XVèmes Journées Mondiales de la Jeunesse
Rome, août 2000
Catéchèse de Mgr Lucien FRUCHAUD,
évêque de Saint-Brieuc et Tréguier
église S. Cuore di Cristo Re,
Jeudi 17 août 2000
Christ s’est donné lui-même pour nous.
Rencontre
Tous déjà, dans votre existence de jeunes, vous avez fait des rencontres inoubliables.
Tout a souvent commencé par un regard, un parole, un silence peut-être. Et une grande
aventure a commencé. A partir de telles rencontres une empreinte inoubliable marque la
relation, une amitié respectueuse et affectueuse se construit.
Il est aussi des rencontres qui provoquent des chocs, des bouleversements. Voilà les
bases sur lesquelles on se croyait solidement établi profondément ébranlées. Il faut alors
un long moment avant qu’une nouvelle harmonie apparaisse.
Par ailleurs chacun peut faire encore cette expérience : des gens rencontrés au hasard de
la vie transmettre un art de vivre, font connaître des techniques, conseillent, apprennent
à réfléchir, donnent envie de savoir, ouvrent des horizons. Certaines relations peuvent
nous transformer en profondeur.
Mais réfléchissons bien. Pour trouver un sens à la vie, à sa vie, est-on obligé de
ressembler à quelqu’un d’autre, de l’imiter ? Etre fasciné, charmé, captivé, est-ce un
bon moyen de réussir sa vie ? Qu’en est-il alors de l’identité personnelle ? Et que dire
des dégâts provoqués sur certaines personnes par les beaux parleurs, par les leaders dans
les sectes ?
Rencontrer le Christ
La rencontre avec Jésus est-elle de ce genre ?
Elle est certainement une rencontre bouleversante. Elle a transformé beaucoup de vie
depuis 2000 ans. Elle peut encore transformer nos propres vies.
Catéchèse de Mgr Fruchaud
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Elle est certainement une rencontre captivante qui a orienté déjà l’existence de tant de
femmes et d’hommes et qui peut orienter, oriente même déjà sans doute, notre existence
à chacun.
Mais elle n’est pas du même type que la rencontre d’un leader de secte, d’un gourou
quelconque, d’un manipulateur de foule, de quelqu’un qui voudrait que nous l’imitions
à la lettre et sur tous les points.
Jésus se présente toujours à nous comme le chemin, la vérité et la vie (Jn. 14, 1-7)
Certes, il entraîne les disciples à sa suite, mais il ne capte pas leur existence. Il nous
montre un chemin, le chemin qui conduit à son Père.
S’il charme, s’il captive, s’il fascine, c’est à la manière du guide qui montre les sentiers
pour atteindre les sommets et les parcourt avec nous. C’est à la manière de celui qui
sauve dans les situations difficiles, qui libère quand on s’est rendu esclave de tant
d’asservissement. Car Jésus, le Christ, s’est donné lui-même pour nous comme l’a
écrit saint Paul dans sa lettre aux Ephésiens (5, 2).
Et comment s’est-il donné pour nous ? En s’offrant, en offrant sa vie, en allant jusqu’à
accepter de mourir sur la croix au terme d’un étrange procès.
Derrière la mort de Jésus, il y a un dessein d’amour. Dans la foi de l’Eglise nous
nommons ce dessein d’amour le mystère de la Rédemption :
un mystère : car jamais nous n’arriverons à bien saisir la profondeur de cet
amour pour nous.
un “ mystère de salut, de rédemption : car Jésus connaissait notre faiblesse, nos
péchés, nos ingratitudes, nos reniements, et voici que par amour il nous sauve.
C’est bien cette rencontre avec le Christ Sauveur que je voudrais que chacun de vous
puisse faire aujourd’hui, au cœur de ces JMJ, au cœur de ce Jubilé des jeunes.
Ouvrez vos cœurs, vos esprits, vos intelligences. Dans la grâce du Jubilé, laissez le
Christ vous parler. Laissez-le vous dire à quel point il vous aime, il nous aime tous.
Un seul est mort pour tous
C’est tout de même un curieux paradoxe que la croix soit devenue pour les chrétiens un
emblème et pour bien d’autres une décoration, parfois même dans des métaux rares,
précieux.
Je ne sais si vous connaissez l’église Notre Dame de Toute Grâce ”, sur le Plateau
d’Assy, en Haute Savoie. Peut-être certains de vous sont-ils de cette gion sont-ils
passés par ce lieu magnifique au cours d’un camp ou d’un voyage ? Cette église a été
aménagée et décorée par des grands artistes qui ont mis tous les talents qui étaient les
leurs au service de l’art sacré : ils s’appellent Rouault, Matisse, Braque, Lurçat Richier,
Léger et bien d’autres encore.
Un jour, le curé qui à cette époque desservait cette église, - c’était un frère dominicain, -
rencontre une dame qui se trouve mal devant le grand Christ qui est au-dessus du maître
autel. L’artiste, Germaine Richier, a représenté le Christ crucifié tordu par les douleurs
et la souffrance. Cette sculpture est en effet très impressionnante Tandis qu’on venait en
aide à cette femme, une autre dame qui l’accompagnait manifestait sa réprobation au
frère dominicain. Elle ne comprenait pas qu’on puisse exposer un tel crucifix dans une
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église, à la place centrale. Le curé avait remarqué que celle qui s’indignait ainsi portait à
son cou une croix en or finement ciselé. Le prêtre alors lui pose cette question :
Quelle croix est la plus vraie : celle-ci du Christ souffrant que vous avez sous les
yeux, ou celle du bijou que vous avez au cou ? . Tout était devenu limpide.
Pour ceux qui furent les premiers à suivre le Christ, les premiers disciples, la croix de
Jésus fut d’abord le signe d’un échec, le lieu d’une dérision, d’un scandale. Un Messie
crucifié, un Sauveur mis à mort c’est une contradiction dans les termes !
La croix qui demeure pour les chrétiens la référence constante, est aussi l’élément le
plus difficile à intégrer. Car qui dit croix dit mal ”, dit souffrance ”. Et nous nous
heurtons toujours au mal et à la souffrance. Combien de fois avons-nous entendu cette
phrase : Pourquoi dites-vous que Dieu nous aime et nous sauve alors qu’il permet le
mal et la souffrance ? .
N’ayons pas peur de dire que le lien entre la mise à mort de Jésus et notre Salut n’est
pas une évidence qui saute aux yeux, qui est facilement recevable. Et pourtant elle est
bien l’évidence de notre Salut en Jésus-Christ.
Pour comprendre ce lien je vous invite à refaire le chemin des premiers disciples, des
premiers chrétiens :
au soir de la veille de la pâque juive, quand Jésus fut mis au tombeau, tout était
fini. Ils avaient cru qu’il serait le Sauveur, ils s’étaient trompés, pensaient-ils.
Souvenez-vous le désespoir des disciples sur le chemin d’Emmaüs !
mais voici qu’ils rencontrent Jésus, ressuscité. Il se montre à Marie-Madeleine
au jardin près du tombeau, il se montre aux disciples d’Emmaüs, aux autres
disciples au cénacle ou au bord du lac, il s’adresse particulièrement à Thomas
qui n’avait pas voulu croire ce qu’affirmait les apôtres. Il parle, il mange avec
eux. Il leur donne encore quelques consignes, particulièrement celle d’aller dans
le monde entier pour faire connaître la Bonne Nouvelle qu’il est venu apporter
au monde. C’est bien à ce Ressuscité qu’ils vont croire, qu’ils vont s’attacher.
C’est bien ce Jésus ressuscité qu’ils vont suivre.
les premières communautés chrétiennes, qui célèbrent-elles quand elles se
rassemblent ? Le Christ ressuscité bien sûr ! C’est d’ailleurs le jour de la
résurrection, le dimanche, que les premiers chrétiens, très vite, se rassemblèrent
et non plus le sabbat. Ils voulaient ensemble fêter le Christ ressuscité.
et quand le dimanche, jour de la résurrection, les premiers chrétiens se
rassemblent que font-ils ? Ils se racontent comment, après la mort de Jésus sur
la croix, après sa mise au tombeau, il leur est apparu dans le jardin, sur la route
d’Emmaüs, au Cénacle, sur le bord du lac. Ils se racontent ce qu’il a été parmi
eux, ce qu’il a fait, les miracles qu’il a accompli. Ils refont ce qu’il avait dit de
faire quand avant sa passion il avait partagé avec eux le pain et le vin.
dans tout cela ils n’oublient pas la croix. Elle prend au contraire sa pleine
signification. Ils comprennent que c’est par sa vie, sa mort et sa résurrection que
le Christ nous a sauvés : Un seul est bien mort pour tous répétera saint Paul
dans ses prédications.
Très vite les premiers chrétiens comprirent que Passion et Résurrection sont
indissociables dans la foi de l’Eglise.
Catéchèse de Mgr Fruchaud
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La Mission de Jésus
On me pose souvent cette question : fallait-il pour nous sauver de nos péchés que Jésus
donne sa vie en mourant sur une croix ? Fallait-il qu’il subisse de telles tortures ? C’est
un scandale pour beaucoup cette croix ! Dieu aime son fils et le laisse mettre à mort, et
de quelle façon !
Dans l’évangile de Jean, Jésus nous dit :
Ma vie, on ne me l’ôte pas, je la donne moi-même ” (Jn.
10,18).
Il ne faut pas penser la mort de Jésus comme une volonté de son Père pour châtier ou
compenser le péché des hommes, nos péchés, si bien que pour Jésus acquiescer à la
volonté de Dieu ce serait, dès le départ, désirer sa propre mort. Dieu le re n’a jamais
désiré la mort de son fils. Jésus n’a jamais désiré sa mort.
Il faut regarder Jésus sous l’angle de sa mission. Qu’elle était la mission de Jésus ?
Nous sauver, nous témoigner de l’immensité de l’amour de Dieu pour tous les hommes,
même les plus grands pécheurs. Alors il va se consacrer totalement à cette mission. Il va
s’y consacrer sans hésiter, même au point de heurter de front ceux qui s’y opposent,
même au point de prendre lucidement le risque de la mort.
La mort de Jésus, si on regarde du coté de sa mission, est bien un acte de sa personne,
un engagement de sa liberté. Elle est bien acte de salut parce qu’elle engage sa
liberté.
Lorsque vous partez pour une randonnée, une course en montagne ou en mer, vous
engagez bien votre liberté, vous prenez des risques, avec toutes les précautions
nécessaires bien sûr, mais c’est bien vous qui vous engagez dans cette aventure.
Lorsque vous avez reçu une mission et que vous avez à cœur de l’accomplir, vous vous
lancez à fond pour la réaliser et vous tenez coûte que coûte à parvenir au but.
Jésus avait à cœur d’accomplir la mission reçu de son Père. Cette mission, comme Fils
de Dieu, était d’offrir le salut à tous les hommes. Il pouvait s’élever des obstacles sur
son chemin. Il n’en a pas manqué. Il les a rencontrés. Aussi les incompréhensions, les
hostilités, son procès, sa passion, sa mort sur la croix, il subit tout cela, mais en même
temps il assume tout. Il choisit d’aller jusqu’au bout de cette détresse parce que dans
cette perte de lui-même, dans cet anéantissement (Ph. 2,7) il reconnaît la seule façon pour
lui de demeurer fidèle au Père, d’inscrire dans son existence d’homme l’acharnement de
Dieu à se vouloir Père, à nous aimer plus que tout. Quand on aime vraiment quelqu’un
on est capable d’aller loin dans le don de soi. Il en fut ainsi pour Jésus, fils de Dieu,
notre Sauveur.
La mort de Jésus est donc à la fois soumission aux événements et liberté d’y exprimer
ce qu’il est.
Si Jésus choisit délibérément d’affronter la souffrance et la mort, ce n’est pas par plaisir,
dans une volonté suicidaire et morbide, mais parce que pour aller jusqu’au bout de sa
mission, les événements et les usages répressifs de son temps l’ont conduit jusque là. De
ces événements et de la manière de traiter les opposants au régime de ce temps, lui, Fils
de Dieu, il a fait un don ”, une consécration ”, un salut pour tous ”, une
glorification.
Catéchèse de Mgr Fruchaud
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Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui
Vous l’avez saisi, les premiers chrétiens, les chrétiens des premiers siècles, poussant
plus loin leur réflexion, leur méditation, aidés par les théologiens, les Pères de l’Eglise,
ont relu la vie et la mort de Jésus comme chemin vers la glorification.
C’est saint Jean, l’apôtre qui avait été si proche de Jésus durant toute sa vie, qui le
premier va méditer sur la gloire ”, pour nous montrer Jésus comme “le Seigneur du
ciel et de la terre ”.
Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous, et nous
avons vu sa gloire. Cette gloire que, Fils Unique, plein de grâce
et de vérité, il tient du Père ” (Jn 1,14).
Si saint Jean a insisté pour nous faire comprendre que Jésus à toujours été proche de son
Père, qu’il a toujours été en étroite communion avec lui, qu’il a toujours eu même sur
cette terre la gloire qu’il avait auprès de son Père , c’est pour que nous croyons.
Tel fut, à Cana de Galilée, le commencement des signes de
Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui (Jn
2/11)
Et dans sa prière pour les siens, Jésus s’exprime ainsi :
Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi de cette gloire
que j’avais auprès de toi avant que le monde fut. ” (Jn 17,5)
Comme pour les disciples, comme pour les premières communautés chrétiennes, Jésus
nous invite à faire le même chemin, à bien considérer la passion et la croix du Seigneur
pour ce qu’elles sont :
apparues d’abord comme un scandale, une défaite, un échec,
elles se comprennent comme la libre détermination d’un homme pleinement
Fils, Fils de Dieu, menant jusqu’au terme son combat contre le mal,
c’est ce combat contre le mal, objet de sa mission qui lui permet de demeurer
dans la gloire du Père et de nous y entraîner.
Il faudrait relire dans ce sens l’hymne christologique que nous trouvons dans la lettre
aux Philippiens. Cet hymne nous présente un Christ qui se dépouille, qui s’anéanti et le
Père qui l’élève, l’exalte.
Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ :
lui qui est de condition divine
n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu
mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes,
et, reconnu à son aspect comme un homme ;
il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort,
à la mort sur une croix.
C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé
et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom,
afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse,
dans les cieux, sur la terre et sous la terre,
et que toute langue confesse que le Seigneur, c’est Jésus Christ,
à la gloire de Dieu le Père ”. (Ph. 2, 5-11).
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