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F.-X. Lucas ; RTD com. 2007, p. 233, obs. A. Martin-Serf ; Act. proc. coll. 2006, comm. 81, obs. J. Vallansan ; Gaz.
Pal. 30 avr.-4 mai 2006, p. 49, obs. E. Le Corre-Broly ; Gaz. Pal. 14-18 juill. 2006, p. 45, obs. F. Pérochon ; RJ com.
2006, p. 394, note J.-P. Sortais ; Rev. proc. coll. 2006, n° 4, p. 361, obs. M.-H. Monsérié-Bon). La question qui se pose
alors est celle de savoir comment définir le prix au sens de l'article L. 624-18 du Code de commerce. S'agit-il d'une cré-
ance, qui obéirait aux règles du paiement, comme semble le dire la Cour de cassation ?
L'article L. 624-18 du Code de commerce permet de « revendiqu[er] le prix ». Or, la revendication est une action qui
porte sur un bien, à l'exclusion d'une créance qui doit être payée. Dans cette disposition, le prix correspond alors à la
valeur économique du bien. Il ne peut s'agir de la contrepartie - de la créance - puisque l'action en revendication sup-
pose que le vendeur initial soit resté propriétaire, que le paiement n'ait pas été effectué empêchant tout transfert de pro-
priété. Le prix, valeur économique du bien, lui est donc subrogé : il se substitue au bien (Cass. com., 16 juin 2009, n°
08-15.753 : JurisData n° 2009-048659 ; JCP G 2009, n° 44, 385, note J.-J. Barbieri ; D. 2009, p. 1752, obs. A.
Lienhard ; Act. proc. coll. 2009, n° 210, obs. F. Pérochon ; JCP E 2009, 1814, n° 11, chron. M. Cabrillac et Ph. Pétel. -
Cass. com., 8 janv. 2002, n° 99-11.079 : JurisData n° 2002-012505 ; Bull. civ. 2002, IV, n° 6 ; JCP G 2002, IV, 1280. -
Cass. com., 29 mai 2001, n° 98-21.126 : JurisData n° 2001-010018 ; RTD civ. 2001, p. 930, obs. P. Crocq ; Contrats,
conc. consom. 2001, comm. 133, obs. L. Leveneur). Par l'effet de cette subrogation réelle, le bien substitué suit alors le
même régime juridique que le bien auquel il est substitué : le prix peut donc être revendiqué. Cette interprétation se
concilie avec l'article 2372 du Code civil qui dispose que « le droit de propriété se reporte sur la créance du débiteur à
l'égard du sous-acquéreur ». En effet, lorsque l'acquéreur revend le bien au sous-acquéreur, il devient créancier du
sous-acquéreur mais le vendeur initial, lui, reste tiers à cette convention conclue entre l'acquéreur et le sous-acquéreur
(en ce sens, sur le fondement de l'article L. 624-18 du Code de commerce, le sous-acquéreur ne peut opposer au vendeur
initial l'exception d'inexécution opposable à l'acquéreur, Cass. com., 5 juin 2007, n° 05-21.349 : JurisData n°
2007-039239 ; JCP G 2008, I, 117, n° 11, chron. M. Cabrillac et Ph. Pétel ; D. 2007, p. 1729, obs. A. Lienhard). Le
droit de propriété du vendeur initial se reporte alors sur le prix dû par le sous-acquéreur, prix subrogé au bien, corre-
spondant à sa valeur économique telle qu'évaluée dans le contrat de vente d'origine, sans que le vendeur ne devienne
partie à ce rapport d'obligation, sans qu'il ne dispose d'une créance.
Finalement, admettre que le prix correspond à la valeur économique du bien permet de comprendre pourquoi le lé-
gislateur en autorise la revendication, action impossible s'il s'agissait d'une créance. De plus, le vendeur initial, tant qu'il
n'a pas été payé, reste propriétaire : or, comment justifier l'existence d'une action en paiement, c'est-à-dire une transfor-
mation de ce prix, valeur économique, en une créance alors qu'aucun transfert de propriété ne s'est opéré ? Enfin, donner
toute sa portée juridique à la revendication du prix assure à la clause de réserve de propriété toute sa force con-
traignante. La clause de réserve de propriété, comme le droit de rétention parce qu'il protège la propriété, doivent en
dépit de l'ouverture des procédures collectives garder toute leur efficacité (F. Pérochon, La réserve de propriété
demeure-t-elle utile en 2009 ? : CDE 2009, dossier 22. - sur le droit de rétention, V. Cass. 1re civ., 24 sept. 2009, n°
08-10.152 : JurisData n° 2009-049541 ; JCP G 2009, n° 44, 380, note A. Aynès). En effet, les parties, lorsqu'elles ont
subordonné le transfert de la propriété d'un bien à son paiement, ont précisément recherché une sécurité juridique : le
principe de l'égalité des créanciers devrait céder devant la force du droit de propriété. Le propriétaire doit rester mieux
traité, puisque par définition, il n'est pas un créancier comme les autres.
3. PORTÉE
La clause de réserve de propriété est, par cette décision, gravement fragilisée : la Cour de cassation refuse de re-
connaître au vendeur initial le droit de revendiquer entre les mains du sous-acquéreur alors que les conditions en sont
réunies. Elle se contente d'accorder au vendeur initial une action en paiement, action par nature personnelle. De plus,
cette décision conduit à nier toute portée à l'article L. 624-18 du Code de commerce : la Cour de cassation refuse de
reconnaître que le prix revendiqué l'est en vertu d'une subrogation réelle, qu'il ne constitue pas une créance, contrepartie
d'un transfert de propriété qui par définition n'a pas eu lieu, et que la restitution du prix serait alors la conséquence d'une
action en revendication et non d'une action en paiement.
Certes, le droit des procédures collectives vise à assurer un équilibre entre les créanciers restés impayés qui souhaitent
que l'actif ne soit pas vidé de sa substance, une fois leur créance déclarée. Mais, avant de faire face à une situation de
crise, la société - acheteur de biens - doit fonctionner : elle a besoin de fournisseurs. Or, il ne faut pas dissuader les cré-
anciers, fournisseurs de biens, de contracter, en leur retirant toutes les garanties qui précisémment leur assurent, en cas
de difficultés, une garantie de pouvoir se voir restituer les biens ou à défaut leur prix. Certes, la crise économique con-
duit à s'intéresser à la situation des créanciers d'une entreprise faisant face à de graves difficultés, mais il ne faut ce-