement scientifique: la politique est largement
présente derrière cet évènement. Mieux connaître le monde slave devient
avec le temps une nécessité pour la France, qui avait cruellement senti
son isolement au cours de la guerre de 18701871. Un nouveau coup
d’envoi est donné par l’alliance russe des années 1890. Les études slaves
n’ont jamais été une science «pure», enfermée dans les cabinets des
savants. Les intérêts stratégiques, économiques, militaires, y sont
perceptibles dès le début.
L’ambition de ce travail n’est pas de présenter au lecteur une
histoire exhaustive des études slaves dans la deuxième moitié du 19
e
et
au début du 20
e
siècle. Les recherches nécessaires dépasseraient
largement les limites de cette thèse. Notre objectif est d’en donner une
image plus restreinte et plus personnifiée, de porter notre attention sur
quelques personnages, qui nous offrent l’image d’intellectuels engagés,
profondément ancrés dans leur époque, et qui ne sont pas des hommes de
cabinet, mais souvent des hommes d’action.
Dans notre ouvrage, l'intellectuel sera donc un homme du culturel,
créateur ou médiateur, mis en situation d'homme du politique,
producteur ou consommateur d'idéologie, ni simple catégorie
socioprofessionnelle, ni simple personnage, irréductible. Il s'agira d'un
statut, comme dans la définition sociologique, mais transcendé par une
4
volonté individuelle, comme dans la définition éthique, et tourné vers un
usage collectif.
1
Parmi les hommes susceptibles de nous intéresser, nous avons
choisi quatre personnages à même de documenter le parcours des
intellectuels slavisants de 1863 à 1920 dans les milieux et les situations
les plus divers. Après longue réflexion, nous avons arrêté notre choix sur
Louis Leger, Ernest Denis, André Mazon et Louis Eisenmann. Ces
personnages nous apportent les formes différentes de
l’instrumentalisation de la science.
Il convient d’abord d’expliquer le choix des dates. Celle de 1863
nous paraît assez importante. C’est à cette époque que, par un simple
hasard, Louis Leger commença à s’intéresser au monde slave. Grâce à
lui, les Slaves, jusque simple curiosité mode passagère, ont intégré
le domaine de la science. Louis Leger ne fut certes pas exempt des
faiblesses, on pourrait reprocher un caractère quelque peu superficiel à
ses travaux, souvent peu originaux. Malgré toutes ses limites, Louis
Leger est sans doutes le père des études slaves en France. La date de
1920 représente quant à elle la fin d’une époque. La guerre mondiale
terminée, les accords de paix signés, une nouvelle étape s’ouvre pour les
slavisants, ainsi que pour l’humanité. Les études slaves cessent d´être
une science représentée par un nombre très restreint de spécialistes. Elles
consolident leurs positions dans le monde universitaire (avec entre autre
la création de l´Institut d’études slaves) et gagnent une assise plus large
en province.
1
Pour comprendre le contexte intellectuel voir CHARLE Christophe, Les intellectuels en Europe au
XIX
e
siècle. Essai d'histoire comparée, Paris 1996, JUILLARD Jacques - WINOCK Michel,
Dictionnaire des intellectuels français, Paris 1996, ORY Pascal - SIRINELLI Jean-François, Les
intellectuels en France de l´affaire Dreyfus à nos jours, Paris 1986.
5
Il faut donc incontestablement commencer par la personnalité
complexe de Louis Leger. Celui-ci a fait sortir les études slaves de
l’emprise des émigrés polonais et des amateurs cultivés mais dépourvus
de formation suffisante. C’était le cas de son précurseur au Collège de
France Cyprien Robert, journaliste doué et observateur clairvoyant, mais
autodidacte manquant totalement d’approche scientifique. S’il a introduit
la méthode critique, il était cependant aussi un intellectuel engagé, attiré
toute sa vie par les affaires publiques. Dans sa jeunesse, il joua un le
politique important en tant que médiateur et pionnier des relations des
peuples slaves avec sa patrie. C’est également lui qui a fait des études
slaves une discipline jouissant du respect et d’un certain prestige dans les
milieux académiques. Ce qui nous attire, c’est la polyvalence de Leger.
Tout l’intéresse: les Polonais, les Tchèques, les Serbes, les Croates et les
Slovènes, les Russes, les Bulgares. Il ne fut certes pas isolé parmi les
savants de son temps. On voit de la même époque des universitaires
penchés sur la problématique de la Réforme tchèque comme Rodolphe
Reuss, on peut aussi apprécier les activités d’Anatole Leroy-Beaulieu ou
de Melchior de Vogüé, pour ne pas citer le rôle intéressant de Saint René
Taillandier, qui, malgré ses réels mérites, ne fut pas spécialiste dans le
domaine des études slaves. Mais personne d’entre eux n’avait la largeur
des connaissances de Saint René Taillandier ni ses contacts dans les
différents milieux. Autre argument, sa longévité. Sa vie englobe toute la
période qui nous intéresse. Pour toutes ces raisons, le choix de Leger
nous paraît légitime.
Ernest Denis est un autre type de personnage. Il incarne
parfaitement la génération traumatisée par la guerre franco-prusienne de
18701871. Mais l’intérêt de Denis ne repose pas dans son expérience
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