Observations sur le livre de M. P**
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p.275 Le livre intitulé : Recherches philosophiques sur les Égyptiens &
les Chinois, est enfin parvenu jusqu'à moi, après deux ans de retard. Je
l'ai lu d'un bout à l'autre avec l'attention la plus sérieuse, & je suis en
état de l'apprécier, du moins quant à ce qui concerne la Chine.
Cet ouvrage, écrit avec beaucoup de légèreté, & contraire, du
commencement à la fin, aux idées communément reçues, a dû plaire
dans vos climats à un certain ordre de lecteurs ; mais je suis persuadé
que les savants & tous ceux qui aiment l'impartialité, l'auront rangé
dans la classe qui lui convient, en le plaçant parmi les productions
d'une imagination hardie, dont l'objet est de faire valoir des paradoxes
aux dépens de la vérité.
L'auteur, pour avoir voulu trop prouver, n'a rien prouvé du tout. Il a
pris les abus pour les lois, les crimes de quelques particuliers pour les
mœurs nationales, les assertions téméraires de quelques voyageurs peu
instruits pour des vérités incontestables, &, pour le dire plus simplement,
mais avec plus de vérité & non moins d'énergie, il a parlé des Chinois sans
les connaître, il n'en a parlé que d'après les préjugés les moins fondés &
les plus injustes, il ne les a envisagés que du p.276 mauvais côté & en les
envisageant, il a affecté de ne se placer que dans un faux point de vue.
Dire, que les Chinois sont un peuple barbare, grossier, ignorant, sans
génie, sans lois, sans sciences, sans arts ni industrie ; qu'ils descendent
des Scythes, & qu'ils n'ont été civilisés que dans le douzième siècle par les
Tartares Mongoux, qui conquirent leur pays, & fondèrent la dynastie, dite
des Yuen, est une proposition aussi absurde que celle qui dirait que les
Français sont naturellement stupides, pesants, durs & cruels, qu'ils
descendent en droite ligne des Hurons, & que ce n'est que depuis que ces
Américains les ont un peu décrassés, dans la fréquentation qu'ils ont eue
avec quelques-uns d'entr'eux, du côté de Québec, que leurs mœurs se
sont un peu adoucies, & qu'ils ont commencé à cultiver les sciences & les
arts qu'on voit briller aujourd'hui avec tant d'éclat en France.
Assurer, comme l'auteur des Recherches ose le faire, que tous les
missionnaires qui ont écrit sur la Chine ont été des enthousiastes ou