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ESSD
AFTSD
Programme RuralStruc
Implications structurelles de la libéralisation pour l’agriculture
et le développement rural
Note de cadrage
Version révisée du 20/10/2005
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Traduction du document original en anglais
1. Contexte et objectifs
Le débat actuel sur la libéralisation s’articule étroitement à deux grands chantiers
internationaux : les Objectifs du Millénaire pour le développement des Nations
unies (OMD) et le Cycle du veloppement de Doha (CDD) de l’Organisation
mondiale du commerce (OMC). Dans les deux cas, l’agriculture fait l’objet
d’un intérêt renouvelé et les travaux les plus récents ont clairement montré son
rôle décisif pour une « croissance favorable aux pauvres » (Banque mondiale
2005a). Ainsi, le premier OMD (réduire de moitié la pauvreté et la faim d’ici à
2015) est clairement lié à l’agriculture, dans la mesure où 70 % des pauvres de
la planète (45 % de la population mondiale) vivent dans les campagnes et les
populations rurales restent tributaires, pour l’essentiel, de l’agriculture. De même,
dans le cadre du présent cycle de l’OMC, l’agriculture est devenue une question
centrale compte tenu des asymétries entre pays en matière de soutiens publics
et daccès aux marchés. Depuis l’échec de la Conférence ministérielle de
Cancún, elle constitue la pierre d’achoppement et elle a beaucoup contribué à
politiser le débat.
Des années 1960 au début des années 1980, le progrès technique et la
révolution verte ont joué un rôle primordial dans de nombreux pays d’Asie et
d’Amérique latine. Ils ont stimulé la croissance tout en contribuant directement à
la réduction de la pauvreté et à l’éradication de la faim. Cependant, peu de
nouveaux progrès ont été enregistrés au cours des dernières années, tandis que
certains pays étaient laissés au bord du chemin. Tel est le cas pour la majorité
des pays les moins avancés (PMA)
2
, en particulier ceux d’Afrique subsaharienne
1
Cette version révisée inclut les précisions et compléments suggérés par les quatre lecteurs chargés de la
revue du document et par les participants à la réunion de validation du programme tenue le 6 octobre 2005.
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Le groupe des PMA comprend 50 pays (34 en Afrique, 10 en Asie, 5 en Océanie et 1 dans les Caraïbes).
Pour la définition des PMA des Nations Unies, voir :
http://www.un.org/special-rep/ohrlls/ldc/ldc%20criteria.htm.
2
(ASS), ainsi que pour un certain nombre de pays enclavés ou montagneux à
faible revenu, comme dans les Andes et ou en Asie centrale.
Les réformes des marchés mises en œuvre dans le cadre des politiques de
libéralisation et d’ajustement des années 1980 et 1990 ont également connu des
succès. Néanmoins, elles ont aussi eu un certain nombre d’impacts négatifs, en
particulier sur les petits producteurs, en raison des défaillances et imperfections
de marché et de la faiblesse de l’environnement institutionnel dans de nombreux
pays. En Afrique plus particulièrement, les réformes engagées dans le secteur
des produits agricoles d’exportation ont clairement montré que l’environnement
politique et institutionnel constituait un facteur déterminant de la réussite et du
rythme des réformes. Il est également apparu que le transfert du pouvoir
économique et financier au secteur privé exigait de nouveaux rôles de la part du
secteur public (Akyiama et al. 2003).
Plus récemment, des préoccupations croissantes se sont exprimées sur les
conséquences de la nouvelle configuration des marchés et des échanges
mondiaux pour les pays en développement (PED) et leur prise en compte
effective dans le cadre de l’OMC. D’une part, les résultats de travaux de
recherche en cours et les simulations montrent que l’élimination des soutiens
publics et des protections a des retombées positives sur l’économie mondiale. La
libéralisation des échanges constitue en effet le principal moteur de la croissance
et permet en conséquence de réduire le niveau de pauvreté moyen. Mais,
d’autre part, il ressort aussi clairement que la variabilité des résultats entre pays
est forte et que des mesures d’accompagnement à l’échelle nationale sont
indispensables (voir par exemple, Askoy & Beghin 2004, Ingo & Nash 2004,
Hertel & Winters 2005). Pour l’agriculture, les résultats agrégés de la
libéralisation en matière d’accroissement des exportations et de gains escomptés
en termes de revenu réel semblent masquer des écarts croissants entre les pays
en développement. Par exemple, le Groupe Cairns y compris les PED du
groupe tirerait parti de toute évidence de l’ouverture des marchés mondiaux,
tandis que la situation des pays d’Afrique subsaharienne, en particulier, s’avère
nettement moins favorable (Bouët et al. 2004).
Nul n’ignore aujourd’hui les difficultés auxquelles sont confrontés les pays en
développement en ce qui concerne la gestion des impacts négatifs de la
libéralisation du commerce des produits agricoles notamment celle des risques
de prix. Selon Foster et Valdes (2004), les PED disposent à l’évidence de peu de
moyens d’action : des ressources budgétaires limitées pour gérer les risques et
aider leurs agriculteurs ; un accès réduit aux instruments de marché ; sachant
que les politiques permises par l’OMC sont soumises à des règles très
restrictives qui limitent les possibilités d’intervention. Toutefois, si de nombreux
travaux de recherche ont été menés sur les effets directs de transmission par les
prix du marché, les effets de transmission dits de « second ordre », ceux liés à la
restructuration des marchés mondiaux, sont beaucoup moins connus. Or, quelles
sont et quelles seront les conséquences pour l’agriculture mondiale des
3
changements en cours dans les marchés internationaux de produits agro-
alimentaires (cf. Reardon & Timmer 2005) ? Quel sera l’impact de la concurrence
accrue entre les différents types d’agricultures qui coexistent aujourd’hui à
l’échelle mondiale ? Quels sont les agriculteurs susceptibles de participer au
changement et quels sont ceux qui seront partiellement ou totalement exclus ?
Quelle sera l’incidence de ces restructurations sur la pauvreté, étant entendu
qu’en moyenne 55 % de la population active des pays en développement est
employée dans le secteur agricole ?
3
Cette incertitude qui entoure les changements en cours pèse sur la scène
internationale et concerne de nombreux pays, en particulier les PMA et les pays
à faible revenu. Elle conduit à s’interroger sur la possibilité d’une divergence
entre les Objectifs du Millénaire et les résultats concrets du Cycle de Doha.
Dès lors, comment pourrait-on réduire au maximum ce risque de divergence en
poursuivant un processus vertueux de libéralisation qui soit compatible avec
l’objectif d’une véritable « croissance favorable aux pauvres en milieu rural » ?
La finalité de ce nouveau programme d’étude de la Banque mondiale, mis
en œuvre en collaboration avec la Coopération française, vise à approfondir les
connaissances sur les implications de la libéralisation et de l’intégration
économique pour l’agriculture et le développement rural dans les pays en
développement, en mettant un accent particulier sur les changements
structurels. En utilisant une approche plus sagrégée et en élargissant le
champ de recherche, ce programme permettra de combler un déficit
d’information et d’analyse sur les impacts contrastés du processus de
libéralisation, aussi bien entre pays qu’au sein d’un même pays. Ce qu’on entend
ici par libéralisation est le processus global de changement, en prenant en
considération à la fois les réformes du commerce extérieur et des marchés
domestiques, le retrait de l’Etat des activités économiques et les privatisations, la
décentralisation, le développement des libertés publiques et de la démocratie.
L’analyse du changement structurel sera fondée sur l’évolution des structures
agricoles, de la configuration des marchés et sur les changements de
l’environnement institutionnel.
Les connaissances acquises dans le cadre de ce nouveau programme
permettront d’améliorer le débat entre professionnels du développement, au sein
de la Banque et avec les autres bailleurs de fonds, ainsi que de faire avancer le
dialogue avec les partenaires nationaux. Elles permettront simultanément de
contribuer aux travaux analytiques réalisés dans le cadre du Plan d’action pour
l’Afrique de la Banque mondiale et de renforcer l’appui aux stratégies de
développement nationales. Elles permettront également d’identifier des axes
futurs en matière d’investissement de recherche. Il est enfin important de
souligner ici qu’une meilleure compréhension des enjeux de la libéralisation
3
En Asie et en Afrique, la valeur moyenne est de 60% ; dans de nombreux PMA, elle est plutôt proche de
80%.
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aidera au renforcement des processus d’élaboration des politiques et facilitera le
passage des prescriptions « prêtes à porter » à des politiques plus adaptées et
« sur mesure ».
2. Justification, questions principales et hypothèses
Les diagnostics les plus courants sur la stagnation des performances agricoles
dans les PED mettent principalement en avant : (i) le manque de crédit, le déficit
de formation et les insuffisances de dotation en facteurs techniques de
production intrants (semences, engrais, etc.), canisation, infrastructures
(irrigation, routes, installations de stockage) ; (ii) les imperfections de marché
(distorsions de prix, rentes et obstacles à la concurrence) ; et, plus
récemment, (iii) les besoins en renforcement des institutions (nécessaires à la
correction des défaillances et imperfections du marché et, plus largement, à
l’établissement d’un climat de confiance).
Les travaux de recherche récents sur la croissance « pro-pauvres » menés par la
Banque mondiale ont confirmé ce diagnostic général et mettent en évidence les
goulots d’étranglement récurrents qui sapent la capacité des ménages les plus
pauvres à contribuer à la croissance agricole (Banque mondiale 2005a). Parmi
ceux-ci, il convient de noter plus particulièrement : la faible productivité des
systèmes agricoles, les coûts de transactions élevés auxquels sont confrontées
de nombreuses régions du fait de la faiblesse des infrastructures et des densités
de population, les problèmes fonciers (manque d’accès à la terre ou insécurité
du régime foncier) et, enfin, les impacts négatifs des subventions locales aux
intrants et des protections de marché qui ont constitué des obstacles à la
diversification en direction de productions à plus forte valeur ajoutée et à
coefficients de main-d’œuvre plus élevés. Dans cette logique, le référentiel
d’action le plus fréquent pour la revitalisation du secteur agricole repose
sur l’amélioration de la productivité (investissement dans la recherche et la
formation, conception de nouveaux paquets techniques, développement de
l’irrigation), sur l’investissement dans les infrastructures afin d’assurer une
meilleure liaison avec les marchés et sur la diversification dans les produits à
haute valeur ajoutée. Ce référentiel fait partie intégrante d’une stratégie globale
plus large destinée à « atteindre les pauvres en milieu rural » (Banque mondiale
2003, 2005b) par le truchement d’une meilleure fourniture en biens et services
publics, du renforcement institutionnel et d’une meilleure gestion des risques et
des ressources naturelles.
Les hypothèses sous-jacentes et souvent implicites de ce référentiel d’action
renvoient à un modèle évolutionniste des économies nationales, conçu en
référence aux processus à l’œuvre lors des révolutions agricoles et industrielles
originelles. Elles reposent également sur l’idée selon laquelle un tel modèle
historique pourrait être répliqué dans la majorité des pays en développement
selon un schéma enchaînant l’accroissement de la productivité des exploitations
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agricoles et en conséquence une plus grande disponiblité en main-d’œuvre
familiale, le développement des exploitations commerciales et l’accroissement
des revenus - permettant la croissance des activités rurales non agricoles -, la
migration vers les villes et le transfert progressif de la main-d’œuvre vers de
nouveaux secteurs d’activité (industries et services). Cependant, cette évolution
standard, au cœur du référentiel de « l’économie de développement », s’avère
de moins en moins pertinente en regard des nouvelles réalités de l’économie
mondiale. Tout d’abord, l’hétérogénéité entre pays en développement est
considérable. Les pays qui relèvent de cet ensemble disparate que sont les PED
ont, de toute évidence, des avantages comparatifs, des populations et des
marchés intérieurs de nature et de taille différentes (cf. par exemple, la Chine ou
le Brésil et le Botswana ou le Belize). Ensuite, loin d’enregistrer une diminution
de la main-d’œuvre agricole, de nombreux pays à faible revenu et à revenu
intermédiaire conservent encore une proportion élevée de leur population active
dans l’agriculture. Enfin, pour de nombreux PED, les opportunités de
développement d’autres secteurs d’activités restent encore souvent très limitées,
du fait des asymétries en termes de capital, de technologies, de compétences,
etc., alors que les marchés mondiaux sont toujours plus concurrentiels. Ainsi,
aujourd’hui, la situation des pays les plus pauvres ne peut en aucun cas être
comparée à celle des pays développés actuels il y a 150 ans.
La répétition des processus antérieurs n’est pas possible, en particulier parce
que les modalités du changement agricole dans les pays en développement sont
modifiées par deux principaux phénomènes. En premier lieu, les processus
d’intégration économique se sont accélérés en conséquence des révolutions
techniques (en matière de transport de marchandises, de gestion de l’information
et de marchés financiers), mais aussi bien évidemment de la généralisation des
politiques de libéralisation. Ce mouvement se traduit par une confrontation
entre différents « types » d’agricultures, caractérisés par des différences de
productivité agricole considérables. La productivité des quelques millions
d’agriculteurs qui ont tiré parti de la révolution agricole, principalement localisés
dans les pays développés et dans quelques régions des PED, est sans
commune mesure (écart de 1 à 1 000) avec celle de centaines de millions de
petits agriculteurs qui travaillent toujours avec des moyens manuels. Les
producteurs qui ont adopté le « paquet technique » de la révolution verte et la
traction animale sont mieux lotis. L’écart n’en reste pas moins énorme (1 à 50)
avec l’agriculture de l’Union européenne et des Etats-Unis, tout comme avec les
entreprises les plus modernes des pays du Groupe de Cairns (Mazoyer 2001).
Ces écarts de productivité constituent, de toute évidence, un obstacle
insurmontable à la compétitivité, en particulier dans le contexte d’une
concurrence croissante.
En second lieu, le veloppement rapide de la mondialisation des filières et
des marchés agricoles et agro-alimentaires (contractualisation, intégration
verticale, échanges longue distance, « révolution des supermarchés ») a eu un
impact sur la structure et la configuratrion des systèmes agricoles. Ce
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