Russie / Justice / Presse
Russie : Il y a cinq ans, Anna Politkovskaïa s’éteignait
(MFI / 11.10.11) Il y a cinq ans, le 7 octobre 2006, Anna Politkovskaïa était
assassinée. La journaliste du tabloïd d’opposition Novaïa Gazeta était abattue de
plusieurs balles dans le hall de son immeuble à Moscou. A cette occasion,
plusieurs commémorations sont organisées à Moscou.
Les anciens collègues, la famille et les proches ont organisé le 7 octobre dernier une
soirée de commémoration à la maison des Journalistes, où un film sur Anna
Politkovskaïa a été projeté. Des représentants de l’opposition ont déposé des fleurs
devant l’immeuble où elle a été assassinée. La télévision, elle, était plutôt accaparée
par un autre anniversaire, celui de Vladimir Poutine, 59 ans ceme jour, que la
journaliste assassinée avait souvent critiqué et à propos duquel elle écrivait : « Je ne
l’aime pas, à cause de son cynisme, de ses mensonges ».
« Brûler, avec le verbe, le cœur des hommes »
Après le meurtre d’Anna Politkovskaya, Vladimir Poutine avait déclaré qu’elle avait
été une critique acerbe du pouvoir, mais que son influence sur la vie politique du pays
était « extrêmement insignifiante ». Une phrase qui, cinq ans après, fait toujours bondir
la militante des droits de l’homme Svetlana Gannouchkina, qui a travaillé étroitement
avec Anna Politkovskaïa.
« C’est juste ridicule : le monde entier la connaissait. LOccident savait qui elle était.
Elle était connue de tous en Tchétchénie. Tous les défenseurs des droits de l’homme la
connaissaient. Qu’est ce qu’il lui faut de plus ? Son rôle était colossal. Ses articles
comportaient toujours un appel, qui exigeait une réaction. Souvent les articles passent
inaperçus - les autorités n’en n’ont rien à faire. Mais Ania, elle, avait cette capacité de
les obliger à répondre. Elle avait cette aptitude à « brûler, avec le verbe, le cœur des
hommes », comme disait Pouchkine. Il n’existe pas de deuxième voix comme celle-
».
L’information venant du Caucase s’est quelque peu tarie
Anna Politkovskaïa a beaucoup écrit sur la Tchétchénie. Et depuis son assassinat, le
rédacteur en chef de Novaïa Gazeta, Dimitri Mouratov, estime que l’information
venant du Caucase s’est quelque peu tarie. Dans ses articles, Anna Politkovskaïa citait
les témoignages de réfugiés tchétchènes, de soldats, de proches de personnes
disparues, et dénonçait des cas de torture. Et aujourd’hui, rares sont ceux qui osent
dénoncer ces exactions par peur de représailles.
L’hebdomadaire New Times est retourné en Tchétchénie à la rencontre des personnes
sur lesquelles Anna Politkovskaïa avait écrit. Il y a notamment le récit de cet homme
qui a raconté que la journaliste lui avait envoyé un avocat lorsqu'il était en prison :
« Anna était une femme étonnante, dit il. Elle écrivait comme si elle faisait partie de
notre peuple et elle disait ce que le peuple ne pouvait dire tout haut ».
Cinq ans après sa mort, personne n'a encore été condamné. Selon l'accusation, le
meurtre a été commis par trois frères tchétchènes, et un ancien lieutenant-colonel de la
police russe a été inculpé, début septembre, pour l'organisation de ce meurtre. Mais le
commanditaire n'a toujours pas été identifié. Selon un sondage, 57 % des Russes
doutent que le commanditaire soit un jour retrouvé. Et comme le note Amnesty
International dans un communiqué, depuis 2006, des défenseurs des droits de
l'homme, des journalistes, des avocats spécialisés ont été agressés, violemment battus
ou tués en Russie. La plupart de ces affaires n'ont pas été élucidées.
RFI / Avec Anastasia Becchio, correspondante de RFI à Moscou
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