Mais le tableau se distingue surtout par sa gamme de couleurs éclatantes et
subtiles à la fois : le doge porte un manteau rose et rouge, doublé d’un violet
bleu foncé et perlé, une toque et un voile du même noir-bleu que les manches
du vêtement. Desdémone est revêtue d’une robe d’un gris-brun à reflet violet
et à galons d’or avec des manches doublée d’hermine.
Son riche éventail à plumes de paon garni de
diamants et son écharpe sont tombés sur les
dalles.
Les murs sont de marbre ocre-brun avec quelques écussons armoriés en mosaïque. Nous sommes
bien en présence d’une scène de Shakespeare réinventée par Delacroix, connaisseur des couleurs et
des décors de l’Orient.
La lumière se concentre sur le buste de Desdémone et la fourrure ornant sa robe. Son visage
malheureux se tourne vers celui de son père légèrement éclairé. Le fond quasiment noir met en
évidence le drame qui se joue au second plan et suggère aussi d’autres malheurs à venir.
L’œuvre dans son contexte
Ce tableau contient bien de nombreuses caractéristiques de la peinture romantique : des couleurs
sombres animées par des contrastes violents d’ombres et de lumières, l’emploi de larges taches
colorées qui s’harmonisent et accrochent l’œil du spectateur, une matière picturale épaisse ;
l’expression d’émotions violentes - ici la colère d’un père -, le gout de refléter une époque, un lieu -
ici l’Orient - et l’importance des détails (bijoux, vêtements, accessoires) (voir la fiche romantisme).
Comme les nombreuses héroïnes ou allégories féminines représentées par Delacroix, Desdémone
incarne l’idée de liberté dont le sort est « forcément » tragique.
Questions
1) Décrivez la scène (le nombre de personnages, l’action principale, le décor).
2) Caractérisez l’attitude du père de Desdémone.
3) Par quels moyens plastiques (construction, position des personnages, couleurs) Delacroix nous fait-
il ressentir l’aspect dramatique de la scène ?
4) Comment le peintre a-t-il appliqué sa peinture ?
5) En quoi ce tableau est-il caractéristique de la peinture romantique ?
Réponses
1) Un homme âgé repousse violemment une jeune femme qui occupe le centre du tableau. A l’arrière-
plan, trois personnages sortent de l’ombre et assistent à la scène, elles semblent prêtes intervenir
pour sauver la jeune femme.
2) Le père rejette donc sa fille en la repoussant de ses deux grandes mains, elle doit s’agenouiller. Le
mouvement de leurs vêtements, de la chevelure de Desdémone et des mains de son père traduisent
la violence de la scène.
3) Desdémone, dans un costume fastueux, occupe le centre du tableau mais c’est son père qui occupe
la position dominante par sa taille, la puissance des rouges de son vêtement et sa gestuelle
implacable.
4) Par de larges touches, une pâte épaisse qui traduit la sensibilité du créateur et sa capacité à traduire
l’aspect dramatique de la scène.
5) Voir la fiche sur le romantisme : tableau sombre, contrastes violents de couleurs, expression des
sentiments, goût pour l’Orient.
Consulter d’autres lectures d’œuvres romantiques ou orientalistes du musée :
Voir Le Spectre de Banquo, de Chassériau tiré de Macbeth, tragédie en 5 actes de Shakespeare. (Macbeth,
devenu souverain d’Ecosse après avoir assassiné le roi légitime et son ami Banquo, auquel une sorcière
avait promis que le trône irait à ses descendants, est poursuivi par le spectre de Banquo qui lui apparaît au
cours d’une scène demeurée célèbre pendant un banquet).
Notice sur L’orientalisme à compléter et les commentaires du tableau de Paul Huet, Le Val d’enfer ainsi qu’une
sculpture de Barye, Lion écrasant un serpent.