Une nouvelle jeunesse pour le contrôle de gestion
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Sidney-Aude Cormier
Gaëlle Lejeune
Julie Martin
Une Nouvelle Jeunesse pour le Contrôle de Gestion
Raymond Maeder et alii
Revue Française de Gestion, janvier-février 1991
pp. 57 à 113
Présentation :
Une nouvelle Jeunesse pour le contrôle de gestion est un dossier publié dans la Revue
Française de Gestion, dans le numéro de janvier-février 1991. Ce dossier est composé de six
articles réunissant 10 auteurs. Nous avons donc cherché à regrouper les articles pour vous
présenter le nouveau contrôle de gestion.
1. Les fondements du nouveau contrôle de gestion
1.1 D’une approche cybernétique à une approche systémique
1.1.1 Les problèmes du modèle cybernétique
A la fin des années 80, les grandes fonctions du contrôle de gestion sont admises par tous.
La matière est stable. Il s’agit d’une application généralisée dans la plupart des secteurs
économiques.
Cybernétique : le terme viendrait du grec qui signifie gouverner, piloter. On doit la
notion moderne à Norbert Wiener qui en 1948 fonde la science des machines qui
s’autorégulent : étant "informées" sur leurs résultats, elles se corrigent elles-mêmes. C’est la
science du contrôle des systèmes.
Un parallèle a été fait entre les systèmes inertes et les systèmes vivants. Mais une
première dérive a immédiatement eu lieu : les principes de la cybernétique ont été appliqué au
contrôle social.
Les logiques économiques et financières ont une place importante dans ce modèle. De
nombreuses critiques se sont élevées du côté des psychologues des organisations notamment.
Ainsi plusieurs études ont démontrées que la prise en compte du milieu affectif des
travailleurs pouvait accroître leur productivité (direction participative par les objectifs).
Par ailleurs, les dirigeants en utilisant ces systèmes n’ont qu’un seul objectif, la
maximisation du profit à travers minimisation des coûts et maximisation des recettes.
Ces systèmes sont trop centrés sur l’intérieur et pas assez sur l’extérieur de l’entreprise. Ils
se fondent sur un univers de référence stable, alors que nous sommes dans un monde en
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perpétuelle évolution et dont l’innovation, comme l’amélioration des processus, est nécessaire
à la survie de l’entreprise.
Donc lorsque des dirigeants doivent accentuer le système en place et surtout le maintenir,
la cybernétique les aide en anticipant sur les réactions du dit système, mais en les faussant.
Celui est beaucoup trop centré sur une vision financière et comptable et enferme ainsi les
politiques industrielles dans le court terme.
1.1.2 Les apports du nouveau contrôle
La systémique est une approche fondamentalement pluridisciplinaire qui intègre avec la
cybernétique proprement dite, la psychiatrie, lécologie, lanthropologie, la sociologie et
touche à la philosophie politique au travers de la théorie des organisations.
Il sagit maintenant de comprendre le fonctionnement des systèmes, essentiellement
vivants cette fois. Alors que la cybernétique a dabord été la science du contrôle des systèmes,
la systémique amène elle à favoriser, lauto-organisation, lauto-contrôle,… des systèmes.
Apparition d’un petit préfixe capital : « auto » !
Quatre concepts sont fondamentaux pour comprendre ce qu’est ce système :
- L’interaction (ou l’interrelation)
- La totalité (ou la globalité). Si un système est d’abord un ensemble d’éléments, il ne
s’y réduit pas. Selon la formule consacrée, « le tout est plus que la somme de ses
parties ».
- L’organisation est le concept central pour comprendre ce qu’est un système.
L’organisation est l’agencement d’une totalité en fonction de la répartition de ses
éléments en niveau hiérarchiques. Selon son degré d’organisation, une totalité n’aura
pas les mêmes propriétés. On arrive ainsi à cette idée que les propriétés d’une totalité
dépendent moins de la nature et du nombre d’éléments qu’ils contiennent que des
relations qui s’instaurent entre eux.
L’organisation est aussi un processus par lequel de la matière, de l’énergie et de
l’information s’assemblent et forment une totalité, ou une structure. Certaines totalités
développent une forme d’autonomie ; elles s’organisent de l’intérieur : on parle alors
d’auto-organisation.
- La complexité. La complexité d’un système tient au moins à trois facteurs :
le degré élevé d’organisation ;
l’incertitude de son environnement ;
la difficulté, sinon l’impossibilité d’identifier tous les éléments et de
comprendre toutes les relations en jeu.
Ainsi aux impératifs de rigueur techniques se sont rajoutés des impératifs nouveaux
dont la mobilisation des énergies humaines.
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Mais l’on parle beaucoup plus d’une « approche systémique » en opposition avec une
« approche cartésienne ». Elle consiste grosso modo à aborder tout problème par l’étude du
système et de son environnement ou son contexte dans lequel se situe le problème.
Approche cartésienne
Approche systémique
- Séparer (causalité)
- Relier (interactivité)
- Analyser (réduction)
- Observer (globalité)
- Ordonner (exhaustivité)
- Interpréter (incomplétude)
- Démontrer (évidence)
- Induire (hypothèse)
→ Prouver pour connaître (certitude)
Comprendre pour maîtriser (incertitude,
ouverture, remise en question, créativité)
On passe alors d’un dispositif qui se compose d’image, de règles ou de procédures
vers des éléments incitatifs divers qui doivent guider a prise de décision, avec la mise sous
tension des décisions et l’évaluation des résultats acquis. La place du référent est au cœur de
l’analyse.
1.2 L’adaptation du modèle américain aux cultures nationales
Jean-Pierre Segal voit dans les outils de gestion des produits culturels qu’on ne peut pas
importer de l’étranger sans adaptation préalable pour tenir compte des fonctionnements
internes de l’entreprise. Cette adaptation permettrait de limiter les résistances rencontrer à
l’application du modèle. La dissociation faite entre les outils techniques et la gestion
culturelle est complètement artificielle, car les outils de gestion sont eux-même culturels.
En effet, la réussite d’un projet passe également par le traitement adéquat des jeux
culturels sous-adjacents, à savoir le caractère acceptable ou non que prend pour les acteurs
concernés le système de contrôle, et les modalités de sa mise en place.
1.2.1 Le modèle américain face au modèle japonais
Theory Z
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rapporte l’expérience menée dans une banque japonaise qui employait des vice-
présidents américains. Pour ces derniers, le problème fût de travailler sans objectif spécifique
donné par les Japonais. Dans le même temps, le président japonais de la banque relevait le
manque de compréhension de la part de ces vice-président qui selon lui « pourraient
concevoir eux-même quel serait l’objectif approprié à toute situation », sans qu’il ait besoin
pour autant de leur fournir la cible.
Ce qui paraissait comme une des règles universelles aux yeux des managers américains, à
savoir, la confrontation des objectifs et des résultats, ne paraît pas si incontournable au Japon.
En effet, dans les entreprises japonaises l’action des acteurs est guidée par une orientation
implicite, mais qui permet tout aussi bien de faire passer un certain nombre de messages
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W. OUCHI, Theory Z, Avon Press, 1982
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positifs comme négatifs, contrairement aux formes explicites occidentales, et notamment
américaines.
Les défaillances individuelles sont contrôlées par les pairs à travers une pression efficace.
C’est une des adaptations des techniques managériales américaines importées après la
seconde guerre mondiale.
La norme américaine de fonctionnement passe par une compétition bien organisée, et
l’échange honnête entre égaux passant contrats ensemble. En effet, pour que chacun ait le
sentiment d’être justement traité, il faut pour cela qu’il connaisse clairement dès le départ ce
qu’on attend de lui, jusque dans les modalités à travers lesquelles son action sera mesurée et
évaluée. La récompense promise doit exister, et de même, la sanction doit être juste.
Le contrôle devient alors une étape prévisible du contrat passé. Le sentiment d’égalité
qui ressort de ce système n’est donc pas remis en cause par le contrôle, vu qu’il s’agit bien les
actions qui seront récompensées ou sanctionnées et non les personnes. Le flou dans les règles
serait perçu comme un manquement aux règles démocratiques.
Au Japon, se développe un contrôle des processus, à la différence d’un contrôle des
individus prisés en Occident, notamment aux Etats-Unis. Les spécificités culturelles des
entreprises japonaises simplifient le contrôle des performances, notamment avec la pression
exercée par ses pairs pour prévenir ou corriger très tôt d’éventuels écarts de conduite. C’est ce
qui semble être à l’origine du malentendu.
1.2.2 Les réticences au contrôle de gestion en France
Le contrôle de gestion y est difficile. Une étude en 1986 montrait qu’un quart des
entreprises examinées ne fixaient pas de calendrier précis à leurs objectifs de long terme. Le
budget était considéré comme de simple autorisation de dépenses et non un engagement à
mettre en relations les fins et les moyens.
Par ailleurs, tout contrôle tend à être vécu par le subordonné, voire par le supérieur dans
certains cas, comme une expression de défiance qui est à l’origine de la démotivation.
L’auteur rappelle l’analyse de Tocqueville dans De la Démocratie en Amérique, pour qui
l’obéissance hiérarchique américaine repose sur un contrat passé entre égaux, tandis qu’en
France, supérieurs et subordonnés font cohabiter plein d’arrières pensées différentes, et la
relation hiérarchique est difficile à dissocier de l’inégalité des personnes et des différences des
fonctions.
Ainsi un contrôle extérieur peut apparaître comme une marque de défiance, et un contrôle
de la conformité du suivi des procédures comme une manœuvre policière. Par conséquent, la
question de savoir qui contrôle quoi est lourde de signification symbolique.
Un article montre comment une concertation préalable interne et l’appui initial des
dirigeants se heurtent au scepticisme voire à des résistances ouvertes, alors que dans le même
temps des initiatives locales d’amélioration de la qualité ont été prises, en écartant les gle
générales adoptées. La procédure dans son ensemble perd alors de sa crédibilité.
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De plus, le gestionnaire s’ajustera plus ou mois facilement aux traditions des acteurs et
sera de ce fait plus ou moins bien admis. En effet, un responsable hiérarchique légitime,
reconnu professionnellement par ses subordonnés, a tout loisir pour suivre le travail des
membres de son équipe qui vont lors apprécier que leurs efforts soient reconnus. Ce ne sera
pas le cas de celui qui ne peut s’appuyer sur la légitimité qui convient, ou encore ne serait pas
y mettre les formes, ou n’utiliserait pas les outils de mesures acceptés. L’étape du suivi doit
être débarrassé du climat de défiance et de suspicion.
Les résistances opposées au contrôle doivent être comprises comme des dimensions de
régulation d’ensemble du système et non comme des obstacles. Les décideurs, doivent alors
trouver les modalités acceptables de suivi des opérations.
2. L’application du nouveau contrôle de gestion dans l’entreprise
2.1 Le contrôle de direction
2.1.1 L’extension du domaine de contrôle vers le haut de la hiérarchie
Selon les auteurs, après le contrôle opérationnel et le contrôle de gestion il est
désormais nécessaire de s’intéresser à la maîtrise des activités de direction en raison de la
cassure observée entre la direction et le reste de l’entreprise, aboutissant à des blocages de
communication, des résistances au changement ou des divergences de but au sein même de
l’équipe dirigeante.
Plus global que le contrôle stratégique qui s’intéresse à la pertinence de la stratégie
mise en œuvre par l’entreprise pour réaliser ses objectifs par rapport à son environnement, le
contrôle de direction a une « fonction d’appropriation interne des enjeux, de recherche
d’harmonie et de collégialité au niveau de l’équipe dirigeante et de complicité de celle-ci avec
l’ensemble des membres de l’organisation ».
2.1.2 Les préoccupations du dirigeant
Trois sphères d’activités ont été mises en évidence par Anne Lauvergeon et Jean-Luc
Delpeuch :
La sphère statutaire
« Constituée de l’ensemble des programmes à long terme ou à période fixe, aux quelles le
dirigeant estime ne pas pouvoir se soustraire, car les statuts ou les coutumes imposent sa
participation es qualité ».
Exemple : assemblées générales des actionnaires, cocktails de départ …
La sphère des remontées
« Contient les activités opérationnelles singulières que les niveaux hiérarchiques inférieurs
n’ont pas assumées et qui échoient en dernier recours au dirigeant pour que celui-ci tranche ».
Ces activités seront subies (mal filtrées par les échelons inférieurs) ou aspirées (le dirigeant
souhaite contrôler l’ensemble des activités de l’entreprise).
Exemple : arbitrage d’un conflit interne, choix d’un logo…
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