ESH – ECE 2 Camille Vernet
Nicolas Danglade 2016-2017
1.3 Pourquoi le financement des agents ne se fait-il pas directement par le marché ?
L’intermédiation financière, une réponse aux limites du financement direct
Document 7 : les intermédiaires financiers et les coûts de transaction
La firme (qu’elle soit bancaire ou non bancaire) naît des imperfections des marchés dont elle permet de réduire
les coûts de transaction (théorie des coûts de transaction ; R.Coase). « Par coûts de transaction, on entend les
coûts de fonctionnement du système d’échange et, plus précisément dans le cadre d’une économie de marché,
ce qu’il en coûte de recourir au marché pour procéder à l’allocation des ressources et transférer des droits de
propriété ».
Ces coûts de transaction comprennent les coûts de recherche du cocontractant et du compromis, les coûts de
standardisation, de certification et de contrôle de la bonne exécution des échanges.
Ainsi, grâce aux intermédiaires financiers, un prêteur n’a plus à rechercher un emprunteur aux préférences
absolument symétriques des siennes, ce qui serait en général une opération coûteuse, voire impossible. Ces
différences de préférences peuvent notamment porter sur les montants ou sur les durées. (…) L’intermédiaire
peut par exemple corriger l’incompatibilité apparaissant entre deux agents dont l’un souhaiterait prêter à un an,
alors que le second désirerait emprunter à dix ans ; l’intermédiaire surmonte cette seconde incompatibilité en
acceptant des ressources (souvent à court terme) pour financer des prêts à long terme. (…)
L’activité d’intermédiaire financier produit de la crédibilité. La notoriété d’un agent économique peut ne pas
être suffisante pour lui permettre de lever des fonds directement auprès des prêteurs. La banque, dont c’est le
métier et la spécialité, peut suppléer le manque de notoriété par un travail spécifique d’analyse de solvabilité.
Elle peut même aller au-devant de l’emprunteur et découvrir des opportunités de prêts que l’auto-analyse
fondée sur la seule notoriété – en quelque sorte latente et passive – aurait été impuissante à révéler.
Source : Mario Dehove, cours « Institutions et théorie de la monnaie », mars 2001
Document 8 : le problème des asymétries d’information
De toute évidence quand un emprunteur sollicite un financement, il connaît mieux que le prêteur auquel il fait
appel la qualité de son projet d’investissement et ses chances de succès. Il s’agit d’un problème d’asymétrie
d’information comme celui mis en évidence par G.Akerlof et J.Stiglitz dans les années 1970. L’emprunteur
devra parvenir à convaincre le prêteur et ce dernier rassembler suffisamment d’informations concordantes pour
se forger sa conviction que le projet vaut d’être financé. Le repérage par le prêteur ou le signalement par
l’emprunteur des projets d’investissement de qualité est nécessairement coûteux (en temps et en argent). Et si le
coût l’emporte sur la rentabilité attendue, alors le financement n’aura pas lieu. Le problème d’information
relatif à la qualité n’est donc pas traitable qu’en engageant un coût qui, s’il est trop élevé, empêchera la mise en
relation du prêteur et de l’emprunteur. La duplication des coûts peut toutefois être évitée si l’un des prêteurs se
spécialise dans la production d’information nécessaire à la sélection des projets. En centralisant la production
d’information, on en réduit le coût et on rend à nouveau possible des financements qui sans cela n’auraient pas
vu le jour. Qu’est-ce que ce prêteur spécialisé dans la production d’information ? Une banque ! c’est ainsi que
le présentent Hayne Leland et David Pyle dans leur article fondateur de 1976. Bien sûr, la banque n’est pas le
seul acteur du système financier à produire une information utile pour éclairer les choix des investisseurs : c’est
aussi le rôle des agences de notation, la banque produit cette information pour éclairer ses propres choix
d’investissement et se positionne donc en intermédiaire entre un large ensemble de prêteurs et un large
ensemble d’emprunteurs dont elle effectue la sélection.
L’asymétrie d’information dont pâtit le prêteur ne se limite pas à la qualité des projets d’investissement. Une
fois passée la première étape, celle qui, pour le prêteur, consiste à donner son accord et octroyer le financement,
il restera à vérifier que l’emprunteur fait un usage des fonds prêtés conforme à son engagement. Vérifier que
c’est bien le cas est coûteux là encore. (…) De ce point de vue qu’est-ce qu’une banque ? Un contrôleur
délégué par l’ensemble des prêteurs (les déposants) capable de mettre en place un contrat incitatif, en vertu
duquel l’emprunteur se conformera à ses engagements et remboursera son emprunt à l’échéance, à moins que
sont projet n’ait réellement échoué, ce que le contrôleur délégué pourra vérifier et ce dont il sera prémuni grâce
à l’exigence de garanties ou collatéraux. Mais en définitive, qu’est-ce qui assure aux prêteurs qu’ils ne seront
pas eux-mêmes exposés au défaut du contrôleur délégué (la banque) ? Le fait que ce dernier diversifie
suffisamment ses investissements. Dans ce cas, le risque de ses actifs sera géré au mieux et il pourra s’engager
à ce que les prêteurs récupèrent sans perte l’argent confié. Toutefois, le contrôleur délégué sera-t-il à cet égard
moins opportuniste vis-à-vis de ses déposants que n’importe quel autre emprunteur ? Rien ne le garantit, ce qui
signifie qu’il faut aussi « contrôler le contrôleur » !
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Puf, 2010, p. 154