Gé ologié du Rif, à l`éxtré mité occidéntàlé dé là chàî né àlpiné

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André Michard
Texte d’une conférence donnée en février 2015 à l’ENS de Marrakech. Le texte correspond à un
diaporama (diapositives numérotées de 1 à 64). Les références sont groupées in fine. Seules les
références datant de 2008 à 2015 sont données, les références antérieures sont disponibles dans
l’ouvrage de Michard et al. (eds.), 2008.
1) Géologie du Rif, à l’extrémité occidentale de la chaîne alpine. Pourquoi ce sous-titre ? C’est
que le Rif partage cette position très spéciale avec les Cordillères bétiques d’Andalousie,
formant avec elles l’Arc de Gibraltar.
2) Le plan que nous allons suivre est le suivant (chapitres numérotés de I à VII). Ce plan est
rappelé au début de chaque chapitre (diapo « Rappel du plan »).
Table des matières pages
- I.- Bref historique des idées (1880-1976) 1
- II.- Schéma général de la chaîne en 2008 5
- III.- La marge hyper-étirée et les ophiolites externes 6
- IV.- Suture des Flyschs et Terrain d’Alboran 9
- V.- De la Téthys alpine à la Méditerranée occidentale 14
- VI.- Structure profonde et mouvements actuels 16
- VII.- Conclusion 17
- Appendice et Références 18
I.- Bref historique des idées
3) Les idées sur la chaîne alpine de 1880 à 1924.- Les études des montagnes se développant
dans toute l’Europe, puis dans les colonies et protectorats d’Afrique et d’Asie, on accéda
bientôt au concept de chaînes alpines, coincées entre de grands domaines continentaux,
Eurasie au N, et Afrique, Arabie, Inde au S ce que Suess appela Gondwanaland en 1885. Le
mécanisme envisagé pour leur formation était la contraction du globe, supposée avoir écrasé
une mer ancienne, baptisée Téthys, entre les deux supercontinents. Mais à la fin du siècle, la
découverte de la radioactivité (Becquerel, Marie Curie) imposa l’abandon de l’idée de
contraction thermique du globe. Que faire alors ?
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Comment expliquer la contraction observée dans les chaînes plissées, d’autant plus
impressionnante qu’on y découvre, grâce à Marcel Bertrand, l’importance des nappes de
charriage ? La théorie de la dérive des continents proposée par l’astronome et météorologue
Alfred Wegener offrit en 1915-1928 une magnifique porte de sortie à la géologie en général,
et à celle des chaînes plissées en particulier, mais seuls quelques esprits hardis l’acceptèrent
tandis que beaucoup la rejetaient au prétexte que tout n’y était pas inattaquable
(l’explication des forces créant les translations continentales, notamment). Géologue alpin,
Emile Argand l’adopta et s’en servit magnifiquement en 1924 pour expliquer toute la chaîne
alpine, des Cordillères bétiques à l’Himalaya. Sur ses coupes, on voit apparaître les charriages
et les rétrocharriages des Alpes ainsi que ceux des Cordillères bétiques et de la Sicile
septentrionale. Ces derniers appartiennent à ce que Michel Durand-Delga appellera les
Maghrébides en 1980, chaîne englobant le Tell, les Kabylies et le Rif.
4) L’aube de la géologie rifaine (1847-1912).- Comment le Rif s’est-il trouvé décrit dans cette
période héroïque de la géologie, entre le milieu du 19ème s. et le milieu du 20ème s. ? Bien mal,
les études y étant autrement plus rares. Le premier géologue à y poser le pied fut Henri
Coquand (géologue originaire de Charente où il définit les étages du Crétacé supérieur,
notamment le Coniacien de Cognac). Il reconnut entre Ceuta, Tétouan et Tanger une
structure en zones longitudinales, terrains cristallins à l’E (nos Sebtides), terrains « de
transition » d’âge dévonien au centre (les ghomarides d’aujourd’hui), puis le « Petit Atlas »
calcaire jurassico-crétacé (la Dorsale), enfin les marnes à fucoïdes vers l’ouest (les Flyschs et
les zones externes). La première carte géologique générale est ensuite celle de Louis Gentil
(1912 ; voir in Willefert, 1997 ; Missenard et al., 2008). Louis Gentil, né en Algérie, parlant
l’arabe et habillé en musulman, a surtout parcouru le domaine atlasique. Néanmoins, dans le
Rif, il reconnut le charriage des chaînons calcaires du Haouz (Dorsale) sur les « marnes à
fucoïdes » et l’homologie du J. Musa avec le Rocher de Gibraltar. Il fut aussi le premier à
suggérer que le couloir sud-rifain avait pu constituer une voie de communication entre
l’Atlantique et la Méditerranée avant l’ouverture du détroit au Pliocène.
5) Découverte des nappes (1927), premier Service Géol. du Maroc .- Après la période des
explorations, voici venir, entre les deux guerres mondiales, celle des monographies, pilotées
par le nouveau Service des Mines et de la carte géologique du Maroc (1921). Fernand Daguin
signe en 1927-28 le premier mémoire et la première carte édités par le Service. Il met en
évidence le charriage de la zone prérifaine sur les marnes miocènes du sillon sud-rifain. Paul
Fallot, directeur de l’Institut de Géologie appliquée de Nancy, commence par travailler dans
les zones externes des Cordillères bétiques (les zones internes étant étudiées par les
Hollandais), puis s’intéresse au Rif en collaborant avec les géologues espagnols. Il faut se
rendre compte des difficultés que rencontraient alors les géologues. Il n’y avait pas de route
et le bled n’était pas forcément très sûr. M. Durand-Delga (1961) raconte : « Paul Fallot part
avec son mulet et un muletier-interprète. Les incidents ne manquent pas. Le plus grave lui
advient dans les pics du J. Gorguès, au Sud de Tétouan : un goumier à la solde de l'Espagne le
prend pour un déserteur de la Légion espagnole! Roué de coups, notre géologue est
transporté inanimé à l'hôpital de Tétouan. Trois jours plus tard, le bras bandé, il remontait
les pentes où s'était produite l'agression ! » Fallot publie en 1937 un Essai sur la Géologie du
Rif septentrional dans les Notes et Mémoires du Service géologique du Maroc. Il y eut aussi
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des travaux dans le Rif oriental, ponctuels mais importants parce qu’ils débouchaient sur
l’idée d’une structure en nappes de charriage de la chaîne. Ce furent d’abord (en 1929) les
recherches d’un franc-tireur, le Dr Philibert Russo, souvent accompagnée de son épouse
Léonie (1929), puis ceux d’un géologue du Service géologique, Jean Marçais, en 1936-38.
Cette vision « nappiste » allait s’imposer par la suite.
6) 1946-59: Le tournant du 500.000ème.- En 1946, le Service de la Carte géologique
s’individualise. Il est placé sous la direction de Georges Choubert qui lance bientôt, avec des
effectifs renforcés, le programme de la carte géologique du Maroc de l’époque en 6 feuilles.
Grâce au travail acharné d’une équipe considérable, grâce aussi à l’utilisation des photos
aériennes et des land-rovers, la maquette des 6 cartes et présentée au Congrès géologique
international d’Alger (1952). Le Rif est couvert par les feuilles de Rabat et Oujda.
L’importance des chevauchements est rendue visible par des traits épais entre le Rif interne
(la Dorsale calcaire sur la feuille Rabat, les Bokoyas sur la feuille Oujda) et la zone marno-
schisteuse à flyschs gréseux plus externe, et entre les flyschs jurassico-crétacé de Ketama et
le Miocène du Nekor. Des fenêtres tectoniques typiques sont dessinées dans le Rif externe
oriental (Miocène du J. Kouine sous la nappe jurassico-crétacée des Senhadja et la nappe
crétacée d’Aknoul. Des détails minuscules, dont on ne comprendra la portée que plus tard,
sont notés : ainsi les serpentinites des Beni Malek, futur jalon de la suture mésorifaine.
Néanmoins, on était encore loin d’avoir tout compris, et d’abord, tout daté
paléontologiquement. De nombreux contacts restaient en pointillé, qui se révèleront des
contacts anormaux.
7) Une excitante époque de transition après l’Indépendance.- A partir de 1956, le Maroc
recouvre son indépendance, mais les autorités marocaines et françaises s’entendent sur des
accords de coopération préservant les structures scientifiques et techniques. La réunification
des territoires du Rif vont favoriser les recherches dans l’ancienne zone espagnole. De
nombreuses thèses de troisième cycle ou thèses d’Etat des universités françaises ou suisses
sont consacrées à des secteurs divers du Rif. Ces thèses sont soutenues par le Service
géologique sous condition de remise des minutes de cartes. Certaines sont d’ailleurs dirigées
par Anne Faure-Muret, professeur d’université et adjointe de G. Choubert. D’autres, par des
professeurs de Paris puis Toulouse (Michel Durand-Delga) ou de Montpellier (Maurice
Mattauer) ayant fait leurs premiers travaux en Algérie. C’était une époque particulièrement
excitante, du point de vue géologique, pour deux types de raisons. D’une part, sur le plan
national, le Service géologique était encore très riche en géologue de haute volée je
citerais, aux côtés de G. Choubert et A. Faure-Muret, G. Suter, J. Destombes, H. Hollard, P.
Huvelin, R. Du Dresnay, R. Medioni, Ph. Morin et en même temps, accueillait de jeunes
géologues marocains récemment diplômés à l’étranger et habilités à prendre bientôt le relai
par exemple, Moussa Saadi, futur directeur du Service puis ministre de l’Energie et des
Mines. D’autre part, le Maroc indépendant voulait développer l’enseignement scientifique,
et en particulier celui de la géologie dans le pays lui-même. En 1966-68, je suis venu
renforcer l’équipe enseignante de la Faculté des Sciences de Rabat. C’était alors la seule
université au Maroc, et les promotions que j’eus le plaisir d’enseigner ne comptaient qu’une
vingtaine d’étudiants. L’Université de Marrakech ouvrit ses portes en 1978, la Faculté des
Sciences de Casablanca en 1981, etc.
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8) Une révolution dans les Sciences de la Terre.- D’autre part, dans la même période mais sur le
plan international, la géologie s’est trouvée révolutionnée par l’introduction de ce qu’on
appelait alors la « théorie des plaques ». Aujourd’hui, la tectonique des plaques est connue
même du grand public, elle est enseignée dès le lycée. A l’époque, c’était un vrai
bouleversement. C’est à Rabat que j’ai moi-même commencé à la comprendre et à
l’enseigner… Mais son application à l’arc de Gibraltar et à la Méditerranée en général a
donné lieu d’abord à des errements variés – par exemple à l’idée d’une microplaque
d’Alboran, dont seules les limites seraient déformées.
9) Les levers au 50.000 et leur synthèse au 500.000ème (Suter, 1980).- Le Service de la Carte
géologique, après avoir achevé le 500.000ème, se lance dans la cartographie du Rif au
1/50.000, cependant que le reste du Maroc est cartographié au 100.000 (Maroc atlasique) ou
au 200.000 (Anti-Atlas). Gabriel Suter (1920-2008) s’investit particulièrement dans le
programme cartographique rifain. En 1975, G. Suter achève la maquette de deux cartes au
1/500.000 du Rif, l’une géologique, l’autre structurale qui fait la synthèse de tous les
documents disponibles à cette date. Très complexes, les cartes ne paraîtront qu’en 1980.
Elles n’ont pas été accompagnées de notices explicatives, comme la plupart des cartes de
cette époque.
10) L’état des lieux en 1976 et la multiplication des chercheurs (Rif et Bétique).- En 1976, l’état
des lieux est donné dans un ouvrage fameux… que je ne désavoue pas, même si à 40 ans,
j’étais encore plus ignorant qu’aujourd’hui. Pour la géologie rifaine, on peut constater en le
feuilletant que l’on savait déjà beaucoup de choses sur la géologie classique de surface (de ce
point de vue, le chapitre Rif de ce livre est un peu la notice explicative de la carte de Suter),
mais très peu sur la pétrologie métamorphique, la géochronologie et la géophysique, et que
l’interprétation tectonique et géodynamique était encore bien confuse ! Dans la période qui
suivit, il va y avoir, jusqu’à la synthèse la plus récente sur le Rif (Chalouan et al., 2008), une
vraie montagne de travaux dans les deux branches de l’arc de Gibraltar, Rif et surtout
Cordillères bétiques, ainsi que de nombreux travaux à la mer à l’ouest et à l’est du Détroit et
jusqu’aux côtes algériennes. Peu de travaux à terre dans les Kabylies et le Tell, en revanche,
vu le contexte dangereux. Dans le Rif lui-même, il y eut surtout deux écoles au travail, celle
de Michel Durand-Delga et la mienne, toutes deux fortement connectées à l’école de Garcia-
Dueñas à Granada. Ahmed Chalouan fut le premier marocain titulaire d’une thèse d’état,
puis professeur à Rabat. Omar Saddiqi, aujourd’hui doyen de Casa Aïn Chock, associa des
travaux dans le Rif et en Oman et de grands talents culinaires… S’y ajoutèrent des élèves
d’Anne Faure-Muret dont Dominique Frizon de Lamotte - et de Gérard Duée je pense
notamment à Ahmed Benyaïch, trop tôt disparu et aussi des géologues suisses, notamment
Walter Wildi qui étendit sa synthèse stratigraphique à l’Algérie. Citons encore les travaux de
géologues du Service, en particulier Denis Leblanc (qui avait fait son DES dans les Alpes avec
moi) et Hugues Feinberg, en micropaléontologie, plus tard associé à mon groupe à l’ENS pour
le paléomagnétisme. Les principaux travaux rifains de ces chercheurs seront cités dans la
suite de cette conférence, consacrée à l’exposé des connaissances actuelles sur la chaîne.
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II.- Schéma général de la chaîne en 2008
11) Rappel du plan. On partira du nouvel « état des lieux » que j’ai publié en 2008, cette fois-ci
avec de nombreux coauteurs et en anglais.
12) Carte structurale schématique.- Les connaissances actuelles, nous pouvons les illustrer
d’abord par cette carte structurale, publiée en 2008 par Chalouan et al. et reprise en 2011
dans nos Guides géologiques. Sans entrer dans les détails, observons, 1) que tous les
contacts figurés sont des contacts de nappes de charriage, à l’exception du contact
transgressif du Miocène supérieur (Messinien)-Pliocène post-nappe, celui des synclinaux
égrenés entre le Rif oriental et le Gharb ; 2) que la chaîne est donc faite d’un empilement
très complexe d’unités tectoniques ; rien à voir avec le style de la chaîne atlasique, faite de
synclinaux et anticlinaux où les chevauchements sont limités aux bordures de la chaîne ; 3)
que la géologie offshore peut maintenant être figurée ; on y indique la présence de
sédiments néogènes déformés, et dans la mer d’Alboran, de socle continental faillé,
semblable à celui de Ceuta (« Sebtides ») et de volcans calco-alcalins, semblables à ceux du
Rif oriental onshore. Ainsi, la mer d’Alboran n’est pas du tout un domaine océanique : c’est
un domaine de croûte continental amincie.
13) Les zones structurales majeures.- Les unités rifaines sont groupées en trois ensembles
majeurs : a) les Zones internes, appelées aussi Domaine d’Alboran, puisqu’on les retrouve
dans les Bétiques de l’autre côté de la mer d’Alboran et même dans celle-ci ; b) les Zones
externes, subdivisées depuis Suter en Intra, Méso et Prérif, dont les séries sédimentaires se
raccordent à celle de l’avant-pays (domaines mésétien et atlasique) ; c) entre ces deux
grands domaines, les nappes des Flyschs maghrébins, séries à dominante turbiditique, dont
les plus anciennes (Jurassique à Eocène) sont typiques d’un domaine océanique disparu. On
considère donc la cicatrice entre Zones internes et externes comme une suture majeure. Les
zones externes dérivent de la marge africaine, les zones internes sont allochtones, elles sont
venues s’accoler à la marge africaine lorsque l’océan des flyschs a disparu. C’est une chaîne
de collision comme les Alpes, et non une chaîne intracontinentale comme l’Atlas.
14) Coupe crustale interprétative.- Quelle est la structure de la chaîne en profondeur ? La part
d’interprétation augmente, mais il y a des contraintes géologiques, à savoir le « dépliage »
des unités tectoniques, et des contraintes géophysiques, à savoir la profondeur du Moho. La
coupe que nous avons proposée en 2008 avec A. Chalouan figure une croûte continentale de
30-35 km d’épaisseur sous les Zones externes, hachée de nombreuses failles. Le Moho serait
en fait un peu plus profond (voir diapo 65). Les failles représentées s’interprètent comme
d’anciennes failles normales de la marge passive nord-africaine, inversées lors de la collision
tertiaire. L’inversion est particulièrement forte au niveau de la « Mesorif Suture Zone »
(MSZ), nous allons en discuter. La suture majeure est cependant celle des Flyschs
maghrébiens ; on a schématisé en profondeur des restes de lithosphère océanique, en
cohérence avec l’interprétation des flyschs comme sédiments océaniques (nous y revenons
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