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Joseph-Marie AMIOT
OBSERVATIONS
SUR LE LIVRE
DE M. P**
Observations sur le livre de M. P**
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à partir de :
OBSERVATIONS SUR LE LIVRE DE M. P**
intitulé : Recherches philosophiques sur les
Égyptiens & les Chinois.
par Joseph-Marie AMIOT (1718-1793)
Extrait d'une lettre de M. Amiot, du 28 Septembre 1777.
moires concernant l'histoire... des Chinois, tome sixième, pages 275-345.
Nyon l'aîné, Paris, 1780.
Édition en mode texte par
Pierre Palpant
www.chineancienne.fr
mai 2014
Observations sur le livre de M. P**
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TABLE DES MATIÈRES
Population de l'empire chinois. Nombre des contribuables. Lettrés. Gens
de guerre. Ville de Pé-king.
Remise d'une année d'impôts
Revenus de l'empire de la Chine
De la polygamie des Chinois
Astronomie des Chinois
Des eunuques chez les Chinois
Infanticide des Chinois
Gouvernement des Chinois. Le gouvernement chinois n'est point
despotique. Ordre de la succession à l'empire
Observations sur le climat du -tché-ly
Observations sur le livre de M. P**
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p.275 Le livre intitulé : Recherches philosophiques sur les Égyptiens &
les Chinois, est enfin parvenu jusqu'à moi, après deux ans de retard. Je
l'ai lu d'un bout à l'autre avec l'attention la plus sérieuse, & je suis en
état de l'apprécier, du moins quant à ce qui concerne la Chine.
Cet ouvrage, écrit avec beaucoup de légèreté, & contraire, du
commencement à la fin, aux idées communément reçues, a plaire
dans vos climats à un certain ordre de lecteurs ; mais je suis persuadé
que les savants & tous ceux qui aiment l'impartialité, l'auront rangé
dans la classe qui lui convient, en le plaçant parmi les productions
d'une imagination hardie, dont l'objet est de faire valoir des paradoxes
aux dépens de la vérité.
L'auteur, pour avoir voulu trop prouver, n'a rien proudu tout. Il a
pris les abus pour les lois, les crimes de quelques particuliers pour les
mœurs nationales, les assertions téméraires de quelques voyageurs peu
instruits pour des ris incontestables, &, pour le dire plus simplement,
mais avec plus derité & non moins d'énergie, il a parlé des Chinois sans
les connaître, il n'en a parlé que d'après les préjus les moins fons &
les plus injustes, il ne les a envisagés que du p.276 mauvais & en les
envisageant, il a affecté de ne se placer que dans un faux point de vue.
Dire, que les Chinois sont un peuple barbare, grossier, ignorant, sans
génie, sans lois, sans sciences, sans arts ni industrie ; qu'ils descendent
des Scythes, & qu'ils n'ont été civilis que dans le douzième siècle par les
Tartares Mongoux, qui conquirent leur pays, & fondèrent la dynastie, dite
des Yuen, est une proposition aussi absurde que celle qui dirait que les
Fraais sont naturellement stupides, pesants, durs & cruels, qu'ils
descendent en droite ligne des Hurons, & que ce n'est que depuis que ces
Américains les ont un peu décrassés, dans la fréquentation qu'ils ont eue
avec quelques-uns d'entr'eux, du té de Québec, que leurs urs se
sont un peu adoucies, & qu'ils ont commencé à cultiver les sciences & les
arts qu'on voit briller aujourd'hui avec tant d'éclat en France.
Assurer, comme l'auteur des Recherches ose le faire, que tous les
missionnaires qui ont écrit sur la Chine ont été des enthousiastes ou
Observations sur le livre de M. P**
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des imposteurs, dont les savants d'Europe ont été les dupes pendant
deux siècles, c'est calomnier en pure perte.
Les missionnaires, dira tout homme équitable, tout philosophe même
de la classe de l'auteur des Recherches, les missionnaires sont les seuls
qui ont pu nous donner des notions res des pays lointains qu'ils ont
arros de leur sueur, & qui ont été le théâtre de leurs travaux, parce que
les ayant parcourus dans toute leur étendue, ils ont eu l'occasion & le loisir
de les examiner ; parce qu'en ayant fréquenté les habitants, & ayant vécu
grand nombre d'anes avec eux, ils ont été à même de conntre tout ce
qu'ils ont de bon & de mauvais ; parce qu'ayant appris leurs langues,
ayant lu leurs livres, ayant pratiq leurs usages, ayant ésoumis à leurs
p.277 lois, ayant combattu leurs erreurs, & ché de les corriger de leurs
vices, il n'est pas possible qu'ils ne se soient pas forune idée à peu
près exacte de leur religion, de leurs mœurs, de leur manière de vivre, de
la forme de leur gouvernement, de leur industrie, de leurs sciences & de
leurs arts ; & s'il leur est arrivé de n'être pas de me avis sur bien des
articles, de se contredire sur d'autres ; & de ne parler que
superficiellement ou d'une manière peu exacte de la plupart, cela prouve
tout au moins qu'ils ne se sont pas accordés pour tromper le monde. Il
faut attribuer leurs erreurs, leurs exarations & leur peu d'exactitude, au
défaut de lumières, plut qu'au manque de bonne foi. Chaque particulier
a dit ce qu'il voyait, ce qu'il croyait, & l'a représenté comme il le voyait &
comme il le croyait.
L'auteur des Recherches sait très bien qu'il n'est pas donné à tout le
monde de voir les objets tels qu'ils sont. Il sait que le grand nombre a la
vue trop faible pour ne pas employer le secours du verre quand il s'agit de
les distinguer. Malheureusement pour lui & pour ceux encore que ses
Recherches pourront duire, le verre dont il s'est servi lui a fait illusion
sur tout. S'il t vu à œil nu, & examiné en ritable philosophe, ce que
ces missionnaires, qu'il méprise si fort, & qu'il décrie avec tant d'assurance
& si peu de raison, ont écrit en différents temps sur la Chine, il se fût
mieux instruit qu'il ne part ltre.
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