Intérêts financiers ou peur de troubler le consensus du « politiquement
correct », les hommes politiques, medias et intellectuels occidentaux se
voilent la face et adoubent la proposition turque de créer une commission
internationale d'historiens pour débattre de la réalité du génocide
arménien : ce leurre sert pourtant de cache-sexe à la politique
négationniste d'Ankara et à ses zélateurs européens. Cette complaisance
internationale donne le champ libre à Abdullah Gül : contrairement à son
homologue le Président iranien Ahmadinejad qui a tenu des propos
similaires concernant la Shoah, il n’a donc à craindre ni opprobre, ni
pressions.
Sans oublier qu’en Turquie, quiconque s’aventure à dire qu’il y a bien eu
un génocide des Arméniens en 1915 risque la prison ou la mort : le 19
janvier 2007, Hrant Dink a payé de sa vie ses illusions sur les possibilités
d’évolution de la Turquie moderne. Le 11 octobre 2007, au lendemain du
vote de la Commission des Affaires étrangères du Sénat américain
reconnaissant le génocide arménien, son fils Arat et le journaliste d’Agos
Sarkis Seropyan ont été reconnus coupables, au titre de l’Article 301 du
Code pénal turc, d’“insulte à l’identité turque” pour avoir reproduit ses
propos sur la réalité du génocide. Ils ont été condamnés à un an de prison
avec sursis.
Désormais, à Istanbul, toute la communauté arménienne se sait dans l’œil
du cyclone. La presse turque nationaliste de grand tirage pose les
premiers jalons du processus génocidaire : comme en 1915, les
Arméniens sont les « ennemis de l’intérieur », accusés d'être les
dirigeants du PKK (Parti de Libération du Kurdistan)2.
La menace s’exporte aussi hors du territoire turc : Internet, où «Les Turcs
mènent le bal dans la perversité de la présentation du négationnisme »3,
est devenu l’exutoire d’une haine raciale qui se matérialise dans les
exactions de rue touchant depuis mars 2006 la France, la Belgique et
l'Allemagne.
Au lieu d’imposer ses valeurs morales à un pays postulant à l’adhésion,
l'Europe devient une zone de non-droit où la Turquie harcèle la société
civile issue de ses minorités, ainsi que les progressistes turcs tels le
journaliste indépendant Mehmet Koksal4. Les évènements révélateurs de
Bruxelles des 21 et 24/10/2007 et de Berlin le 28/104, n’ont surpris que
les non-turcophones puisque les appels à manifester étaient relayés par
les télévisions turques émettant d’Allemagne. Secret de Polichinelle : ces
groupuscules d’extrême-droite rompus aux méthodes ultra-violentes, sont
téléguidés en sous-main par les représentations de l’Etat turc à l’étranger.
Aucune association turque de Belgique n'a condamné ce qui s'est passé à
Bruxelles. Pas plus qu’il n’y a eu de « démocrates » turcs (hormis Ali
Ertem à Francfort) pour s’émouvoir des appels au meurtre lancés à
l’encontre de l’historien turc Taner Akçam (résidant aux USA) du fait de
ses travaux prouvant la réalité du génocide. Bien au contraire, si l’on en
croit Mehmet Saygin (European Union of Turkish Democrats) « Ces
mouvements associatifs (NDLR : Les Loups Gris du MHP) font appel à des
assises populaires importantes », et il ne faut ni leur jeter « l'anathème »,