Économie internationale 9e édition P. Krugman, M. Obstfeld, M. Melitz G. Capelle-Blancard, M. Crozet ISBN : 978-2-7440-7530-8 Chapitre 5 – Les dotations en facteurs et commerce international : le modèle Heckscher Ohlin Corrigés des activités 1. Considérons une situation, semblable à celle décrite à la figure 5.1, où les facteurs de production ne sont pas substituables. Supposons les données suivantes : aKV = 2 ; aLV = 2 ; aKN = 3 ; aLN = 1. L’économie dispose de 3 000 unités de capital et 2 000 unités de travail. a. Pour quelle(s) valeur(s) du prix relatifs des vêtements l’économie peut-elle produire simultanément les deux biens ? Nous supposerons à partir de maintenant que cette condition est vérifiée. b. Écrivez le coût unitaire de production d’une unité de vêtement et d’une unité de nourriture comme des fonctions du prix du capital, r, et du salaire, w. En rappelant qu’en concurrence parfaite, ces coûts unitaires doivent être égaux aux prix des biens, déterminez les prix des facteurs r et w. c. Comment évoluent les prix de facteurs lorsque le prix des vêtements augmente ? Déterminez qui sont les gagnants et les perdants à ce changement de prix et expliquez pourquoi. Est-ce que ce résultat est conforme à celui qu’on attend d’un modèle comparable mais qui supposerait que les facteurs sont substituables ? d. Supposons maintenant que le stock de capital passe de 3 000 unités à 4 000 unités. Tracez la nouvelle frontière des possibilités de production. e. Combien d’unités de vêtement et de nourriture l’économie produit-elle dans ce cas ? f. Décrivez l’évolution de la répartition des facteurs de production entre les secteurs suite à ce changement. Est-ce conforme à ce qu’on attend d’un modèle à facteurs substituables ? a. La production de chaque unité de vêtements nécessite l’emploi de 2 unités de capital et 2 unités de travail. De l’autre côté, il faut 3 unités de capital et 1 unité de travail pour produire une unité de nourriture. Compte tenu des dotations factorielles, nous avons donc les contraintes suivantes : 2QV + QN 2 000 et 2QV QN 3 000. La combinaison de ces deux contraintes nous donne une double contrainte sur la quantité de nourriture que l’économie peut produire : QF 2 000 – 2QC QF 1 000 – 2/3QC Cette double contrainte doit toujours être satisfaite et permet de dessiner la frontière des possibilités de production. En regardant ce diagramme, on peut voir que l’économie produira simultanément les deux biens lorsque le prix relatif des vêtements se situe entre les deux coûts d'opportunité. Ces coûts sont donnés par les pentes des deux composantes de la frontière des possibilités de production, définies cidessus, soit, 2/3 et 2. © 2012 – Économie internationale, 9e édition b. Dans un marché concurrentiel, le prix des biens doit être égal au coût unitaire de production. Compte tenu des quantités unitaires en facteurs de chaque secteur, on a : QV = 2K + 2L PV = 2r + 2w QN = 3K + L PN = 3r + w Ce système d’équations nous donne les prix de facteurs en fonction des prix des biens : w = PF – 3r PC = 2r + 2(PF – 3r) = 2r + 2PF – 6r = 2PF – 4r r = (2PF – PC)/4 et w = (3PC – 2PF)/4 c. On voit, avec les deux expressions calculées à la question 1b. qu’une hausse du prix des vêtements entraînera une baisse de la rémunération du capital et une hausse du salaire. C’est logique dans la mesure où la production de vêtements est relativement intensive en travail : avec un prix des vêtements plus élevé, les entreprises seront incitées à produire davantage et donc à accroître fortement leur demande de travail. d. Si le stock de capital augmente, la contrainte sur la demande de travail reste inchangée, mais la contrainte sur le marché du capital devient : 2QV + 3QN 4 000. On obtient alors : QN 1 333 – 2/3QV. Ainsi, le prix relatif minimum des vêtements est inchangé. Il est toujours de 2/3 d’unités de nourritures. La nouvelle frontière des possibilités de production n’a qu’une différence avec la précédente : l’abscisse à l’origine est plus grande (du moins si l’on place la production de vêtement en abscisse) ; elle passe de 1 500 à 2 000. e. La frontière des possibilités de production nous donne la double contrainte suivante : QN = 1 333 – 2/3QV = 2 000 – 2QV. On a donc : 2QV 2/3QV 4/3QV QV f. 2 000 1 333 667 500 QN 1 333 2/3 500 1 000 Initialement, l’économie produisant 750 unités de vêtements et 500 unités de nourriture. Après l’accroissement du stock de capital, la production de vêtement n’est plus que de 500 unités alors que la production de nourriture a augmenté pour atteindre 1 000 unités. C’est bien ce que prédit « l’effet Rybczynski ». 2. En France, où la terre est relativement abondante, le ratio terre/travail utilisé dans la production de lait est supérieur à celui utilisé dans la culture du blé. Mais dans certains pays, comme les Pays-Bas, où la terre est relativement chère, on produit du lait en utilisant un ratio terre/travail plus faible que celui adopté par les producteurs français de blé. Peut-on néanmoins affirmer que la production laitière est relativement intensive en terre par rapport à la culture du blé ? Pourquoi ? Pour pouvoir dire qu’un bien est intensif en terre, il faut mesurer le ratio terre/travail nécessaire à la production d’une unité de bien, et non comparer les ratios travail/production et terre/production. En France, le ratio de terre par rapport au travail utilisé dans la production de lait est supérieur à celui utilisé dans la production de blé ; la production laitière est intensive en terre. Ce peut être aussi le cas aux Pays-Bas, même si les agriculteurs néerlandais utilisent un ratio terre/travail plus faible dans la production laitière que celui qu’utilisent les agriculteurs français pour le blé. Il suffit en effet que le ratio terre/travail du blé aux Pays-Bas soit encore plus faible. En somme, on doit avoir : (TLait/LLait)F >(TBlé/LBlé) F > (TLait/LLait)NL > (TBlé/LBlé) NL 3. On suppose qu’aux prix des facteurs actuels, la production de vêtements requiert 20 heures de travail par unités de capital, contre seulement 5 heures pour celle de nourriture. a. On suppose que les ressources totales de l’économie s’élèvent à 600 heures de travail et 60 unités de capital. Déterminez l’allocation des ressources à l’aide d’un diagramme. b. Supposons maintenant que l’offre de travail augmente et passe progressivement à 800, puis à 1 000 et enfin à 1 200 heures. En utilisant un diagramme comme celui de la figure 5.7, tracez les effets de ces changements successifs d’allocation des ressources. c. Que se passerait-il si l’offre de travail augmentait encore ? © 2012 – Économie internationale, 9e édition 2 a. On construit un diagramme en boîte. La taille des deux côtés du rectangle qui représentent le travail est de 600 et celle des côtés représentant le capital est de 60. à partir des deux coins représentant les origines, on peut tracer une droite dont les pentes vont être calculées en utilisant l’information sur les ratios des coefficients de production. L’énoncé stipule que aLV / aTV = 20 et aLN / aTN = 5. Puisque aLV / aTV (LV / QV)/(KV / QV) LV / KV, on a LV 20 KV. En utilisant le même raisonnement, aLN / aTN (LN/QN)/(KN/QN) LN / KN et, puisque ce ratio est égal à 5, on obtient LN 5 KN. Puisque L LV LN 600 et K KV KN 60, on a alors l’équilibre suivant : LV 400, KV 20, LN 200 et KN 40. b. Les dimensions de la boîte changent lorsque le travail disponible augmente, mais les pentes des droites partant de l’origine restent les mêmes. Les solutions aux différents cas sont les suivantes : L 800 KV L 1 000 KV 33,33, LV 46,67, LV 666,67, KN 933,33, KN 26,67, LN 13,33, LN 133,33 66,67 L 1 200 KV 60 LV 1 200 KN 0 LN 0 (Spécialisation complète.) c. À prix des facteurs constants, une partie du travail serait inutilisé. À moins de supposer qu’il puisse y avoir du chômage, le marché du travail doit s’ajuster : les salaires relatifs diminuent. 4. En France, comme dans beaucoup de pays européens, le taux de syndicalisation des cadres, et plus généralement des travailleurs hautement qualifiés, reste faible. Les syndicats représentent donc avant tout les travailleurs faiblement qualifiés. Ils défendent souvent des positions en faveur de la limitation des importations en provenance des pays à bas salaires. Cette inclinaison est-elle rationnelle, aux vues des intérêts des travailleurs syndiqués ? Dans le modèle ricardien, le facteur travail gagne à l’ouverture au commerce par l’intermédiaire de l’augmentation du pouvoir d’achat. Ce résultat s’oppose à des demandes des syndicats de travailleurs en faveur d’une limitation des importations en provenance des pays à bas salaires. Cependant, le modèle Heckscher-Ohlin permet de mettre en évidence les effets redistributifs de l’ouverture au commerce. Dans ce cadre, les travailleurs français peu qualifiés, qui représentent le facteur relativement rare de l’économie, perdent à l’ouverture au commerce. Ce résultat théorique explique alors les positions plutôt protectionnistes des syndicats. Bien sûr, beaucoup de travailleurs peu qualifiés sont employés dans des secteurs protégés de la concurrence internationale (restauration, bâtiment, « services à la personne »…). Mais même dans ce cas, la pression exercée par l’ouverture des marchés sur les salariés non qualifiés dans les secteurs concurrents des importations tendra à se propager à l’ensemble des travailleurs non qualifiés, si bien que les conclusions du modèle Heckscher-Ohlin s’imposeront à long terme. 5. Certains pays émergents, comme l’Inde, ont connu récemment un essor de leur industrie informatique. Cette évolution a conduit à une dégradation de la situation des informaticiens dans les pays développés. a. Comment cela est-il possible alors que, dans le même temps, le taux de chômage des non-qualifiés a augmenté beaucoup plus fortement que celui des qualifiés dans les pays développés ? b. Si les informaticiens des pays développés sont durement touchés par le chômage, faut-il limiter les importations de logiciels produits dans les pays émergents ? a. Si certains programmeurs en informatique peuvent souffrir de la concurrence de l’Inde, cela n’est pas incompatible avec le maintien d’une situation avantageuse des travailleurs qualifiés sur le marché du travail (c’est-à-dire avec l’augmentation des salaires et le maintien du chômage à un niveau faible). Avec une programmation rendue globalement plus efficace, l’essor de la production de services en Inde doit entraîner une augmentation des salaires dans le reste de l’industrie du logiciel ou une baisse du prix des biens dans leur ensemble. En revanche, à court terme, cette évolution peut être dommageable à certains travailleurs occidentaux, qui ont des compétences spécifiques et vont subir les coûts d’ajustement. b. Il existe de nombreuses raisons de ne pas empêcher les importations de services de programmation informatique (ou la délocalisation de ces emplois). D’une part, permettre la fourniture de ces services à moindre coût depuis l’étranger développe la frontière des possibilités de production des pays développés, ce qui améliore leur bien-être global. Une redistribution des gains à l’intérieur du pays est sûrement nécessaire, mais cela ne doit pas pour autant limiter le commerce qui améliore le bien-être du pays dans son ensemble. D’autre part, les décisions de politique économique interviennent dans un contexte global, dans lequel la décision par un état de mettre en place une protection commerciale peut conduire les autres pays à prendre des mesures de rétorsion en élevant à leur tour des barrières aux échanges. © 2012 – Économie internationale, 9e édition 3 6. Pourquoi le paradoxe de Leontief et les résultats plus récents de Bowen, Leamer et Sveikauskas contredisentils la théorie des proportions de facteurs ? Faut-il rejeter pour autant ce cadre théorique ? La théorie de proportion de facteurs stipule que les pays exportent les biens dont la production utilise intensément le facteur dont ils sont abondamment dotés. On s’attendrait alors à ce que les États-Unis, qui ont un ratio capital/travail élevé par rapport au reste du monde, exportent des biens intensifs en capital. Dès 1953, Leontief a montré que, dans les années 1940, les États-Unis exportaient au contraire des biens intensifs en travail. Bowen, Leamer et Sveikauskas montrent de leur côté que, pour le monde dans son ensemble, la corrélation entre les dotations en facteur de production et le commerce est ténue. Ces travaux ne confirment donc pas les prédictions du modèle Heckscher-Ohlin. Pour autant, les analyses récentes, qui prennent en considération les différences de technologie pouvant exister entre les pays, obtiennent des résultats plus satisfaisants. Notamment, Trefler a mis en évidence une corrélation significative entre la structure des échanges commerciaux et les dotations « effectives » en facteur (c’est-à-dire les quantités de facteurs ajustées par leur productivité, de sorte à traduire plus exactement l’égalisation des prix de facteurs). © 2012 – Économie internationale, 9e édition 4