Compagnie La Louve Bleue – Théâtre Le Funambule – Avignon – [Page 5 / 10]
Enfin, avec Cytemnestre, le dernier texte est plus poétique, plus métaphorique et symbolique :
"Mon miroir – c’est moi ! Ce moi qui m’appartient. Tu m’as pris mon miroir en partant pour Troie.
Pas de miroir – pas d’amour ? Un autre m’a offert un autre miroir. Mon visage est nu, tu ne m’as
jamais vue ainsi.".
Cependant, un point commun entre ces femmes au travers de qui Christine Brückner prend la
parole : des femmes fortes et d’une extrême sensibilité. Des textes féministes, bien sûr, mais sans
aucun manichéisme ni victimisation de la Femme, pas plus qu’un antagonisme primaire
homme/femme. Plutôt des femmes à la lucidité exacerbée qui s’interrogent sur leur place dans la
relation à l’autre, à la société. Des Femmes proches de la Femme invoquée par Clarisa Pinkola Estés
dans Femmes qui courent avec les loups. Des femmes qui, plutôt que d’accuser ou nous culpabiliser,
nous invitent à nous interroger nous-même et renvoie chacun à un questionnement plus intime sur la
femme. Des textes qui, sans rien renier de la réalité d’une culture ancestrale qui subordonne la femme
aux schémas des hommes et de ceux pré-établis par la société, plutôt que de s’engager dans un combat
frontal seulement antagoniste, invite les femmes à se libérer de ce joug en recouvrant leur essence
première, leur dignité, leur intégrité. Des femmes qui osent prendre la parole "pour" elles-même
plutôt que "contre" les hommes, pour retrouver une place qui n’aurait jamais du leur être contestée.
Mise en scène, scénographie et lumière.
Sans vouloir entrer dans une polémique sémantique, nous n’abordons pas ces textes en tant
que "monologues", mais en tant que "pièces de théâtre à un personnage".
En effet, il ne s’agit pas là de " récits" contés ou donnés à entendre par un public mais de
"pièces de théâtre à un personnage", c’est à dire une mise en situation où la comédienne interprète et
s’approprie un personnage en le faisant évoluer dans un décor en fonction de la seule dramaturgie de
l’histoire et sans aucune adresse au public. Principe qui permet à la comédienne, non pas de nous faire
percevoir la sensibilité, la personnalité du personnage, au travers d’un récit [si justement soit-il dit],
mais de faire vivre pour nous et nous inviter à vivre avec elle, au travers de son interprétation, toute la
dimension humaine et émotionnelle du personnage et de permettre ainsi au public d’avoir une écoute
active et sensible plutôt qu’une écoute passive et intellectuelle.
De ce parti pris découle une direction d’acteur toute en finesse ou il s’agit pour chaque
comédienne de nous faire toucher au plus profond les émotions et les motivations des personnages
sans aucun souci de didactisme ou de démarche analytique en accordant au public toute la confiance
qu’il mérite quant à sa faculté à sentir et comprendre, sa sensibilité et son intelligence.
Quant à la scénographie, bien qu’il s’agisse de créer un espace tangible propre à chacun des
monologues, elle reste très sobre, axée sur la suggestion et le symbolisme et non sur le réalisme. Par
ailleurs, bien que chaque personnage évolue dans un huis clos, nous avons voulu éviter de créer un
espace confiné et sans issue possible, pour cela chacun d’eux possède une ouverture le gardant relié au
monde extérieur. Pour Desdémone il s’agit d’un drapé de voile blanc symbolisant une porte-fenêtre,
pour Gudrun Ensslin il est signifié par l’ombre portée de barreaux qui dessinent au sol le soupirail