Les crises financières - CPGE ECE 2 Camille Vernet (Valence)

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Module 4 : Déséquilibres, régulation et action publique
Partie 1 : Les déséquilibres macroéconomiques et financiers
Chapitre 3 : Les crises financières
Orientation générale :
Ce module est centré sur les déséquilibres économiques, sur leurs conséquences économiques et sociales, et sur
l’intervention des pouvoirs publics. On identifiera et analysera ces grands déséquilibres. Cette approche sera complétée par
une étude des crises financières et de leur régulation.
Commentaires :
On étudiera les crises financières dans leur déroulement et leurs conséquences, et on s'intéressera aux mécanismes de
régulation mis en oeuvre et en débat.
1. Le fonctionnement du système financier : quelques rappels
1.1 Distinguer les différentes modalités de financement de l’économie
Document 1 : les relations entre prêteurs et emprunteurs « ultimes »
Si le passage à un financement par les marchés est souvent présenté comme un passage à la finance directe, ce
n’est pas le sens que l’ouvrage fondateur de Gurley & Shaw (1960) donne à ce terme. Ces auteurs définissent la
finance directe comme le système financier où les agents dont le bilan est excédentaire et présente une capacité
de financement (les prêteurs « ultimes ») financent les agents ayant un besoin de financement (les emprunteurs
« ultimes ») par l’achat des titres émis par ces derniers. Plus concrètement, les ménages financent les
entreprises en achetant les actions et les obligations qu’elles émettent.
Ceci n’est pas le système financier qui s’est établi en France après l’économie d’endettement. Les entreprises
émettent certes des titres dont une partie est acquise par les ménages ou les entreprises, mais les préférences des
agents à excédent vont vers les titres émis par les intermédiaires financiers, qu’il s’agisse de banques ou
d’autres sociétés financières. Les intermédiaires financiers achètent les titres émis par les entreprises et les font
entrer dans la composition de portefeuilles (…). Certains de ces titres combinent le rendement certain des
obligations avec celui plus conjoncturel des actions. Fonds Communs de Placement (FCP) ou SICAV (Société
d’investissement à capital variable) constituent pour les ménages le support de cette finance de marché
intermédiée. Leur épargne est ainsi placée en titres de la finance indirecte selon la terminologie adoptée depuis
Gurley & Shaw. Il ne s’agit donc pas d’un passage à la finance directe mais d’un passage à la finance de
marché intermédiée.
Source : Françoise Renversez « De l’économie d’endettement à l’économie de marchés financiers » in Revue
Regards croisés sur l’économie n°3, mars 2008, p. 60
Document 2 : les différentes modalités de financement de l’économie
Crédit bancaire
Finance de marché
Finance directe
intermédiée
Rôle intermédiaire
Oui
Oui
Non
financier ? O/N
Nom donné à
Intermédiation de bilan
Intermédiation de marché
Pas d’intermédiation
l’intermédiation
L’intermédiaire financier se place entre les AE à besoin et
Echange sur le marché
à capacité de financement ; les AE prêteurs et emprunteurs
entre AE à besoin et à
nets ne se rencontrent pas sur le marché ;
capacité de financement
1.2 Les différentes formes et les différents acteurs de l’intermédiation
Document 3 : L’intermédiation de marché (ou de représentation)
Une institution financière (IF) émet des titres (par exemple des obligations) ; elle capte des ressources qu’elle
peut ensuite employer à l’octroi de crédits ou à l’achat de titres (actions ou obligations) ; lorsqu’elle achète des
obligations ou émet des crédits elle acquiert alors un titre de créances sur l’agent bénéficiant de ce financement
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(l’emprunteur à une dette vis-à-vis de la banque). En ce sens on peut dire que l’émission d’un crédit revient à
émettre un titre.
Dans ce cas, la causalité va des ressources (sommes versées par les agents à capacité de financement en
paiements des titres émis par l’IF) vers l’emplois (sommes versées par l’IF en contrepartie des titres émis par
les agents à besoin de financement que ce soit des actions, des obligations ou des crédits).
On parle ici d’intermédiation de marché*. L’intermédiaire financier ne fait que s’interposer entre un acheteur
de titres et un vendeurs de titres.
* dans sa présentation d’origine, Dehove parle d’intermédiation de représentation, car d’une certaine
manière, l’IF représente les AE à capacité de financement auprès des AE à besoin de financement.
Source : Mario Dehove, cours « Institutions et théorie de la monnaie », mars 2001
Document 4 : L’intermédiation de transformation
Un intermédiaire financier capte des fonds représentant les dépôts de la clientèle. Ces derniers permettent
l’octroi de crédits. On parle alors d’une intermédiation de transformation. Là encore, la « causalité » va de la
collecte de ressources au crédit.
Source : à partir de Mario Dehove, cours « Institutions et théorie de la monnaie », mars 2001
Document 5 : La création monétaire : crédits/dépôts
Un agent non financier demande un crédit à son IF. (…) Cette fois la causalité est en sens inverse : c’est en
développant son actif que l’intermédiaire financier développe son passif. Ici, les crédits font les dépôts. Ainsi,
lorsque l’IF accorde un crédit de 100 à l’agent A, ce dernier peut effectivement dépenses ces 100 comme s’ils
les avait réellement déposés au préalable. Il y a une création de monnaie. Cette création monétaire peut
néanmoins ensuite conduire l’IF à collecter des dépôts car on sait qu’il existe des fuites hors circuit (c’est-à-dire
que la monnaie créée sort du bilan de la banque) qui implique un refinancement en monnaie centrale.
Source : Mario Dehove, cours « Institutions et théorie de la monnaie », mars 2001
Document 6 : les différentes formes de finance intermédiée et les différents acteurs qui y participent
Intermédiation
de marché
de transformation
de création monétaire
Banques
o
o
o
Caisse d’épargne
o
o
n
Autres IF
o
o
n
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1.3 Pourquoi le financement des agents ne se fait-il pas directement par le marché ?
L’intermédiation financière, une réponse aux limites du financement direct
Document 7 : les intermédiaires financiers et les coûts de transaction
La firme (qu’elle soit bancaire ou non bancaire) naît des imperfections des marchés dont elle permet de réduire
les coûts de transaction (théorie des coûts de transaction ; R.Coase). « Par coûts de transaction, on entend les
coûts de fonctionnement du système d’échange et, plus précisément dans le cadre d’une économie de marché,
ce qu’il en coûte de recourir au marché pour procéder à l’allocation des ressources et transférer des droits de
propriété ».
Ces coûts de transaction comprennent les coûts de recherche du cocontractant et du compromis, les coûts de
standardisation, de certification et de contrôle de la bonne exécution des échanges.
Ainsi, grâce aux intermédiaires financiers, un prêteur n’a plus à rechercher un emprunteur aux préférences
absolument symétriques des siennes, ce qui serait en général une opération coûteuse, voire impossible. Ces
différences de préférences peuvent notamment porter sur les montants ou sur les durées. (…) L’intermédiaire
peut par exemple corriger l’incompatibilité apparaissant entre deux agents dont l’un souhaiterait prêter à un an,
alors que le second désirerait emprunter à dix ans ; l’intermédiaire surmonte cette seconde incompatibilité en
acceptant des ressources (souvent à court terme) pour financer des prêts à long terme. (…)
L’activité d’intermédiaire financier produit de la crédibilité. La notoriété d’un agent économique peut ne pas
être suffisante pour lui permettre de lever des fonds directement auprès des prêteurs. La banque, dont c’est le
métier et la spécialité, peut suppléer le manque de notoriété par un travail spécifique d’analyse de solvabilité.
Elle peut même aller au-devant de l’emprunteur et découvrir des opportunités de prêts que l’auto-analyse
fondée sur la seule notoriété – en quelque sorte latente et passive – aurait été impuissante à révéler.
Source : Mario Dehove, cours « Institutions et théorie de la monnaie », mars 2001
Document 8 : le problème des asymétries d’information
De toute évidence quand un emprunteur sollicite un financement, il connaît mieux que le prêteur auquel il fait
appel la qualité de son projet d’investissement et ses chances de succès. Il s’agit d’un problème d’asymétrie
d’information comme celui mis en évidence par G.Akerlof et J.Stiglitz dans les années 1970. L’emprunteur
devra parvenir à convaincre le prêteur et ce dernier rassembler suffisamment d’informations concordantes pour
se forger sa conviction que le projet vaut d’être financé. Le repérage par le prêteur ou le signalement par
l’emprunteur des projets d’investissement de qualité est nécessairement coûteux (en temps et en argent). Et si le
coût l’emporte sur la rentabilité attendue, alors le financement n’aura pas lieu. Le problème d’information
relatif à la qualité n’est donc pas traitable qu’en engageant un coût qui, s’il est trop élevé, empêchera la mise en
relation du prêteur et de l’emprunteur. La duplication des coûts peut toutefois être évitée si l’un des prêteurs se
spécialise dans la production d’information nécessaire à la sélection des projets. En centralisant la production
d’information, on en réduit le coût et on rend à nouveau possible des financements qui sans cela n’auraient pas
vu le jour. Qu’est-ce que ce prêteur spécialisé dans la production d’information ? Une banque ! c’est ainsi que
le présentent Hayne Leland et David Pyle dans leur article fondateur de 1976. Bien sûr, la banque n’est pas le
seul acteur du système financier à produire une information utile pour éclairer les choix des investisseurs : c’est
aussi le rôle des agences de notation, la banque produit cette information pour éclairer ses propres choix
d’investissement et se positionne donc en intermédiaire entre un large ensemble de prêteurs et un large
ensemble d’emprunteurs dont elle effectue la sélection.
L’asymétrie d’information dont pâtit le prêteur ne se limite pas à la qualité des projets d’investissement. Une
fois passée la première étape, celle qui, pour le prêteur, consiste à donner son accord et octroyer le financement,
il restera à vérifier que l’emprunteur fait un usage des fonds prêtés conforme à son engagement. Vérifier que
c’est bien le cas est coûteux là encore. (…) De ce point de vue qu’est-ce qu’une banque ? Un contrôleur
délégué par l’ensemble des prêteurs (les déposants) capable de mettre en place un contrat incitatif, en vertu
duquel l’emprunteur se conformera à ses engagements et remboursera son emprunt à l’échéance, à moins que
sont projet n’ait réellement échoué, ce que le contrôleur délégué pourra vérifier et ce dont il sera prémuni grâce
à l’exigence de garanties ou collatéraux. Mais en définitive, qu’est-ce qui assure aux prêteurs qu’ils ne seront
pas eux-mêmes exposés au défaut du contrôleur délégué (la banque) ? Le fait que ce dernier diversifie
suffisamment ses investissements. Dans ce cas, le risque de ses actifs sera géré au mieux et il pourra s’engager
à ce que les prêteurs récupèrent sans perte l’argent confié. Toutefois, le contrôleur délégué sera-t-il à cet égard
moins opportuniste vis-à-vis de ses déposants que n’importe quel autre emprunteur ? Rien ne le garantit, ce qui
signifie qu’il faut aussi « contrôler le contrôleur » !
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Puf, 2010, p. 154
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Document 9 : l’intermédiation fait baisser les coûts de transaction (compléter avec avoir confiance, se
rencontrer, s’entendre)
Les coûts de transaction
Coûts de recherche et
Coûts de concordance
Asymétrie
d’information
des désirs
d’information
Illustrez
Les AE aux besoins Les AE aux besoins Les AE à capacité de
opposés
doivent
se opposés
doivent financement peuvent ne
rencontrer
s’entendre
pas avoir confiance dans
la qualité des AE à besoin
de financement
Les coûts de transaction des AE à capacité et à besoin de financement sont plus
faibles en passant par un intermédiaire financier plutôt qu’en pratiquant une
finance directe
Document 10 : l’intermédiaires financiers fait baisser les risques des AE à capacité de financement
L’activité d’intermédiaire financier produit de la sécurité par la mutualisation des risques (argument développé
par Gurley et Shaw). D’une part, il est moins risqué pour un épargnant d’être créancier d’un intermédiaire
financier possédant une multitude de débiteurs (et pouvant compenser ainsi l’insolvabilité de quelques-uns
d’entre eux par la solvabilité de tous) que d’être directement créancier d’un nombre forcément restreint de
débiteurs. D’autre part, en regroupant des actifs financiers à risques indépendants, l’intermédiaire peut réduire
le risque par unité d’actif financier. Cette atténuation du risque peut aussi s’expliquer par le professionnalisme
de l’intermédiaire qui peut beaucoup mieux qu’un particulier apprécier les risques d’un contrat financier.
Ainsi l’intermédiation financière présente l’avantage majeur d’être une activité produisant sécurité et liquidité.
En ce sens, et pour reprendre une des thèses de J. GURLEY et E. SHAW, les intermédiaires financiers
contribuent à accroître le volume d’épargne dans l’économie.
Source : Mario Dehove, cours « Institutions et théorie de la monnaie », mars 2001
Document 11: intermédiation et mutualisation du risque (barrer mauvaise réponse)
Davantage de sécurité (Gurley et
Mutualisation des risques
Shaw)
Concernant le nombre de débiteurs Concernant la nature des titres
qu’il détient
L’IF a plus de débiteurs que l’AE : L’IF peut davantage diversifier la
le risque de défaillance est donc nature de ses créances et ainsi
dilué/important
limiter/augmenter le risque global
Document 12 : les banques et la gestion des instruments de paiements
La gestion des moyens de paiements (…) constitue évidemment un aspect important de l’activité bancaire. La
banque collecte des dépôts dont elle permet la circulation à l’aide d’instruments de paiement (…). Ce service
est essentiel au bon déroulement des échanges économiques. Il implique toutefois un bon fonctionnement des
règlements interbancaires. (…) L’importance du service de gestion des moyens de paiement justifie l’attention
des pouvoirs publics vis-à-vis du secteur bancaire.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Puf, 2010, p. 154
1.4 Le risque d’illiquidité et le risque de défaut
Document 13 : la structure du bilan des IF leur fait courir le risque d’illiquidité
L’horizon préféré d’un prêteur demeure le court terme. (…) Face à lui l’emprunteur a besoin de mobiliser des
fonds pour entreprendre son projet d’investissement sur un horizon de temps plus long. De ce point de vue, on
comprend la raison d’être d’une banque (d’un IF en général) auprès de laquelle les déposants peuvent effectuer
des dépôts qu’ils pourront à tout moment utiliser pour régler leurs transactions. En réunissant tous ces dépôts, la
banque devient quant à elle en mesure de financer des projets d’investissement de plus grande taille que ce
qu’aurait pu faire un prêteur individuel. (…) Tout cela fonctionne dès lors que les déposants n’ont pas
d’inquiétude sur la capacité des banques à leur restituer leur dépôt. Si en revanche, le doute s’installe alors la
banque s’expose à une panique de ses déposants. (…) Même si il s’agit d’un simple problème d’illiquidité (car
l’actif de la banque demeure supérieur ou égal à son passif mais n’est pas mobilisable au moment ou la banque
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en a besoin), cette panique peut conduire la banque à déposer le bilan. La panique peut même se transmettre à
d’autres banques qui, aussi « saines » soient-elles, pourront elles aussi succomber si leur actif n’est pas
disponible à court terme. C’est alors tout le secteur bancaire qui peut se trouver emporter comme dans un jeu de
dominos. (…) En bref, le risque d’illiquidité va de pair avec la transformation d’échéance opérée par la banque.
Or cette transformation est précisément ce qui permet à la banque d’associer deux services à priori
difficilement conciliables : un service de liquidité auprès de ses clients déposants et un service de financement
auprès de ses clients emprunteurs. Autrement dit, cette transformation est ce qui confère à la banque son utilité
économique, mais également ce qui la rend fragile. Il convient donc d’autoriser cette transformation mais de
l’encadrer, en rendant obligatoire pour chaque banque l’adhésion à un dispositif public de garantie des dépôts.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Puf, 2010, p. 154
Document 14 : les risques des IF (en particulier les banques qui ont des dépôts à vue)
Impact sur le bilan de la Banque Conséquence
sur
le
fonctionnement des banques et
des IF
Si les AE à capacité de financement Problème d’illiquidité :
avoir la confiance des déposants
retirent leurs dépôts
= crédibilité
Avoir la confiance des autres
banques (prêts interbancaires)
Si les AE à besoin de financement ne Risque de défaut :
s’assurer de la qualité des
remboursent pas leurs emprunts
emprunteurs = gestion du risque
(défaillance)
de défaut
Document 15 : face à un problème de liquidité, que peuvent faire les IF ?
Limiter les retraits !
Chercher de la liquidité
Constituer des réserves
Sur les contrats
d’assurance vie, … il y
a des pénalités pour
retrait anticipé
Sur le marché
interbancaire
Rôle de la régulation
Auprès de la BC : opérations d’open market
(BCE : taux Repo pour les prêts à CT ou facilités
marginales pour les prêts à très CT )
1.5 Le risque de marché
Document 16 : l’intermédiation de marché modifie la nature des risques pris par les banques
La désintermédiation financière a entraîné un changement dans la nature du risque encouru par le système
financier. Lorsque le crédit était prépondérant, le risque des banques était lié à l’activité productive. Il pouvait
se manifester, soit de manière conjoncturelle, soit en raison de progrès technologiques modifiant la demande.
Le risque bancaire est désormais un risque de marché financier, il dépend des anticipations d’opérateurs à la
recherche de marges sur des opérations souvent à court terme. L’actif des banques comporte une part
importante de titres émis par des intermédiaires (…) et les nouveaux intermédiaires financiers sont soumis à
une réglementation moins contraignantes que les banques.
Source : Françoise Renversez « De l’économie d’endettement à l’économie de marchés financiers » in Revue Regards
croisés sur l’économie n°3, mars 2008, p. 65
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Document 17 : l’intermédiation de marché élargit les risques encourus par les intermédiaires financiers
Impact sur le bilan de la Conséquence
sur
le
Banque (et des IF)
fonctionnement des banques
et des IF
Si les AE à capacité de financement problème d’illiquidité :
avoir la confiance des déposants
retirent leurs dépôts
= crédibilité
Si les AE à besoin de financement ne Risque de défaut :
s’assurer de la qualité des
remboursent pas leurs emprunts
emprunteurs = gestion du risque
(défaillance)
de défaut
Si les actifs achetés sur les marchés Risque de marché :
Diversifier les portefeuilles
perdent leur valeur
détenus et décorréler les risques
= gestion du risque de marché
Document 18 : le lien banques – autres intermédiaires financiers
Il apparaît clairement que les intermédiaires financiers continuent de jouer un rôle prépondérant dans la collecte
d’épargne. Les ménages sont plus enclins à détenir des produits de placement intermédiés dont le niveau de
risque est moindre ou leur est donné à choisir. Même aux Etats-Unis, la part des intermédiaires financiers dans
la collecte de l’épargne des ménages atteint plus de 65%. En Europe, la même estimation dépasse 80%. Le
choix en faveur de l’épargne intermédiée reste majoritaire. On observe cependant de fortes disparités, en
Europe, quand au choix de ces intermédiaires. La part des banques varie du simple au triple selon les pays,
celle prise par les OPCVM, les assureurs et les fonds de pension varie davantage encore. (…) On constate
néanmoins une progression des intermédiaires non bancaires observée dans tous les pays. (…) Cette
progression ne doit toutefois pas faire oublier que les banques demeurent les principaux distributeurs de parts
d’OPCVM et de contrats d’assurance vie. La domination des banques apparaît clairement dans l’activité de
gestion d’OPCVM : la part de marché des OPCVM contrôlés par les groupes bancaires atteint plus de 70% en
Allemagne et en France et dépasse même 90% en Italie ou en Espagne (…). De la même manière, les groupes
bancaires réalisent plus de la moitié du chiffre d’affaires de l’assurance vie en France, et plus des deux tiers en
Espagne et en Italie ; seule l’Allemagne fait exception (…). En ce sens, le lien que les banques ont établi avec
les autres intermédiaires financiers pour s’accommoder de leur essor est non pas un lien de complémentarité
comme celui qu’elles ont renforcé avec les marchés de titres, mais un lien plus hiérarchique de subordination.
Source : Banque de France, D.Plihon, J.Couppey-Soubeyran & D.Saidane « Les banques, acteurs de la globalisation
financière », La documentation française, 2006, p.40
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2. Les crises financières : définition et approche historique
2.1 Les différents types de crises financières : crise bancaire, frictions financières et crise de
change
Document 19 : qu’est-ce qu’une crise financière ?
Les crises financières se produisent lorsqu’il y a une rupture dans le système financier (…) et lorsque les
marchés sont incapables d’organiser les transferts de fonds efficacement des emprunteurs vers les agents à qui
s’offrent des occasions d’investissement productif.
Les résultats de cette incapacité des marchés financiers à fonctionner efficacement est une forte contraction de
l’activité économique réelle. L’analyse des crises financières est importante parce qu’elles ont provoqué dans le
passé de sévères contractions économiques et parce qu’elles peuvent à nouveau reproduire ces conséquences
dans le futur.
Source : F.Mishkin « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson Education, 2007, p. 233-234
Document 20 : ces crises peuvent s’imbriquer les unes dans les autres
Plusieurs types de crise pouvant se produire simultanément, ce qui amplifie leurs effets :
- les crises et paniques bancaires : elles ont pour origine la réalisation d’un des risques encourus par
les banques : un risque d’illiquidité (suite à un bank run par exemple), un risque de défaut
(provoqué par une hausse des défaillances des emprunteurs) ou un risque de marché (suite à une
chute de la valeur des titres détenus par la banque). Une fois ce risque apparu, les banques peuvent se
trouver dans l’incapacité d’accéder à un financement qui leur permettrait d’équilibrer leur bilan. Cette
difficulté à se refinancer est aggravée par en situation de doute sur la capacité des banques à
rembourser ultérieurement la liquidité qu’elles demandent. La crise bancaire se répercute alors sur les
créanciers des établissements touchés.
- Les frictions financières : elles concernent le crédit ou les marchés financiers. Ces frictions se
manifestent par un mismatch entre l’offre et la demande.
- les frictions de crédit : elles apparaissent sur le marché du crédit lorsque les asymétries
d’information sont fortes. Dans ce cas, les offreurs de crédit peuvent soit monter les taux d’intérêt (mais
cela fait fuir les « bons » emprunteurs et ne restent sur le marché que les « mauvais » qui vont très vite faire
défaut – ce qui peut provoquer une crise bancaire), soit réduire leurs offres de crédit (ce qui provoque un
credit crunch et un assèchement du financement par l’emprunt);
- la paralysie des marchés : elles apparaissent lorsque les acheteurs fuient un marché, la
demande de titre s’effondre et le marché devient illiquide. Ce phénomène de chute des prix des actifs est
auto-entretenu;
- les crises de change : (…) les spéculateurs attaquent une devise car ils anticipent que d’autres
spéculateurs se joindront à eux, ce qui peut amener la banque centrale à abandonner la fixité du taux de
change (la crise a ainsi un caractère auto-réalisateur). La dévaluation se répercute sur les agents
domestiques qui ont emprunté en monnaie étrangère (par exemple des banques asiatiques ou
mexicaines qui ont empruntées en dollar) provoquant des crises bancaires. Les crises asiatiques de la
fin des années 1990 ont conduit au développement de modèles combinant crise de change, crise
bancaire et frictions financières.
Source : à partir d’O.de Bandt, F.Drumetz et C.Pfister, « Stabilité financière », De Boeck, 2013, p.56
Les crises
financières
Provoquées par
Document 21 : les différentes formes des crises financières
Crises bancaires
Frictions financières
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Frictions de crédit
Crises de change
Paralysie des
marchés
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2.1.1 Les crises et paniques bancaires
Une banque est confrontée à trois types de risque : le risque de défaillance de l’emprunteur, le risque de marché
et le risque de bank run. Ces risques peuvent provoquer des problèmes de solvabilité ou de liquidité qui les
empêchent d’assurer leur rôle dans le système financier.
2.1.1.1 Lorsque les défaillances des emprunteurs et la chute du prix des actifs provoquent
des crises de solvabilité
Document 22: défaut de l’emprunteur et détérioration du bilan
Lorsqu’une banque octroie un crédit, elle crée une créance : l’emprunteur a une dette vis-à-vis d’elle. Cette
créance se trouve à l’actif de son bilan. Lorsqu’un emprunteur fait défaut et ne rembourse pas sa dette, la
créance détenue par la banque perd de sa valeur, ce qui se traduit par une détérioration de son actif. C’est pour
cela que les banques demandent des garanties ou proposent des prêts hypothécaires (les biens acquis par
l’emprunt peuvent être récupéré par le prêteur si l’emprunteur fait défaut). C’est pour cela également que
certaines techniques visant à alléger le poids de ce risque ont été créées, comme par exemple la titrisation des
crédits.
Document 23 : chute du prix des actifs et détérioration du bilan
Lorsque la banque détient des titres qu’elle a acquis sur les marchés financiers, ces titres figurent à l’actif de
son bilan. Si la valeur de ces titres chute, cela se répercute là aussi négativement sur l’actif de la banque. Ce
mécanisme se produit si les banques pratiquent le principe comptable d’enregistrement des actifs à la valeur de
marché (market value) et non pas l’enregistrement des actifs à la valeur d’achat (auquel cas, les prix des actifs
ne bougent pas lorsque la valeur des actifs sur les marchés baisse).
Dans le cas de la défaillance de l’emprunteur ou de la chute du prix des actifs détenus par la banque, l’actif de
la banque peut devenir inférieur à son passif, ce qui entraîne une crise de solvabilité de la banque et provoquer
sa faillite.
La crise des subprimes fournit un bon exemple à la fois du risque de défaut des emprunteurs (le taux de défaut
sur les crédits subprimes passe de 10,8% en 2005 à 17,5% en 2009) et de chute du prix des actifs (les cours
boursiers ont été divisé par deux entre 2008 et 2009).
2.1.1.2 Le bank run (retrait massif des déposants) provoque une crise de liquidité
Document 24 : le bank run, un risque propre aux intermédiaires financiers
Le bank run apparaît lorsque les agents retirent massivement leurs dépôts de la banque. C’est l’image de la
course aux guichets et des files d’attente devant les banques en 1929. Lorsque ces retraits dépassent les réserves
de liquidité que possède la banque, cette dernière doit obtenir rapidement ces liquidités qui lui manquent. Elle
peut les obtenir en vendant ou prêtant certains de ses actifs ou en se faisant rembourser prématurément des
créances qu’elle possède. Dans le cas du bank run, la crise de liquidité provient du décalage temporel entre la
demande immédiate de liquidité des agents qui se présentent à son guichet, et sa capacité, plus lente, à
transformer les actifs qu’elle possède sous forme liquide. Ce risque est lié à la nature de l’activité de
transformation que réalisent les intermédiaires financiers : ils perçoivent des dépôts « courts » des agents à
capacité de financement et, en contrepartie, ils prêtent « long » à des agents à besoin de financement. Dans le
cas spécifique des banques, une seconde source vient alimenter ce risque : les banques créent de la monnaie
immédiatement disponible à l’occasion d’un prêt, monnaie que les agents ne s’engagent à rembourser
qu’ultérieurement.
Le bank run provoque une crise de liquidité et non pas une crise de solvabilité. L’actif de la banque n’a pas été
détérioré par une défaillance des emprunteurs ou une chute de la valeur des titres détenus. Le montant de l’actif
correspond toujours à celui du passif. Mais la banque n’est pas en mesure de fournir immédiatement la liquidité
demandée par les déposants. Dans le cas où elle est incapable de trouver cette liquidité rapidement sur le
marché monétaire interbancaire alors elle peut, là aussi, faire faillite.
Les banques réalisent deux types d’intermédiation : l’intermédiation de bilan et celle de marché. Les risques de
défaillance et de bank run sont associés à une activité d’intermédiation de bilan des banques. Le risque de
marché est quant à lui associé à une intermédiation de marché des banques.
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Document 25 : la perte de confiance dans la solidité d’une / des banques entraîne une réduction du
refinancement interbancaire
On remarque qu’une augmentation du défaut des emprunteurs ou une chute du prix des actifs peut – avant
même de créer l’insolvabilité de la banque – provoquer une panique bancaire qui va se matérialiser en bank
run. Mais la perte de confiance ne se limite pas aux déposants. Lorsque les banques sont affectées par ce type
de crise, la confiance que leur accordent les autres établissements financiers diminue aussi. Les banques cessent
de se prêter entre elles sur le marché du refinancement interbancaire, ce qui renforce les problèmes de liquidité.
Par ailleurs, quand une banque fait faillite, cela impacte nécessairement ses créanciers, qui sont d’autres
établissements financiers. Ces derniers se retrouvent avec des créances qui ne seront pas remboursées. Un effet
domino se met en place. Cet effet est d’autant plus important que les banques touchées sont de grandes tailles.
Leur faillite peut entraîner tout le système financier, on qualifie ces banques de banques systémiques. Une
trentaine de banques dans le monde sont considérées comme systémique, dont la moitié sont européennes
(Deutsche Bank, BNP, Société Générale, HSBC par exemple)
Depuis le début de la crise de l’euro, les crises bancaires et les menaces de bank run n’ont pas disparu comme
l’illustrent les exemples de la banque italienne Monte dei Paschi di Siena en 2016, des banques grecques en
2015, des banques bulgares en 2014, ou des banques chypriotes en 2013.
Document 26 : définitions
Une crise de solvabilité se produit quand la valeur de l’actif au bilan de la banque devient inférieur à la valeur
du passif. Le bilan n’est plus équilibré et la banque peut faire faillite.
Une crise de liquidité se produit quand l’intermédiaire financier n’est plus en mesure de faire face aux
demandes de monnaies banque centrale qu’il doit fournir. Les banques se refinancent généralement sur le
marché monétaire interbancaire, mais elles peuvent aussi s’adresser à la banque centrale.
Un effet domino apparaît quand la faillite d’un établissement financier entraîne celle d’autres établissements.
L’existence de dettes croisées entre établissements favorise les effets domino.
2.1.2 Les frictions financières : frictions sur le marché du crédit et sur les marchés
financiers
La crise financière provient ici d’une mauvaise adéquation entre l’offre et la demande sur le marché du crédit
ou sur les marchés des actifs. Ces frictions empêchent le système financier d’allouer correctement les
ressources entre les offreurs et les demandeurs.
2.1.2.1 Les frictions de crédit : elles réduisent la capacité des banques à financer les agents à
besoin de financement
Document 27 : l’impact des asymétries d’information sur l’offre de crédit
Les frictions de crédit apparaissent quand des asymétries d’information affectent le choix des offreurs de crédit,
c’est-à-dire les banques. Lorsque les banques ont une information incomplète sur la qualité des emprunteurs,
elles réagissent soit en réduisant l’offre de crédit, soit en augmentant les taux d’intérêt. Dans les deux cas, la
présence d’asymétries d’information se traduit par un moindre accès au crédit pour les agents à besoin de
financement, c’est-à-dire un credit crunch.
Les travaux de Joseph Stiglitz et André Weiss (1983) montrent que la hausse du taux d’intérêt provoque aussi
une situation de sélection adverse : les meilleurs emprunteurs fuient le marché du crédit et il ne reste que les
moins bons emprunteurs, c’est-à-dire ceux dont la probabilité de défaut est la plus élevée. Le problème
d’agence provoqué par la hausse du taux d’intérêt risque donc de produire une crise bancaire.
Document 28 : Définition
Le credit crunch est le terme anglais qui désigne un assèchement du crédit. Il correspond à une situation où les
banques ne jouent plus leur rôle dans le financement de l’économie. Cet assèchement du crédit peut provenir
d’une crise bancaire car l’activité du secteur bancaire se réduit. Mais il peut également provenir d’asymétries
d’informations qui provoquent un mauvais ajustement de l’offre de crédit par rapport à la demande.
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2.1.2.2 Les frictions de marché : elles provoquent la disparition des acheteurs sur les
marchés et les « krachs boursiers »
Document 28 : la disparition des acheteurs sur les marchés des actifs
Les frictions de marchés correspondent à une paralysie des marchés. Elles apparaissent lorsque les acheteurs
des titres fuient les marchés et ne se portent plus acquéreurs. Dans ce cas-là, la demande devient inexistante et
les cours s’effondrent dans une spirale auto-entretenue : moins il y a de demande, plus les prix des actifs
baissent, moins les agents sont prêts à acheter ces titres, ce qui alimente encore la baisse de la demande et des
prix, etc … Dans ces situations, les agents préfèrent conserver leurs fonds sous forme de liquide, ou acheter des
« valeurs refuges » (les bons du trésor ou de l’or par exemple).
Là aussi, les paralysies des marchés, qui dégradent la valeur des actifs se répercutent sur les bilans de ceux qui
les détiennent : les frictions de marché peuvent donc engendrer des crises bancaires. Depuis le début des années
2000, les banques ont davantage développé leurs activités d’intermédiation de marché que celles
d’intermédiation de bilan. En conséquence, leur bilan est devenu plus sensible aux évolutions des cours
boursiers.
2.1.3 Les crises de change
Document 29 : définition :
Une crise de change se caractérise par une perte de la valeur d’une devise sur le marché des changes. On
accepte généralement comme indicateur une dépréciation de 25% sur un an.
Le lien entre les crises de change et les crises financières vient du lien entre évolution du taux de change et
montant de la dette en monnaie étrangère. lorsqu’une crise de change conduit à une dévaluation supérieure à
15%-25% de la monnaie dans l’année, cette dévaluation entraîne une augmentation du montant de tout dette qui
a été réalisée dans une monnaie étrangère. cette hausse du « coût » de l’endettement peut concerné des agents
privés (ménages, banques, entreprises) mais aussi l’Etat. dans le cas des crises de change de troisième
génération, la dévaluation s’articule avec la crise bancaire. Cette crise bancaire est provoquée : 1) par le retrait
des capitaux étrangers qui servaient à financer les banques ; 2) par la hausse du coût de l’endettement en
monnaie étrangère qu’avaient contracté les banques.
La crise de change alimente la crise du système financier et se répercute sur l’activité économique.
Document 30 : les banques peuvent alimenter une dynamique qui articule entre elles toutes les formes de
crises financières
Crise de change :
dévaluation
Paralysie
marché
Chute prix des
actifs
Hausse défaillance
emprunteur
Hausse dette en
monnaie étrangère
Besoin de
refinancement
Bilan Banque :
Chute actif
Hausse passif
Hausse taux
d’intérêt
Crédit crunch
Crise de refinancement
banques : crise bancaire
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Défiance augmente :
bank run
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2.2 Les crises financières : une histoire ancienne
Document 31 : depuis la tulipomania jusqu’aux subprimes
L’histoire des systèmes financiers et jalonnée de crises. L’épisode historique le plus emblématique restera sans
doute la « tulipomania » qui donna la fièvre aux hollandais pas moins de trois années durant, de 1643 à 1637.
Les bulbes de tulipes fraîchement importés du Levant s’y échangeaient à des prix totalement délirants
(« l’équivalent d’un carrosse neuf, de ses deux chevaux et de leur harnais » écrivait J.K.Galbraith), jusqu’à ce
que la bulle éclate et plonge le pays dans une dépression durable.
Charles Kindleberger recense ensuite trente et une années de crises financières au cours de la période 17201987, touchant l’Europe dans un premier temps (en particulier l’Angleterre, la France et les Pays-Bas), les
Etats-Unis à partir de 1819. Au cours de cette période, c’est bien sur la crise de 1929 qui fut la plus sévère et la
plus lourde de conséquence au niveau de l’économie réelle, plongeant le monde entier dans la profonde
dépression des années 1930 et provoquant une véritable fermeture des économies au niveau des échanges, tant
commerciaux que financiers.
Les années 1950 et 1960 ont à leur tour été des années de vives tensions sur le marché des changes qui
atteindront leur paroxysme au début des années 1970 avec l’éclatement du système de change fixe de Bretton
Woods.
Les chocs pétroliers successifs de 1973 et 1979 accoucheront également de vives tensions financières en raison
de l’inflation et de la stagnation qu’ils vont alimenter.
C’est dans ce contexte de vives tensions que les marchés des capitaux vont reprendre leur envol, à la fin des
années 1970 aux Etats-Unis et au début des années 1980 en Europe et au Japon. Les agents ont besoin de
nouveaux instruments financiers pour parer à cette instabilité économique. Le développement des nouvelles
technologies va constituer un formidable accélérateur. Quelques années plus tard cependant, ce sera le krach
financier de 1987 suivi dans les années 1990-2000 par une succession de crises bancaires et de crises de
change, jusqu’à la fameuse crise des subprimes de 2007, débouchant sur la crise financière et économique
jugée la plus sévère depuis celle de 1929.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 266-267
Document 32 : l’évolution de l’occurrence des crises financières
Il importe de se poser une première question : les crises financières sont-elles devenues plus fréquentes dans la
période récente ? (…)
En longue période, la fréquence des crises financières s’est accrue après 1971, c’est-à-dire depuis l’abandon du
système de Bretton Woods. (…) On est ainsi frappé par la réapparition des crises bancaires à partie des années
1970, par la fréquence des crises de change, et par le retour des crises doubles, quasiment absentes de la
période 1945-1971. (…) L’analyse des crises boursières confirme cette même évolution dans le temps. La
fréquence des périodes de crises tend à diminuer au cours des deux premières décennies du 20 ième siècle, avant
de culminer à des niveaux sans précédent dans les années 1930. Le fait remarquable est sans doute la rareté de
ces crises dans les années 1950-1960. (…) Ce diagnostic tiré de la longue période doit être corrigé par
l’observation des années les plus récentes. En effet, lorsque l’on considère l’ensemble de la période 1977-1999,
on ne trouve pas de conformation de l’hypothèse d’une nette accélération des crises financières au cours des
années 1990.
Revenons maintenant sur le « cycle long » qui semble dicter la dynamique des crises bancaires dans la longue
durée : peu fréquente sur la période 1880-1913, elles se sont multipliées pendant l’entre deux guerres et après
une éclipse totale pendant la période de Bretton Woods, elles ont réapparu au début des années 1970 et, depuis,
leur fréquence n’a cessé de s’élever. Dans le décompte quasi exhaustif le plus récent des crises bancaires
(attention, le rapport date de 2004), depuis 1970, Caprio et Klingebiel montrent en 2003 l’ampleur du
phénomène de crise bancaire et son universalité. Ils recensent 117 crises bancaires à caractère systémique (ie
nécessitant une recapitalisation générale des banques). Ces crises ont frappé 93 pays.
Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p. 13-18
Document 33 : distinction crise « systémique » et crise « isolée »
La période actuelle est bien marquée par le retour de crises financières majeures, à cause de leur ampleur, de
leurs retentissements internationaux. Elles appartiennent à cette catégorie de crises que Kindleberger nomme
systémiques et qu’il oppose aux crises isolées, facilement maîtrisables, et sans effet sur l’ensemble du système
économique. (…) La contagion est un des traits marquants des crises financières des années 1990, (…) le plus
dangereux pour la croissance et la stabilité des relations internationales.
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La crise du SME (1992-1993) est une des premières grandes manifestations de la grande dangerosité des crises
récentes : partie de la Finlande , elle s’est étendue aux autres pays européens avec le caractère massif (…)
d’une épidémie.
La crise mexicaine de 1994 et son effet tequila confirme l’importance de la contagion dans les crises récentes.
(…) il y a eu une concomitance frappante entre la déstabilisation des monnaies mexicaine, argentine,
brésilienne, philippine.
La contagion est encore plus frappante dans le cas de la crise asiatique (1997) qui affecte simultanément les
Philippines, la Thailande, l’Indonésie et la Corée du sud.
Lors de la crise russe de 1998, le décrochement du rouble a été suivie d’une brutale chute de 50% de la bourse
brésilienne.
Enfin, au-delà du marché de change et des systèmes bancaires, les crashs simultanés des marchés boursiers de
1987 des pays développés, des pays latino-américains à partir de 1994, et des marchés asiatiques en 1997-1998
montrent que le phénomène de contagion n’épargne ni le marché des actions, ni le marché des obligations.
Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p. 36
Document 34 : A quoi reconnaît-on une crise financière ?
Pour les crises bancaires, le repérage utilise les données financières bancaires (taux d’actifs non performants
notamment), les indices de paniques (fermeture des banques, …) ou l’existence de plan de sauvetage organisé
par les pouvoirs publics.
Pour les crises boursières, deux solutions sont aussi habituellement retenues. La première, notamment,
s’apparente à la première méthode de repérage des crises de change, consiste à considérer qu’un marché
boursier est en crise lorsqu’au cours d’une période donnée la variation de l’indice du cours a dépassé un certain
seuil dont la valeur choisie est de 20% en référence aux krachs de 1929 et 1987.
Pour le marché des changes, deux solutions sont habituellement retenues. La première consiste à considérer
qu’une monnaie subit une crise de change lorsque sa valeur (…) subit une dépréciation au cours d’une année
supérieure (…) à 25%. La seconde consiste à construire un indicateur de pression spéculative (représentant
l’intensité de la défense de la parité par les autorités monétaires). (…)
Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p. 13-18
* cette présentation du rapport du CAE ne fait pas référence aux crises liées aux frictions de crédit (notamment
aux situations de credit crunch)
Document 35 : les caractéristiques des crises financières (quelques régularités – faits stylisés)
- un phénomène ancien : la
tulipomania (17ième siècle)
- par vagues avec un retour - une
accélération à partir années 1970 : +
de 150 crises financières
- touchent PDEM et émergents
- diffusion internationale
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- Les crises financières sont corrélées
avec les cycles d’activité : existence de
cycle financier (période boom suivi d’un
krach)
- Les krachs sont soudains et marquent
un moment de crise de liquidité des
banques (provoque un credit crunch)
- Conséquence sur
activité (croissance
et emploi)
conséquence sur
dette publique /
suivie par dettes
souveraines
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3. Pourquoi les crises financières ?
3.1 Le système financier est intrinsèquement instable : la dynamique du cycle financier
Document 36: crise financière et risque systémique
La fin du 20ième siècle et le début du 21ième siècle ont été marqués par un grand nombre de crises financières de
diverses natures : krach de 1987, crise du système monétaire européen de 1992-1993, crise asiatique de 1997
suivie en 1998 par la crise brésilienne, la crise russe, la crise argentine, le krach des nouvelles valeurs
technologiques en 2001, et bien sûr, la fameuse crise des subprimes qui s’est muée en une crise bancaire et
financière mondiale, aux conséquences sévères sur la croissance économique mondiale.
La recrudescence des crises coïncide avec le vaste mouvement d’expansion des marchés de capitaux au cours
de cette période. Aussi est-il tentant d’attribuer cette instabilité à la mutation financière amorcée depuis la fin
des années 1970. La mutation financière présente, il est vrai, une certaine ambivalence. D’un côté, avec
l’extension des marchés des capitaux, l’éventail des financements et des placements à la disposition de tous les
agents économiques (entreprises, ménages, Etat) s’est incontestablement élargi. Mais de l’autre, des marchés
plus complets (c’est-à-dire dotés d’une plus large gamme d’actifs) ne sont pas nécessairement plus efficaces, et
ils peuvent surtout se révéler instables.
Cela étant, à bien observer l’histoire des systèmes financiers, il apparaît que les crises ne dates pas d’hier
et que, quelle que soit leur singularité, elles surviennent à chaque fois dans des périodes de forte
croissance. Les systèmes financiers sont intrinsèquement exposés à un risque d’instabilité globale appelé
« risque systémique » qui ne se réduit pas à une simple addition des risques individuels supportés par chaque
acteur. Aussi, les crises se répètent sans jamais se ressembler vraiment, car les facteurs qui en sont à l’origine
ont beau être souvent les mêmes (endettement, spéculation) leur conjonction se révèle toujours inédite.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 266
3.1.1 Dans un univers d’incertitude : la nécessité d’une représentation commune de
l’avenir
Document 37 : choix dans l’avenir et incertitude
L’économie capitaliste est d’une (…) nature particulière. Elle fait face à un futur radicalement incertain,
conforme à la vision qu’en avait Keynes. Aussi, le rôle du marché financier n’est-il pas, comme le croit la
théorie orthodoxe, de coter des événements préalablement définis, mais, tout au contraire, de construire un
scénario de référence capable d’éclairer les choix d’investissement. Tel est le contenu de la convention
financière. (…)
Source : A.Orléan « Les crises financières », rapport du CAE 2004 p.241-265
Document 38 : les marchés financiers, des « marchés de promesses »
Une caractéristique essentielle des instruments financiers est d’appartenir à une catégorie tout à fait particulière
de biens (Spencer, 2000). Ce ne sont d’abord pas des biens dont on connaît la qualité de sorte qu’il suffirait de
rechercher le prix le plus bas. Ce ne sont pas non plus des biens dont on découvre la qualité après l’achat telle
une voiture d’occasion. En effet, même une fois le résultat de l’usage observé, il n’est toujours pas possible
d’établir avec certitude quelle a été la qualité de la prestation. Lorsqu’un gestionnaire de fonds a obtenu de bons
résultats, il est difficile de faire la part de la chance, du talent, ou simplement de la conjoncture générale.
Lorsqu’un individu place son épargne sur un instrument financier, conseillé par un expert ou sa banque, il fait
face aux mêmes problèmes que le patient face au chirurgien ou le plaignant face à son avocat. Conséquence les
marchés financiers sont des marchés de promesses frappés d’incertitudes majeures si ce n’est radicale. Et
l’internationalisation accroît l’incertitude. (…) Les marchés financiers sont le lieu d’un commerce de
promesses pour reprendre l’expression de Pierre-Noel Giraud (2001). La valeur d’un actif financier
dépendant de l’évaluation par un agent d’un flux de revenus futurs est exposée à de nombreux biais par rapport
à l’idée que serait la formation du prix d’équilibre d’un bien standard. (…) L’incertitude intrinsèque aux vues
de l’avenir est susceptible d’engendrer une grande variabilité de l’évaluation financière et par conséquent des
ajustements brutaux. (…) Ainsi face à l’incertitude, les agents doivent se donner des procédures, des règles ou
encore observer l’émergence d’une convention pour évaluer la croissance anticipée, l’évolution des résultats
des firmes, les primes de risque, l’évaluation des taux d’intérêt à long terme. Ils ont à leur disposition au moins
deux méthodes : soit procéder à leur propre analyse de la valeur qu’ils attribuent à un projet, soit observer
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l’évaluation des autres intervenants sur le marché pour en déduire leur propre jugement. On aura reconnu une
opposition chère à Keynes. (…) Lorsqu’il s’agit d’évaluer une entreprise opérant dans un secteur mûr, les
opérateurs ont accumulé dans le passé suffisamment d’informations pour calculer la valeur fondamentale à
laquelle ils sont prêts à acheter un titre. Cependant, face à des projets qui se présentent comme radicalement
nouveaux, ces méthodes apparaissent inadéquates. (…) Une fois cette convention établie, pour ne pas encourir
des coûts d’évaluation, les agents ont intérêt à se fier au prix du marché quel qu’il soit.
Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p. 51-52
3.1.2 Comment se construit ce scénario de l’avenir (la convention) ?
Document 39 : la métaphore du concours de beauté (J.M.Keynes)
La citation suivante est le fait d’un cambiste interrogé en septembre 2000 par Libération à un moment où
l’euro, déjà considéré à cette époque comme sous-évalué par la majorité des spécialistes, connaît un nouveau
mouvement de ventes conduisant à une sous-évaluation encore plus marquée. Le cambiste considéré pour se
défendre de l’accusation d’irrationalité y développe l’argumentaire suivant : « L’opérateur que je suis a beau
croire à une appréciation de l’euro, il ne fait pas le poids lorsqu’il constate qu’un peu partout les positions des
autres intervenants sur le marché des changes sont à la vente de l’euro. Du même coup, même si j’estime que
l’euro mérite d’être plus cher par rapport au dollar, j’hésite toujours à acheter la devise européenne. En effet,
si je suis le seul acheteur d’euros face à cinquante intervenants vendeurs, je suis sûr d’y laisser des plumes... Je
ne fais pas forcément ce que je crois intimement, mais plutôt ce que je crois que fera globalement le marché qui
in fine l’emportera. Le travail de l’opérateur est de tenter d’évaluer au plus juste le sentiment du marché des
devises ».(…)
Malgré sa conviction fondamentaliste d’une sous-évaluation de l’euro, ce cambiste joue à la baisse et c’est là
un comportement parfaitement rationnel. On retrouve ici, très exactement, le cas hypothétique considéré par
Keynes dans la Théorie générale : un investisseur haussier au regard de son évaluation fondamentaliste devient
baissier en raison de sa perception de l’opinion majoritaire du marché. Il n’y a aucune irrationalité dans cette
transformation. (…)
Source : A.Orléan « Les crises financières », rapport du CAE 2004 p.241-265
Document 40 : sur quoi se construit l’opinion majoritaire ?
La rationalité financière oblige l’investisseur à agir en fonction de l’opinion majoritaire. Tel est ce qui importe
pour lui. (…) La complexité de cette configuration apparaît pleinement lorsqu’on se demande : de quoi cette
opinion majoritaire est-elle l’opinion ? Ou encore : sur quelle grandeur porte-t-elle ?
Á cette question, l’approche autoréférentielle apporte une réponse très différente des approches alternatives :
l’opinion majoritaire a pour objet l’opinion majoritaire elle-même. (…) Chacun porte donc ses anticipations
vers ce que les autres anticipent quand les autres font de même. On est ici en plein concours de beauté
keynésien. (…)
Source : A.Orléan « Les crises financières », rapport du CAE 2004 p.241-265
Document 41 : comportement mimétique et mécanisme auto-référentiel
Pour comprendre pourquoi les agents agissent ainsi, tel un troupeau, il faut se représenter la finance comme un
système de réseau. A l’intérieur de ce système, les acteurs sont étroitement liés les uns aux autres. Le résultat
de la décision prise par l’un des acteurs de ce réseau dépend de celles prises par tous les autres. C’est pourquoi,
lorsqu’ils prennent leurs décisions, ces acteurs ne le font pas en fonction d’eux-mêmes mais en fonction de
l’idée qu’ils se font de l’opinion de tous les autres. Cette « spécularité » dans la formation des anticipations est
inhérente au fonctionnement des marchés financiers. J.M.Keynes dans la Théorie générale de l’emploi, de
l’intérêt et de la monnaie (1936) l’avait expliqué en prenant l’exemple d’un concours de beauté. Celui qui
cherche à réaliser le bon pronostic, c’est-à-dire à prévoir quelle candidate sera l’élue du concours, n’y
parviendra pas en votant en fonction de ses propres critères de beauté, mais en fonction de la représentation
qu’il se fait de ceux des autres. L’élue sera celle, en effet, qui aura plu au plus grand nombre. C’est ce
consensus qu’il s’agit d’anticiper. Il en va de même quand il s’agit d’anticiper le prix de marché d’un titre.
Cette spécularité permet de comprendre pourquoi les marchés des capitaux sont sujets aux « prophéties autoréalisatrices ». Si chaque investisseur achète un titre parce qu’il pense que tous les autres pensent que ce titre
va monter, le cours du titre va effectivement augmenter, presque indépendamment du réel état de santé
économique et financier de l’entreprise émettrice.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 269-270
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Document 42 : mimétisme et prophétie auto-réalisatrice
Chaque acteur sait que le résultat de sa décision dépend
des décisions prises par les autres
Chaque acteur cherche donc à anticiper le choix collectif
Exemple : l’AE pense que les autres agents vont être
acheteur (il s’attend à une hausse des prix)
Cas 1 : l’évolution du marché
confirme le choix de l’AE
Mécanisme auto-référentiel (prophétie
autoréalisatrice) : lorsque tout le monde
prend la même décision, le résultat
obtenu est celui qui était anticipé
Cas 2 : l’évolution du marché ne
confirme pas le choix de l’AE
Il s’adapte alors au scénario « gagnant » :
on ne peut pas « battre » le marché
Ce qui renforce l’évolution
observée dans le cas 1
Conclusion : importance des scénarii dominants – un convention : une croyance
partagée par tous sur l’évolution future
Plus les anticipations sont communes plus le scénario est jugé crédible quelles
que soient les informations que les AE peuvent avoir sur l’état des entreprises
(chiffre d’affaires, …)
(auto-renforcement de la croyance dans la qualité du jugement sur le futur)
3.1.3 La dynamique du cycle financier : la finance est pro-cyclique
Document 43 : le cycle économique déclenche l’optimisme du secteur financier
Sans forcément se ressembler, les crises se sont donc succédées à un rythme assez soutenu. Il est toutefois un
trait commun entre toutes, souligné par C.Kindleberger : les crises financières surviennent dans les phases
hautes des cycles économiques. A l’origine de chaque crise financière, il y a toujours un « boom », un sorte de
déplacement de l’économie favorisé par telle invention, telle découverte : le décollage économique des EtatsUnis dans les années 1920, favorisé par l’application des méthodes d’organisation scientifique du travail
(notamment dans l’industrie automobile naissante), précède la crise de 1929, l’éléctronisation des opérations
boursières précède le krach de 1987, internet précède le krach de 2000, ... Ce boom euphorise les agents et
favorise les anticipations de profit, donc les demandes de financement. Paradoxalement c’est quand tout va bien
et que la période est à l’euphorie que l’instabilité prend racine. C’est ce que notait dans les années 1980,
Hyman Minsky, un théoricien de l’instabilité financière inspiré par les travaux d’Irving Fisher, en évoquant le
« paradoxe de la tranquillité ». Dans ce contexte, en effet, les agents s’endettent massivement soutenus dans
leur démarche par les banques qui, elles aussi, veulent saisir les opportunités de profit. Tous les acteurs sont
dans de telles périodes inciter à profiter de l’euphorie et ce faisant ils y participent et amplifient le cycle
haussier. Ne pas le faire serait se priver d’un profit.
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Mais tous auront aussi intérêt à se retirer lorsque le cycle se retournera. On dit de la finance à cet égard qu’elle
est pro-cyclique : elle accompagne, voire amplifie le cycle de l’économie réelle. Les banques et tous les autres
apporteurs de fonds ouvrent grand les robinets du crédit en phase haute du cycle, alimentant par la même la
croissance voire la surchauffe, et symétriquement, les referment brutalement quand le retournement du cycle
s’amorce, aggravant le ralentissement voire la récession. Cette pro-cyclicité est une source majeure
d’instabilité.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Puf Licence, première édition, 2010, p. 269-270
Document 44 : une prise de risque pro-cyclique à l’origine de la plupart des crises
Au voisinage de l’équilibre haut, la perception d’un risque faible est validée par les cours alors qu’au voisinage
de l’équilibre bas, l’estimation implicite du risque est élevée. Ainsi, dans les phases d’expansion, les opérateurs
n’hésitent pas à prendre des risques car ils les estiment faibles, alors que dans les périodes de marasme, les
risques tendent à être surévalué. Cette prise de risque pro-cyclique explique l’alternance des phases d’euphorie
et de stress qui est au cœur des crises financières : sur tous les marchés (marché du crédit, des actifs financiers,
de l’immobilier et par ricochet du capital productif) on enregistre le même profil cyclique qui associe une prise
de risque croissant au fur et à mesure que l’expansion généralise l’optimisme des points de vue sur l’avenir.
Ces risques accumulés se manifestent dans une phase de retournement qui a pour origine une mauvaise
nouvelle concernant le rendement d’entreprises phares, l’impossibilité de poursuite de la croissance du crédit au
rythme requis pour soutenir la spéculation des actifs ou encore le renversement de la politique de la banque
centrale qui de permissive devient restrictive.
Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p. 60-69
Document 45 : la hausse des prix des actifs alimente à son tour l’emballement
On observe un lien entre bulle sur le marché des actifs et cycle de crédit. En effet, si l’endettement sert à
acquérir des actifs mobiliers ou immobiliers et que ces derniers voient leur valeur augmenter, alors le
patrimoine détenu par les agents augmente faisant apparaître un « effet de richesse ». Cet effet de richesse se
répercute sur la capacité des agents à emprunter de nouveau. Prenons un exemple : avec un emprunt de 100,
vous acheter une maison qui vaut 100. Rapidement, le prix de cette maison double, vous vous retrouvez avec
un patrimoine de 200 pour une dette de 100. Alors qu’au départ, votre dette englobait toute la valeur de votre
patrimoine, ce n’est plus le cas après, où elle n’en représente plus que 50%. Cet « effet de richesse » se
répercute sur votre accès au crédit : les banques prêtent plus facilement quand le taux d’endettement des
ménages est plus faible. On observe donc un lien entre évolution du prix des actifs (mobiliers ou immobiliers)
et accès au crédit, c’est-à-dire que les bulles renforcent la dynamique du cycle de crédit.
Document 46 : l’effet de levier de l’endettement
Pour acquérir un actif (mobilier ou immobilier) il est possible d’utiliser des fonds propres ou emprunter. Il faut
donc choisir un mode de financement. Si l’on choisit les fonds propres, ceux-ci sont « immobilisés ».
L’investissement rapporte un rendement, mais il n’est plus possible d’utiliser ses fonds propres pour autre
chose. Si l’on choisit d’emprunter, l’investissement rapporte toujours le même rendement brut, mais il faut lui
enlever le coût de l’emprunt pour déterminer le rendement net. L’avantage que l’on retire de cette solution est
simple : tant que le coût de l’emprunt (le taux d’intérêt) est inférieur au rendement de l’investissement,
l’investisseur gagne de l’argent sans avoir à mobiliser ses fonds propres. Dit autrement, l’investissement se
finance tout seul. L’effet de levier de l’endettement correspond à cette situation. Tous les propriétaires qui
achètent un appartement et qui le louent sont dans cette situation dès lors que les loyers encaissés couvrent le
coût de l’emprunt. Bien sûr, cette solution a un inconvénient : si le coût de l’investissement augmente et
dépasse son rendement, alors les investisseurs doivent financer cette différence pour ne pas faire défaut sur le
remboursement de leur emprunt. On parle d’effet de massue de l’endettement. Les deux variables qui jouent sur
l’effet de levier de l’endettement sont donc les taux d’intérêt et le rendement de l’actif. Plus l’effet de levier est
élevé, plus les agents cherchent à s’endetter. Plus l’effet de massue est élevée, plus les agents cherchent à se
désendetter.
Document 47 : les conséquences du retournement
Or, que se passe-t-il lorsque la convention change ?
Tout d’abord, la hausse des taux d’intérêt peut provoquer une défaillance des emprunteurs les plus fragiles,
lorsque les taux d’intérêt qu’ils doivent sont variables et non fixes : leur capacité à rembourser disparaît quand,
par exemple, les taux passent de 10% à 15%.
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Ensuite, l’effet dépressif est accentué par la logique de désendettement. Avec le retournement de l’activité, les
revenus ont tendance à baisser, mais le montant des dettes, lui ne bouge pas. En d’autres termes, le ratio
d’endettement des agents (dette/revenu) augmente, ce qui réduit leur pouvoir d’achat. Les agents réagissent en
cherchant à se désendetter et se mettent à vendre leurs actifs ; presser par leur niveau d’endettement, ces ventes
se font « en catastrophe » et le prix des actifs s’effondre. Cette chute du prix des actifs joue alors comme un
effet de richesse à l’envers : le patrimoine de tous les agents diminue (même celui de ceux qui n’ont pas voulu
vendre !) Cet effet de richesse à l’envers conduit les agents à reconstituer leur patrimoine « perdu », ce qui se
traduit par une hausse du taux d’épargne. L’action conjointe de la baisse du prix des actifs immobiliers et de la
hausse du taux d’épargne provoque un choc de demande négatif qui alimente la spirale de baisse des prix des
biens et services. L’économie rentre en déflation : les prix des biens, des services et des actifs financiers
chutent. Or, la déflation diminue les revenus réels et elle fait augmenter mécaniquement le poids des dettes
dans les revenus, ce qui pousse encore plus les agents à se désendetter, etc … Irving Fisher a qualifié cet
enchaînement de déflation de dette ou debt deflation (1933) lorsqu’il a étudié les effets de la crise de 1929
(durant laquelle il perdit toute sa fortune).
L’endettement joue donc un rôle central dans la dynamique du cycle financier. L’endettement stimule l’activité
tandis que le désendettement la déprime. Le comportement d’endettement des agents est donc pro-cyclique.
C’est cela qui, pour Hyman Minsky (1982), explique l’instabilité intrinsèque qui donne sa dimension
« systémique » aux crises financières.
Document 48 : la déflation par la dette
Dans la phase expansive du cycle financier, les choix sont emportés par l’euphorie où chacun chercher à
profiter de la hausse des prix des actifs (par exemple l’immobilier) et renforce la conviction des autres dans le
même sens. Parce que la hausse attendue des prix des actifs élève le rendement espéré de leur acquisition,
chacun a intérêt à s’endetter pour acheter. Les prêteurs font les mêmes calculs parce que les actifs achetés par
leurs emprunteurs sont aussi les collatéraux qui garantissent les prêts. Cette logique auto-renforçante s’appelle
le momentum. Elle provoque les bulles spéculatives, c’est-à-dire des hausses dans les valeurs qui sont
imaginaires en ce sens qu’elles ne peuvent pas livrer les revenus futurs qu’elles promettent. C’est pourquoi
toute bulle spéculative finit par éclater, à un moment qu’il est impossible de prévoir. Lorsque cela se produit, la
crise financière se déclenche.
Le momentum s’inverse et entraîne une baisse catastrophique des prix des actifs qui avaient été emportés par la
bulle. Les pertes de valeur des actifs se répercutent en pertes sur les crédits que les emprunteurs ne peuvent pas
rembourser ; ce qui se transmet aux prêteurs. Mais ceux-ci forment un réseau de contreparties, de sorte que les
défauts des uns font les pertes des autres. La course à l’endettement de la phase euphorique se mue en course au
désendettement dans la phase du stress et de la peur. Mais pour se désendetter de manière ordonnée, c’est-àdire en absorbant les pertes sans que son activité soit remise en cause, il faut pouvoir affecter assez de revenu à
la provision sur pertes. Cela est impossible lorsque beaucoup de monde veut se désendetter, et donc dépense
moins. La transmission de la contrainte financière à l’économie déprime la demande du secteur privé, de sorte
que le désendettement est contrarié. Il s’ensuit une baisse prolongée de la croissance.
Dans la zone euro, ce processus appelé déflation de bilan parce que ce sont les sinistres survenus dans les bilans
qui sont la cause principale du défaut de demande dans l’économie réelle, a été aggravé par les politiques
d’austérité budgétaire survenues au pire moment. Ensuite, le cercle vicieux de l’insuffisance de la demande
prolongée contamine l’offre.
Source : M.Aglietta « Sortir de la crise et inventer l’avenir », Michalon, 2014, p. 54-57
Document 49 : le besoin de liquidité des AE conduit à des ventes d’actifs et à la déflation
Se met alors en place une spirale déflationniste de baisse généralisée du prix des actifs. Comme le cours des
actions et de la plupart des autres actifs (immobilier notamment) baisse, la valeur des garanties (appelées aussi
collatéraux) que les entreprises doivent apporter pour obtenir des liquidités (par exemple un prêt auprès des
banques) baisse aussi. Les banques restreignent alors leurs octrois de crédit. A court de liquidité, les entreprises
vendent des actifs qu’elles possèdent. Ces ventes accentuent la baisse des cours, donc la valeur des collatéraux,
donc la possibilité d’obtenir des prêts.
Les entreprises essuient des pertes et confortent les banques dans leur décision de restreindre le crédit. La spiral
s’auto-alimente. Irving Fisher, soucieux de comprendre les ressorts de la crise de 1929 qui l’avait ruiné, avait
mis en évidence dès 1933 ce type de schéma d’instabilité. Un schéma qui tourne en boucle et ne s’interrompt
que si les banques centrales interviennent comme prêteur en dernier ressort pour restaurer la liquidité du
marché ou au moyen de la politique monétaire, en abaissant le loyer de l’argent.
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Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 269-270
Document 50 : le rôle des banques dans le cycle financier
Le cycle de crédit place les banques au cœur de la dynamique du cycle financier. Lorsque les banques font de
l’intermédiation de bilan, elles financent des activités qui ne sont pas encore réalisées. En contrepartie des prêts
qu’elles accordent, elles détiennent des créances. Durant la phase de boom, les banques relâchent peu à peu leur
condition d’accès au crédit, l’endettement progresse, et de plus en plus de projets « non viables » sont financés.
Lorsque la conjoncture se retourne, ce sont les premiers projets à faire faillite. Ces faillites engendrent une
défiance croissante vis-à-vis des emprunteurs. La convention financière bascule de l’optimisme au pessimisme.
Les banques ferment le robinet du crédit. L’accès au crédit est donc pro-cyclique.
Le rôle des banques dans le cycle financier ne se limite cependant pas qu’au cycle de crédit puisque les banques
pratiquent aussi l’intermédiation de marché. Elles acquièrent et émettent des actifs financiers. Dans la phase de
boom, la hausse des prix des actifs sur les marchés gonfle l’actif du bilan des banques. Cela leur permet de
s’endetter davantage et de proposer davantage de prêts. A l’inverse quand la situation se retourne, la chute du
prix des actifs détériore l’actif de leur bilan qu’elles cherchent à restaurer en se débarrassant des titres qui
perdent de leur valeur et en réduisant leur offre de prêt. Elles alimentent ainsi la phase de krach.
Lorsque les risques de défaut et de marché se réalisent, la solvabilité des banques est affectée. Cela entraîne une
perte de confiance vis-à-vis des établissements bancaires qui se traduit par des bank run et un assèchement du
marché interbancaire, c’est-à-dire par une crise de liquidité des banques.
Document 51: le rôle du cycle de crédit dans le cycle financier
La dynamique du crédit bancaire joue un rôle souvent déterminant dans l’émergence et le développement d’un
emballement spéculatif sur ces divers marchés. Lorsque le mécanisme de l’accélérateur financier induit un
renversement du processus, apparaissent des fragilités, spécialement marquées pour le système bancaire. (…)
Les banques sont exposées à deux types de crise : une crise par le passif. Elle se présente souvent comme une
panique bancaire qui dérive du caractère aléatoire des retraits des déposants : la crainte de certains déposants
qui retirent leur fonds peut susciter un mouvement en chaîne de demande de retraits, alors même que la banque
est en bonne santé (elle est solvable). Une crise par l’actif. Elle tient à l’irréversibilité de la relation de prêt : si
un choc négatif affecte la rentabilité ou la chronique des remboursements pour les prêts déjà consentis, alors la
banque fait face à un risque de solvabilité qui peut déclencher une course à la liquidité. (…) Le propre de l’une
ou l’autre de ces crises est de précipiter la faillite d’une banque. Celle-ci par contagion peut se transmettre au
système bancaire dans sa totalité. (…) Les banques sont vulnérables aux mouvements de panique qui résultent
de l’anticipation par certains déposants de l’illiquidité de leur banque, ce qui, par ricochet, peut provoquer la
convergence de l’économie vers un équilibre défavorable marqué par une défiance générale à l’égard des
banques, un arrêt du crédit et en conséquence un faible niveau d’activité. (…) Comme la plupart des autres
actifs financiers font intervenir des effets de levier plus ou moins importants, les erreurs d’anticipation en
matière de bourse, d’immobilier ou de rendement des obligations se répercutent dans les bilans des banques.
(…) L’observation de la succession des crises fait effectivement ressortir la centralité de la relation de crédit
dans la propagation et l’amplification des crises financières. De même que l’optimisme de l’octroi du crédit
lance la phase d’euphorie financière, le retournement du rendement des actifs se répercute sur la capacité de
remboursement des prêts. La perte de valeur des collatéraux renforce la contraction du crédit et ce, faisant, peut
s’amorcer une récession, voire une dépression, marquée par la tentative de remboursement des prêts passés
grâce à la vente d’actifs, mais à des prix de détresse, ce qui aggrave encore la charge du remboursement
(I.Fisher, 1933).
Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p. 83-93
Document 52 : la crise comme élimination du mistigri
On ne sait pas au départ, parmi tous les projets qui se proposent, ceux qui seront finalement rentables. On peut
en avoir une bonne estimation, mais il est assuré qu’un certain pourcentage des projets qui apparaissent
rentables ne le seront pas. En conséquence, les promesses de revenus des titres adossés à ces investissements ne
pourront être tenues. (…) Ces promesses de revenus futurs impossibles à tenir, c’est ce que j’ai appelé le
« mistigri ». (…) Le fait est que depuis l’après-guerre, dans tous les pays, une politique monétaire toujours
favorable à la croissance engendre une dissymétrie dans la création monétaire. On baisse les taux d’intérêt dans
les récessions pour relancer l’économie. Mais on conserve des taux modérés dans la phase de croissance pour
ne pas casser celle-ci. Les entreprises accroissent leurs investissements et les ménages leur consommation en
les finançant par une dette bon marché. Le crédit facile permet aussi aux acteurs financiers de jouer à fond le
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jeu de « l’effet de levier de l’endettement » pour accroître leur profit : ils empruntent à relativement bon marché
sur les marchés monétaires pour acheter des titres qui dans la phase de croissance s’apprécient à un taux bien
supérieur. La valeur des actifs en est accrue et par conséquent la taille du mistigri. Dès lors, la purge du mistigri
est nécessaire et ceci, quelque soit le système financier. (…) Dans le système internationalement cloisonné et
principalement intermédié (avant la libéralisation financière des années 1980), la forme principale
d’élimination du mistigri était progressive et apparemment indolore. C’était l’accélération de l’inflation, qui a
réalisé le programme de Keynes : l’euthanasie des rentiers au profit de ceux qui consomment et de ceux qui
investissent. (…) Rendant l’avenir plus incertain, un dérapage de l’inflation décourage l’investissement et la
croissance. Dans le système de finance globale actuelle, la forme principale de purge du mistigri est le krach,
sur un marché ou sur un autre.
Source : Pierre-Noel Giraud « La mondialisation. Emergences et Fragmentations », Editions SH, 2012, p.124-125
Document 53 : quel indicateur pour observer l’existence d’une bulle (d’un emballement sur un marché
d’actifs) ?
Une méthode, que l’on doit à Robert Shiller (Prix Nobel 2013), consiste à déterminer l’écart entre sa valeur de
marché et sa valeur fondamentale. La valeur fondamentale est calculée en fonction des bénéfices tirés de
l’actif ; par exemple, les dividendes pour des actions ou des loyers pour un bien immobilier. Ces bénéfices étant
perçus dans le futur, il faut actualiser leur valeur pour en connaître le montant au présent. Si le prix de marché
est supérieur à la valeur des bénéfices actualisés alors, on conclut qu’il existe une bulle : le prix de marché
valorise autre chose que la valeur fondamentale. On constate par exemple dans le domaine des biens
immobiliers qu’entre 1998 et 2006, le ratio prix / loyer a doublé, ce qui va dans le sens de la présence d’une
bulle immobilière. Pour les actions, on divise le cours des actions par les dividendes, pour obtenir le Price
earnings ratio (PER). Dès 1981, R.Shiller montre que le cours des actions fluctue beaucoup plus que la valeur
des dividendes actualisés (donc la valeur fondamentale). Ce constat sert de base à la critique faite par R.Shiller
et G.Akerlof de la théorie de l’efficience des marchés financiers. Dans cette théorie, le prix reflète exactement
la valeur fondamentale des actions, dit autrement, il ne peut y avoir d’écart entre les deux valeurs, et donc le
ratio (cours de l’action/valeur fondamentale) doit toujours être égal à 1. Le fait que ce ratio fluctue dans le
temps (notamment à la hausse) montre que les agents ne s’appuient pas sur la mesure de la valeur fondamentale
pour établir leur stratégie.
Document 54 : dans l’approche de C.Kindleberger, le cycle financier découle du cycle économique et
l’amplifie
C’est le grand mérite de l’histoire financière que d’avoir détecté la répétition d’une même séquence
d’emballement spéculatif. Ces travaux sont aujourd’hui nombreux (Kindleberger « Manias, panics and
crashes », titre français « Histoire de la spéculation financière » 1978 ; Eichengreen, 2003). (…) Une telle mise
en perspective permet d’éclairer la situation contemporaine : ce n’est pas la première fois qu’une innovation
technique est considérée comme radicale et susceptible de relever durablement les profits. (…) il est
remarquable que, dans tous ces épisodes, s’enchaînent les mêmes séquences :
à l’origine se trouve une impulsion qui a trait à une innovation qui peut être technique (une nouvelle
méthode pour produire les tulipes, l’invention de la production de masse …), un nouvel instrument
financier (les actions d’une compagnie de navigation), la fin d’un épisode guerrier (l’essor des
chemins de fer après la guerre de sécession), l’émergence d’une clientèle pour de nouveaux services
(passer ses vacances en Floride grâce à la location ou l’achat d’appartement), ou encore la possibilité
ouvertes par une conjoncture financière nouvelle (l’afflux de liquidité sur le marché boursier qui
permet la multiplication des OPA) ;
les agents économiques informés adoptent une stratégie sélective à travers laquelle ils s’assurent de la
réalité des rendements promis par l’innovation. Ils procèdent à des achats, profitant de leur expertise
technique ou de l’information privilégiée dont ils disposent, ce qui est très généralement le cas
concernant les innovations financières. Leur comportement est pleinement rationnel et, à lui seul, ne
conduit pas à un emballement spéculatif ;
en effet, la stratégie des agents informés se traduit par la montée du prix des produits, et par
répercussion, des actifs financiers des entreprises qui participent à leur production. C’est en réaction à
ces signaux de prix qu’entrent sur le marché des agents qui n’ont que peu ou pas du tout de
connaissance de la nature de l’innovation, mais qui se fient à une extrapolation de l’envol des prix. Un
individu qui n’a jamais acheté d’actions de sa vie et qui connaît à peine le fonctionnement va
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transférer une partie significative de son patrimoine vers cet instrument financier. dans cette troisième
étape, les agents suiveurs et le crédit jouent un rôle déterminant dans l’envolée spéculative ;
l’emballement a d’autant plus de vigueur qu’une autorité authentifie la réalité des promesses faites aux
petites épargnants, et plus généralement, aux agents suiveurs. (…) Dans les années 1920 aux EtatsUnis, un économiste aussi renommé qu’Irwin Fisher déclare que l’envolée boursière et la prospérité
sont faites pour durer, diagnostic qu’il maintient jusqu’à la veille de l’éclatement de la crise. Dans la
période contemporaine, le tournant de la bulle internet intervient lorsqu’Alan Greenspan, qui
auparavant dénoncé l’exubérance irrationnelle, se range à l’opinion des marchés, déclarant que les
agents privés connaissent mieux que la banquier central quel doit être les cours des actions ;
lorsque ce mouvement atteint son maximum, on est proche du retournement brutal par lequel se
manifeste le fait que les rendements obtenus s’avèrent bien inférieurs aux rendements attendus. Soit à
cause de l’érosion endogène des rendements du fait de la suraccumulation, soit en réponse à une
mauvaise nouvelle, qui déclenche un réajustement des vues sur l’avenir ;
dernière séquence, les autorités politiques, face à la gravité des conséquences sociales et politiques du
krach, sont contraintes d’intervenir tant pour recherche les responsables que pour introduite de
nouvelles règles et des réformes afin d’éviter la répétition de tels épisodes et rétablir la confiance sans
laquelle les marchés ne peuvent fonctionner.
Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004, p.200
Document 55 : Dans un contexte de stagnation séculaire, l’origine des cycles économiques se trouve dans
les cycles financiers (une dynamique inverse de celle mise en avant par Kindleberger)
Pour Larry Summers, ce que l’on perçoit depuis la fin des années 1980 comme des phases de croissance ne sont
en fait que les moments d’expansion de différents cycles financiers. Dit autrement, les fluctuations
économiques ne seraient aujourd’hui que les conséquences des cycles financiers. D’où viennent ces cycles
financiers ? et comment ces cycles financiers se transmettent-ils à l’économie réelle ?
L’origine des cycles financiers dépend, non pas comme l’avance Charles Kindleberger des grandes innovations
(et donc du cycle économique), mais de l’évolution de la liquidité. Cette liquidité a deux grandes origines.
Tout d’abord, elle découle des politiques monétaires : à chaque ralentissement de l’activité (1993, 2001, 2008)
les banques centrales ont répondu par une politique monétaire accommodante : la création de monnaie centrale
a été stimulée, et la liquidité a augmenté. Dans le cas des Etats-Unis, la hausse de la liquidité a également pour
source, depuis la fin des années 1990, les flux de capitaux en provenance des pays émergents (Ben Bernanke et
la théorie du global saving glut). Favorisé par cet excès de liquidité, un cycle financier se met en place : l’accès
plus facile des agents à l’endettement permet l’essor des activités, qui renforce la convention financière
optimiste, etc … C’est bien le cycle financier qui est à l’origine du cycle économique.
On remarque également qu’une partie importante de la liquidité reste dans le système financier à permet
l’endettement d’agents financiers. Cette désaffection relative pour le financement de l’économie réelle
s’explique par la baisse du rendement du capital productif provenant de la baisse de la croissance potentielle.
Le cycle financier alimente donc l’endettement d’agents de l’économie réelle mais surtout celui des agents du
système financier. La phase optimiste du cycle financier se poursuit, jusqu’au moment du krach qui modifie
totalement les représentations de l’avenir. Le retournement du cycle financier marque la fin du cycle
économique et l’entrée dans la récession ou la dépression. Conclusion de Larry Summers : lorsque les
fluctuations de l’activité économique ne dépendent que du cycle financier, on assiste nécessairement à la
multiplication (et récurrence) des crises économiques.
Chaque crise économique se traduit par une destruction de capital physique, humain et public, ce qui produit un
effet négatif sur le potentiel de croissance. La succession des crises financières depuis 1993 (1993, 2001, 2008)
dans les PDEM est donc responsable d’un effondrement progressif de la croissance potentielle. Si l’on veut
éviter le renouvellement de crises de l’ampleur de celle des subprimes et les conséquences négatives qu’elles
entraînent sur la croissance potentielle, il paraît indispensable de se poser la question de la régulation du
système financier.
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3.2 Les transformations/évolutions récentes du système financier l’ont rendu la fois plus
efficient et plus fragile
3.2.1 Les différentes dimensions de l’efficience de marché : cf cours Marché mondial des
capitaux
3.2.2 Le développement des marchés des dérivés : plus d’aléa moral et de comportements
opportunistes
Document 56 : produits dérivés et aléa moral
Le rapport du Conseil d’Analyse Economique (CAE) de 2004 Les crises financières renvoient aux travaux de
Philip Davis (1995) qui soulignent que lorsque le système financier connaît des innovations majeures celles-ci
permettent de nouvelles opportunités mais dans le même temps le fragilise.
Les innovations financières répondent à des besoins exprimés par les acteurs des marchés. Le système financier
a ainsi pour fonction d’allouer la prise de risque entre les agents qui sont prêts à les prendre. Le développement
des marchés des dérivés permet donc une meilleure couverture des agents. En ce sens, les marchés financiers
gagnent en efficience. Mais les modalités du transfert de risque peuvent poser problème. Tout d’abord,
certaines innovations renforcent les situations d’aléa moral. Or, l’aléa moral conduit les investisseurs à prendre
des risques qui mettent en danger le fonctionnement du système financier. C’est le cas des dérivés de crédit
comme les CDS ou les techniques de titrisation. En utilisant les CDS ou la titrisation, les acteurs qui
« génèrent » des prêts s’en débarrassent et ne portent plus le risque de défaillance de l’emprunteur dans leur
bilan. N’étant plus soumis à ce risque, la vigilance avec laquelle ils sélectionnent les emprunteurs diminuent :
les banques sous-estiment la probabilité de défaut des emprunteurs. Ainsi la période 2002-2004 a été aux EtatsUnis une période où l’essor de la titrisation des prêts immobiliers est allé de pair avec l’accès au crédit des
ménages NINJA (no income, no jobs, no asset). Le passage du modèle « originate to hold » au modèle
« originate to distribute » produit davantage d’aléa moral. A quel moment la « bonne » titrisation devient-elle
une « mauvaise » titrisation ? La réponse tient dans le pourcentage de prêts qui sont titrisés et des conséquences
en termes d’aléa moral que cela génère : plus ce pourcentage d augmente, moins les banques portent ces prêts
dans leur bilan, moins elles sont exposées au risque de défaillance de l’emprunteur, moins elles sont incitées à
vérifier la solidité des emprunteurs et plus elles prêtent à des agents à besoin de financement dont la fragilité
augmente. En un mot, plus la titrisation est importante, plus l’aléa moral progresse. Jean Tirole dans Economie
du bien commun (2016) rappelle que le taux de titrisation des prêts immobiliers est passé de 30% en 1995 à
81% en 2006. Lorsque le taux de titrisation se rapproche de 100% (et donc que les émetteurs se désengagent
massivement des prêts qu’ils accordent) et que les agences de notation, qui évaluent la qualité des actifs
financiers, continuent de noter tous les actifs issus de la titrisation avec la note AAA, alors le système financier
bascule dans la « mauvaise » titrisation.
Document 57 : produits dérivés et asymétrie d’information
Les marchés des dérivés de crédit soulèvent d’autres problèmes. La créativité de l’ingénierie financière est sans
limites, mais la complexité croissante des produits financiers provoque une situation d’asymétrie d’information
entre les vendeurs des titres et ceux qui les achètent. Les premiers connaissent les caractéristiques des titres, pas
les seconds. Comme le souligne Akerlof et Shiller dans Les marchés des dupes (2016), tant que la confiance,
que les acheteurs accordent aux vendeurs, se construit sur la qualité des actifs proposés, ces derniers ne peuvent
pas se permettre d’avoir un comportement opportuniste et d’abuser de l’asymétrie d’information. G.Akerlof et
R.Shiller montrent à partir de l’histoire de Goldman Sachs, comment les objectifs des « fabricants » de produits
financiers ont progressivement changé, ce qu’ils résument par « l’éthique du « client d’abord » ne va plus de
soi ». La titrisation peut avoir pour effet d’augmenter l’aléa moral, mais elle peut aussi augmenter les
asymétries d’information. En effet, au moment de la transformation des créances en titres, il est possible de
réunir dans des paquets de titres, des créances de nature très différentes en termes de risques, puis de réunir des
paquets de titres entre eux et de les vendre sous forme de lots ! Cette technique a deux conséquences : la
mesure du risque associé à chaque lot devient très complexe et les créances les plus risquées ont été
disséminées un peu partout. Pour le dire plus simplement, tous les détenteurs d’actifs sont contaminés par un
virus qui ne s’est pas encore déclaré, mais personne n’est en mesure de dire s’il l’est et à quel niveau. Pour
G.Akerlof et R.Shiller, cette complexité est sciemment entretenue par les banques d’investissement à l’origine
de ces produits, qui conservent ainsi leur réputation et la confiance de leur client. Les banques d’investissement
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s’appuient également sur les agences de notation, qui doivent certifier de la qualité des actifs, pour maintenir
cette confiance. Mais à partir des années 1970, les agences de notation (comme Moody’s) commencent à faire
payer leurs clients pour évaluer leurs actifs. Or, les clients attendent que leurs produits soient bien notés. Ce
système de notation fait planer des doutes sur d’éventuels conflits d’intérêt. Jean Tirole dans Economie du bien
commun (2016) écrit « Manque d’expérience ou conflits d’intérêts ? Difficile à savoir, mais les incitations des
agences n’étaient pas tout à fait alignées avec les objectifs du régulateur. (…) La volonté de plaire à des
banques d’investissement représentant une partie importante de leur chiffre d’affaires a sans doute aussi joué
un rôle néfaste ».
Document 58 : le cas des dérivés de crédit (CDS), rapport du CAE de 2004
L’analyse devrait se tourner aujourd’hui vers les dérivés de crédit : n’ont-ils pas permis aux banques
américaines de résister à l’éclatement de la bulle internet, mais ce faisant n’ont-elle pas diffusé des risques à
des agents qui n’ont pas les moyens de les évaluer exactement ? D’où une possible concentration des risques
dans un compartiment du marché mal ou pas du tout couvert par les réglementations qui encadrent la prise de
risque pour les banques. Le développement rapide et incontrôlé des dérivés de crédit n’est pas sans poser de
problèmes. (…) Les dérivés de crédit sont, en principe, un facteur d’amélioration de l’efficience des marchés et
de la gestion des risques. On leur attribue deux avantages principaux. D’abord, ils permettent le transfert et la
dispersion des risques parmi un nombre accru d’acteurs financiers. Ensuite, ils facilitent la diversification des
portefeuilles en étant aisément négociables. (…) Au début des années 2000, le système financier international a
subi une série de chocs, (…) et les systèmes bancaires et financiers ont fait preuve d’une grande résilience (…).
Pour autant, cette vision optimiste mérite d’être nuancée. En premier lieu, l’introduction des marchés de dérivés
de crédit pourrait accentuer les problèmes d’asymétrie d’information entre prêteurs et emprunteurs. (…) En
second lieu, on constate une concentration des acteurs sur les marchés de dérivés de crédit. (…) Troisièmement,
l’apparition d’instruments de dérivés de crédit de plus en plus complexes sur ces marchés de gré à gré rend plus
difficile l’évaluation du niveau de risque global et de sa répartition dans le système financier. Enfin, le risque
systémique ne serait pas totalement supprimé par la dispersion du risque parmi une population importante
d’investisseurs. En cas de défaillances en chaîne, ces derniers pourraient être en difficulté et menacer la
stabilité du système financier dans son ensemble. (…) Au total, les dérivés de crédit, comme d’autres
innovations majeures telle que la titrisation des créances, sont de puissants instrument de gestion et de diffusion
des risques.
Source : Rapport CAE « Les crises financières », 2004
Document 59 : la titrisation et le modèle « originate to distribute »
Le développement de nouveaux instruments financiers comme les dérivés de crédit ainsi que les nouvelles
méthodes de financement comme le modèle « originate and distribute » basé sur la titrisation, sont en euxmêmes susceptibles d’engendrer une plus grande prise de risque de la part des banques, surtout dans un
contexte de forte concurrence. L’innovation financière a ainsi directement contribué à une augmentation des
problèmes de selection adverse et d’aléa moral, comme le montre l’exemple des instruments de transferts de
risque de crédit.
Ainsi, une banque, acheteuse de protection contre le risque de défaut d’un emprunteur (CDS), n’a plus la même
incitation à bien sélectionner des crédits qu’elle octroie du moment qu’elle est assurée. (…) Conjuguée au
renforcement de la concurrence au sein de la sphère financière et à l’abondance de liquidités sur les marchés, la
diminution de l’aversion au risque explique les phénomènes de « myopie face au désastre », au sens où les
banques vont être incitées à sous-estimer la probabilité de défaut des emprunteurs. L’histoire a montré que de
telles tendances s’accompagnent généralement d’un boom du crédit qui est facteur avant-coureur des crises.
Cette prise de risque est fortement liée à l’essor de la titrisation, les banques peuvent « marchéiser » leurs
créances et en transférer le risque aux investisseurs. Les banques américaines ont ainsi assoupli leurs conditions
de crédits hypothécaires en misant d’abord sur l’augmentation des prix de l’immobilier avec l’idée que les
emprunteurs pourraient quoi qu’il arrive rembourser leurs prêts en vendant leur bien immobilier. (…)
Source : ss la direction de C.de Boissieu et Jézabel Couppey-Soubeyran « Les systèmes financiers. Mutations, crises et
régulation », 2013, p. 21-22
Document 60 : les transformations de la gestion des risques par les banques, du modèle « originate to
hold » au modèle « originate to distribute »
La sélection et le suivi des emprunteurs apparaissent au cœur des raisons d’être de la banque. La banque existe
parce qu’elle est capable de produire à moindre coût une information et un contrôle rendant possibles des
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transactions financières qui ne seraient pas conclues sur les marchés des titres. Cela fait de la banque un expert
en sélection et en gestion des risques. Mais à cet égard, les années 1990-2000 ont été des années de profond
changement : en externalisant la gestion de leurs risques via la titrisation et les dérivés de crédits, les banques
se sont détournés du « monitoring ». Le monitoring était au cœur du modèle « originate to hold », au sein
duquel les banques faisaient naître (« originaient ») la créance puis la portaient jusqu’à son terme. Il a, tout au
long des années 1990-2000, dramatiquement régressé à mesure que s’est imposé le modèle « originate to
distribute », dans lequel les banques « originent » les risques puis les transfèrent sur d’autres entités. Ni les
banques, ni les autorités de contrôle n’ont perçu à temps les dangers que pouvaient représenter la titrisation et
l’ensemble des instruments permettant de transférer les risques. Au contraire, l’utilisation de ces instruments
était même encouragée avec l’idée qu’ils permettaient un meilleur partage des risques au sein du système
financier. Or, le système financier a-t-il gagné à ce que le risque soit disséminé entre un plus grand nombre
d’acteurs ? Non, précisément parce que l’incitation à évaluer et à contrôler le risque n’est évidemment pas la
même selon qu’une banque porte tout entier le risque qu’elle a engagé, ou bien selon que plusieurs banques ou
autres entités financières, voire non financières, portent une petite part seulement d’un risque titrisé. La
titrisation n’a pas seulement dilué le risque, elle a aussi dilué le contrôle du risque. En outre, le risque s’est
trouvé in fine reporté pour une large part sur les épargnants, clients de fonds détenteurs de créances issues de la
titrisation, qui, s’ils confient leurs fonds à des intermédiaires financiers, le font précisément parce qu’ils n’ont
pas l’information et la compétence suffisantes pour les gérer eux-mêmes. la crise financière a montré que la
maîtrise du risque de crédit ne pouvait se faire en abandonnant le monitoring.
Source : Jézabel Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Puf Licence, 2010, 150-175
3.2.3 D’autres instruments utilisés par les acteurs sont aussi des facteurs de fragilisation du
système
Document 61 : market value, VaR, THF, échanges de gré à gré
Depuis les années 1980 se sont développés et diffusés des pratiques qui fragilisent les acteurs et le système
financier, comme :
- la gestion active des bilans qui consiste à mesurer les actifs détenus à la valeur de marché (market value).
Lorsque au moment d’une baisse des cours, certains actifs perdent leur valeur, cela impacte immédiatement le
bilan de ceux qui les détiennent, comme les banques. Celles-ci cherchent alors à s’en débarrasser, ce qui
amplifie la chute des cours jusqu’à la paralysie des marchés.
- des modèles d’évaluation du risque Value at risk (VaR). Ces modèles sont capables de mesurer la dégradation
du bilan d’un établissement par la perte de valeur de tel ou tel titre. Mais ils ne sont pas capables de mesurer les
interdépendances entre établissements financiers (quand un établissement fait faillite, cela cause des dégâts sur
les autres) et donc par retour, ce que la dégradation du bilan des autres établissements peut avoir sur le bilan du
premier. En outre, ces modèles mesurent les risques en fonction des évolutions passées des titres : ils répliquent
ce qui s’est déjà passé et n’intègrent pas le fait que l’avenir est incertain et donc qu’un événement inattendu
peut survenir. Ils n’intègrent pas ce que Nicholas Taïeb appelle les « cygnes noirs ».
- du trading haute fréquence. Depuis quelques années se sont développés des techniques de trading entièrement
automatisées qui reposent sur des algorithmes conçus pour déclencher des actes de vente et d’achat en fonction
de seuil définis à l’avance. Grâce à la puissance de calcul des ordinateurs, il suffit de quelques millisecondes
pour que les ordres soient automatiquement passés. La part du THF sur le marché des actions représente 40%
en 2011 contre 10% en 2007. Cette technologie entraîne une volatilité importante des cours sur des laps de
temps très court, on appelle cela des flash krachs. Cette volatilité des marchés s’opère dans un laps de temps
inférieur à une réaction du cerveau humain.
- les échanges de gré à gré. Ce type d’échange qui ne concerne qu’un acheteur et un vendeur à l’avantage de ne
pas être standardisé, c’est donc du sur-mesure. A la différence des échanges qui ont lieu dans le cadre de
chambres de compensation, les échangistes ne versent pas de dépôt pour se protéger en cas de défaillance d’un
des co-échangistes. Les marchés de gré à gré apportent donc beaucoup de souplesse mais aussi plus de fragilité.
Document 62 : les conséquences des règles comptables de « gestion active des bilans »
Une fois la crise enclenchée, la gestion active des bilans bancaires a constitué un redoutable facteur de
propagation des difficultés. En effet, les banques ne restent pas passives face aux variations des prix des actifs
financiers qu’elles possèdent à leur bilan. Quand la Bourse baisse, la valeur des titres que les banques
détiennent à leur actif baisse. Comme cela réduit aussi la valeur de leurs fonds propres de l’autre côté de leur
bilan, leur ratio de solvabilité (rapports entre fonds propres et actifs) se dégrade. Seule façon d’y remédier si
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elles ne peuvent pas émettre davantage d’actions pour augmenter leurs fonds propres (ce qui est difficile quand
leurs propres cours de Bourse baissent aussi) : diminuer leur actif et donc vendre des titres, ce qui amplifie la
baisse sur les marchés boursiers et crée un cercle vicieux quant à la paralysie du marché interbancaire, c’est
tout le circuit du crédit qu’elle a bloqué. Lorsque les banques n’ont plus les moyens d’assurer leur
refinancement quotidien à l’aide de prêts interbancaires, il ne leur est plus possible de participer au financement
de leurs clients ; elles rationnent le crédit. C’est, dès lors, l’économie réelle qui se trouve emportée dans une
vague récessive. Il est ensuite difficile de savoir qui, de la crise économique ou de la crise financière, entraîne
l’autre, les deux se renforçant mutuellement.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 272-275
Document 62 : le THF
Le « trading haute fréquence » en est une bonne illustration. Il s’agit d’algorithmes conçus pour déclencher
automatiquement des ordres d’achat ou de vente lorsque certains seuils de prix, d’indices … sont franchis.
Cette technique s’est diffusée (…). La part des transactions issues du trading haute fréquence n’a cessé de
s’accroître : sur les marchés d’actions, cette part était estimée à 40% en 2011, contre moins de 10% en 2007.
Cette technique s’est révélée dangereuse puisqu’il est possible de s’en servir pour lancer de très gros volumes
d’opérations capables d’influencer la formation des prix de marché puis d’annuler au dernier moment en
profitant de la tendance à la hausse ou la baisse induite par l’opération initiale.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 320-324
Document 63 : le trading haute fréquence augmente la volatilité des marchés financiers
Trading à haute fréquence : comment le capitalisme financier et les marchés sont devenus trop compliqués
pour être encore compris par les cerveaux humains ?
Christian de Boissieu : Quand l'homme s'efface derrière les prouesses technologiques au lieu de les maîtriser,
c'est la porte ouverte à de grands désordres, à des crises systémiques et à une instabilité accrue. Le HFT (High
Frequency Trading pour Trading à haute fréquence) est une réalité impossible à évacuer. Son impact sur la
liquidité et la volatilité des marchés financiers est encore en débat, car les études empiriques sont loin d'être
convergentes. Mais nous devons, si possible au niveau européen et pourquoi pas au plan mondial, nous mettre
d'accord sur un certain nombre de mesures visant à plafonner le HFT: élargissement des pas de cotation, temps
de latence accru, mesures réglementaires et fiscales pour faire baisser le rapport aujourd'hui anormalement
élevé entre les ordres passés puis annulés et les échanges effectifs. Les excès et les déséquilibres de la
complexité financière ne datent pas du HFT, mais ils ont tendance à les accentuer. Cela remonte aux dérives
des instruments dérivés, à une titrisation débridée et mal notée (avant 2007), aux excès de l'innovation
financière.
"Back to simplicity", c'est l'une des leçons de la crise mondiale et, avec l'exigence de transparence et la
réduction des conflits d'intérêts, c'est l'une des revendications fortes et légitimes des clients des banques et
autres opérateurs financiers. Je crains aujourd'hui que l'innovation financière redémarre trop vite et trop fort, et
que le "back to simplicity" soit juste une phase courte avec un retour rapide vers les délices de la complexité. La
réglementation bancaire et financière peut freiner ce retour vers la complexité, elle aura du mal à l'empêcher
(d'autant plus que certaines innovations financières sont introduites pour contourner en partie la
réglementation..).
Source : entretien avec C.de Boissieu sur le site http://www.atlantico.fr, 2014
3.2.4 Des acteurs moins régulés qui fragilisent le système financier : établissements
systémiques et shadow banking
Document 64 : des intermédiaires financiers systémiques de taille mondiale
Dans des systèmes financiers décloisonnés, les interdépendances entre acteurs sont plus importantes. Or,
certains acteurs ont acquis une taille « systémique » : leur faillite peut produire un effet domino dans
l’ensemble des systèmes financiers interconnectés. Dans le cas des banques, cette concentration est le résultat
de l’accroissement de la concurrence qui les a conduit à partir des années 1990 à rechercher des tailles
critiques. Tous les acteurs systémiques ne sont pas nécessairement des banques. Il peut s’agir d’autres
intermédiaires financiers comme les assurances (AIG par exemple) mais aussi des banques d’investissements
ou des fonds d’investissements. Le capital de Goldman Sachs a été multiplié par 500 entre 1970 et 2005, le PIB
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des Etats-Unis par 12 sur la même période. En 1998, le fonds d’investissement LTCM menace de faire faillite
et d’entraîner des pertes colossales pour ses créanciers (300 milliards de dette contractée auprès de 13 banques),
au point de nécessité l’intervention des principales banques centrales.
Document 65 : des marchés plus intégrés rendent les économies interdépendantes
La globalisation financière accroît (…) la dépendance d’une économie vis-à-vis de toutes les autres (Brender &
Pisani, 2006). (…) L’interdépendance entre économies est également de nature financière puisque l’intégration
toujours plus grande des marchés financiers du fait de la globalisation financière implique une plus forte
corrélation entre les marchés et les pays en termes de prix des actifs et de volatilité. Il s’agit d’une conséquence
directe de l’intégration financière transfrontalière : les chocs de prix et de liquidité (hausse brutale du prix de
certains actifs ou baisse brutale de la liquidité d’un marché), même très localisés au départ, ont une plus forte
probabilité de se transmettre à d’autres régions, si bien que des évènements très éloignés peuvent avoir des
répercussions très fortes sur des institutions ou investisseurs étrangers (l’exemple des banques européennes,
allemandes en particulier, fortement exposées à la crise des subprimes est révélateur). L’interdépendance entre
intervenants sur un même marché s’est également accrue. En effet, chaque acteur dépend de plus en plus de la
volonté et de la capacité des autres acteurs à lui fournir de la liquidité en cas de besoin. Ce nouvel
environnement, dans lequel chacun dépend des actions des autres, peut favoriser l’apparition de défauts de
coordination entre acteurs, potentiellement porteurs d’enjeux systémiques.
Source : J.Charbonneau et N.Couderc « Globalisation et (in)stabilité financière » Revue Regards croisé sur l’économie
n°3, 2008, p. 238-239
Document 66 : des institutions financières systémiques
L’augmentation de la concurrence, induite par la déréglementation et l’ouverture des marchés en interne et à
l’international, a contraint les acteurs financiers à rechercher des économies d’échelle et de gamme pour rester
compétitifs. Les institutions financières se sont donc engagées dans un processus de concentration, notamment
par le biais d’opérations de fusions et d’acquisitions.
La conséquence en est que le système financier mondial se caractérise aujourd’hui par la présence d’une
trentaine de conglomérats financiers dont le défaut causerait celui de beaucoup d’autres établissements et
provoquerait ainsi une crise systémique. De plus, ces structures qui opèrent sur plusieurs marchés et sur
plusieurs métiers à travers leurs filiales sont également susceptibles d’amplifier un choc initial dans une
branche d’activité et de diffuser le risque à tout le conglomérat. (…) Le spectre de la crise systémique a pesé
lourd sur les autorités publiques durant la crise de 2007-2008. La banque Northern Rock, 5ième banque anglaise,
a par exemple été nationalisée en février 2008, étant jugée systémique par les autorités.
Le caractère systémique ne se limite pas qu’aux banques. D’autres intermédiaires financiers contribuent au
risque systémique. Les sociétés d’assurance ou les hedge funds. (…) L’assureur AIG fut finalement mis sous
tutelle publique en septembre 2008 et refinancé par la Fed à hauteur de 85 milliards, ceci afin d’éviter un effet
domino dans le secteur financier américain. (…)
Du fait de leur taille et de leur place dans le système financier, les institutions systémiques posent le problème
du « too big to fail », dans le sens où les autorités sont obligées de leur venir en aide en cas de difficultés. Cette
configuration pose un problème d’aléa moral : se sachant sauvées en cas de problèmes, ces institutions
systémiques peuvent être incitées à prendre plus de risques.
Source : J.H.Lorenzi et P.Trainar « Les nouveaux acteurs de la finance » in revue Regards croisés sur l’économie n°3,
2008, p.20
Document 67 : des intermédiaires financiers non régulés, le shadow banking
Avec le développement de la sphère des activités financières, les intermédiaires ne se limitent plus aux
banques. A côté des investisseurs institutionnels (fonds de pension, assurance), on trouve de nombreux fonds
d’investissement, des banques d’affaires … Or, la réglementation des acteurs du système financier porte
essentiellement sur les banques de détails (ou banques commerciales) et les compagnies d’assurance (afin de
protéger les petits épargnants), alors que les autres acteurs participent aussi au financement de l’économie et à
l’achat de titres sur les marchés financiers. Cet ensemble d’intermédiaires financiers non régulé est qualifié de
shadow banking. Jusqu’à la crise de 2008, Goldman Sachs ou Lehman Brothers sont des banques
d’investissement appartenant à ce secteur non régulé. Ce shadow banking fragilise le système financier : en
l’absence de réglementation, la prise de risque est plus importante ; une part importante des intermédiaires du
shadow banking a des liens avec des banques commerciales. Les banques ont utilisé le shadow banking pour
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recycler leurs créances sous forme de titres et elles ont créé les « véhicules d’investissement » qui ont servi à la
titrisation des prêts. Ces « véhicules » représentent environ 10% du shadow banking.
Document 68 : des preneurs de risques moins régulés, le « shadow banking »
Les innovations financières ont permis aux intermédiaires financiers d’externaliser les risques de leurs bilans et
de reporter ces risques sur des agents disposés à les assumer. L’expérience a montré toutefois la dangerosité de
ces pratiques parce qu’elles transfèrent le risque d’intermédiaires financiers régulés vers d’autres intermédiaires
peu ou non régulés. Rien ne garantit que le porteur final du risque soit suffisamment solide pour prendre en
charge ces risques. (…) C’est ainsi, par exemple que le groupe d’assurance américain AIG, après avoir subi des
pertes sur le marché des crédits hypothécaires subprimes a été mise sous tutelle publique et refinancé par la Fed
en 2008 pour tenir ses engagements vis-à-vis des banques américaines et européennes. (…)
L’externalisation des risques de crédit fait peser ceux-ci sur des entités peu ou pas régulées, qui forment ce
qu’on appelle aujourd’hui le Shadow banking. (…) Les fonds d’investissement (et en particulier les hedge
funds) constitue la majeure partie (32%) de la sphère non régulée. (…) Le risque des Hedge funds résulte de
leurs effets de levier important, conjugué à une forte exposition aux institutions financières via des prêts
bancaires. C’est le cas du fonds Long Term Capital Management (LTCM) dont la quasi-faillite en 1998 a failli
porter un coup dur au système bancaire mondial, ce fonds s’étant endetté pour environ 300 milliards de dollars
auprès de 13 banques. Les véhicules de titrisation représentent 9% du shadow banking, posent un risque au
système financier car (…) il s’est avéré que les banques demeurent in fine vulnérables : une banque qui cède
des créances à un SIV fournit habituellement à ce dernier un ligne de liquidité pour le bon déroulement de son
activité de titrisation. Pendant la crise des subprimes, les banques ont été contraintes, pour des questions de
réputation et de risque de contrepartie, de racheter les créances cédées aux SIV et donc de reprendre à leur
compte le risque inhérent à ces créances.
Source : J.H.Lorenzi et P.Trainar « Les nouveaux acteurs de la finance » in revue Regards croisés sur l’économie n°3,
2008, p.15
Document 69 : le shadow banking qui fragilise le système financier
Les intermédiaires financiers du
Ils occupent une place croissante
Ils interviennent comme preneurs
shadow banking
dans les marchés des capitaux
de risque, risque dont veulent se
débarrasser les banques (les acteurs
les plus régulés)
Source de fragilité ?
3.2.5 Le fonctionnement du SMI contemporain : un afflux de liquidité dans le système
financier américain
Document 70
Les flux de capitaux à travers le monde dépendent de la structure de chaque système financier domestique. Or,
certains systèmes financiers sont plus aptes à recevoir des capitaux que d’autres, en raison de leur taille et de la
variété des compartiments. C’est clairement le cas des Etats-Unis qui ont le premier marché des capitaux du
monde et qui, en outre, émettent la monnaie internationale. Il existe ainsi une division internationale de la prise
de risques financiers (Brender) qui conduit l’épargne des pays où les systèmes financiers sont peu développés
(la Chine par exemple) vers les pays où ces systèmes offrent des placements sûrs ; il existe aussi une demande
internationale d’actifs libellés dans la monnaie internationale. A partir de la fin des années 1990 s’opère une
entrée massive de liquidité vers le Etats-Unis qui va alimenter l’ensemble des marchés des capitaux : les agents
à besoin de financement obtiennent des prêts / les prêteurs cherchent à se couvrir contre le risque de défaut en
se rendant sur des marchés des dérivés / les opérations de couverture impliquent des agents qui acceptent les
risques (les spéculateurs).
Document 71: l’hétérogénéité des systèmes financiers pousse l’épargne des PVD vers les PDEM
La structure des systèmes financiers est loin d’être partout la même. Les mécanismes d’information et de
décisions qui règlent la distribution de crédits, comme ceux qui permettent d’en redistribuer les risque ou d’en
assurer le financement, dotent chaque économie de « canaux de financement » qui lui sont propres. Ils reposent
sur des routines et des pratiques souvent différentes d’un pays à l’autre : ici, les banques accorderont des prêts à
taux variables, là, à taux fixes ; ici, les entreprises emprunteront sur les marchés, là, auprès des banques … (…)
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Dans une économie globalisée, des conséquences inattendues peuvent en résulter. Si, comme cela a été le cas
au début des années 2000, les régions qui tendent à dégager une épargne importante lorsque leur revenu croît
rapidement ont des canaux de financement frustres ou des agents averses à l’endettement, elles devront, pour
mobiliser pleinement leur potentiel de croissance, exporter une partie de leur épargne vers celles, dont les
canaux de financement ont un débit plus puissant ou dont les agents sont plus enclins à d’endetter. Si, en outre,
les placements qui s’accumulent dans les régions « épargnantes » se font sous des formes peu risquées, ces
transferts d’épargne ne pourront avoir lieu sans qu’une part au moins des risques qui leur sont liés soient pris
par des preneurs de risques du reste du monde.
Source : Anton Brender, Florence Pisani et Emile Cagna « Monnaie, finance et économie réelle », La découverte, 2015,
p.97-98
Document 72 : le développement d’une division internationale de la prise de risques financiers
Le cas américain est plus éclairant encore dans la mesure où il illustre le rôle joué par les différents
« segments » des canaux de financement dont chaque économie est dotée.
Laissés à eux-mêmes, les mécanismes de distribution de crédits et ceux qui assurent la circulation des risques
impliquées par ces crédits ont interagi de façon perverse à partir du milieu des années 2000 pour alimenter une
montée continue de l’endettement des ménages américains. Si ces derniers ont un comportement d’endettement
sensible au taux d’intérêt, leur capacité à s’endetter n’est en effet pas infinie pour autant : la progression de leur
endettement jusqu’en 2007 a pu être continue parce que, au fur et à mesure que les besoins d’emprunt des
ménages solvables étaient saturés, des prêts à des ménages insolvables ont pris le relais. Ils ont pu le faire dans
la mesure où, une fois accordé, ces prêts subprimes étaient titrisés : leurs risques ont été portés, euphorie
financière aidant, par des opérateurs ne disposant d’aucun moyen d’information pour les apprécier. Les
conséquences de ce laisser-aller ont été d’autant plus catastrophique qu’une part des prêts ainsi titrisés ont été
acquis pour boucler la chaîne permettant à une épargne dégagée en Chine ou en Allemagne de financer des
prêts faits aux Etats-Unis ou en Espagne.
Dans les pays « peu dépensiers », l’épargne a en effet tendance à se placer sous des formes peu risquées, en
l’occurrence des dépôts bancaires, à différents termes : des placements de ce type ont pu y être accumulés, pour
des montants toujours plus importants, parce que, ailleurs, des banques d’investissement, des hedge funds ou
d’autres opérateurs de marché prenaient les risques que les épargnants ne souhaitaient pas porter. Pour acheter
les titres émis, ces preneurs de risques empruntaient à court terme (…). Une succession d’opérations de ce type,
continuellement renouvelées, ont ainsi pendant plusieurs années permis de faire que des dépôts d’épargne
s’accumulent dans les pays « fourmis » en contrepartie des prêts accordés ailleurs. La multiplication
d’opérations nécessaires pour que l’ensemble des risques impliqués par ces transferts internationaux d’épargne
soit pris explique aussi, pour une part au moins, l’intensification des flux internationaux de capitaux observée
en termes bruts : elle s’inscrit dans le cadre d’une « division internationale de la prise de risques financiers »
qui n’a cessé de se développée depuis le début des années 1990.
Source : Anton Brender, Florence Pisani et Emile Cagna « Monnaie, finance et économie réelle », La découverte, 2015,
p.101-102
Document 73 : globalisation financière, déséquilibres financiers internationaux et crise
Dix ans seulement séparent la crise qui, à la fin des années 1990, a ébranlé les économies asiatiques de celle
qui, à la fin des années 2000, plonge le monde dans une récession profonde. Et, entre ces deux crises, une bulle
boursière comparable à celle de 1929 a éclaté ! (…) La finance entretient avec l’économie réelle un rapport
moins distant qu’on ne le pense parfois. Dans un monde où l’épargne est abondante, son rôle est même crucial :
l’usage fait de cette épargne (la croissance de demain) comme le niveau d’activité (la croissance d’aujourd’hui)
en dépendent. Les mécanismes par lesquels la finance globalisée a permis à l’épargne dégagée en un endroit de
la planète d’être utilisée en un autre expliquent, pour une part au moins, la vigueur de la croissance observée
pendant une grande partie des années 2000. Ces mécanismes ne résultent pas de la seule libéralisation des
mouvements de capitaux engagée depuis plusieurs décennies. Ils sont aussi le produit d’une vague
d’innovations, permises par la déréglementation des métiers de la finance, qui a transformé partout la manière
dont les capitaux, comme les risques liés à leu investissement, circulent et sont portés. La globalisation
financière a ainsi doté l’économie mondiale de dispositifs d’une puissance étonnante (si l’on en juge par la
masse d’épargne qu’ils ont mise en mouvement) mais aussi d’une grande vulnérabilité (si l’on en juge par la
masse de risques qui s’y sont concentrés). C’est le fonctionnement de ces nouveaux dispositifs et les
enchaînements qui ont conduit à la première crise de la finance globalisée. (…) Jusqu’aux années 2000, malgré
la libéralisation des mouvements d’épargne, les transferts internationaux d’épargne étaient restés modestes.
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Depuis le début des années 2000, leur intensité a crû de façon continue, en même temps que la croissance des
économies émergentes accélérait fortement. En luttant contre la surévaluation de leurs monnaies, beaucoup
d’économies, en Asie, notamment, sont parvenues à « exporter » une épargne qui sinon aurait asphyxié leur
croissance. Elles l’ont fait en s’appuyant sur les infrastructures de la finance globalisée. Pour l’essentiel, ces
pays ont en effet placé leurs excédents sous des formes peu risquées. (…) Pendant les années 2000, les pays
développés, les Etats-Unis en particulier, n’ont pas seulement importé de l’épargne, ils ont aussi pris en charge
les risques des prêts que cette épargne a permis de financer. Cette charge a largement pesé sur les chaînes de
prises de risque du système bancaire alternatif. Le levier des preneurs de risque (le rapport entre les risques
qu’ils prennent et les capitaux dont ils disposent pour les prendre) s’est sensiblement accru, affaiblissant la
solidité des chaînes dont ils sont les maillons. A partir du milieu des années 2000, seule une attitude face au
risque toujours plus complaisante pouvait expliquer leur comportement. Le « choc des subprimes » a
brutalement remis cette attitude en cause. (…) Ne voir dans cette crise qu’une nouvelle illustration des excès de
la finance serait manquer l’essentiel. Cette crise révèle la faillite d’une idéologie qui a poussé les autorités à
délaisser leur fonction de régulation et de surveillance. Elle montre aussi les dangers d’une globalisation qui ne
s’accompagne pas des coopérations internationales qu’elle appelle.
Source : A.Brender et F.Pisani « La crise de la finance globalisée », La découverte, 2009, p.4
Document 74 : finance, croissance et crise
Impact sur
La croissance
Les crises
Favorise l’investissement en
Apparition de mistigri : les
Transfert de richesse dans le
enlevant la permettant de
projets financés mais voués à
temps
dépenser plus que les revenus
l’échec ; contrainte
intertemporelle trop lourde
Intermédiation = permet des
Certaines techniques financières
Gestion des risques
investissements qui ne peuvent
= plus d’aléa moral
être réalisés par la finance
La présence d’établissement de
directe
grande taille renforce le too big
to fail
Efficience allocative
Bulles spéculatives et krach
Accumulation du capital
Finance pro-cyclique
Flux financiers internationaux :
surabondance de liquidité
Produit un scénario/convention Le scénario/convention peut
Création information
sur l’avenir ; socialise les vues
basculer et se retourner
sur l’avenir
Un système bancaire efficient
Les crises bancaires et la
Organisation des paiements
stimule l’activité
déflation se traduisent par une
préférence pour la liquidité
plutôt que les dépôts
Source : à partir de Rapport CAE « Les crises financières » (2004) et Rajan et Zingales (2003)
4. La crise des subprimes
Document 75 : les étapes
La crise financière de 2008 a d’ores et déjà sa place dans l’histoire. Les bourses mondiales ont perdu près de
40% de leur valeur en moins d’un an.
La crise du crédit hypothécaire aux Etats-Unis s’est en quelques mois muée en une gigantesque crise bancaire
étendue à l’Europe, au point de totalement paralyser le marché des prêts interbancaires. Des institutions
financières de renom comme la banque d’investissement américaine Lehman Brothers ont disparu, pour ainsi
dire, du jour au lendemain. Certaines ont été littéralement bradées (la banque d’affaire américaine Bear
Stearns), d’autres mises sous tutelle (comme les établissements américains de refinancement hypothécaire
Fannie Mae et Freddie Mac), ou recapitalisées par l’Etat (le groupe belgo-néerlandais Fortis, la banque
allemande spécialisée dans le crédit immobilier Hypo Real Estate …) ou carrément nationalisées (les banques
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anglaises Bradford & Bingley et Northern Rock) dans un pays, le Royaume-Uni, om un tel mode de sauvetage
était inimaginable il y a peu. En 2009, la crise s’est poursuivie en provoquant, rien qu’aux Etats-Unis, pas
moins de 115 faillites d’établissements bancaires.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 272-275
Document 76
A l’origine de cette crise, on trouve des prêts hypothécaires à haut risque (les subprimes) que des banques et
des sociétés financières américaines ont accordés à des ménages pauvres, souvent exclus jusqu’alors du crédit
bancaire. Ces prêts accordés à des taux plus élevés que les prêts traditionnels (en raison du risque de défaut plus
élevé des emprunteurs concernés) et révisables (prêts à taux variable), étaient gagés sur la valeur du bien
immobilier acquis par l’emprunteur. Le dynamisme des prix sur le marché immobilier confortait les banques
dans l’idée qu’en cas de défaut de l’emprunteur, elles ne perdraient rien à revendre le logement gagé. A la
veille de la crise (été 2007), environ 1000 milliards de dollars de crédits subprimes avaient été accordés. C’est
beaucoup dans l’absolu, mais très peu comparé aux 20 000 milliards de dollars de capitalisation boursière
américaine (valeur totale des actions émises aux Etats-Unis) avant crise, ou aux 60 000 milliards de dollars
d’actifs financiers détenus par les ménages américains. Ce ne sont donc pas ces 1000 milliards de dollars de
crédits subprimes, ni a fortiori les 200 milliards de dollars de crédits subprimes non remboursés par des
emprunteurs défaillants (d’autant que, même dévaluées en raison de l’éclatement de la bulle immobilière, les
collatéraux comme les immeubles hypothéqués permettaient aux banquiers d’amortir leurs pertes), qui à eux
seuls peuvent expliquer l’ampleur de cette crise. Il n’est pas non plus nécessaire d’invoquer la folie des
financiers d’aujourd’hui pour comprendre ce qui s’est passé. Cette folie ne dépasse pas celle des spéculateurs
hollandais en 1637, quand une bulbe de tulipe s’échangeait à un prix qui dépassait celui d’un Rembrandt !
La crise financière amorcée en 2007 se prête mal à la désignation de boucs émissaires, tant les facteurs qui en
sont à l’origine sont nombreux. On peut toutefois mettre en avant l’environnement macroéconomique qui a
facilité la gestion de la crise ainsi qu’un certain nombre de dysfonctionnements microéconomiques.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 272-275
4.1 Les causes de la crise des subprimes : déséquilibres macroéconomiques et
dysfonctionnements microéconomiques
Document 77 : les déséquilibres macroéconomiques
Le développement des NTIC durant la décennie 1990 produit un choc de productivité qui accélère le rythme de
croissance aux Etats-Unis. Une nouvelle phase d’optimisme s’ouvre alors qui entraîne le démarrage du cycle de
crédit. Un premier krach boursier survient en 2001 mais très vite la conjonction d’une politique monétaire
expansionniste et de l’afflux de liquidité vers les Etats-Unis maintient durablement les taux d’intérêt très bas.
Rien ne vient freiner la dynamique du crédit. Le momentum se met en marche : l’essor du crédit profite à la
consommation qui stimule la croissance et en retour renforce l’optimisme des agents. Tandis que la valeur des
prix des biens augmente peu, celle du prix des biens immobiliers s’envole. Or, l’accès au crédit est d’autant
plus facile que le prix des biens acquis grâce aux prêts ne cesse d’augmenter. Au final, alors que les revenus
des ménages américains les plus pauvres n’augmentent pas, la hausse du prix de l’immobilier permet de
stimuler l’accès à la propriété. De plus en plus de ménages pauvres peuvent obtenir un crédit, notamment les
ménages NINJA qui bénéficient des prêts subprimes, c’est-à-dire les prêts pour lesquels le risque de défaillance
et donc les taux d’intérêt sont les plus élevés.
Document 78 : inégalités et crise de surproduction (une explication marxiste de la crise)
A propos de la crise de 2007-2008, un large accord existe désormais (travaux du FMI ou de l’OCDE ou bien
même de Piketty et Saez) sur le lien avec le creusement des inégalités. Les données montrent en effet qu’aux
Etats-Unis, l’essentiel de l’augmentation du revenu global au cours des années 1990-2000 a bénéficié aux 1%
des titulaires des plus hauts revenus. De ce fait, les revenus des catégories modestes et moyennes ont
faiblement (ou pas du tout) augmenté. La demande a donc été soutenue par le crédit ce qui a constitué l’amorce
du gonflement de la bulle de crédit et de la bulle immobilière.
Patrick Artus a proposé pour sa part une lecture marxiste de la crise de 2007-2009. Le mécanisme centrale
réside dans la tendance à la baisse du taux de profit qui résulte d’une suraccumulation du capital liée à la fois à
l’euphorie des entreprises et à un rythme très rapide d’accroissement du stock de capital des pays émergents.
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En réaction à cette baisse des taux de profit, les entreprises exercent une pression à la baisse sur les salaires ce
qui freine la consommation (donc les débouchés). Les difficultés des entreprises comme celles des ménages
poussent à la hausse de l’endettement qui alimente l’euphorie dans un premier temps, mais débouche en fin de
compte sur l’éclatement de la bulle de crédit et sur la crise financière.
Source : A.Beitone « Economie, sociologie et histoire du monde contemporain », A.Colin, 2013, p. 564
Document 79 : les dysfonctionnements microéconomiques
Dans un contexte de globalisation financière et de concurrence accrue, les banques cherchent à sortir de leur
bilan tout ce qui peut représenter un « risque », donc une perte ». En effet, la régulation bancaire s’appuie sur la
constitution de réserves obligatoires proportionnelles aux pertes potentielles. Or, ces réserves obligatoires ne
rapportent rien à la banque. C’est du capital improductif. En limitant les pertes potentielles, les banques limitent
la nécessité de constituer des réserves et optimisent l’utilisation de leur capital. Elles utilisent alors les
techniques de CDS et de titrisation pour « sortir » les prêts accordés, notamment subprimes, de leur bilan. Le
passage du modèle « originate to hold » au modèle « originate to distribute », renforce l’aléa moral et la prise
de risque des établissements de crédit. Cela se traduit par l’envolée des prêts subprimes dans le total des prêts
accordés. La capacité à ensuite créer de nouveaux actifs financiers en mélangeant des titres de nature diverse
rend impossible l’analyse des risques associés à ces titres. Tant que la convention financière est optimiste les
agents qui achètent ces titres peuvent toujours se couvrir contre des risques de défaut en trouvant d’autres
acteurs prêts à prendre les risques à leur place. L’optimisme stimule les stratégies de couverture/spéculation.
Document 80 : la dimension microéconomique de la crise est primordiale
La crise financière de l’été 2007 a rapidement été comparée à celle de 1929. Avec un peu de recul, on
s’aperçoit que les origines des deux crises sont fort différentes. La dernière crise ne peut se comprendre sans
une lecture microéconomique approfondie, complémentaire de l’analyse macroéconomique. Car cette crise est
avant tout le produit, d’une part, de la défaillance de la régulation, d’autre part, de la multiplication des
situations d’aléa moral sur les marchés financiers. L’aléa moral, traduction littérale et un peu obscure du terme
moral hazard, désigne, dans l’environnement de l’assurance, l’éventualité qu’un agent assuré prenne des
risques qu’il n’encourrait pas s’il n’était pas couvert, accroissant de ce fait la probabilité d’occurrence du
sinistre. J’utiliserai dans ce chapitre une acception plus large de ce terme empruntée à Adam Smith, qui définit
l’aléa moral comme le risque résultant de décisions de maximisation de l’utilité individuelle prises par des
agents n’en supportant pas pleinement les conséquences négatives collectives. (…)
Un prêt subprime est un crédit hypothécaire octroyé à un ménage américain dont la capacité de remboursement
est faible. (…) Entre le second semestre 2007 et le premier semestre 2008, arrivent à échéance de la période de
taux d’intérêt fixe environ 900 milliards de prêts subprimes, et le passage, pour les bénéficiaires, d’un taux
d’intérêt fixe de 1% à un taux d’intérêt variable d’environ … 10%. Sous une perspective macroéconomique, le
risque de perte associé au défaut des emprunteurs reste donc limité. L’encours des prêts hypothécaires
américains en 2007 est de 10 000 milliards de dollars, le segment subprimes ne représentant que 1 200
milliards. Si le taux de défaut est de 20% et que la valeur de recouvrement est de 50%, la perte réelle directe
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supportée par les banques n’est que de 120 milliards de dollars. (…) Les prets subprimes étaient en réalité pour
la plupart titrisés, c’est-à-dire cédés instantanément à une structure vierge, appelée véhicule (SPV) et dont le
financement était assuré par émission de titres obligataires (…) achetés par des investisseurs. Les banques qui
octroyaient les prêts subprimes ne supportaient donc pas le risque qui leur était associé, le transférant à des
investisseurs disposant d’une information et expertise probablement inférieures à celle des banques émettrices
des prêts. La titrisation est l’expression de la déconnexion entre la décision et le risque associé à cette décision,
et à ce titre l’un des supports privilégiés des comportements d’aléa moral. (…) Certains investisseurs achetaient
ces créances titrisées pour à leur tour les céder à une autre structure vierge et émettrice de titres achetés par
d’autres investisseurs, la mécanique pouvant se reproduire selon les mêmes modalités. Les différents étages de
la titrisation avaient pour conséquence de diluer de manière opaque le risque dans des portefeuilles de banques,
de fonds, d’assurance, cette opacité ayant joué un rôle important dans le développement de la crise financière.
(…) Et l’opacité implique une dégradation de la confiance vis-à-vis de toutes les contreparties, banques,
assureurs, fonds … dont on imagine qu’elles puissent détenir des actifs titrisés. Là est la vraie raison de la crise
de confiance qui s’est emparée des marchés au cours de l’été 2007. On peut penser que si les crédits
hypothécaires étaient restés dans le bilan des institutions émettrices, d’une part, l’exposition globale eût été plus
faible (la possibilité de transférer le risque incitant à l’octroi des prêts), d’autre part, les établissement touchés
eussent été identifiés et la crise de liquidité sur le marché monétaire d’une ampleur moins grande. (…)
Y a-t-il une opération financière illustrant mieux l’aléa moral que la titrisation ? La titrisation organise en effet
le transfert du risque, des banques vers les investisseurs, et soustrait les premières de la responsabilité des
conséquences de leur décision individuelle. c’est sans doute la raison pour laquelle A.Smith affirmait que l’aléa
moral était l’un des plus grands dangers du capitalisme, en ce sens qu’il rompait le lien entre décision et
responsabilité. (…)
La crise financière est le produit de la défaillance de la régulation et de la multiplication de situations d’aléa
moral sur les marchés financiers. Ses origines sont avant tout d’ordre microéconomique. (…) Le déficit de la
balance des paiements courants américain, en dégageant un excès d’épargne disponible en Asie à la recherche
de placements diversifiés, a certes constitué un cadre favorable au développement de la crise en rendant
possible la diffusion internationale des créances titrisés, tout comme la politique monétaire de bas taux d’intérêt
conduite par A.Greenspan a permis l’accélération de l’octroi des prêts immobiliers. Mais ces données
macroéconomiques n’ont dessiné qu’une environnement favorable au développement de la crise, dont l’origine
reste la défaillance des règles du marché, du contrôle de leur application et du comportement des acteurs.
Source : Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011, p.190-193
Document 81 : en résumé, une fragilisation accrue du système financier
La crise des subprimes s’explique par la conjonction de nombreux phénomènes : des déséquilibres
macroéconomiques, des dysfonctionnements microéconomiques doublés de pratiques financières à haut risque.
Sur le plan macroéconomique, le modèle de base est celui de la théorie du surendettement inspiré des travaux
d’Irving Fisher en 1933. Traditionnellement, tout part d’un choc de productivité qui a une incidence positive
sur la croissance, qui elle-même nourrit les anticipations de profits et se traduit par une augmentation des
investissements et donc du crédit. cette dynamique porte toutefois en elle plusieurs mécanismes de stabilisation.
En effet, l’expansion du crédit est, normalement, limitée par la hausse de l’inflation qui a pour conséquence le
durcissement de la politique monétaire et une remontée des taux d’intérêt. En outre, les banques se voient
contraintes dans leur offre de crédit par leurs besoins en fonds propres. sauf que sur la période récente, ces
stabilisateurs n’ont pas joué comme à l’accoutumée. La croissance soutenue dans les pays émergents se traduit
à la fois par des excédents commerciaux et par un fort taux d’épargne (Chine). Il s’en suit une forte hausse des
liquidités au niveau mondial (1). Pour autant, l’inflation n’augmente pas, en partie en raison du renforcement de
la crédibilité des banques centrales (2). Cela conduit à une baisse des primes de risques (3) et des taux d’intérêt
de long terme (4) qui alimentent le crédit (5). Celle-ci nourrit la hausse du prix des actifs (notamment
immobiliers) (6) qui valident, de fait, l’expansion du crédit (7) et se traduit par une hausse de la consommation
(8) et un renforcement de la croissance (9).
Par ailleurs, au niveau microéconomique, tous les ingrédients de la crise sont réunis. L’exigence de rentabilité
(1) conjuguée à la baisse des primes de risques, attise la concurrence entre les intermédiaires financiers (2). De
leur côté, les banques réagissent en relâchant les critères d’attribution des prêts (3). Par ailleurs, de nouveaux
instruments révolutionnent les pratiques bancaires (4). En même temps, les nouvelles normes prudentielles (5)
créent une hausse des besoins en fonds propres qui poussent, là encore, les banques à innover (6). Au final, on
se trouve avec des cohortes de crédits faits à des populations de plus en plus fragiles et des structurations de
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plus en plus complexes de ces crédits (à partir du triplet origination-structuration-distribution) qui permettent
de financer la progression du collatéral (bulle sur les actifs) et masquent les risques et leur répartition.
Source : rapport du CAE « De la crise des subprimes à la crise mondiale », p. 38-40
Document 82 : déséquilibres macroéconomiques et dysfonctionnements microéconomiques
Déséquilibres macroéconomique
Dysfonctionnements microéconomiques
Dans un contexte d’inégalités croissantes des revenus = le seul moyen pour maintenir le niveau de demande
(donc éviter la récession) est de facilité l’accès aux crédits des ménages dont les revenus augmentent peu ; d’un
côté, les taux sont bas ; de l’autre, les prêteurs prêtent d’autant plus facilement qu’ils ne gardent pas les risques
;
4.2 Les conséquences de la crise des subprimes : sa diffusion à la sphère « réelle »
Document 83 : La diffusion de la crise : de la crise immobilière à la crise de l’économie réelle
A partir de 2005, la politique monétaire se resserre aux Etats-Unis : le taux de refinancement interbancaire
augmente. Ce resserrement de la politique monétaire provoque une hausse des défaillances des ménages
« subprimes » à partir de 2006. Pour récupérer leurs créances les prêteurs augmentent les saisies et vendent les
biens immobiliers, mais le volume de vente est tel que les prix cessent de monter, puis chute à partir de fin
2007. La crise des subprimes est d’abord une crise immobilière. Puis elle devient une crise bancaire lorsque la
hausse des défauts empêche la rémunération des actifs issus de la titrisation et que les prix des biens
hypothéqués s’effondrent. L’actif du bilan des banques est endommagé. Une crise de confiance s’installe dans
le système financier qui aboutit à un assèchement du marché interbancaire. La crise de liquidité pousse les
banques d’investissement les plus fragilisées vers la faillite (Lehman Brothers ou Bear Sterns). La crise
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bancaire se diffuse aux marchés financiers car les agents cherchent en priorité les titres sûrs et délaissent les
marchés risqués. Elle produit également un credit crunch qui affecte négativement l’activité économique. Les
stratégies de désendettement des agents achèvent de plonger l’économie dans la dépression. La crise devient
une crise de l’économie réelle.
Document 84 : la diffusion à la sphère réelle
La crise qui début en 2007 est globale en ce sens qu’elle affecte tous les pays. Mais aussi parce qu’elle touche à
tous les segments de la finance et de l’économie. depuis les premiers soubresauts en 2007, la crise n’a, en effet,
cessé de muter : elle a successivement pris la forme d’une crise immobilière, d’une crise de la finance
structurée, d’une crise de liquidité, d’une crise bancaire, d’une crise boursière, d’une crise de confiance et stade
ultime, d’une crise économique.
Le resserrement de la politique monétaire aux Etats-Unis a enclenché à la hausse des taux de défaut des
ménages américains (1), conduisant à des ventes en détresse (2), et à une baisse des prix de l’immobilier (3).
Rapidement la crise a dépassé la sphère de l’immobilier pour atteindre celle de la finance structurée ; les
banques d’affaires, comme le banques commerciales, ont commencé à accumuler les pertes (4). L’assèchement
des liquidités qui a suivi (5) a dégénéré en crise de confiance (6), crise autoentretenue par la faillite ou quasi
faillite de nombreuses institutions financières (7). La contagion aux marchés boursiers ne se fait pas attendre.
Après les banques, ce sont toutes les valeurs de la cote qui ont vu leurs cours s’effondrer, dans les pays
développés comme dans les pays émergents. Les banques ont alors été forcées de réduire leurs engagements
provoquant une contraction du crédit (8) D’autant que la crise boursière venait diminuer la valeur des
collatéraux (9). Un an après le début de la crise, le monde entrait dans une grave récession (10).
Source : rapport du CAE « De la crise des subprimes à la crise mondiale », p. 38-40
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5. Stabilisation et régulation du système financier
5.1 Stabiliser le système financier au moment de la crise
5.1.1 Le rôle de prêteur en dernier ressort (PDR) par la Banque Centrale et l’Etat
Document 85: la place particulière des banques dans le fonctionne
La faillite d’un acteur du système financier peut avoir des répercussions sur l’ensemble du secteur par un effet
domino. L’insolvabilité d’une banque peut entraîner l’insolvabilité d’autres banques. Mais la faillite d’un acteur
peut aussi conduire à une défiance généralisée des acteurs entre eux. Certains acteurs qui ne rencontrent pas de
problèmes de solvabilité particulier peuvent alors être touchés à leur tour. Cette crise de défiance généralisée se
traduit en effet par un assèchement du marché monétaire interbancaire, celui sur lequel les banques viennent
quotidiennement chercher de la liquidité. Or, les banques ne sont pas des acteurs économiques comme les
autres puisqu’elles assurent le financement de l’activité économique : elles rendent possible des projets qui vont
ensuite créer de la richesse. Une crise du système bancaire se répercute nécessairement sur l’activité réelle.
Pour éviter ce type de situation, les pouvoirs publics peuvent décider d’intervenir directement auprès des
banques en crise.
Cela peut être le cas d’un Etat qui va recapitaliser, nationaliser ou prêter à un établissement bancaire qui
menace de faire faillite. Par exemple, la France a créé en 2008 la Société de financement de l’économie
française (SFEF) et la Société de prise de participation de l’Etat (SPPE). Ces deux organismes émettent des
titres sur les marchés pour se financer, et ces émissions sont garanties par l’Etat. La SFEF prête ensuite aux
banques qui en font la demande, tandis que la SPPE acquiert directement des titres émis par les établissements
bancaires en difficulté afin de renforcer leurs fonds propres. Dans ce système, le contribuable n’est pas sollicité
pour venir en aide aux banques, mais en cas de défaut de celles-ci c’est bien le déficit public qui se creuse.
Entre 2007 et 2009, l’apport des capitaux publics auprès des banques dans les principaux pays touchés par la
crise des subprimes s’est élevé à environ 1000 milliards de dollars.
Document 86: la banque centrale fournit la liquidité indispensable aux banques sur le marché monétaire
La crise des subprimes naît en juin 2007, lorsque la banque Bear Stearns annonce la fermeture de deux fonds
investis en produits structurés de crédits adossés à des prêts hypothécaires de mauvaise qualité. L’annonce est
retentissante sur les marchés des capitaux (…). S’ensuit alors une grave crise de confiance, les banques n’osant
plus se prêter entre elles des liquidités, y compris à 24h, dans la crainte de ne pas être remboursées. Cette crise
de confiance conduit, début août, à une interruption presque totale des transactions sur le marché monétaire,
(…) qui fournit l’oxygène indispensable à l’activité d’octroi de crédit bien sûr, mais également aux échanges
quotidiens de masse monétaire entre agents économiques, dont le support est le chèque ou le virement
électronique. Sans marché monétaire interbancaire, les banques, qui prêtent sans disposer de ressources
préexistantes, tomberaient en faillite. L’assèchement du marché monétaire interbancaire début août 2007
impose l’intervention des Banques centrales, obligées d’exercer leur rôle de « prêteur en dernier ressort » en
apportant quotidiennement la monnaie centrale nécessaire à la couverture du solde du marché monétaire
interbancaire. (…) La BCE était dans l’obligation d’apporter quotidiennement le solde du marché monétaire
interbancaire de la zone euro, soit environ 200 milliards d’euros pour éviter la faillite des banques. Ces
concours se faisaient sous la forme d’opérations exceptionnelles de refinancement sur un horizon très court, la
plupart du temps 24h. La Fed apportait de son côté un refinancement quotidien d’environ 300 milliards de
dollars. (…) Il a fallu attendre 2009 pour que le marché monétaire retrouve, tant en Europe qu’aux Etats-Unis,
son visage habituel.
Source : D.Marteau « Les marchés des capitaux », Cursus, 2011
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Document 87: la banque centrale, l’action en tant que PDR
Refinancement des
banques en monnaies
centrales
Marché monétaire interbancaire
Echanges interbancaires : marché
paralysé / crise de confiance
Echanges avec la banque centrale
La fourniture de liquidité qui ne peut
s’opérer entre banques est réalisée par la
banque centrale : rôle de PDR
Document 88 : l’Etat intervient pour prêter aux banques
Les banques centrales se sont substituées au marché monétaire dès le début de la crise, mais les membres de
l’Eurogroupe ont considéré qu’il était du devoir des Etats de participer au refinancement et d’éventuellement
relayer la BCE. Ainsi a été créée en France (première proposition du plan Lagarde), en novembre 2008, la
Société de financement de l’économie française (SFEF) dont le capital de 50 millions d’euros est partagé entre
les banques et l’Etat. Pour se financer cette société émet sur le marché des obligations garanties par l’Etat
(plafond de 320 millions d’euros). les fonds ainsi collectés servent à répondre aux demande de prêt des
banques. (…) Le contribuable n’est donc pas sollicité, (…) cependant en cas de défaut de l’une des banques
emprunteurs, l’Etat en tant qu’assureurs devra rembourser les créanciers obligatoires (…), cette action pouvant
contribuer à l’accroissement du déficit.
Source : D.Marteau « Les marchés des capitaux », Cursus, 2011, p. 212
Document 89 : l’Etat intervient pour recapitaliser les banques
La seconde proposition du plan Lagarde est la recapitalisation des banques, dont le ratio d’exigence
réglementaire a été négativement affecté. (…) Le plan prévoit une recapitalisation des banques française à
hauteur de 40 milliards d’euros. Les titres émis par les banques sont souscrits par la Société de prise de
participation de l’Etat (SPPE). (…) Le 20 octobre 2008, le gouvernement français annonce avoir organisé une
première souscription à hauteur de 10,5 milliards d’euros (SG, BNP, CA, CM, Natixis notamment). (…) Cette
opération est acceptée après une difficile négociation avec la Commission européenne, qui y voit un risque de
distorsion de concurrence entre établissements aidés et ceux qui ne le sont pas. (…) La dette émise par la SPPE,
organisme d’Etat, est assimilée à la dette publique et en conséquence inscrite dans les indicateurs
« maastrichiens » de dette publique.
Source : D.Marteau « Les marchés des capitaux », Cursus, 2011, p. 217
Document 90 : le coût de la recapitalisation bancaire après la crise des subprimes
Après la faillite de Lehmann Brothers et les menaces d’écroulement de l’ensemble du système bancaire
mondial, les banques ont connu une première et massive recapitalisation notamment par des apports de
capitaux publics. Associée à des politiques plus prudentes de gestion du capital, cela a permis une amélioration
significative des ratios de solvabilité. Selon la Banque de France, du troisième trimestre 2007 au troisième
trimestre 2009, les levées de capitaux effectuées aux États-Unis ont représenté plus de 500 milliards de dollars.
Durant la même période, 232 milliards de dollars ont été levés dans la zone euro, 157 milliards au RoyaumeUni, 51 milliards en Suisse et 67 milliards au Japon.
Source : lafinancepourtous.com
Document 91 : le coût de la recapitalisation boursière après la crise des dettes souveraines en Europe
L’aggravation de la crise des dettes publiques en Europe et en premier lieu de la crise de la dette grecque à l’été
2011 et le nouveau ralentissement économique de l’Europe ont relancé les inquiétudes et le manque de
confiance à l’égard de la solidité des banques européennes. Cela s’est traduit par une nouvelle crise de
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liquidités des banques trouvant plus difficilement à se refinancer sur le marché interbancaire risquant de
dégénérer en une nouvelle crise bancaire.
Les inquiétudes proviennent notamment des pertes que les banques devront enregistrer sur la dette grecque et
de celles qu’elles pourraient avoir à enregistrer en cas de situation semblable du Portugal, de l’Italie ou de
l’Espagne. Les banques européennes ont, en effet, acquis notamment ces dernières années une part significative
des dettes publiques émises par leurs Etats et par les autres Etats européens.
Face à ces menaces, la Commission européenne s’est prononcée le 12 octobre 2011 en faveur d’une
recapitalisation « coordonnée et ciblée » des banques européennes comme le préconisait l’Agence Bancaire
Européenne (Autorité européenne de contrôle des banques). Il s’agira pour chacune des banques européennes
d’avoir, dès juillet 2012, un niveau de fonds propres correspondant à un ratio de solvabilité de 9 % de fonds
durs (appelé ratio core tier 1). C’est au-dessus des règles adoptées par la BRI (Banque de Règlements
Internationaux) après la crise des subprimes. Cette exigence a été retenue par les chefs d’Etat et de
gouvernement de l’Union lors de la réunion du Conseil européen, le 26 octobre. L’Autorité européenne de
contrôle des banques (EBA - European Banking Authority) a établi fin octobre que, pour l'ensemble des pays
européens, la recapitalisation nécessaire était de 106,4 milliards d'euros en tenant compte notamment de
l’impact différencié de la nouvelle restructuration de la dette grecque. Les banques de ce pays auront besoin de
30 milliards d'euros, les banques espagnoles de 26,1 milliards, les italiennes de 14,77 milliards, les banques
allemandes de 5,2 milliards. S’agissant des banques françaises, elles devront augmenter leurs fonds propres de
8,8 milliards d’euros.
Source : lafinancepourtous.com
Document 92 : Banques centrales et Etats comme PDR
Banques centrales
Prêt aux banques pour
obtenir de la liquidité
Etats
Recapitalisation des banques =
augmenter leurs fonds propres car leurs
réserves sont insuffisantes
5.1.2 La pratique du prêteur en dernier ressort : quelles difficultés et contraintes ?
Document 93
Il existe une doctrine du PDR développée par Walter Bagehot dans son livre « Lombard Street » en 1873
(Lombard street est la rue historique de Londres où se trouve la Banque d’Angleterre et de grandes
établissements financiers). Pour Bagehot, le PDR doit être capable de distinguer entre une crise de solvabilité et
une crise de liquidité. L’insolvabilité relève d’une erreur de gestion de la banque et le prêteur en dernier ressort
n’a pas à intervenir. La banque (ses propriétaires) doit assumer seule ses erreurs. La crise de liquidité découle,
quant à elle, d’une crise de confiance qui paralyse le refinancement des banques. Celles-ci se trouvent
« coincées » entre des agents qui veulent récupérer leurs liquidités rapidement (le bank run) et des créances qui
ne sont pas transformables en liquidité rapidement. C’est la nature même de l’activité de transformation
bancaire qui conduit au risque d’illiquidité. Dans ce cas seulement, le PDR doit intervenir. L’activité de
transformation des intermédiaires financiers a cela de particulier, qu’elle peut mettre en difficulté un
établissement alors même qu’il est parfaitement solvable.
Document 94 : établissements de grande taille et aléa moral
Pourtant la pratique du prêteur en dernier ressort fait débat. Que faut-il faire lorsqu’un établissement est de
suffisamment grande taille pour que sa faillite ébranle le système financier tout entier ? Faut-il le laisser faire
faillite en cas de crise de solvabilité comme le recommande W.Bagehot ? Historiquement, la réponse a souvent
été différente. Durant la crise des subprimes, l’Etat fédéral américain est venu en aide à Bear Stearns mais il a
laissé Lehman Brothers faire faillite. La pratique est que dans de nombreux cas les établissements sont
considérés comme « too big to fail » (« trop grand pour faire faillite »). Or, cette situation entraîne de l’aléa
moral et renforce la fragilité du système financier. Lorsque les établissements anticipent – en raison de leur
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taille – qu’ils seront sauvés de la faillite, alors ils adoptent des comportements moins prudents, qui les
conduisent plus facilement vers la faillite. Il arrive donc, comme dans le cas de Lehman Brothers que l’Etat
refuse d’endosser le rôle de PDR, mais généralement ce n’est pas le cas et on se retrouve face à la situation
suivante : « pile la banque gagne, face le contribuable perd ».
C’est pour cela que le rôle de la régulation du système financier est primordial. Une fois la crise déclenchée il
est difficile de ne pas intervenir. Il faut donc être en mesure de réguler en amont le fonctionnement du système
financier pour empêcher la survenue de crises.
Document 94: la pratique du PDR selon W.Bagehot (1873)
Une banque doit se refinancer sinon elle ne peut
pas de continuer son activité
Distinguer deux cas
La banque est en situation de crise de
liquidité/solvabilité liée à son activité de
transformation (elle ne peut mobiliser rapidement son
actif, mais elle possède un actif)
La banque est en situation de crise de liquidité/
solvabilité parce qu’une partie de son actif a
« disparu » (défaillances des emprunteurs)
Il faut aider/ne pas aider ce type de banque car le
risque de liquidité est consubstantiel à l’activité
bancaire
Il ne faut pas aider/ne pas aider ce type de banque car
le risque de solvabilité signifie une mauvaise gestion
L’aide a un coût élevé pour inciter les banques à ne
pas connaître de crise de liquidité
Document 95: la faillite de Lehman Brothers, un exemple de non intervention au non d’une mauvaise
gestion
Les autorités monétaires américaines n’ont pas sauvé Lehman Brothers de la faillite alors qu’elles ont aidé à
renflouer Bear Stearn, Fannie Mae et Freddy Mac. Pourquoi ? Essentiellement parce qu’il fallait, à un moment
donné, signifier au marché que les banques d’investissement devaient assumer leurs pertes et éviter de nourrir
l’impression délétère selon laquelle « pile, ces institutions financières gagnent, et face, c’est l’Etat et donc le
contribuable qui perdent ».
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 274
Document 96 : le cas des établissements de dépôts
Le problème se pose toutefois différemment quand une grande banque de détail, qui gère les dépôts des petits
épargnants, menace de faire faillite. Dans ce cas, il faut assurer la protection des déposants et éviter que la
faillite de cette banque ne mette en péril d’autres grandes banques de détail. L’Etat ne peut donc laisser tomber
une institution de ce type-là et doit impérativement organiser son sauvetage.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, première édition, 2010, p. 274
Document 97 : distinguer banque d’investissement et banque de détail
Conséquence d’une faillite
D’une banque d’investissement
D’une banque de détails
sur la gestion des instruments de
paiements et les règlements
interbancaires entre AE
Sur les dépôts des épargnants
ESH – ECE 2 Camille Vernet
Nicolas Danglade 2016-2017
37
Document 98 : les banques « systémiques »
« Pile les banques gagnent, face la collectivité perd ! » Cette expression résume bien le problème de l’aléa
moral qui affecte le système financier. Les banques engrangent en effet beaucoup de profit lorsque tout va bien
et font supporter à la collectivité le coût de leurs difficultés quand la situation se dégrade. En effet, lorsque les
banques sont en difficulté, les superviseurs et les Etats sont obligés d’organiser leur sauvetage. Ne pas le faire
expose à une crise systémique. Les faillites bancaires sont hautement contagieuses et ce, pour plusieurs
raisons : les banques sont liées les unes aux autres sur le marché interbancaire ; les déposants peuvent paniquer
et perdre confiance à l’annonce d’une difficulté touchant une banque comparable à la leur ; la perte de
confiance dans l’état de santé d’un établissement amène immédiatement à suspecter des problèmes dans
d’autres …. C’est pour cette raison qu’on ne laisse généralement pas tomber un établissement bancaire. C’est
d’autant plus vrai qu’il est « systémique ». Le caractère systémique d’un établissement se rapport à sa taille (too
big to fail) mais pas seulement. La densité des liens financiers qu’il entretient avec d’autres établissements ou
la nature même de son activité (le fait de gérer des dépôts par exemple ou d’opérer toute autre activité jugée
essentielle) peuvent le rendre systémique.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 335
Document 99: le poids des banques en % du pib domestique
Document 100 : les difficultés et contraintes qui entourent l’application du PDR
Il ne faut aider que les banques en crise de
solvabilité, mais
difficultés
Il faut être en mesure de
distinguer une crise de
solvabilité d’une crise de
liquidité : est-ce que les actifs
ont perdu leur valeur car ils
sont intrinsèquement mauvais
ou en raison de la chute des
marchés ?
ESH – ECE 2 Camille Vernet
Nicolas Danglade 2016-2017
contraintes
Un taux d’intérêt
trop élevé pénalise
la banque
Certains établissements sont
considérés comme
« systémiques » donc TBTF
Certains IF non
bancaires sont
eux aussi TBTF
risque d’aléa moral
38
Document 100
C’est pour cela que le rôle de la régulation du système financier est primordial. Une fois la crise déclenchée il
est difficile de ne pas intervenir. Il faut donc être en mesure de réguler en amont le fonctionnement du système
financier pour empêcher la survenue de crises.
5.2 La régulation financière (en amont) : surveillance des acteurs, supervision
microprudentielle et supervision macroprudentielle
Document 101
Selon Jean Tirole (Economie du bien être, 2016), la régulation du système financier a deux objectifs :
- empêcher les comportements nocifs de certains acteurs sur les marchés financiers (arnaques et
manipulations). En France, c’est le rôle de l’AMF (l’Autorité des marchés financiers) ;
- s’assurer de la solvabilité des intermédiaires financiers. Il s’agit de protéger les clients des difficultés
que pourraient rencontrer les intermédiaires financiers où ils déposent leur épargne, les contribuables du coût
du refinancement du système bancaire en cas de crise, et l’ensemble du système économique d’une défaillance
du système de financement de l’économie. Avec la création de l’Union bancaire (2014), la BCE s’occupe de la
supervision des établissements de taille européenne et l’ACPR (l’Autorité de contrôle prudentiel et de
résolution) des établissements français de taille « nationale ».
5.2.1 La surveillance des acteurs pour éviter les arnaques et les fraudes
Document 102
Certains acteurs des marchés des capitaux peuvent chercher à manipuler les marchés, ou utiliser l’information
qu’il possède de manière opportuniste (au détriment des autres). Voici quelques exemples de scandales
financiers récents : en 2008, de grandes banques mondiales sont accusés de manipuler le taux de refinancement
interbancaire manipulation (scandale du Libor), en 2008 éclate l’affaire Madoff (ancien président du Nasdaq, il
monte un fonds d’investissement qui fonctionne sur le principe du pyramide de Ponzi), en 2015 scandale des
crédits indexé en Francs suisses auprès de 500 collectivités territoriales et centres hospitaliers français, en 2013
l’AMF condamne pour délit d’initié un trader à 14 millions d’euros et son informateur à 400 000 d’euros lors
de l’OPA de la SNCF sur Geodis, En 2014 et 2015 les scandales LuxLeaks et SwissLeaks montrent que
certaines banques profitent des écarts de législations nationales pour pratiquer le blanchiment et la fraude
fiscale.
Pour G.Akerlof et R.Shiller (Marchés de dupes, 2016) « les arnaques pratiquées sur les marchés financiers
sont la principale cause des crises financières qui ont provoqué et provoquent encore les plus grandes
récessions. (…) A chaque fois, bien sûr, les histoires sont différentes, ce ne sont pas les mêmes entreprises et
les offres diffèrent. Mais cela revient à chaque fois, finalement, au même. Il y a des arnaqueurs et il y a des
dupes. » La régulation du système financier est alors nécessaire puisque « quand les marchés sont totalement
libres, la liberté de choix ne va pas sans liberté de tromper et de manipuler. »
5.2.2 Le cadre de la supervision microprudentielle
Document 103
La supervision dite microprudentielle consiste à agir sur le comportement individuel des acteurs du système
financier afin qu’ils ne se retrouvent pas en situation d’insolvabilité et donc de faillite.
Le Comité de Bâle a été créé après la faillite de la banque allemande Herstatt en 1974 (qui provoque une crise
du marché des changes) afin de définir les critères de régulation qui concernent les établissements bancaires. Se
sont succédés les accords de Bâle 1 (en vigueur jusqu’en 2007), les accords de Bâle 2 (2007-2013) et les
accords de Bâle 3 (depuis 2013).
Cette régulation se base sur trois axes : les obligations de communication des informations, le contrôle interne
et les exigences de fonds propres.
La diffusion d’information permet de comparer les établissements entre eux : les moins bons devraient être
délaissés par leurs clients au profit des meilleurs. C’est un exemple d’application du principe de la discipline de
marché. Les établissements devraient donc être incités à respecter la réglementation microprudentielle. Les
critères de Bâle 2 ont fait évoluer les méthodes d’évaluation des risques, en ouvrant l’évaluation interne aux
agences de notations.
ESH – ECE 2 Camille Vernet
Nicolas Danglade 2016-2017
39
C’est véritablement l’exigence de fonds propres qui est au cœur du dispositif. Il s’agit de déterminer le montant
de fonds propres que l’établissement doit conserver compte tenu des risques associés aux actifs qu’il possède.
La succession des accords de Bâle a consisté à renforcer le montant des fonds propres obligatoires. L’objectif
de ces fonds propres est de permettre aux banques de pouvoir faire face à des pertes liées aux défaillances des
emprunteurs ou au risque de marché, c’est-à-dire de rester solvables lorsque leur actif se détériore. L’accord
Bâle 3 introduit une obligation de détention d’actifs sous forme liquide et une obligation de ressources stables
(par exemple détenir des titres du Trésor américain). Ce critère a pour objectif de permettre aux banques de
pouvoir faire face à une crise de liquidité provenant soit d’un bank run, soit d’un assèchement du marché de
refinancement interbancaire (comme se fut le cas en 2008).
Document 104 : les différents accords de Bâle
La crise a révélé l’insuffisance de ces dispositifs dit prudentiels. A peine Bâle 2 entrait en application que les
ministères des Finances en appelaient à renforcer la régulation financière lors d’une première réunion
d’urgence du G20 organisée à Washington en novembre 2008. (…) Le G20 s’engageait à ce que de nouvelles
règles rentrent en vigueur à partir de début 2013. Cette fois le Comité de Bâle a du faire vite. En septembre
2010, il communiquait le contenu des accords de Bâle 3. (…) Il était recommandé que les banques respectent
une contrainte de fonds propres renforcée en quantité et en qualité. Alors que les banques pouvaient auparavant
respecter la contrainte de 8% minimum de fonds propres avec seulement 2% de vrais fonds propres (actions et
réserves), Bâle 3 recommande d’élever cette contrainte à 4,5 à partir de 2013 et à 7% à partir de 2019. (…)
Bâle 3 s’attaque aussi au risque de liquidité en introduisant deux ratios : l’un oblige les banques à détenir
suffisamment d’actifs liquides pour faire face, sur une période de 30 jours, à leurs sorties nettes de trésorerie ;
l’autre, plus structurel, oblige les banques à mieux proportionner leurs ressources stables à leur passif aux
besoins de financements stables à leur actif. Ces deux ratios de liquidités, qui contraindront la capacité de
transformation des banques, effraient beaucoup ces dernières qui, avant la crise, avaient repoussé très loin les
limites de la transformation (de moins en moins de ressources stables, de moins en moins d’actifs liquides), à
tel point d’ailleurs que celle-ci n’avait plus grand-chose à voir avec la transformation (de dépôts en crédits)
censée faire la raison d’être des banques dans les théories de la banque.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 320-324
Document 105 : les instruments de la supervision micro
Contraintes de fonds
Evaluation des
Transparence de
propres
risques
l’information
Pourquoi ?
Objectif
de
supervision
la Améliorer la solidité des banques (éviter les situations de faillites ; les
prises de risque excessives et la contrainte de liquidité trop forte)
Document 106 : l’articulation des instruments de la supervision micro
Des contraintes de fonds
propres pour faire face à des
chocs de solvabilité (Bâle 1
et 2) et de liquidité (à partir
de Bâle 3)
Une évaluation des risques en
interne et en externe
(agences de notations ; à partir
de Bâle 2)
Une communication des
informations auprès des AE à
capacité de financement :
discipline de marché (bonne
gestion des établissements sinon
les AE les fuient)
5.2.3 Les limites de la supervision microprudentielle
Document 107
Les normes microprudentielles ont un effet pro-cyclique très marqué. Les réserves à constituer sont calculées
en fonction du risque estimé associé à chaque série d’actif. En phase de croissance, ce risque est faible, donc la
constitution de réserve est aisée. En phase de retournement au contraire, les risques augmentent, ce qui
implique un effort de constitution de fonds propres plus important. La contrainte réglementaire devient ainsi de
ESH – ECE 2 Camille Vernet
Nicolas Danglade 2016-2017
40
plus en plus difficile à satisfaire. En conséquence, les banques réagissent en fermant le robinet du crédit afin de
réorienter une partie de leurs ressources vers le respect des obligations prudentielles. C’est pour cela que
certains économistes militent pour la mise en place d’un coussin contra-cyclique de fonds propres. Bâle 3 a
introduit, timidement, cet instrument en faisant varier le montant des fonds propres de 0% à 2,5% en fonction
du cycle économique. Le coussin contra-cyclique consiste tout simplement à faire augmenter la constitution de
fonds propres quand « tout va bien », et donc quand la contrainte de constitution de réserve est faible. Cela
permet aux banques de rentrer dans une phase de crise avec un « matelas » de fonds propres, et donc de réduire
l’exigence de constitution de fonds propres à ce moment là.
De nombreuses « affaires » ont souligné à quel point le contrôle interne des établissements bancaires pouvait
être défaillant dans sa mesure du risque (la Société Générale et l’affaire Kerviel par exemple). Du côté des
agences de notation, elles agissent généralement de manière pro-cyclique. Par exemple, dans la phase de boom
des crédits subprimes, elles ont toutes donné des notes généreuses aux actifs issus de la titrisation, renforçant la
confiance et incitant les échanges pour ces titres.
Il existe une véritable dialectique de la supervision, qui pousse les banques à contourner les contraintes qui leur
sont imposées. Dans Blabla banques Jézabel Couppey-Soubeyran (2015) rappelle que le lobby bancaire accuse
toujours la régulation d’être un frein à la croissance et au bien-être collectif. Les banques cherchent à échapper
à la régulation, c’est ce qu’elles ont fait en participant au développement du shadow banking. Afin de limiter la
constitution de fonds propres, les banques ont « sorti » de leurs bilans les actifs à risque et les ont confié à des
établissements non soumis à la régulation bancaire. Le shadow banking se développe car il n’est pas contraint
par la régulation bancaire et les banques l’utilisent pour « externaliser » cette contrainte.
En se focalisant sur les banques de détails, la régulation omet les autres établissements qui peuvent être
cependant de taille systémique. Ainsi au moment de la crise des subprimes, l’Etat américain a du venir en aide
à des établissements ne relevant pas du système de régulation comme la banque d’affaire Bear Sterns et en
1998. Le cadre d’application de la supervision microprudentielle n’est donc pas assez large.
Problèmes
posés par
Document 108 : limites de la supervision micro
Le contrôle et la
Le mesure des
L’exigence de fonds propres
mesure du risque
actifs à la valeur de
marché
Défaillance des
Effet pro-cyclique
Effet pro-cyclique
Technique pour se
agences de notation
soustraire à la
et du contrôle
contrainte
interne
5.2.4 La nécessité d’une supervision macroprudentielle
Document 109 : une régulation de l’ensemble des relations
L’objectif de la supervision macroprudentielle est de tenir compte des interactions entre les établissements.
Elle cherche donc à réguler un risque « systémique » (ou global) et non pas seulement « individuel ». La
surveillance du risque global consiste à observer comment la chute de la valeur d’un actif détériore l’ensemble
des bilans des établissements financiers, comment cette dégradation produit des effets croisés, et comment la
perte généralisée qui en découle va paralyser les marchés. Elle vise également à contrôler l’impact du
fonctionnement du système financier sur l’économie réelle.
Document 110 : un instrument de mesure des interactions, le stress test
Le stress test est le principal instrument utilisé pour mesurer l’impact des interdépendances entre
établissements. Ils sont utilisés pour les banques et les assurances. Aux Etats-Unis, depuis le Dodd-Frank Act
de 2010, les résultats des stress tests sont publiés annuellement.
Document 111: les stress tests, indicateurs de fragilité systémique
Les stress tests forment un type d’indicateurs utile pour le déclenchement de mesures macroprudentielles. Ils
visent à mettre en évidence des vulnérabilités en mesurant la réaction du système financier, et plus
ESH – ECE 2 Camille Vernet
Nicolas Danglade 2016-2017
41
spécifiquement des institutions financières (banques et assurances), à des chocs de grande ampleur mais
réalistes. La crise actuelle a conduit à des changements importants visant à renforcer leur rôle. Publiés
annuellement aux Etats-Unis depuis le Dodd-Franck Act, ils sont réalisés de façon fréquente par les
superviseurs. (…) Il existe un grand nombre d’objectifs intermédiaires des politiques macroprudentielles. (…)
On peut distinguer
Source : O.de Bandt, F.Drumetz et C.Pfister « Stabilité financière », De Boeck, 2013, p.240
Document 112 : des instruments pour limiter la pro-cyclicité du crédit (le coussin contra-cyclique)
Cela étant, comme le risque systémique ne se réduit pas à une simple somme de risques individuels, bien gérer
les risques individuels ne suffit pas à prévenir le risque systémique. La prévention du risque systémique
nécessite une approche plus globale du risque, dite macroprudentielle. (…) Sa nécessité est désormais dans tous
les discours des superviseurs et des banquiers centraux.
Mais qu’en est-il de sa place dans les réformes ? Bâle 3 demeure un dispositif essentiellement microprudentiel
axé sur la prévention des risques individuels des établissements bancaires. La dimension macroprudentielle de
Bâle 3 est malheureusement très limitée. Celle-ci repose tout d’abord sur la mise en place d’un coussin contracyclique de 0 à 2,5% de fonds propres supplémentaire en fonction du cycle. (…) Bâle 3 envisage également de
soumettre les banques systémiques à des surcharges en capital et en liquidité (…). La partie macroprudentielle
ressort donc dans Bâle 3 comme la moins aboutie du dispositif. C’est dommage car c’est véritablement là que
se joue la prévention du risque systémique.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 327-328
Document 113 : réduire la procyclicité de la finance (le provisionnement dynamique)
Chaque crise est l’occasion de souligner à quel point la finance est pro-cyclique. (…) Rares ont été les pays qui,
avant la crise, avaient cherché à remédier au problème. A cet égard, l’Espagne figure parmi les exceptions. Les
banques espagnoles ont en effet été contraintes par les autorités de réglementation bancaire d’effectuer un
provisionnement dynamique, (…) C’est-à-dire un approvisionnement quand tout va bien. La provisionnement
dynamique a vraisemblablement accru la résistance du système financier espagnol dans un contexte
macroéconomique extrêmement dégradé (taux de chômage à 22% en 2011) sans pour autant suffire : au
printemps 2012, plusieurs grandes banques espagnoles étaient en grande difficulté, sous le poids de créances
immobilières irrécouvrables. Quoi qu’il en soit, le provisionnement dynamique pourrait utilement compléter le
coussin contracyclique prévu dans Bâle 3. (…) En Europe, la mise en place d’un provisionnement dynamique
se heurte pour l’instant à des problèmes d’harmonisation fiscale entre pays européens (provisions déductibles
fiscalement dans certains pays, pas dans d’autres). En attendant, la dose de « contracyclicité » introduite dans le
dispositif de supervision sera sans doute insuffisante pour contrer la procyclicité naturelle du secteur bancaire et
financier, qui constitue pourtant le principal moteur de l’instabilité financière.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 328-329
Document 114: faire la chasse aux pratiques qui produisent des externalités négatives
Comment rendre le système financier moins fragile dans sa globalité ? Il s’agit moins d’éviter le risque d’effet
domino que d’empêcher une contamination simultanée de l’ensemble des acteurs du système.
Une première solution consiste à réguler les pratiques de marché qui posent problèmes : c’est-à-dire celles qui
peuvent avoir un impact négatif au-delà des agents qui y participent (elles produisent des externalités
négatives). La régulation peut avoir pour objectif :
- de standardiser les échanges sur les marchés des dérivés. Près de 75% des échanges sur les marchés
des dérivés se fait dans le cadre des marchés de gré à gré. Or, ce type de marché est potentiellement dangereux
car à la différence des échanges dans le cadre des chambres de compensation, il ne donne pas lieu à des dépôts
de garantie et des appels de marge. Cela signifie qu’en cas de défaillance d’un acteur, les autres en subissent les
conséquences. Il serait alors possible de pénaliser les contrats de gré à gré (avec une taxe par exemple) et de
définir des critères de garantie comme pour les chambres de compensation. Ainsi le superviseur a une vision
précise des conséquences que la défaillance d’un établissement peut avoir sur la situation des autres
établissements.
- de limiter ou interdire certains instruments : la vente à nue de CDS portant sur les défauts de
paiements des Etats a été interdite par l’UE en 2011 (la vente à nue consiste à vendre à terme un actif que l’on
ne possède pas mais que l’on s’engage à livrer à réalisation du contrat). Aujourd’hui, c’est le trading haute
fréquence qui fait débat.
ESH – ECE 2 Camille Vernet
Nicolas Danglade 2016-2017
42
Document 115: mieux définir les acteurs financiers soumis à la régulation
La seconde solution consiste à mieux définir les acteurs qui sont soumis à la régulation. Cette question
concerne :
- les banques universelles : elles font aussi bien des activités de dépôts que de la banque d’affaires. Le
risque est en effet de voir des établissements universels mal gérer leurs activités d’investissement d’affaires et
faire subir à leur clientèle de dépôts les conséquences de cette mauvaise gestion. Il faut donc séparer
correctement au sein des établissements à l’aide d’ « une muraille de Chine » les activités susceptibles d’être
« sauvées » et celles qui ne doivent pas l’être. L’ancien président de la Fed Paul Volker, le Commissaire
européen et gouverneur de la Banque de Finlande Erkki Liikanen ou l’économiste John Vickers défendent la
séparation entre banques de détail et banques d’affaire.
- les établissements du shadow banking. Ces établissements participent à la fourniture de liquidité sur
les marchés et permettent ainsi les stratégies de couverture, mais comment faire le tri entre les établissements
qui agissent pour eux-mêmes et ceux qui ne servent qu’aux banques pour ne plus porter les risques qu’elles
génèrent et ainsi contourner les règles prudentielles ? Une proposition radicale consiste à interdire toute forme
de transferts du risque des banques vers l’extérieur et à revenir à un modèle uniquement « originate to hold ».
Cela couperait l’herbe sous les pieds des établissements qui servent aux banques à contourner la réglementation
bancaire.
- les paradis fiscaux. Une des difficultés pour appliquer une régulation est de pouvoir identifier les
établissements qui sont immatriculés dans des paradis fiscaux. Pour les banques de dépôts ou les assurances, il
n’y a pas de problème car ces établissements doivent avoir une licence pour exercer leur activité. Pour les
autres établissements, par contre, la porte n’est pas fermée pour masquer des informations. Aujourd’hui, la lutte
contre les paradis fiscaux porte autant sur les questions de fiscalité que sur celle de stabilité du système
financier mais elle progresse très peu.
Document 116 : la régulation du shadow banking
Qu’est-ce que le shadow banking ? Littéralement, il s’agit d’un secteur « bancaire » parallèle, fantôme. La
commission d’enquête sur la crise financière aux Etats-Unis (mai 2010) y associait l’ensemble des activités de
type bancaire conduites en dehors du secteur traditionnel des banques commerciales. Il s’ensuit une définition
très large englobant les banques d’investissement, les fonds d’investissement, tout particulièrement les hedge
funds, les fonds monétaires, ainsi que les fonds communs de créance et autres véhicules de titrisation. Dit
autrement, le shadow banking englobe toutes les entités financières qui ont participé à l’extension et à la
distension de la chaîne d’intermédiation qui au départ reliait directement les banques à leurs clients. Les
régulateurs se sont donnés pour objectif de « mieux réguler le shadow banking ». Cela revient à s’interroger sur
le périmètre de la réglementation et de la supervision.
En effet, la réglementation ne contraint pas tous les intermédiaires financiers de la même manière. Certaines
institutions financières telles que les hedge funds et certains autres sociétés financières de courtage notamment
sont peu contraintes. Pour ce qui est des hedge funds sans doute perçus comme les institutions financières les
plus emblématiques de ce shadow banking, ils doivent bien entendu respecter les règles des marchés sur
lesquels ils interviennent mais ils ne font pas l’objet d’une réglementation au même titre que les banques. Toute
la question est de savoir s’il faut les contrôler directement ou le faire indirectement en réglementant plus
étroitement les investissements que les banques et autres institutions financières réglementées réalisent auprès
d’eux. La crise a déplacé le consensus en la matière. Avant la crise, la plupart des observateurs étaient
favorables à un encadrement indirect, au motif que les hedge funds ne gèrent pas l’argent de petits épargnants
mais celui d’autres investisseurs institutionnels ou de riches particuliers. Un autre argument mis en avant était
aussi qu’en cas de réglementation directe, les hedge funds iraient se domicilier dans les centres off shore
comme la moitié d’entre eux le sont déjà (là où le régulateur ne peut les atteindre). Après la crise, la plupart des
observateurs se sont, au contraire, convertis à l’idée d’une réglementation directe, avec au minimum une
obligation d’enregistrement et une divulgation d’information. Même si les hedge funds ne sont pas directement
responsables de la dernière crise financière, ils ont clairement favorisé l’intensité des activités de transfert de
risque. Sur les marchés des dérivés de crédits notamment, ils ont été de gros « acheteurs de risque ». Ils ont
également favorisé l’essor des produits structurés dans lesquels ils ont massivement investi. Ils ont toutefois
payé le prix de la crise : 30% d’entre eux ont disparu en l’espace de deux ans, sans qu’aucun ne bénéficie d’une
aide publique. La directive « hedge funds » approuvée par l’UE (novembre 2010) va dans le sens d’un
encadrement direct mais offre malheureusement de nombreuses échappatoires : elle s’adresse principalement
aux fonds alternatifs et non pas à l’ensemble des fonds, et ne s’applique qu’aux grands d’entre eux, gérant plus
de 250 millions d’euros … en outre, ces règles resteront à étendre à l’échelle mondiale.
ESH – ECE 2 Camille Vernet
Nicolas Danglade 2016-2017
43
Au fond, si l’on part du principe que le shadow banking est avant tout la conséquence de la mise en place par
les banques d’un modèle « origination-distribution » consistant à se défaire des risques pris auprès d’autres
entités financières, le plus efficace pour lutter contre le développement du shadow banking serait de favoriser le
retour d’un modèle « origination-conservation ». S’il ne s’agit pas d’interdire totalement la titrisation et les
autres opérations de transferts des risques bancaires, il faudra veiller à ce que les banques assument une plus
large part des risques qu’elles prennent en les obligeant à en conserver une part significative à leur bilan. La
limitation de ces techniques de transfert de risque n’a peut être pas encore mobilisé toute l’attention qu’elle
mérite.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 330-331
Document 117 : la « régulation » des paradis fiscaux
La question des paradis fiscaux est étroitement liée à celle des hedge funds. A quoi bon vouloir réglementer
directement les hedge funds si des centre off shore, où ces institutions pourront établir leur siège et exercer
leurs activités sans aucune contrainte, continuent d’exister ?
La lutte contre les paradis réglementaires et fiscaux est également devenue un cheval de bataille politique, dont
on peut comprendre la logique en pleine gestion de crise. Pour l’ensemble des gouvernements aux prises avec
la crise, il n’aurait pas été tenable de faire admettre aux citoyens la nécessité de mobiliser des fonds publics
pour sauver le secteur bancaire et financier sans afficher, dans le même temps, la volonté de lutter contre
l’évasion des centaines de milliards de dollars, qui chaque année échappent à l’impôt et aux réglementations en
s’investissant dans des paradis fiscaux. La lutte contre les paradis fiscaux se justifie par le fait qu’ils privent les
Etats des ressources fiscales qu’ils font évader, réduisent l’efficacité de la réglementation bancaire et
financière, et de ce fait alimentent l’instabilité financière, sans même évoquer le blanchiment d’argent sale
qu’ils permettent.
Mais les listes qui constituent le préalable indispensable à cette lutte, se vident aussi vite qu’elles se
remplissent. Quelques années avaient suffi au début des années 2000 pour voir disparaître des listes établies par
l’OCDE ou l’ancien Forum de Stabilité financière bon nombre d’îles de la zone Amérique-Caraibes et d’îles
anglaises d’Asie, sans que la situation ait changé. En avril 2009, la liste noire publiée par l’OCDE s’est-elle
aussi fort rapidement « éclaircie » : la plupart des pays « black-listés » ont semble-t-il rapidement acceptée de
coopérer. De nombreux accords d’échanges d’informations avec les autorités réglementaires et fiscales ont, il
est vrai, été signés en assez peu de temps, entre 2008 et 2009. Mais cela suffira-t-il ? La lutte contre les paradis
fiscaux n’a de sens que si elle est menée dans le cadre d’une coopération internationale totale. Des conventions
ont été signées avec la Suisse, la Belgique, le Luxembourg, ainsi qu’avec l’Autriche – pays qui ont subi une
forte pression de la part de l’Allemagne et de la France – ainsi qu’avec la plupart des îles britanniques (ïle de
Man, Geurnesey, Jersey, Iles vierges) ou Barhein, d’autres sont en négociation (Caimans, Bermudes,
Liechenstein, Gibraltar, Baléares, Liban et Maurice). Mais si la Chine et l’Inde ne prennent pas part à cette
lutte, alors de nouveaux centres off shore émergeront aussi vite à proximité du continent asiatique, là où les
pressions sont moindres.
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 330-331
5.3 La stabilité du système financier : un nouvel objectif de la politique monétaire ?
Document 118 : la politique monétaire, à la fois une réponse à et une source de l’instabilité financière
Mais la régulation macroprudentielle a également pour objectif d’éviter la paralysie des marchés financiers et le
transfert de la crise financière à l’économie réelle. La réalisation de ces deux objectifs conduit de plus en plus à
s’interroger sur les objectifs des banques centrales.
En Europe, la BCE est devenue, avec l’Union bancaire, le superviseur des établissements financiers soumis à
régulation. Faut-il aussi qu’elle fasse évoluer sa politique monétaire pour y intégrer l’objectif de stabilité
financière ?
Pour Jézabel Couppey-Soubeyran dans « Monnaie, banques, finance » :« La crise financière nous a enseigné
que les banques centrales ne pourront plus conduire la politique monétaire sans tenir compte parallèlement de
l’incidence de l’instabilité financière sur leur action et des incidences de leur action sur la stabilité
financière. »
Lorsque les marchés manquent de liquidités, que des établissements menacent de faire faillite, l’autorité
monétaire intervient. Elle le fait en tant que prêteur en dernier ressort, mais également à l’aide de politiques
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monétaires expansionnistes conventionnelles (politique de taux zéro) ou non conventionnelles (notamment le
QE).
Mais en contrepartie, l’action de PDR génère de l’aléa moral, ce qui renforce la prise de risque des institutions
financières, et la liquidité facile et abondante place les agents dans une nouvelle phase de boom du cycle
financier.
La succession d’actions de la politique monétaire a donc pour conséquence de faire alterner les phases du cycle
financier. Or, les crises financières ont un coût sur la conjoncture et sur la croissance potentielle. Il paraît donc
logique de se demander comment la politique monétaire doit agir pour répondre aux chocs négatifs tout
en évitant les emballements et la formation de bulles et de cycles de crédit. Le risque est de voir la politique
monétaire toujours courir après une stabilité financière dont elle est à la fois la cause et la conséquence. Il est
donc nécessaire de réfléchir à l’articulation entre l’objectif de stabilité financière et l’objectif de stabilité des
prix (c’est-à-dire de contrôle de l’inflation). Actuellement, seul le dernier compte. Or, comme le signalent
Patrick Artus et Marie-Paule Virard dans « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie
mondiale ? » (2010) : « Les politiques de ciblage d’inflation n’évitent ni les bulles, ni les crises financières,
elles sont inadaptées à un monde où l’inflation, au moins pour quelques années, est structurellement faible. »
Le chantier d’une redéfinition éventuelle de la politique monétaire pour tenir compte de l’objectif de stabilité
financière est ouvert et suscite encore beaucoup d’interrogations. Ainsi, selon Patrick Artus et Marie Paul
Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? » (2010) : « Le moment est donc
probablement venu de réfléchir à l’évolution de la mission des banques centrales, en se souvenant d’ailleurs
qu’au moment de leur création, celle-ci consistait avant tout à améliorer le fonctionnement de l’économie et à
réagir avec promptitude aux crises bancaires lorsque ces dernières se déclenchaient. Il est donc indispensable
que les banques centrales revisitent les moyens de mettre en œuvre une politique qui réponde à quelques
questions simples : quelle est la bonne quantité de liquidité ? où sont les risques ? comment éviter les crises ? »
Document 119 : où est passée la liquidité ?
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Source : Natixis Flash Eco, 22 décembre 2015, n°1014
Document 120 : politique de stabilité monétaire et politique de stabilité financière
Ces mesures radicales prises pour restaurer la liquidité ne vont pas sans poser des problèmes. Comme le
soulignent Christian Bordes et Laurent Clerc (2009), à propos de l’enchaînement des mesures non
conventionnelles prises par la BCE « au plan macroéconomique, les agents en tirent la conclusion que la BCE
renonce à son objectif prioritaire qui consiste à assurer la stabilité des prix à moyen terme en faveur d’un
objectif de stabilité financière à très court terme. Cette situation est de nature à renforcer les phénomènes de
risque moral et les comportements de prise de risque excessive. Au niveau microéconomique, les banques
délèguent la gestion de leur liquidité à la banque centrale et deviennent moins impliquées dans la prévision de
leurs besoins futurs en liquidité centrale. Il y a dès lors peu d’incitations à gérer de façon prudente la
liquidité. »
Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance » Puf Licence, deuxième édition, 2014, p. 287-288
Document 121 : comment la politique monétaire peut-elle aussi assurer la stabilité financière ? Quel rôle
doit alors jouer la banque centrale ?
La réponse à cette question est encore très largement discutée.
Une première série de réponses s’appuie sur l’idée que la banque centrale doit intervenir sur le prix des actifs
sur les marchés financiers. En situation de bulle spéculative, la Banque centrale doit intervenir soit pour
empêcher le gonflement de la bulle, soit pour limiter son éclatement. Malheureusement, l’action de la banque
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centrale est asymétrique : elle peut acheter des titres pour éviter un effondrement, mais elle n’en possède sans
doute pas assez à vendre pour empêcher la bulle de gonfler. Son intervention doit donc se situer ex ante plutôt
qu’ex post et passer par d’autres instruments.
La banque centrale peut alors se donner en plus d’un objectif de stabilité des prix un objectif de croissance du
crédit, et utiliser un seul instrument pour atteindre ces deux objectifs : le taux d’intérêt. Comme le lien entre
endettement et prix des actifs est fort, contrôler le crédit et l’endettement permet d’agir indirectement sur le
prix des actifs. La banque centrale peut alors décider d’élargir la liste des institutions financières auxquelles elle
permet le refinancement. Ainsi, elle peut mieux contrôler le coût du refinancement de ces acteurs et leur
capacité à produire du crédit. Cette stratégie fonctionne à condition que le prix des biens et celui des actifs soit
corrélé : si une bulle apparaît quand l’inflation grimpe, alors la hausse du taux directeur permet à la fois de
casser la bulle et l’inflation. Elle est, par contre, mise en échec lorsque l’évolution des prix des biens et celles
des prix des actifs diverge : c’est le cas lorsque l’économie est à la porte de la déflation, vouloir lutter contre la
formation d’une bulle en faisant augmenter le taux d’intérêt ne peut que renforcer le risque de déflation et
casser la reprise.
Si le canal du taux d’intérêt fonctionne mal, la banque centrale peut élargir les instruments par lesquels elle va
agir sur le crédit et le prix des actifs : elle peut par exemple modifier les taux de réserves obligatoires, les
rendre plus dynamiques ou agir sur des ratios de « capital sûr ». Elle endosse alors le maillot du superviseur du
système financier : c’est en tant que superviseur qu’elle cherche à stabiliser le système. Elle utilise des
instruments de mesure du risque systémique puis elle décide d’intervenir le cas échéant sur les marchés.
Mais si les banques centrales déterminent le contenu de la réglementation dans chacune de leur zone monétaire,
le risque est grand de voir des stratégies non coopératives apparaître et provoquer des guerre des monnaies :
pour provoquer une dépréciation de la monnaie, ce ne sont plus les modifications de taux d’intérêt qui vont être
utilisées mais les modifications de ratio de fonds propres ! Il y a donc un débat entre économistes pour savoir
s’il faut confier la supervision à la Banque centrale ou à une autorité indépendante.
Document 122 : Comment compléter la fonction de lutte contre l’inflation pour assurer la stabilité
du système financier ?
La banque centrale élargit l’accès au La banque centrale contrôle le prix
La banque centrale devient un
refinancement en Mo centrale
des actifs et l’évolution du crédit
superviseur macroprudentiel
Document 123 : les instruments de supervision macroprudentielle
Objectifs
Instruments
Comment ?
Indicateur de la solidité
Stress tests
Mesurer l’état des interdépendances entre bilans des
du système
IF
La réglementation,
Encadrement des pratiques financières : THF, vente à
nues …
Réduire la volatilité sur
La fiscalité
Taxe Tobin
les marchés
Intervention pour limiter les « bulles » (cycle) sur
Action de la Banque
certains actifs (stabilité financière comme objectif de
centrale
la politique monétaire)
Réduire la pro-cyclicité
intrinsèque du SF
Coussin contra-cyclique
et refinancement
dynamique
Renforcer la régulation
des marchés et des
acteurs
La réglementation
Lisser davantage l’activité de crédit (en corrélant la
demande de fonds propres au cycle)
Limiter la dimension pro-cyclique des exigences de
fonds propres (facile à obtenir en phase haute ;
difficile à obtenur en phase basse)
Développer les marchés dérivés avec chambre de
compensation
Contrôler les acteurs du shadow banking ou réduire
les activités bancaire type Originate to distribute
Supprimer les paradis fiscaux
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