X 1. Définitions et concepts L’écologie étudie les conditions de vie des organismes et toutes les interactions pouvant exister entre eux et leur environnement biotique et/ou abiotique. Un écosystème est une unité écologique évolutive et fonctionnelle composée d’une biocénose (ensemble des organismes vivants) et d’un biotope (ensemble des facteurs abiotiques : température, lumière, sol, etc.). Toutes les espèces vivant dans un écosystème interagissent entre elles pour survivre et se reproduire. Les grands types d’interactions (figure 1) sont : • La prédation Un organisme prédateur utilise d’autres organismes, les proies, pour s’en nourrir ou nourrir sa progéniture, ce qui entraîne très souvent la mort de la proie. • La compétition C’est une course pour être le premier à utiliser les ressources du milieu, à coloniser un territoire et/ou à se reproduire. • Le parasitisme Un parasite tire sa nourriture de son hôte ou s’en sert pour se reproduire. Il est soit externe (ectoparasite), soit interne (endoparasite) et sa présence peut conduire à la mort de l’hôte. Les relations hôtes-pathogènes sont une forme courante de parasitisme. • Le commensalisme Un commensal prend une partie de sa nourriture chez un hôte, qui n’en est pas affecté. • Le mutualisme Ce sont des relations interspécifiques (entre deux espèces ou plus) et à bénéfices réciproques. Le mutualisme dérive vraisemblablement de relations de prédation, de compétition ou de parasitisme dans lesquelles, au cours de l’évolution, les espèces en jeu ont trouvé une façon de mieux vivre ensemble. Ces relations peuvent être transitoires (plantes-pollinisateurs) ou plus durables, elles peuvent s’établir pendant tout ou partie du cycle de vie des partenaires et être facultatives, ou obligatoires si la survie d’au moins un des partenaires en dépend. Une relation de mutualisme peut évoluer vers le parasitisme quand un des partenaires tend à exploiter l’autre. Les associations mutualistes les plus abouties sont les symbioses. Le terme symbiose signifie littéralement « vivre 6 avec » ou « vivre ensemble ». Au sens large, le mot symbiose est utilisé pour désigner toutes les interactions durables entre organismes vivants, de la prédation au mutualisme. Pour éviter toute confusion, on réserve souvent le terme symbiose aux associations intimes, durables et bénéfiques entre des organismes appartenant à au moins deux espèces différentes : c’est le choix fait dans cet ouvrage. Les partenaires sont appelés symbiotes (ou symbiontes), mais on parle aussi de relation hôte-symbiote, en particulier quand l’un des partenaires, l’hôte, est beaucoup plus gros que l’autre (le symbiote). Les symbiotes sont classés en zoosymbiotes (animaux), phytosymbiotes (plantes), phycosymbiotes (algues), mycosymbiotes (champignons) et cyanosymbiotes (cyanobactéries). Les bénéfices retirés par les partenaires d’une symbiose peuvent être : – trophiques. Les éléments échangés sont de natures très diverses (nutriments tels que les sucres, vitamines, nitrates, antibiotiques, hormones). Dans une symbiose, on trouve souvent un partenaire autotrophe (photo-autotrophe ou chimio-autotrophe), qui sera la source de carbone organique, et un partenaire hétérotrophe, qui fournira d’autres nutriments, par exemple de l’azote assimilable et des sels minéraux ; – une protection. Un des partenaires peut fournir à l’autre une protection contre des agressions biotiques (prédateurs, parasites, agents pathogènes) ou abiotiques (sécheresse, lumière, gel) en l’abritant et/ou en sécrétant des molécules de défense ; – des propriétés émergentes. La symbiose peut permettre d’acquérir des structures, des organes et/ou des fonctions nouvelles. Par exemple, les nodules racinaires fixateurs d’azote sont de nouveaux organes résultant de l’interaction entre les racines de certaines plantes et des bactéries du sol. Ils confèrent à la plante une nouvelle fonction, la possibilité de transformer l’azote atmosphérique en composés azotés directement assimilables. Plusieurs critères permettent d’évaluer une symbiose : le degré de dépendance des organismes concernés, la nature et le volume des transferts d’un partenaire à l’autre, la spécificité de l’association et les échanges éventuels de matériel génétique. 1. DÉFINITIONS ET CONCEPTS Hôte Proie Prédateur Endosymbiose Ressource Ectoparasite Hôte Endoparasite Ectosymbiose Prédation Compétition Parasitisme Commensalisme Négatif Mutualisme Positif Figure 1. Principaux types de relations entre organismes vivants. Une symbiose résulte de processus évolutifs permettant à des organismes présents dans un écosystème de s’adapter l’un à l’autre pour transformer les inconvénients d’une cohabitation en avantages pour l’un et pour l’autre. Ce processus peut aller jusqu’à l’émergence d’une nouvelle entité résultant d’une fusion des partenaires initiaux. La transmission des nouveaux caractères à la génération suivante peut se faire directement (transmission verticale) ou indirectement en repassant par l’environnement (transmission horizontale). La plupart des symbioses sont apparues, se sont perdues puis sont réapparues plusieurs fois au cours de l’évolution, en fonction des modifications du milieu. Ce type de relation est très complexe car chaque partenaire a des caractéristiques physiques, anatomiques, métaboliques et physiologiques différentes, qui lui confèrent des besoins et des stratégies de vie spécifiques. Vivre ensemble nécessite donc de rendre compatibles les modes de vie des partenaires qui doivent se rencontrer, se reconnaître, communiquer et établir, puis maintenir, la relation de partenariat. Les principaux types de symbioses impliquant directement ou indirectement un organisme végétal seront abordés dans les chapitres suivants. À RETENIR • Le terme symbiose est souvent utilisé pour désigner l’ensemble des interactions existant entre les organismes vivant dans un écosystème, de la prédation à la symbiose mutualiste, mais de nombreux scientifiques le réservent aux interactions à bénéfices mutuels (symbiose mutualiste). • Les symbioses sont très diverses et concernent des organismes appartenant à tous les règnes du vivant. Elles se sont établies au cours de l’évolution pour permettre la survie d’individus, de populations et d’espèces. • Une symbiose nécessite l’établissement d’un dialogue moléculaire complexe entre les organismes impliqués. Ces échanges concernent souvent les nutriments et la protection mais peuvent aussi conduire à l’émergence de nouveaux organes et fonctions, et même à l’apparition de nouvelles espèces. 7 X 2. Évolution : la théorie endosymbiotique pour expliquer la genèse de la cellule eucaryote Darwin pensait que la compétition était le moteur de l’évolution conduisant à la sélection des organismes les plus compétitifs. On sait maintenant que cette théorie était très incomplète et que la symbiose est un facteur clé de l’évolution des espèces. En effet, les interactions mutualistes en général et symbiotiques en particulier peuvent être indispensables à la survie des espèces en leur permettant d’acquérir des caractères nouveaux qui facilitent leur adaptation aux modifications de leur milieu. Les procaryotes (bactéries et archaebactéries) ont colonisé la planète pendant environ deux milliards d’années, avant l’apparition des organismes eucaryotes unicellulaires puis multicellulaires. La formation de la cellule eucaryote (à vrai noyau), il y a au moins 2,6 milliards d’années, a représenté une innovation évolutive déterminante pour l’émergence de nouvelles espèces. L’hypothèse endosymbiotique pour expliquer la genèse de la cellule eucaryote est aujourd’hui généralement admise, même si les processus exacts et la chronologie de certains événements font encore débat. Un des éléments déclencheurs a vraisemblablement été l’enrichissement du milieu aquatique en oxygène, consécutif à la prolifération des cyanobactéries (bactéries photosynthétiques). Le taux élevé d’oxygène a induit l’acquisition d’une nouvelle fonction, la respiration, produisant l’énergie indispensable au développement de nouvelles voies métaboliques. Ces événements ont été à l’origine de la biodiversité des eucaryotes unicellulaires puis multicellulaires du règne animal, végétal et fongique. 2.1. ORIGINE ENDOSYMBIOTIQUE DES MITOCHONDRIES ET DES CHLOROPLASTES Dès la fin du xvie siècle, le botaniste et paléontologue alsacien Guillaume Schimper évoque la possibilité que les chloroplastes soient des symbiotes, mais il faudra environ un siècle pour que cette hypothèse soit reprise et argumentée. L’analyse précise de l’ultrastructure, de la biochimie et de la phylogénie (filiations génétiques) des cellules eucaryotes a permis de montrer que les mitochondries présentes dans les cellules animales, végétales et fongiques, ainsi que les chloroplastes présents uniquement dans les cellules végétales, ont pour origine des bactéries primitives devenues endosymbiotes. Les premières étapes de la genèse de la cellule eucaryote font débat car un doute subsiste sur le premier événement important, la formation du noyau, qui est une caractéristique essentielle de la cellule eucaryote. L’hypothèse retenant le plus grand nombre de suffrages peut se résumer en trois étapes principales (figure 2) : – compartimentation de l’ADN constituant l’ensemble du patrimoine génétique d’un procaryote primitif dans un noyau entouré d’une membrane à dominante lipidique, issue de la membrane plas8 mique entourant la cellule procaryote ; – endocytose de bactéries pourpres (classe des alpha-protéobactéries) efficaces pour la respiration et la production d’énergie : cet événement constitue la première endosymbiose et a été suivi de l’évolution de ces bactéries en mitochondries, organites cellulaires spécialisés dans la respiration et la production d’énergie ; – endocytose de cyanobactéries possédant une fonction importante, la photosynthèse : c’est une deuxième endosymbiose, suivie de l’évolution des cyanobactéries en chloroplastes, spécialisés dans la photosynthèse. Le scénario le plus probable est que, dans le procaryote ancestral, la membrane plasmique entourant la cellule se soit invaginée pour former le réticulum endoplasmique, et que la membrane nucléaire qui isole l’ADN du cytoplasme ait formé le noyau, aboutissant à une cellule eucaryote primitive. Les compositions en lipides de ces différentes membranes sont très voisines et, dans toutes les cellules eucaryotes, il y a des relations étroites et fonctionnelles entre la membrane nucléaire, le réticulum endoplasmique et la membrane plasmique. 2. ÉVOLUTION : LA THÉORIE ENDOSYMBIOTIQUE POUR EXPLIQUER LA GENÈSE DE LA CELLULE EUCARYOTE Phagocytose de bactéries pourpres Cellule eucaryote animale Structuration du noyau et du réticulum endoplasmique Phagocytose de cyanobactéries Invaginations de la membrane plasmique Cellule eucaryote végétale Membrane plasmique ADN Procaryote ancestral Compartimentation de l'ADN dans un noyau – 2,8 mds d’années avant notre ère Phagocytose de bactéries pourpres – 2,5 milliards d'années Phagocytose de cyanobactéries – 1,6 milliard d'années Figure 2. Théorie endosymbiotique de la genèse des cellules eucaryotes. Les bactéries pourpres phagocytées évolueront ensuite pour donner les mitochondries (respiration et synthèse d’énergie) présentes dans les cellules animales, végétales et fongiques. Les cyanobactéries phagocytées évolueront pour donner les chloroplastes, présents uniquement dans les cellules végétales. La symbiose, un acteur majeur de l’évolution La cellule eucaryote, dont le caractère endosymbiotique ne fait plus de doute, a représenté une innovation évolutive majeure qui a donné naissance aux grandes lignées animales, végétales et fongiques. D’une manière générale, toutes les associations symbiotiques ont contribué et contribuent toujours à l’évolution, en permettant à de nombreux organismes de s’adapter pour survivre à des modifications de leur environnement ou pour coloniser de nouveaux milieux. Les symbioses sont génératrices de fonctions nouvelles mais aussi de morphologies et de comportements nouveaux par fonctionnement coopératif, voire fusion des génomes des partenaires de la symbiose. Ces innovations évolutives installent de nouvelles pressions de sélection, qui influent fortement sur la suite du processus évolutif. 9 2. ÉVOLUTION : LA THÉORIE ENDOSYMBIOTIQUE POUR EXPLIQUER LA GENÈSE DE LA CELLULE EUCARYOTE Ces modifications structurales se sont accompagnées d’une augmentation de la taille de la cellule, or toute augmentation de taille et de complexité entraîne des besoins énergétiques accrus. L’endocytose des bactéries pourpres a permis de répondre à ces nouveaux besoins car ces bactéries possèdent un métabolisme oxydatif très efficace pour la production d’énergie chimique (ATP) : la glycolyse liée à la respiration. En échange, ces bactéries phagocytées ont trouvé un milieu de vie stable et protégé des aléas du milieu extérieur. Cette relation a ensuite évolué en une véritable endosymbiose dans laquelle la bactérie pourpre a évolué en mitochondrie, en perdant une partie de son ADN devenu inutile. On situe cette première endosymbiose à environ 2,5 milliards d’années avant notre ère et cette cellule eucaryote plus performante serait à l’origine des lignées animales et fongiques. La cellule ayant encore grandi et le milieu extérieur s’étant modifié, de nouveaux besoins énergétiques ont émergé, ce qui a mené à la deuxième endosymbiose. Des cyanobactéries ont été phagocytées et ont établi une deuxième relation endosymbiotique en évoluant vers le chloroplaste, conservant une photosynthèse efficace mais perdant aussi l’ADN correspondant à des fonctions devenues inutiles. On situe cette deuxième endosymbiose à environ 1,6 milliard d’années avant notre ère. La cellule eucaryote en résultant a été à l’origine de la lignée végétale. Pour rappel, la taille d’une bactérie est, en moyenne, 2 micromètres, celle d’une cellule animale, 10 micromètres, et celle d’une cellule végétale, 100 micromètres. Des éléments corroborent cette théorie endosymbiotique : – Les mitochondries et les chloroplastes possèdent leur propre ADN codant des fonctions spécialisées. La structure et le fonctionnement des gènes mitochondriaux et chloroplastiques sont plus proches de ceux des bactéries (procaryotes) que de ceux des eucaryotes. – Les mitochondries et les chloroplastes sont des organites cellulaires possédant une double membrane et leurs membranes internes ont une composition très proche de la membrane plasmique des bactéries. Les chloroplastes de certaines algues possèdent trois ou quatre membranes, ce qui laisse supposer que d’autres endosymbioses auraient pu se produire. – Les ribosomes des mitochondries et des chloroplastes sont plus proches de ceux des bactéries que de ceux des eucaryotes. – Les mitochondries et les chloroplastes se divisent de manière autonome et indépendamment de la division cellulaire qui duplique le noyau (mitose). En conclusion, une cellule eucaryote animale possède un patrimoine génétique nucléaire et un patrimoine génétique mitochondrial additionnel qui, chez une cellule végétale, s’enrichit encore d’un patrimoine génétique chloroplastique. Certains complexes enzymatiques sont codés par les différents ADN et, chez les végétaux, de nombreuses fonctions physiologiques nécessitent l’expression coordonnée de gènes nucléaires, mitochondriaux et/ou chloroplastiques. 2.2. DE LA CELLULE EUCARYOTE À LA MULTICELLULARITÉ Les premiers organismes vivants eucaryotes étaient constitués d’une seule cellule hétérotrophe (dominante animale ou fongique) ou autotrophe grâce à la photosynthèse (dominante végétale). Ces organismes unicellulaires forment un groupe communément appelé protistes, comprenant les protozoaires (protistes animaux), les protophytes (protistes végétaux), aussi appelés algues unicellulaires (diatomées, chlamydomonas…), et les protomycètes, ou protistes fongiques. Le groupe des protistes, qui rassemble environ 300 000 espèces, est très hétérogène et la distinction entre animal et végétal n’est pas toujours très 10 nette. La classification phylogénétique en cours les classe maintenant suivant leur parenté moléculaire (ADN). Leur structure générale est assez simple, avec toutefois des ultrastructures spécialisées comme des cils, des flagelles et des vacuoles pulsatiles, qui permettent à certaines espèces (euglènes, dinoflagellés, paramécies…) de se déplacer rapidement. Les protistes diffèrent les uns des autres par leur anatomie, leur cycle de vie et leur rôle écologique, mais ils s’adaptent facilement à leur milieu et se reproduisent rapidement, généralement de manière non sexuée. Éléments constitutifs du plancton, ce sont des acteurs déterminants dans les 2. ÉVOLUTION : LA THÉORIE ENDOSYMBIOTIQUE POUR EXPLIQUER LA GENÈSE DE LA CELLULE EUCARYOTE grands cycles biogéochimiques (carbone, azote…), en particulier le phytoplancton, qui produit la plus grande biomasse à la base des chaînes alimentaires en milieu aquatique et subaquatique. La pluricellularité ou multicellularité (figure 3) a été mise en place de manière indépendante et différente dans de nombreux groupes d’eucaryotes unicellulaires, cependant la symbiose a continué à y jouer un rôle. On pense que des organismes eucaryotes unicellulaires se sont assemblés pour acquérir des avantages sélectifs leur permettant de mieux survivre. Dans ces colonies, les individus situés loin de la surface de la colonie ne pouvaient plus prélever leur nourriture directement dans le milieu et devaient donc compter sur les individus situés en surface pour les aider à se nourrir en établissant des relations de mutualisme. Progressivement, des organismes unicel- Cellule eucaryote animale ou végétale Organisme eucaryote unicellulaire lulaires identiques au départ ont commencé à se différencier et à s’assembler, en perfectionnant les échanges entre toutes les cellules, d’abord réunies dans un mucilage. Récemment, des organismes coloniaux de grande taille (une dizaine de centimètres) datant de – 2,1 milliards d’années ont été découverts, ce qui montre que la multicellularité est apparue très tôt au cours de l’évolution. Des chercheurs considèrent d’ailleurs que les premiers organismes multicellulaires sont des colonies bactériennes (procaryotes) dans lesquelles les cellules communiquent pour coordonner leur fonctionnement. Par exemple, la cyanobactérie Nostoc différencie un thalle filamenteux comprenant deux types de cellules : des cellules végétatives restant liées en chaînes après la mitose et assurant la photosynthèse, mais aussi des hétérocystes non photosynthétiques, qui assurent la fixation de l’azote. Rapprochement et vie en colonie Structuration de la colonie et organisation des échanges trophiques Différenciation cellulaire et organogenèse Colonie Organisme eucaryote colonial Organisme eucaryote multicellulaire Figure 3. De la cellule eucaryote à l’organisme eucaryote multicellulaire. Algue verte Pediastrum boryanum organisée en colonie d’algues unicellulaires. Pour survivre et se reproduire, la colonie doit rassembler un nombre minimal d’individus, variable en fonction du milieu, mais on peut toutefois trouver des individus isolés ou par deux. 11 2. ÉVOLUTION : LA THÉORIE ENDOSYMBIOTIQUE POUR EXPLIQUER LA GENÈSE DE LA CELLULE EUCARYOTE Selon une définition généraliste, un organisme multicellulaire est un ensemble de cellules en contact physique ou suffisamment proches pour interagir fortement en fonctionnant de manière coordonnée. Certains de ces ensembles sont devenus permanents, ce qui a conduit à une spécialisation de tissus et d’organes à l’origine de l’immense diversité des eucaryotes multicellulaires dans les lignées animales, végétales et fongiques. Il semble aussi que la multicellularité des animaux ait été acquise de manière plus linéaire que celle des plantes et des champignons. La multicellularité est apparue plusieurs fois indépendamment dans des groupes phylogénétiquement hétérogènes : pour certains groupes tels que les mycètes et les algues, il existe encore des espèces unicellulaires et des espèces multicellulaires. C’est le cas des algues vertes (chlorophytes), chez qui la multicellularité a été inventée de nombreuses fois et qui comprennent des espèces très proches, multicellulaires, coloniales ou unicellulaires. Ce passage à la multicellularité s’est accompagné d’une augmentation de taille estimée à au moins 1016 entre l’organisme le plus petit (un eucaryote unicellulaire primitif) et le plus grand (le plus grand dinosaure dont on ait retrouvé le squelette), cette évolution ayant pris environ un milliard d’années. Une plus grande taille était un avantage par rapport à la prédation, et la multicellularité apportait d’autres avantages typiques de la symbiose en renforçant les interactions coopératives pour optimiser la nutrition, la résistance à la prédation et les économies d’énergie. Au fur et à mesure qu’apparaissaient de nouvelles espèces, tous les organismes vivants procaryotes ou eucaryotes unicellulaires, puis multicellulaires, ont établi entre eux des relations de tous types : prédation, compétition, parasitisme, mutualisme et symbiose. Conséquences de la multicellularité Au cours de l’évolution, la multicellularité a permis de multiplier les chances de survie, donc de reproduction, d’un organisme, qui pourra perdre des cellules sans être détruit. Après avoir acquis des molécules assurant la cohésion de l’ensemble, de nouveaux tissus puis des organes se sont différenciés pour optimiser l’adaptation au milieu de vie et la résistance aux agresseurs. Par contre, plus un organisme est complexe plus son évolution se ralentit, ce qui augmente le risque de disparition de l’espèce concernée. À RETENIR • La théorie endosymbiotique est globalement acceptée par la communauté scientifique pour expliquer la genèse de la cellule eucaryote. Les modifications du milieu de vie des procaryotes ont conduit à la compartimentation du patrimoine génétique dans un noyau entouré d’une membrane. Pour faire face à de nouveaux besoins énergétiques, cette cellule eucaryote primitive a phagocyté des bactéries pourpres, qui ont survécu à l’intérieur de la cellule en conservant une grande partie de leur génome, donnant les mitochondries qui produisent de l’énergie. • Cette première endosymbiose a eu lieu il y a environ 2,6 milliards d’années et a donné naissance à une cellule eucaryote possédant des mitochondries (respiration et production d’énergie) à l’origine des lignées animales et fongiques. Elle a été suivie, un milliard d’années plus tard, d’au moins une deuxième endosymbiose de bactéries photosynthétiques (cyanobactéries) qui donneront les chloroplastes, spécialisés dans la photosynthèse et conservant une grande partie de leur patrimoine génétique. • Cette cellule eucaryote possédant des mitochondries et des chloroplastes a été à l’origine de la lignée végétale. • De nombreuses preuves structurales, biochimiques, métaboliques et moléculaires (ADN) valident cette hypothèse. Les premiers organismes eucaryotes étaient unicellulaires, puis certains ont formé des colonies pour mieux vivre ensemble. Certaines colonies ont ensuite évolué vers une symbiose entre des cellules qui se sont spécialisées, donnant naissance à des organismes multicellulaires de complexité variable. 12