
CHAPITRE 7 – Cours de Terminale - Année 2004-2005 – Lycée de Luynes – E. CHARRIER
d. 3 modèles.
Parmi les blocs commerciaux qui semblent structurer l’économie mondiale, J.M. Siroën différencie trois modèles :
- un multilatéralisme régional dont le cas typique sera l’ALENA. Il s’agit de reproduire au niveau régional certaines
modalités de l’OMC ;
- une intégration confédérale dont le cas typique serait le MERCOSUR. L’accord autorise des exceptions dans la
libéralisation interne des échanges mais prévoit un certain nombre de structures politiques et administratives
intergouvernementales. Pour certains secteurs (automobile, agriculture), les politiques économiques sont
coordonnées ;
- une intégration fédérative dont l’exemple typique est l’UE. La démarche européenne s’accompagne d’un projet
d’intégration politique et dont témoignent l’existence de politiques communes, la création d’instances
supranationales, la mise en place d’un droit européen et l’instauration d’une monnaie unique.
2. La régionalisation : protectionnisme larvé ou étape vers le libre échange ?
a. Les dangers de la régionalisation.
■ Remise en cause du multilatéralisme et détournement de trafic
Si l’on s’en réfère à la vision classique et néoclassique des échanges internationaux, le libre-échange n’exerce ses effets
bénéfiques que si celui-ci est multilatéral. Les accords bilatéraux sont susceptibles de pénaliser un pays tiers plus
performant et remettent en cause le multilatéralisme et la clause de la nation la plus favorisée. Ce que redoutent les libéraux,
c’est le phénomène de détournement du trafic. Une union douanière, en supprimant les obstacles à l’échange entre pays
membres et en instaurant un tarif extérieur commun peut provoquer un détournement de trafic : les importations en
provenance d’un pays extérieur sont remplacées par des importations plus coûteuses en provenance d’un pays de la zone.
C’est ainsi que la Banque Mondiale a reproché au MERCOSUR de favoriser les exportations d’automobiles (premier poste
du commerce des 4 pays du MERCOSUR) pour lesquelles ces états n’auraient aucun avantage comparatif mais
bénéficieraient de la baisse des tarifs douaniers qu’ils se sont accordés à eux seuls (il faut noter toutefois que les
importations du MERCOSUR en provenance du reste du monde ont triplé malgré ces différences de tarifs). La communauté
européenne a souvent été mise au banc des accusés pour son manque d’ouverture sur l’extérieur : alors que la part des
échanges intracommunautaires dans le PIB a doublé de 1960 à 1993 passant de 6% à 13,5%, la part des exportations
extracommunautaires dans le PIB est passée de 8,7% à 8,5%, le taux d’ouverture de l’UE étant inférieur de moitié à celui
des pays membres. Certains ont qualifié l’Europe de « forteresse » pour fustiger cette tendance à se replier sur soi. Des
accusations que l’on peut récuser par les faits suivants : le taux d’ouverture de l’UE est très proche de celui des USA et du
Japon (environ 10%) et le niveau de protection externe de la Communauté a fortement baissé ce qui signifie que les pays
tiers n’ont pas eu à souffrir de l’intégration européenne.
■ La montée des conflits commerciaux entre les blocs régionaux
La difficulté de pénétration de certains marchés aurait tendance à provoquer l’élargissement de certaines pratiques
protectionnistes aux comportements des consommateurs, distributeurs, épargnants et à certaines formes de politiques
économiques. Selon Krugman (père de la P.C.S.), dans les négociations entre blocs régionaux, chacun tendrait à adopter un
comportement stratégique pour orienter les termes de l’échange à son profit. En 1991, il écrit : «L’analyse des zones de
libre-échange laisse penser que leur formation peut être préjudiciable à l’économie mondiale. Des distorsions de trafic
peuvent contrebalancer et annuler la création de nouveaux courants d’échange même sans relèvement des tarifs
extérieurs ; et l’augmentation du pouvoir sur le marché dont bénéficient les pays qui se constituent en blocs peut conduire
des gouvernements qui recherchent l’optimisation et non la coopération à relever leurs tarifs douaniers, ce qui accroît les
coûts […] Les zones de libre-échange peuvent causer beaucoup de torts à des pays plus petits qui, pour une raison ou une
autre, ne font pas partie des grands blocs. » La multiplication des conflits commerciaux entre les différents blocs régionaux,
les différents de plus en plus nombreux qu’a à traiter l’OMC, le « néo-mercantilisme » dans lequel semblent baigner les
gouvernants et les conseillers techniques chargés des négociations internationales sont là pour illustrer cette thèse.
■ L’intégration régionale à l’origine de conflits à l’intérieur des unions douanières.
Par exemple, plusieurs sources de conflits sont liées à l’intégration européenne :
- Conflits engendrés par la difficulté des régions les plus fragiles à s’adapter aux transformations de la production et
des conditions de la concurrence induites par la rapidité de l’intégration ; difficultés qui pourraient être atténuées
par des programmes d’ajustement ou par une augmentation du budget communautaire que certains trouvent très
insuffisants mais à propos desquelles d’autres dénoncent l’inefficacité des aides, les comportements opportunistes
des nations et plus généralement l’accroissement des dépenses publiques que cela entraînerait (on reconnaîtra là
les libéraux et en particulier l’école du Public choice)
- conflits engendrés par la mise en place de politiques communes (politique agricole ou politique sociale, par
exemple) que les libéraux jugent comme autant de contraintes et législations supplémentaires et insupportables et
que d’autres appellent de leurs vœux car elles pourraient être à l’origine d’un accroissement de la productivité de
la main d’œuvre des pays les moins favorisés et d’une dynamique économique durable