LE_TOGO_EST_IL_SURENDETTE

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LIBRE OPINION : Cet article n’engage que son auteur
LE TOGO EST-IL SURENDETTE ?
Nous avons lu dans les média des articles fustigeant le lourd endettement du Togo. Qu’en est-il réellement ?
Le seuil d’endettement dans les indicateurs de stabilité et de croissance des pays de l’OCDE (Organisation de
Coopération et de Développement Economiques) est de 60% du PIB des Etats. En Afrique et plus
précisément dans l’UEMOA, après l’allègement de la dette en avril 2014, le plafond de la dette est fixé par les
institutions de Brettons Wood et les institutions de la BCEAO à 70% du PIB, ce qui n’est plus contraignant.
Le TOGO a un endettement de 55,9% du PIB à fin septembre 2015.
Pourquoi les Etats s’endettent-ils ?
L’insuffisance de la croissance économique pour assurer les besoins de fonctionnement et d’investissement de
l’Etat amène ce dernier à recourir à l’endettement.
Au premier degré, il y a le budget qui, idéalement doit générer suffisamment de recettes pour couvrir les
dépenses de l’Etat. L’orthodoxie financière veut que les dépenses de fonctionnement soient exclusivement
financées par les recettes fiscales, douanières et autres (revenus des placements financiers et dividendes payés
par les sociétés d’Etat) de l’Etat.
Il est bon de noter que ce sont les déficits annuels des budgets nationaux qui engendrent le stock de la dette
des Etats.
Un budget bien élaboré s’autofinance en ce sens que les dépenses budgétaires des premiers mois de l’exercice
fiscal créent un rebond de croissance et des recettes nouvelles pour financer le reste du budget. Lorsque le
gouvernement augmente le salaire minimum dans le pays, le pouvoir d’achat de la population s’améliore, la
consommation des ménages augmente ce qui booste la croissance. Mais dans le même temps, les entreprises
privées doivent accroître leur productivité sinon elles ne peuvent pas honorer l’augmentation des salaires
décrétée par les autorités publiques.
Lorsque l’Etat construit par exemple une centrale électrique qui produit de l’électricité de qualité et à moindre
coût, le tarif d’électricité peut être maintenu inchangé voire même revu à la baisse. Ceci aura pour effet de
donner plus de pouvoir d'achat aux agents économiques, la consommation sur le marché national s’en
trouvera accrue ce qui par voie de conséquence fera augmenter la croissance économique. De plus,
l’électricité étant un des coûts majeurs des facteurs de production, les investisseurs étrangers seront enclin à
s’installer au Togo ce qui va créer des emplois, booster la croissance, résorber le chômage et réduire la
pauvreté.
L’idéal pour un Etat est de financer ses investissements de développement avec les recettes budgétaires et
éventuellement les dons et aides multiformes.
L’insuffisance des recettes budgétaires et la rareté des dons et aides publiques au développement amène les
Etats à s’endetter.
Le Togo qui a, à construire toutes ses infrastructures de développement, se doit de s’endetter de façon
intelligente et rationnelle pour ce faire.
Aujourd’hui, les pays de l’OCDE qui sont à l’apogée de leurs infrastructures de développement, recherchent
en vain une croissance de 0,1% pour assurer le fonctionnement de leur économie et l’entretien et la
maintenance de ces infrastructures tout en continuant d’investir pour rester à la pointe de la technologie et
maintenir ainsi la compétitivité de leurs économies.
Comment s’endetter de façon rationnelle et intelligente ?
Les pays en développement qui flirtent avec des taux de croissance à deux chiffres doivent mettre en place la
gouvernance et construire les infrastructures de développement qui leur font défaut pour leur permettre
d’offrir à leurs populations l’avenir qu’elles méritent un peu comme les pays de l’OCDE l’ont fait pendant les
« trente glorieuses ».
C’est vrai que la croissance en Afrique est portée généralement par le seul secteur primaire. Elle n’est donc
pas soutenue et durable. Elle est erratique car elle dépend des aléas climatiques. Si la saison pluvieuse est
bonne, la production est abondante et la croissance élevée sans qu’il y ait création d’emplois qui, par ricochet,
va soutenir la croissance. L’année où les pluies sont rares, la croissance chute drastiquement.
Pour les infrastructures telles que les écoles, les universités, les structures de santé, les routes ; l’orthodoxie
financière recommande qu’elles soient financées préférentiellement par les recettes propres de l’Etat et les
aides. La raison essentielle en est que ces infrastructures sociales ne génèrent pas la croissance suffisante pour
rembourser les emprunts que l’Etat serait amené à contracter pour leurs financements.
Certes, les routes et les structures de santé apportent du bien-être aux populations et les écoles, universités et
centres de recherche apporteront des croissances futures indispensables au développement et à la prospérité
de l’économie. C’est d’ailleurs pour cela qu’il urge d’incorporer le bien-être dans les indicateurs
macroéconomiques des institutions de Brettons Wood concourant à la détermination du Produit Intérieur Brut
(PIB).
En investissant dans les infrastructures sociales qui ne génèrent que peu de croissance, l’Etat se doit
également de prioriser, concomitamment, des infrastructures économiques qui créeront des revenus
immédiats pour le remboursement des emprunts contractés.
Pour les investissements marchands tels que les pistes rurales pour faire écouler les productions agricoles vers
les marchés périphériques, les infrastructures industrielles, électriques, hydrauliques, de communications,
portuaires et aéroportuaires etc., l’Etat ne peut pas ne pas s’endetter mais cet endettement doit se faire à des
conditions et taux d’intérêts concessionnels pour ne pas hypothéquer l’avenir du pays.
Une autre alternative aux financements directs des infrastructures de développement de l’Etat est le
Partenariat Public Privé (PPP) qui, j’avoue n’est pas une panacée. L’Etat doit d’abord mettre en place le cadre
normatif et législatif avec des lois claires et leurs décrets d’application. Les offres spontanées doivent être
scrutées à la loupe et soumises à concurrence à la faveur d’une évaluation préalable afin d’éviter tout conflit
d’intérêts et de délit d’initié.
Pour moi, le partenariat Public-Privé doit être gagnant-gagnant. Nous ne devons pas laisser le privé venir
engranger d’importants bénéfices sans qu’il n’y ait des impacts financiers substantiels sur le budget de l’Etat
ou humains par le biais des emplois des Togolais par exemple.
Les Privés bénéficiant souvent de toutes les incitations fiscales dans leur contrat de concession avec l’Etat, il
convient que ce dernier soit présent dans le capital des sociétés de gestion des projets PPP rentables du moins
par le biais des structures d’exécution de ces projets pour le compte de l’Etat, maître d’ouvrage.
A titre d’exemple, la Compagnie Energie Electrique du Togo (CEET) pourrait prendre des actions dans les
sociétés d’exploitation des projets rentables des producteurs indépendants d’énergie électrique. Et le Port
Autonome de Lomé (PAL), peut prendre des actions comme dans Togo Terminal, dans la Société
d’Exploitation du Guichet Unique (SEGUCE), Lomé Contenair Terminal (LCT) etc.
Enfin, les contrats concessifs issus des projets PPP doivent incorporer des clauses de remboursement des frais
et autres subventions de l’Etat en cas de retour à bonne fortune des sociétés de gestion de ces projets.
Le Togo est-il surendetté ?
Pour fixer les idées, le tableau ci-dessous présente le Produit Intérieur Brut (PIB) en millions de dollars Etats-Unis des
huit (8) pays membres de l’Union Economique Monétaire Ouest Africain (UEMOA)
Pays membres de l’UEMOA PIB Nominal 2013 en
millions de dollars US
Bénin
8 359
Burkina
12 130
Cote d’Ivoire
28 280
Guinée-Bissau
880
Mali
11 370
Niger
7 304
Sénégal
15 360
Togo
4 299
Sources Internet : FMI; Perspectives Economiques Mondiales, avril 2014.
Le Togo enregistre, depuis les cinq (5) dernières années, un taux d’inflation maîtrisé à 1,7%, un système
financier et bancaire vigoureux et le pays est en mesure d’assumer sans accroc le service de sa dette
(principal + les intérêts). De ce fait, avec un taux d’endettement de 55,9% du PIB, on ne peut pas considérer
le Togo comme un pays surendetté si l’on sait que le total de la dette rapportée au PIB des pays suivants a
atteint entre 2011 et 2014 les niveaux ci-après (Sources Internet) :
-
France
95,9%
-
Belgique
108,2%
-
Irlande
114,8%
-
Etats-Unis 115%
-
Portugal
131,4%
-
Italie
131,8%
-
Grèce
176%
-
Japon
245%
Au troisième trimestre de l’année 2015, le poids de la Chine a atteint 259% de son PIB, dépassant celui des
Etats-Unis chiffré à 248% du PIB ; la dette de la zone Euro étant de 270% du PIB de la zone. Des chiffres à
faire couper le souffle.
Plus près de chez nous, dans la zone UEMOA, la situation de la dette extérieure nominale des 8 pays de
l’UEMOA indique que le Togo est le 2ème pays le moins endetté après la Guinée-Bissau entre 2004 et 2014
comme présenté dans le tableau ci-après :
TABLEAU DES INDICATEURS DES ENCOURS DE LA DETTE EXTERIEURE (en milliards de FCFA)
Pays
2004
2005
2 006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Bénin
826,3
919,4
519,8
299,7
450,3
497,0
592,7
613,6
639,0
Burkina
998,1
1 170,1
591,1
664,2
790,3
918,7
1 118,1
1 172,3
1 287,1
1
1 412,3
296,0
Cote
d'Ivoire
4 976,3
4 667,4
4 472,6
4
099,4
3
977,4
5 338,2
5 611,1
6 264,2
3 885,0
2
3 308,7
605,4
GuinéeBissau
506,8
478,7
482,8
564,2
536,4
494,9
147,6
157,9
168,9
1 615,4
1 801,8
629,0
661,8
801,6
918,7
1 181,6
1 227,8
1 380,3
888,0
957,0
282,2
322,1
394,0
441,1
479,8
492,5
550,3
682,6
756,6
1 865,5
1 942,8
864,0
968,5
1
161,4
1 406,2
1 508,5
1 751,8
2 048,6
2
165,7
2 871,3
Togo
781,4
820,4
840,0
847,2
680,0
770,1
260,3
241,9
278,8
357,4
470,5
UEMOA
12
457,8
12
757,6
8 681,4
8
427,1
8
791,4
10
785,0
10
899,7
11
921,9
10
238,0
9
11 406,8
469,5
Mali
Niger
Sénégal
756,5
161,1
926,5
176,4
1
1 484,6
445,0
SOURCE : BCEAO
En l’absence des dettes extérieures et intérieures de 2015, nous donnons dans le tableau ci-dessous les
encours des Titres Publics:
Pays membres de l’UEMOA Encours des Titres
Publics* au 30/09/2015
en milliards de FCFA
Bénin
606,9
Burkina
459,2
Cote d’Ivoire
Guinée-Bissau
2 405
26
Mali
514,5
Niger
319,7
Sénégal
Togo
1 061,7
479,4
Source : BCEAO
*Titres Publics : Bons et Obligations du Trésor
Comme évoqué supra, le système financier et bancaire du Togo est dynamique et vigoureux, l’inflation
maîtrisée. De plus, l’endettement des entreprises privées est soutenable, les ménages sont faiblement endettés,
les dettes des collectivités locales sont comprises dans celles de l’Etat, donc avec une dette de 55,9% du PIB,
le Togo n’est pas vraiment surendetté. Sur 10 ans, de 2004 à 2014, la dette extérieure du Togo est la 2ème plus
faible des 8 pays de l’UEMOA comme l’indique le tableau supra. De grâce ! Laissez le Ministre d’Etat Adji
Otèth Ayassor, qui paie promptement les salaires des fonctionnaires à la fin de chaque mois, continuer son
œuvre salvatrice, empreinte de gouvernance et de rigueur pour redresser l’économie Togolaise conformément
au programme de la mandature du Président de la République, Son Excellence Faure Essozimna
GNASSINGBE. Il doit cependant :
-
s’assurer qu’à tout moment, en cédant tout le patrimoine de l’Etat, il peut rembourser la dette
publique ;
-
libérer l’économie Togolaise de ses carcans pour faire baisser les taxes et les impôts et rétablir
ainsi la compétitivité de l’économie pour faire baisser le chômage ;
-
s’assurer de l’adéquation entre les investissements projetés et le montant des financements de ces
investissements ;
-
régler à bonne date les créances des opérateurs économiques afin de garantir le développement
du secteur privé et la création d’emplois ;
-
faire baisser la pression fiscale et mettre l’accès sur d’autres revenus tels que les dividendes des
sociétés d’Etat en exerçant effectivement sa tutelle financière sur ces sociétés par l’instauration
d’une gouvernance d’entreprise exemplaire dans toutes les structures d’Etat;
-
contrôler périodiquement la résilience des banques commerciales opérant au Togo ;
-
créer et encourager l’émergence d’une classe moyenne de salariés ;
-
mettre en œuvre des programmes fiables de création d’emplois des jeunes;
-
et rester intraitable vis-à-vis de la corruption, des primes de signature des contrats d’Etat et des
retro commissions.
Tout ceci doit concourir à faire du Togo une citadelle de prospérité, qui offre à chacun de ses filles et de ses
fils, le futur qu’ils méritent.
Blaise Ayao Amoussou-Kpeto,
Expert Bancaire et Financier.
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