Commentaire : « L’île aux esclaves » de Marivaux Scène 3
INTRODUCTION : Personnages échoués - inversion des rôles.
Après le transfert des rôles, difficilement accepté par les maîtres, on a l'épreuve des portraits. Arlequin dresse le portrait
d'Iphicrate dans la scène V et Cléanthis fait celui d'Euphrosine dans la scène III.
Dans cette scène, elle dresse le portrait de sa maîtresse enjouée et glorieuse au réveil.
La tirade étudiée correspond au second volet d'un diptyque : le réveil de la maîtresse après une mauvaise nuit.
Dans une première partie, nous étudierons l'aspect polyphonique de cette tirade, puis le théâtre dans le théâtre et enfin la
fonction satirique du passage.
I - Une tirade polyphonique
mélange du discours et du récit.
Cléanthis reprend les paroles d'Euphrosine au style direct, au présent de l'indicatif et à la première p. du sing. L124.
"Cependant"(L125-131) marque l'intervention de Cléanthis.
Les passages narratifs, dans lesquels Cléanthis résume les principales circonstances, sont brefs. Elle utilise le pronom
indéfini "on" pour présenter Euphrosine.
On peut supposer que, d'après l'intonation de Cléanthis, elle caricature sa maîtresse (L126-127).
Donc : regard dévalorisant, mépris
Distance entre elle et la maîtresse.
- imitation d'un dialogue mondain (L135 à 137)
II - Le théâtre dans le théâtre.
Cléanthis est sur le devant de la scène, elle renforce le théâtre dans le théâtre. De plus, elle souligne le caractère théâtral par
le thème du paraître.
Cet aspect convient à la petite comédie.
Cléanthis fait revivre la vie mondaine d'un salon parisien du XVIII° s.
Vocabulaire de la coquetterie- formule de politesse.
Tonalité comique : beaucoup de fantaisie, elle crée des personnages de façon ironique et des situations pleines de petites
anecdotes.
Le rire va naître de l'exagération des angoisses de la maîtresse (L135 : hyperboles) : énoncé de plus en plus bref.
L'absence de didascalies : on imagine les gestes et les attitudes de Cléanthis par la variété de son intonation.
Rapidité avec laquelle elle mène le récit : vivacité renforcée par la parataxe (L136-137) ou style coupé.
Double destination du théâtre : l'acteur s'adresse non seulement aux personnages sur la scène, mais aussi aux spectateurs.
On a donc une vrai mise en abyme : miroir de la pièce à l'intérieur d'un passage précis.
III - Fonction satirique du passage.
Tirade a une portée morale. Cléanthis se désigne comme celle qui est témoin de ce qui se passe.
Satire de la beauté artificielle, coquetterie : poses affectées, préciosité. Euphrosine est montrée comme une prisonnière, une
obsédée de la coquetterie.
Critique de la société mondaine hypocrite qui cherche les défauts d'Euphrosine (L133-134).
Cléanthis peut témoigner de l'envers du décor. C'est ce qui fait sa force.
Donc l'aspect artificiel condamne Marivaux.
Expression précieuses : L130: - personnification du jour
- formules de politesse.
Aspect satirique rappelé à la fin du texte L143.
Donc Cléanthis rabaisse socialement les maîtres.
La satire dans cette tirade ne se fait pas par une argumentation, mais par des situations diverses. Ce portrait a donc une
grande force satirique.
Conclusion Euphrosine, esclave de la coquetterie, est prisonnière de l'image qu'elle veut donner aux autres. A travers cette
tirade, Cléanthis accède à la liberté par la parole et par la satire. Le portrait joue le rôle d'épreuve pour les maîtres. Il a donc
une valeur expérimentale. Dans cette scène, Cléanthis convertit "le plaisir d'avoir vu et entendu, en plaisir de faire voir et
entendre". (de Sabry).
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