Mgr Le Gall

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Mgr Le Gall
Catéchèse du mercredi 17 août. Thème : "Rechercher la vérité, sens profond de l’existence
humaine"
Mgr Robert Le Gall, Evêque de Mende, O.S.B. [17/08/2005]
« Où est le roi des Juifs, qui vient de naître ?
Nous avons vu se lever son étoile. » (Mt 2, 2)
« S’il a fixé des temps déterminés et les limites de l’habitat des hommes, c’était afin qu’ils
cherchent la divinité pour l’atteindre, si possible, comme à tâtons et la trouver ; aussi bien
n’est elle pas loin de chacun d’entre nous. C’est en elle, en effet, que nous avons la vie, le
mouvement et l’être. » (Ac 17, 26 28) Ce sont les paroles de l’Apôtre Paul sur l’aréopage
d’Athènes, en ce lieu prestigieux de la philosophie, qui est recherche de la vérité et qui
culmine dans la quête de Dieu. Recherche possible, mais délicate et difficile ; Dieu nous la
facilite en venant lui même à notre rencontre en son Fils qui nous a sauvés : « Dieu fait
maintenant savoir aux hommes d’avoir tous et partout à se repentir, parce qu’il a fixé un jour
pour juger l’univers avec justice, par un homme qu’il y a destiné, offrant à tous une garantie
en le ressuscitant d’entre les morts. » (30 31)
A ceux qui cherchent à tâtons, qui scrutent le message des astres dans l’obscurité, Dieu fait
briller une étoile, celle qui conduit les Mages à Bethléem, à Jésus qui se dit lui même dans la
dernière page de la Bible « l’étoile radieuse du matin » (Ap 22, 16). Par quels chemins
pouvons nous rencontrer celui qui a dit encore de lui même : « Je suis la Voie, la Vérité et la
Vie » (Jn 14, 6) ? C’est pour chacun de nous un long itinéraire, dont nous allons essayer de
baliser quelques étapes.
Le savoir scientifique et technique
Notre monde du IIIe millénaire est rempli d’un savoir objectif qui s’étend de plus en plus et
qui est rendu disponible grâce à l’internet. A son sujet, on parle de data, c’est à dire de «
données » : ce mot va plus loin qu’il n’en a l’air, car il dit déjà que notre savoir est un don,
qui, comme tel, doit être reçu. La vérité, nous avons à la rechercher, mais au terme, elle nous
est donnée.
Personne ne conteste, par exemple, la distance exacte, car elle est mesurable, entre Paris et
Cologne. On sait aussi la réalité d’un bon nombre de faits du passé, grâce à des documents,
des monuments ou des vestiges, et ce depuis l’origine reculée de la terre, de notre galaxie,
jusqu’aux lois de l’expansion du cosmos à partir d’un « big bang » initial. On sait comment
fonctionne un œil et comment opérer facilement une cataracte, grâce à la chirurgie au lazer.
Le savoir passe vite au savoir faire, la science à la technique, quitte à oublier leurs limites, car
que sait on vraiment des origines ? Le fond de la matière est il onde ou corpuscule ? Les vrais
savants sont humbles et ne cessent de chercher une vérité qui se complexifie au devant d’eux ;
les techniciens risquent de devenir les prisonniers d’un pouvoir limité mais précieux : ils
s’intéressent moins à la vérité qu’à l’efficacité, ce qui définit le plus souvent notre monde.
L’objectivité froide ou le simple savoir ne suffisent pas pour atteindre une pleine vérité.
L’expérience
L’immensité du savoir scientifique et technique nous écrase presque et il paraît de plus en
plus impossible à une personne de l’embrasser tout entier. Ce n’est pas de ce côté que l’on
peut accéder à la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13).
Un chemin plus personnel nous permet d’éviter les embouteillages des autoroutes du savoir :
celui de l’expérience, non cette expérience qui permet de passer des faits à leur cause par le
biais d’une hypothèse, mais celle qui nous implique dans l’unicité d’un vécu. Ce type
d’expérience nous enrichit ou nous dégrade ; il nous marque en tout cas, qu’il s’agisse de
l’apprentissage du vélo, d’une « chataîgne » reçue d’une prise ou d’un faux contact, d’un
séjour à l’étranger, d’une relation heureuse ou décevante, de la magnificence ou de la banalité
de rapports intimes. Rien ne remplace cette confrontation personnelle au réel qui nous change
et nous construit, même si l’on doit y perdre des illusions sur soi même et sur les autres. Pour
profiter des expériences, il faut être loyal envers soi même, jusqu’à se remettre en cause, et
envers les autres. Le danger de l’expérience, si on ne s’attache qu’à elle, c’est le subjectivisme
: on risque de ne voir ou de ne juger qu’à partir et qu’en fonction de soi même. Ni
l’objectivisme froid ni le subjectivisme chaud ne suffisent pour atteindre la vérité.
Sans doute est ce la faveur dont jouit l’expérience qui fait que les jeunes sont intéressés par
les témoignages, car ils sont l’expression d’une expérience personnalisée. Tout le mystère de
la Révélation relève du témoignage, car « Dieu, personne ne l’a jamais vu, mais le Fils
unique, qui est dans le sein du Père, lui nous l’a fait connaître » (Jn 1, 18), lui qui est le
Témoin fidèle (Ap 1, 5).
La connaissance
Connaître, c’est plus que savoir, c’est même plus qu’expérimenter, car c’est « naître avec ».
Une certaine identification se produit dans la connaissance entre le sujet connaissant et l’objet
connu en tant que connu ; il ne s’agit pas d’une quelconque fusion, mais d’une transparence à
ce qui est, d’une lumineuse correspondance entre le sujet et l’objet, d’une mise au point
d’image comme pour une diapositive. Saint Thomas d’Aquin écrit que la vérité, c’est «
l’adéquation de la réalité et de l’intelligence », qui s’ajustent dans la clarté.
Socrate, le grand philosophe grec, parlait déjà de « maïeutique », c’est à dire d’accouchement
pour faire comprendre comment il faut sortir de soi et faire sortir de soi afin d’atteindre à la
vérité, qui est rencontre de l’extérieur et de notre intérieur. Ne parle t on pas de « conception »
pour parler des idées ou des projets qui nous viennent à l’esprit ? Ce n’est que par le constant
échange entre la réalité et notre esprit que ce dernier peut être « fécondé » et qu’il peut éviter
la stérilité d’un enfermement subjectiviste ou idéaliste.
Le Verbe s’est fait chair pour que nous puissions devenir « enfants de Dieu » (Jn 1, 12),
comme dit saint Jean dans le prologue de son Evangile ; pour cela, il nous faut « renaître »,
selon la parole de Jésus à Nicodème, « naître d’en haut », « naître d’eau et d’esprit ». Ainsi
pourrons nous croire celui qui nous parle des choses du ciel (3, 12) et « faire la vérité et venir
à la lumière » (3, 21).
La sagesse
La connaissance se situe plutôt dans le registre de la lumière ; la sagesse, d’après
l’étymologie, relève davantage de la saveur : il s’agit de goûter. La sagesse n’est pas
uniquement intellectuelle : elle est art de faire, art de vivre, capacité de savourer la vie, de
contempler ce qui est ; elle met du sel dans l’existence. La philosophie est littéralement «
l’amour de la sagesse », le choix de vivre dans l’amour de la vérité.
Autrefois, on mettait un peu de sel sur la langue des enfants que l’on baptisait, pour les initier
à la saveur que l’Esprit met dans nos vies. La sagesse est en effet le tout premier des dons de
l’Esprit, avant l’intelligence et la connaissance (cf. Is 11, 2), que l’évêque appelle sur ceux à
qui il confère la confirmation.
« Les dons supérieurs »
Par ses possibilités naturelles, l’homme peut préciser un certain nombre de vérités et tendre à
une vérité plus ample, plus complète, mais cela n’est fait accessible qu’à un petit nombre,
avec des risques d’erreur. La Révélation nous propose, dans la mesure où nous nous ouvrons à
ce message venu d’en haut, d’accéder à la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13). Pour cela, un
certain renoncement à une sagesse purement humaine s’avère nécessaire.
Saint Paul écrit aux Corinthiens : « Pour moi, quand je suis venu chez vous, frères, je ne suis
pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige de la parole ou de la sagesse.
Non, je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. Ce dont
nous parlons, c’est d’une sagesse de Dieu, mystérieuse, demeurée cachée, celle que, dès avant
les siècles, Dieu a par avance destinée pour notre gloire. Car c’est à nous que Dieu l’a révélé
par l’Esprit ; l’Esprit en effet sonde tout jusqu’aux profondeurs de Dieu. Nul ne connaît ce qui
concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu. » (1 Co 2, 1 2.7.10 11)
La vérité par l’amour et pour l’amour
Le même Apôtre écrit plus loin : « Aspirez aux dons supérieurs » (12, 31), pour introduire son
hymne à la charité : « Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les
mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter les
montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. » (13, 2) La connaissance sans l’amour ne
vaut rien : « On ne voit bien qu’avec le cœur ; l’essentiel est invisible pour les yeux », dit le
Renard au Petit Prince. Ce Paul qui a été introduit au troisième ciel (cf. 2 Co 12, 2) où il
entendit des paroles ineffables (12, 4), cet homme plein de faiblesses qui a la connaissance
reçue des mystères (cf. Ep chap. 3) nous met dans la juste perspective : « Nous voyons à
présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face (mieux que pour Moïse dans
la tente de la Rencontre – cf. 2 Co 3, 13 ). A présent, je connais d’une manière partielle ; mais
alors je connaîtrai comme je suis connu. » (1 Co 13, 12) Il y faut surtout l’amour : « Si
quelqu’un aime Dieu, celui là est connu de lui. » (8, 3)
A cela fait écho le disciple que Jésus aimait dans sa première lettre : « Bien aimés, aimons
nous les uns les autres, puisque l’amour est de Dieu et que quiconque aime est né de Dieu et
connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est Amour. » (4, 7 8) La
Bonne Nouvelle de l’Evangile se résume en ces quelques mots : « Dieu nous aime ; il nous
donne de répondre à son amour ; il nous donne de nous aimer. »
Jésus le dit clairement à Nicodème : « Celui qui fait la vérité vient à la lumière afin que soit
manifesté que ses œuvres sont faites en Dieu. » (Jn 3, 21) La vérité, la lumière ne sont
pleinement accessibles que dans l’amour, dans la proximité et le rayonnement du Dieu qui est
Amour.
Conclusion
En terminant, il suffit de reprendre ces paroles du grand Jean Paul II, initiateur de la Journée
Mondiale de la Jeunesse, en son Message pour celle qui nous réunit : « Tant de nos
contemporains ne connaissent pas encore l’amour de Dieu ou cherchent à remplir leurs cœurs
de succédanés insignifiants. Il est donc urgent d’être des témoins de l’amour contemplé dans
le Christ. L’invitation à participer à la Journée Mondiale de la Jeunesse s’adresse également à
vous, chers amis qui n’êtes pas baptisés ou qui ne vous reconnaissez pas dans l’Eglise. N’avez
vous pas, vous aussi, soif d’Absolu ? N’êtes vous pas en quête de “quelque chose” qui donne
sens à votre existence ? Tournez vous vers le Christ et vous ne serez pas décu. » (n. 6)
MGR ROBERT LE GALL,
EVEQUE DE MENDE, O.S.B.
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