© J.-L. DUMORTIER
communication — et, plus encore, les possibilités de communica-
tion en langue étrangère — exercent, en milieu scolaire, un pou-
voir de fascination tel que l’on en vient à perdre de vue que par-
ler, écrire, ce n’est pas exprimer notre pensée (une pensée qui
précéderait sa verbalisation), mais la forger, l’élucider pour nous-
même dans l’effort de lui donner une forme communicable. Corol-
lairement, écouter et lire, ce n’est pas imprimer en nous la pen-
sée d’un tiers, mais toujours forger la nôtre en prêtant
l’attention qui convient au discours d’autrui. L’expression « pra-
tiques langagières » invite à envisager, en même temps, la subjec-
tivité et la socialité de toute mise en œuvre des ressources de la
langue, son rôle dans la construction des connaissances et dans la
diffusion de celles-ci, son rôle dans l’élaboration de l’identité per-
sonnelle et dans la rencontre avec autrui.
Les pratiques langagières se déclinent en pratiques de compré-
hension (lire, écouter) et de production (écrire, parler). On peut
donc soutenir que la discipline scolaire « français » est vouée à
l’acquisition et au développement de certaines compétences de
lecture et d’écriture (car, au début de leur scolarité, les pra-
tiques langagières des enfants sont toutes orales) ainsi qu’au dé-
veloppement de certaines compétences de parole et d’écoute.
Il convient d’insister sur « certaines ». En effet, si les compé-
tences langagières rendent possibles les pratiques langagières, de
toute évidence (mais c’est bien là une de ces évidences qui aveu-
glent), l’institution scolaire n’assigne pas pour mission à ses
agents qui enseignent le français, à quelque niveau d’étude que ce
soit, de rendre les élèves capables de tous les usages de la langue
dans tous les contextes.
D’abord, parce que certaines compétences langagières, condition-
nant une série d’usages oraux, s’acquièrent et se développent
avant la scolarisation, puis s’accroissent plus ou moins, et plus ou
moins compte tenu de ce qui a été appris en classe, mais sans éva-
luation scolaire. Ainsi en va-t-il, par exemple, des compétences
impliquées par les échanges dans le cercle de famille ou dans celui
des proches. Si importantes qu’elles soient pour l’épanouissement
des individus comme pour l’harmonie des micro-communautés,
elles ne sont pas évaluées par l’école.