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Chloé s’est vue diagnostiquer un cancer à l’âge de 22 ans qui fut
soigné aussitôt.
A travers son livre, elle s’adresse à ceux qui découvrent leur cancer
ou celui d’un proche. Elle relate cette période éprouvante allant de
l’annonce de l a maladie à celle d e la rémission. A vec recul et
souvent avec humour, elle présente de petits « instantanés » où se
mêlent textes et dessins.
Ainsi, elle o ffre a u malade la possibilité d e dédramatiser cette
épreuve, de m ieux apprivoiser s on cancer e t de s e sentir m oins
seul, mieux compris.
Ce livre est accessible à tous et le témoignage y sert d’alibi pour en
apprendre plus sur cette étrange et douloureuse aventure.
-
A l’entourage, elle propose des pistes pour mieux trouver leur place
et accompagner le malade.
Chloé c herche actuellement à diffuser cet ouvrage au p lus grand
nombre. Si vous pouvez l'aider ou connaissez quelqu'un, n'hésitez
pas à la contacter : [email protected]!
par Chloé Renault
Lededebut
recit
-
Je m’appelle Chloé, d’après la Chloé de Boris Vian, celle de l’Ecume
des Jours. Celle qui mourut à cause d’un nénuphar dans le poumon.
J’ai moi aussi eu un nénuphar. Il a poussé dans mon sinus.
Il y dix ans, nous avons déraciné ce qui n’était alors qu’une petite
pousse inoffensive. Mais cinq ans plus tard, nous avons découvert
que la fleur avait à nouveau prospéré et s’était développée dans
toute la partie sinuso-maxilaire gauche.
Cela ne s’invente pas : en grec Chloé signifie petite pousse.
-
Le peti
t
arti
c
le
ses grandes consequences
-
Le Cancer.
Gros mot. Mot gros. Trop gros. Bien avant son contenu, c’est le mot
qui m’a assommé.
Certains amis bien informés ont dit que « j’étais malade »; à la radio,
les acteurs meurent « d’une longue et douloureuse maladie ». J’en
viens à me demander, le dire, serait-ce l’attraper ?
Il faut pourtant apprivoiser le mot pour le contraindre à
l’amaigrissement. L’utiliser pour le fatiguer. L’utiliser pour insister sur
la multiplicité des pathologies qu’il recouvre.
Dénoncer par exemple la perfidie de l’article. LE Cancer ne signifie
rien. Il n’y a pas LE cancer mais des cancers aussi variés, singuliers,
différents que de tumeurs, d’organes concernés, de malades, d’effets
secondaires. Il y a DES cancers.
Inutile donc de se sentir concernée par toutes les pathologies : celle
de l’oncle, du grand père, de l’actrice ou de la sœur de la copine.
Soulagement pour la malade. Isolement aussi dans une maladie
unique, taillée sur mesure.
LE Cancer. Une erreur d’article qui explique bien des terreurs.
La famille tumeur (à ne pas confondre avec la famille tu-meurs)
Mettre des mots sur
les maux
Prendre un mot terriblement médical, un mot inconnu, un mot-bobo,
un mot-angoisse, un mot –mystère. Prenez par exemple exérèse….
Envoyer ce mot pas beau à tous vos amis et proches en leur
demandant d’en inventer la définition. Cueillir ensuite ces perles
d’inventivité, d’humour, de couleur, de fraîcheur.
Les regrouper et les partager à tous avec, en complément, la définition
officielle du mot, éventuellement complétée de par quelques apports
personnels.
Conserver précieusement ces définitions pour les relire et se remonter
le moral.
-
Pour
fai
r
e
le portrait d une chimio
Trouver d’abord une tumeur
Aux intentions malignes
Choisir ensuite un protocole
Avec les produits adaptés
Un nombre de cycle donné
Pour un dosage savamment orchestré
Placer ensuite le cocktail dans le patient concerné
en ambulatoire
en hôpital
ou en HAD
Se tenir à côté du patient
Sans rien dire
Sans bouger
Parfois les effets arrivent vite
Mais ils peuvent aussi mettre de longs mois
Avant de se manifester
Ne pas se décourager
Attendre
Attendre s’il le faut pendant des années
La force ou la faiblesse des effets secondaires
N’ayant aucun rapport
avec la réussite de la chimio
Quand le patient vomit,
s’il vomit
Approcher prestement le haricot
Attendre que le produit passe dans le corps
Et quand il est entré,
laisser les cellules doucement déguster
d’après Pour faire le portrait d’un oiseau de Jacques Prévert
B.A. BA pour
etre branche
-
-
Le
-
La medecinesteune histoire de
salles d attente
-
-
Je suis la patiente. Celle qui patiente. Les attentes sont au cœur du
traitement. Je ne suis pas docteur, alors, j’attends. J’attends. J’attends
le diagnostic, j’attends le révélé traitement, j’attends qu’il agisse,
j’attends que la perfusion passe. J’attends.
La médecine, c’est avant tout une histoire de salles d’attente.
Qui dit, attendre, patienter, dit rester calme. Le bon patient,
attend avec le sourire, mieux, avec compréhension. Il comprend
son traitement. Il comprend les délais. Il comprend les retards. Il
comprend le fonctionnement de l’hôpital. Et en attendant, il lit les
magazines de la salle d’attentes.
Mais dans cette patience, il y a une acceptation. L’acceptation d’être
passif. Et moi, je suis impatiente. Je refuse de patienter. Je refuse
d’attendre et d’être passive.
Alors docteur, suis-je une bonne patiente ?
o
b
sa
s
r
teu
-
tpe its ADN
s
e
L d
Ma chimiothérapie est un peu magique.
Elle fait entrer dans mon corps une armée de petits saboteurs d’ADN.
Ils sont petits, teigneux, de couleur différente selon la molécule dont
ils proviennent.
Leur mission ?
Agir sur l’ensemble de mon organisme pour prévenir toute diffusion
de la maladie. Pour y parvenir, un seul objectif : empêcher les cellules
de se multiplier. Empêcher TOUTES les cellules de se multiplier.
Pour ce faire, mes petits saboteurs s’approchent des cellules et avec
leurs petits bras costauds s’activent à en saboter l’ADN : les petits
5FU sont par exemple très doués pour casser les marches de l’ADN et
ainsi empêcher la reproduction des cellules.
La mauvaise nouvelle, c’est que mes petits saboteurs ont des
problèmes de vue : impossible pour eux de faire la différence entre
les cellules cancéreuses et les autres. Alors ils s’attaquent à l’ensemble
des cellules, partout dans mon corps, indistinctement. C’est pour cela
que je suis fatiguée, épuisée, vidée, partout dans mon corps.
La bonne nouvelle, c’est que les cellules qui sont le plus sensibles
aux sabotages sont celles qui ont tendance à beaucoup se multiplier.
Par exemple, celles des cheveux, des ongles, du sang… et celles
cancéreuses !
Alors, même s’ils me fatiguent beaucoup, mes petits saboteurs, à
la fin de la journée, font leur métier : ils empêchent bien les cellules
cancéreuses de se multiplier !
-
Ce qu on ne nous dit pas
« Ah bon ? Je ne vous en avais pas parlé ? En effet, c’est assez courant.
Cela s’appelle des paresthésies. Cela se produit souvent pendant ou
dans les mois consécutifs à la chimio ».
Donc les milliers de fourmis qui me picotent les mains et les pieds
depuis 3 semaines, cette hypersensibilité des extrémités, n’est pas le
fait de mon seul imaginaire ?
Je ne suis donc pas devenue hypocondriaque en prime !
C’est juste un (autre) effet secondaire de chimio.
Rien de plus.
J’étais malade.
J’étais anxieuse.
J’étais moche.
J’étais chauve.
J’étais amputée.
Et je n’étais plus vraiment femme.
Etre femme
C’est alors que ma marraine m’a fait le plus improbable des cadeaux :
une incroyable minuscule et très sexy nuisette rouge.
Impérieuse, elle a expliqué : « ma chérie, le plus important, c’est de
guider le regard. Tu verras qu’il ne verra rien du reste ! »
-
De l importance de la ponctuation
Consultation à l’hôpital avec le chirurgien. Deux ans ont passé depuis
la fin des traitements. Les nouvelles sont bonnes. Tout va bien.
Nous commençons à parler de me reconstruire le palais qui a été
amputé quand nous avons ôté la tumeur. Le discours est assez
complexe et je ne comprends pas tout. Je tente une reformulation :
« Donc maintenant, on peut mettre un point final à l’histoire du cancer
et ensuite …. »
Mon chirurgien m’interrompt aussitôt :
« Non. On ne met jamais de point final à une histoire de cancer. »
Il me regarde. Bienveillant mais ferme. Silence.
Je suis triste, vidée, frustrée, en colère. Je suis épuisée. Cette page que
je n’ai jamais voulu vivre refuse en plus de se tourner! Je prends une
profonde respiration et d’une petite voix, je tente :
« Alors trois petits points et à la ligne ? »
Il acquiesce du regard et sourit.
(...)
Le chemin est long
C’est une histoire douloureuse
C’est une histoire de (mal) chance
C’est une histoire qui ne finit jamais
C’est une histoire qu’il faut apprendre à porter
C’est une histoire dont on ne sort pas indemne
C’est une histoire à ne pas oublier
C’est une histoire dont il faut se libérer
C’est une histoire que l’on peut partager
C’est une longue histoire
C’est une histoire…
Le
Nenuphar
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Chloé est maintenant âgée de 30 ans. Elle partage sa vie entre la France et l’Inde.
Elle est chercheuse en Marketing, enseignante et facilitatrice graphique auprès
des entreprises. Au travers de ces diverses activités, Chloé aspire à être une
passeuse et à créer du lien entre les gens.
Pour me contacter, [email protected]
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