Protection Biologique Intégrée contre acariens en melon

publicité
Fiche APREL 12-002
Melon
Lutte biologique contre les acariens
tétranyques
2012
Laurent CAMOIN, Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône
Claire GOILLON, Anthony GINEZ, APREL
Anne-Isabelle LACORDAIRE, Marion GUILLOT, Julien CARLET, Koppert
Objectif
Le travail réalisé consiste à mesurer l’efficacité de la protection contre les acariens tétranyques
(Tetranychus urticae) en utilisant l’auxiliaire Neoseiulus californicus en culture de melon tardif sous
tunnel plastique. Les essais antérieurs (Aprel, 2001) ont mis en avant une efficacité intéressante
avec cet auxiliaire mais non suffisante. Le conditionnement ayant changé, les acariens prédateurs
sont maintenant disponibles en sachet et leur dispersion semble être améliorée.
L’objectif est d’utiliser cet auxiliaire contre acariens tétranyques et d’évaluer son efficacité
technique et économique selon deux stratégies au sein d’une protection biologique globale en
conditions de production.
1 – Protocole
1.1 Site étudié
Lieu de l’essai : Tarascon (Nord 13) sur une exploitation conduite en agriculture biologique
Abri : deux tunnels plastique non chauffés de 640m²
Dans chaque tunnel, les melons de variété Osiris non greffée (résistance partielle aux pucerons
grâce au gène VAT, Nunhems) sont plantés avec une densité de 1 plant/m² (espacés de 40 cm sur
3 lignes simples).
1.2 Modalités comparées
Les lâchers de N. californicus ont été réalisés lors de la floraison mâle en une seule fois selon
deux modalités. Chaque modalité à été suivie dans un tunnel entier.
Modalité 1 – Tunnel en protection biologique avec les doses préconisées :
 lâcher de N. californicus à la dose 1 sachet/4 plantes (environ 230 individus/m²). Apport
complémentaire de Phytoseiulus persimilis sur foyer si nécessaire.
Modalité 2 – Tunnel en protection biologique
à dose réduite :
 lâcher de N. californicus à une dose
moyenne de 1 sachet/7 plantes (environ
130 individus/m²). Le lâcher est plus
dense dans les zones sensibles (1
sachet/5 plantes) et allégé ailleurs (1
sachet/13 plantes).
Apports complémentaires de Phytoseiulus
persimilis sur foyer si nécessaire.
Figure 1 : Schéma de répartition
des sachets de N. californicus
dans les 2 modalités
1
Fiche APREL 12-002
1.3 Observations
 Contrôle à la plantation : 60 plantes entières ont été observées pour mettre en évidence tous les
ravageurs et auxiliaires présents.
 Contrôle général de la parcelle sur 50 feuilles prises au hasard (25 feuilles proches de l’apex +
25 feuilles adultes). Ces observations ont été réalisées toutes les semaines du 25/04 au 20/06.
 Sur chaque feuille, notation :
- de la présence/absence de N. californicus, formes mobiles (adulte + nymphe). Chaque
feuille est séparée en 6 parties délimitées par les nervures. La présence/absence de N.
californicus est notée dans chaque partie.
- de l’estimation de la population de formes mobiles (nymphe + adulte) d’acariens
tétranyques par classes :
o
o
o
o
-
o
de la présence/absence de la population de pucerons et de momies et description en
classes :
o
o
o
o
-
classe 0 = pas d’acariens
classe 1 = moins de 10 acariens
classe 2 = 11 à 50 acariens
classe 3 = plus de 50 acariens
classe 4 = présence de toiles
classe 0 = pas de pucerons
classe 1 = moins de 10 pucerons
classe 2 = 11 à 25 pucerons
classe 3 = 26 à 50 pucerons
classe 4 = plus de 50 pucerons
o
de la présence/absence d’oïdium
de la présence/absence d’autres auxiliaires naturels contre acariens tétranyques.
 Repérage des foyers : les premières apparitions d’acariens ont été identifiées et définies comme
foyer.
 Contrôle sur foyers d’acariens : Trois foyers maximum par tunnel ont été observés avec pour
chacun 10 feuilles prises au hasard. Les notations concernent la population d’acariens tétranyques
notée par classe, la présence/absence de N. californicus formes mobiles (nymphe + adulte) et
autres auxiliaires.
 Notation des interventions de protection sanitaires réalisées par le producteur.
 Les conditions climatiques de l’abri ont été enregistrées toutes les heures par un capteur de
température et d’hygrométrie relative (Hobo) placé dans la culture.
2 – Déroulement de la culture
 Plantation : 1er avril 2012
 Densité : 1 plant/m²
 Protection par un voile non tissé de la plantation au 23 avril
 Début floraison : 18 avril
 Récoltes : du 6 juin à fin juin
 Conditions climatiques : Elles sont identiques dans les deux tunnels et illustrées par les
graphiques ci dessous :
100
50
90
45
80
40
70
35
33°C
60% 60
30
50
25
40
20
30
15
20
10°C 10
10
5
0
0
18/4
25/4
2/5
9/5
16/5
23/5
30/5
6/6
13/6
20/6
27/6
Figure 2 : Evolution de l’hygrométrie moyenne au sein des
tunnels Lâchers d’auxiliaires :
18/4
25/4
2/5
9/5
16/5
23/5
30/5
6/6
13/6
20/6
27/6
Figure 3 : Evolution de la température moyenne au sein
des tunnels
2
Fiche APREL 12-002
Tableau 1 : Répartition, dose et coût des lâchers d’auxiliaires sur la culture
Auxiliaires contre Dates de
Modalité 1
Modalité 2
Coût €HT/m²
Coût €HT/m²
acariens
lâchers Dose préconisée
Dose réduite
1 sachet/4 plantes
1 sachet/7 plantes
N. californicus
24-avr
0,08
0,05
230 individus/m²
130 individus/m²
Phytoseiulus
30-mai
1,08/m²
0,01
1,08/m²
0,01
persimilis
Coût total
0,09
Coût total
0,06
Auxiliaires contre Dates de
Modalité 1
Coût €HT/m²
pucerons
lâchers Dose préconisée
Aphidius
colemani
Adalia bipunctata
Modalité 2
Dose réduite
Coût €HT/m²
24-avr
0,2/m²
0,007
0,2/m²
0,007
09-mai
0,2/m²
0,007
0,2/m²
0,007
23-mai
0,25/m²
0,03
0,33/m²
0,04
0.04
Coût total
Coût total
Coût total des auxiliaires :
0,13 €HT/m²
0.05
0,11 €HT/m²
 Traitements :
Début juin un traitement anti-pucerons et un traitement anti-oïdium autorisés en agriculture
biologique ont été effectués dans les 2 tunnels.
3 – Résultats
3.1 Observations avant le lâcher de N. californicus
Tableau 2 : Occupation des acariens tétranyques après la plantation
Modalité
Dose réduite
Dose préconisée
acariens tétranyques
Nb. d'individus % plantes
par plante (/60) occupées
1,02
12%
1,92
17%
Au 18 avril, lors du premier contrôle après la plantation, des acariens tétranyques étaient présents
dans les deux tunnels avec une plus forte présence dans l’un d’eux qui a comptabilisé presque
deux fois plus d’individus par plante en moyenne (tableau 2). La modalité avec la dose plus élevée
de N. californicus a donc été mise en place dans ce tunnel. Il s’agit de la modalité « dose
préconisée » (1 sachet/4 plantes).
3.2 Observations pendant la culture
Neoseiulus californicus s’est très bien installé sur la culture. Pour son développement il a besoin
d’une température minimale avoisinant les 10°C. De plus, une humidité relative inférieure à 60%
ralentit son développement et provoque entre autre un taux de mortalité des œufs plus important.
La figure 2 montre que l’hygrométrie relative moyenne dans les tunnels de l’essai est favorable au
bon développement de N. californicus sur la période de production sous abri.
Les températures moyennes sous abris qui oscillent entre 17 et 30°C sont également favorables
au développement de N. californicus puisqu’il peut se développer à des températures atteignant
33°C (figure 3).
3
Fiche APREL 12-002
Modalité "dose réduite"
Classe 4
80%
lâcher
P. persimilis
70%
Classe 3
traitement
60%
Classe 2
50%
40%
30%
Classe 1
lâcher
N. californicus
fréquence d'occupation
sur feuilles (%)
20%
intensité occupation des
feuilles (sur feuilles
totales en %)
10%
0%
25/4
2/5
9/5
16/5
23/5
30/5
6/6
13/6
20/6
N. californicus
90%
Acariens tétranyques
intensité d’attaque
100%
Du 2 au 16 mai, la population
d’acariens tétranyques a été
faible. Ils étaient présents sur
10 à 15% des feuilles (en
majorité classe 1) pour les deux
modalités (figures 4 et 5). La
population de N. californicus sur
cette même période est restée
stable, environ 30% de feuilles
occupées,
avec
une
augmentation plus rapide dans
la modalité « dose préconisée »
qui a été davantage touchée
par les acariens tétranyques.
Dans la modalité « dose
réduite »
(figure
4),
la
100%
population de tétranyques a
90%
lâcher
augmenté
fortement
en
P. persimilis
Classe 4
80%
fréquence et en intensité à
70%
partir du 30 mai. A cette date,
Classe 3
traitement
60%
plus de 30% de feuilles étaient
Classe 2
50%
attaquées et les premières
feuilles occupées par plus de
40%
Classe 1
lâcher
50 acariens (classe 3) ont été
30% N. californicus
fréquence d'occupation
observées.
Les
acariens
20%
sur feuilles (%)
prédateurs
ont
évolué
de la
10%
intensité occupation des
feuilles (sur feuilles
même manière avec un pic de
totales en %)
0%
présence à la même période
25/4 2/5
9/5 16/5 23/5 30/5 6/6 16/6 20/6
(60% de feuilles occupées).
Figures 4 et 5 : Evolution des acariens tétranyques et N. californicus
Après
l’observation
de
sur la culture
l’augmentation de la population
d’acariens
tétranyques,
un
lâcher de P. persimilis a été réalisé. La semaine suivante (le 6 juin) la fréquence d’attaque a été
réduite de moitié mais l’intensité a continué à croître avec l’apparition de toiles (classe 4). La
situation est restée stable jusqu’à la fin de la culture.
N. californicus
Acariens tétranyques
intensité d’attaque
Modalité "dose préconisée"
Dans la modalité « dose préconisée », la population d’acariens tétranyques a augmenté à partir du
23 mai avec environ 14% de feuilles occupées et présence de feuilles touchées par une intensité
de classe 3. N. californicus s’est très bien développé et sa population à augmenté jusqu’à occuper
près de 90% des feuilles et 45% de surface foliaire début juin. Un lâcher de P. persimilis a
également été réalisé dans ce tunnel après l’augmentation de la population d’acariens
tétranyques. Ces derniers sont restés stables jusqu’au début du mois de juin. Après cette date le
ravageur a été quasiment absent et au moment de l’arrachage la culture était propre. Le 6 juin un
traitement aphicide a été réalisé. Il semble avoir eu un effet secondaire sur les acariens
tétranyques en réduisant leur population.
Dans la modalité « dose réduite » la population de N. californicus a freiné le développement des
acariens tétranyques mais sans les contenir. A contrario, la population plus importante de N.
californicus pour la modalité « dose préconisée » a permis de maintenir à un niveau faible la
population de tétranyques (10% de feuilles occupées) et de terminer la culture sensiblement plus
propre.
Par ailleurs, des cécidomyies prédatrices d’acariens tétranyques (type Feltiella sp.) naturellement
présentes ont été observées ponctuellement.
4
Fiche APREL 12-002
3.3 Suivi des foyers d’acariens tétranyques
Dès le 25 avril, des foyers ont été observés
dans les tunnels. Trois d’entre eux ont été
repérés pour chaque modalité à partir du 9 mai
et suivis jusqu’à la fin de la culture (figure 6).
Figure 6 : Répartition des foyers
suivis au sein des tunnels
Modalité "dose préconisée"
90
traitement
Classe 4
80
Classe 3
70
60
Classe 2
50
Classe 1
40
30
fréquence d'occupation
sur feuilles (%)
20
10
intensité d'occupation (sur
feuilles totales en %)
0
9/5
16/5
23/5
30/5
6/6
13/6
20/6
N. californicus
lâcher
P. persimilis
Acariens tétranyques
intensité d’attaque
100
Modalité "dose réduite"
lâcher
P. persimilis
traitement
Classe 4
80
Classe 3
70
60
Classe 2
50
Classe 1
40
30
fréquence d'occupation
sur feuilles (%)
20
intensité d'occupation
(sur feuilles totales en
%)
10
0
N. californicus
90
Acariens tétranyques
intensité d’attaque
100
Dans la modalité « dose
réduite »,
la
fréquence
d’attaque
des
acariens
tétranyques a été élevée du
repérage des foyers à la fin de
la culture (entre 40 et 80% de
feuilles occupées). De plus
l’intensité d’attaque a été forte
sur
cette
même
période
puisque
des
feuilles
ont
présenté
d’importantes
attaques d’acariens tétranyques
(classe 4).
N. californicus était bien présent
mais la population est restée
faible et son pic de présence
est apparu tardivement. Ainsi
les
foyers
d’acariens
tétranyques n’ont pas été
maitrisés. A la fin de la culture,
de nombreux autres foyers ont
été observés notamment sur le
rang de plantation central
puisqu’il a reçu une dose de N.
californicus faible (1sac/13
plantes).
Les foyers de la modalité
« dose
préconisée »
ont
Figures 7 et 8 : Evolution des acariens tétranyques et N. californicus
également été très attaqués
sur foyers
jusqu’au 6 juin (jusqu’à 80% de
feuilles occupées avec une
intensité d’attaque de classe 4). La population d’acariens tétranyques a été fortement réduite dès
le 13 juin avec seulement 10% de feuilles occupées par le ravageur. De plus, certains foyers ont
été totalement « nettoyés » et au moment de l’arrachage très peu de foyers étaient encore
« actifs ».
Cette évolution s’explique par la présence importante de N. californicus. En effet toutes les feuilles
étaient occupées dès le 30 mai avec une intensité de couverture foliaire de près de 60%.
9/5
16/5
23/5
30/5
6/6
13/6
20/6
Par ailleurs, dans les deux modalités le traitement du 6 juin semble avoir eu un effet secondaire
sur la population d’acariens tétranyques et de N. californicus dans les foyers comme sur
l’ensemble de la culture.
5
Fiche APREL 12-002
3.4 Observations de la population de pucerons
Dès le début de la culture,
des
pucerons
(Aphis
lâcher
gossypii)
ont
été
observés
1,8
90%
A. bipunctata
dans les deux tunnels
1,6
80%
traitement
(figure 9). A partir du 16 mai
aphicide
lâcher
1,4
70%
A. colemani
la population a augmenté
1,2
60%
jusqu’à occuper la totalité
des feuilles observées au 6
1
50%
lâcher
lâcher
A. colemani
juin. Dès le 9 mai des
0,8
40%
A. colemani
momies
d’Aphidius
0,6
30%
lâcher
colemani ont été repérées
A. colemani
0,4
20%
et leur nombre a commencé
à croître à partir de fin mai
0,2
10%
pour occuper environ 10%
0
0%
des feuilles à la mi juin.
25/4
2/5
9/5
16/5
23/5
30/5
6/6
13/6
20/6
Des auxiliaires naturels
Modalité dose réduite : Classe moyenne
Modalité dose préconisée : Classe moyenne
Modalité dose réduite : %de feuilles occupées par pucerons
Modalité dose préconisée : %de feuilles occupées par pucerons
étaient présents dans la
Modalité dose réduite : %de feuilles occupées par momies
Modalité dose préconisée : %de feuilles occupées par momies
culture :
coccinelles,
syrphes,
chrysopes,
Figure 9 : Evolution des pucerons et momies dans les deux modalités
cécidomyies. Les lâchers
d’auxiliaires et les auxiliaires naturels ont été insuffisants pour contrôler le ravageur. Ainsi, le 6 juin
un traitement a été nécessaire pour réduire la pression. Ces résultats montrent que le contrôle des
pucerons est dépendant de lâchers importants d’auxiliaires puisque la tolérance de la variété limite
le développement des pucerons mais n’est pas suffisante.
traitement
lâcher
A. bipunctata
100%
% de plantes occupées
classe moyenne
2
4 – Analyse économique
Les rendements n’ont pas été quantifiés pour les tunnels de l’essai. Le producteur n’a pas récolté
les fruits présents dans les foyers d’acariens tétranyques. A ces endroits des fleurs ont avorté et
les fruits étaient de mauvaise qualité.
La modalité « dose préconisée » de N. californicus (1 sac/4 plantes) a coûté au producteur 0,08€
HT/m² (tableau 1), soit 0,03€ HT/m² supplémentaires par rapport à la dose réduite pour une
meilleure maîtrise des acariens tétranyques.
5 – Conclusion
Les conditions climatiques de l’année ont été très favorables au développement des acariens
tétranyques sur melon sous abri puisque les attaques ont débuté quelques jours après la
plantation (1er avril 2012). Le climat dans les tunnels de l’essai a favorisé le développement de
Neoseiulus californicus durant la période de culture.
Compte-tenu de la progression rapide des acariens tétranyques, la répartition homogène dans
l’abri à la dose de 1 sachet pour 4 plantes paraît la plus adaptée. La modalité « dose réduite » (1
sac/7 plantes) les a freinés mais n’a pas suffi.
Les résultats montrent que Neoseiulus californicus est une solution possible pour la maîtrise
biologique des acariens tétranyques en culture de melon sous abri dans les conditions climatiques
de l’essai et dans le créneau de production. Neoseiulus californicus conditionné en sachet semble
plus performant que les lâchers en vrac utilisés dans les essais précédents.
Il reste néanmoins le contrôle du puceron Aphis gossypii à maîtriser dans une stratégie globale de
protection intégrée.
Renseignements complémentaires auprès de :
Action A510
L. CAMOIN, CA 13, 13626 Aix-en-Provence, tél.04 42 23 86 58, [email protected]
C. GOILLON et A. GINEZ, APREL, 13210 St Rémy de Provence, tél. 04 90 92 39 47, [email protected]
Mots clés : melon, lutte biologique intégrée, Neoseiulus californicus, Tetranychus urticae
N° action : 04.2007.01
6
Téléchargement