HISTOIRE POLITIQUE DE LA FRANCE AU XXe SIECLE

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HISTOIRE
SEMESTRE 2
IEP TOULOUSE
Jacques CANTIER
HISTOIRE POLITIQUE DE LA FRANCE AU XXe
SIECLE
La France des lendemains de la Première
Guerre mondiale à la Libération
Chapitre 1 : La vie politique en France dans les années 20
Le 14 juillet 1919 est un moment d’apothéose de la fierté nationale avec la réunion de
Joffre, Pétain, Clemenceau, Poincaré et Barrès (illustration de François Flameng). On cherche
à faire oublier la défaite de 1870, la France retrouve son rang de première puissance d’Europe.
Le traité de Versailles rend l’Allemagne responsable de la guerre, et la France récupère
l’Alsace-Lorraine. Mais les observateurs s’interrogent sur la capacité de la France à tenir son
rang. Cette France est aussi en deuil.
I_ Une France en deuil : l’ombre de la Grande Guerre
Une culture du deuil s’établit en 1919 avec notamment la construction de monuments
aux morts, à l’initiative de communes, et avec une loi (27 octobre 1919) qui encadre la
pratique. On représente souvent le malheur de la guerre, et non pas la fierté de la victoire. Le
11 novembre est un moment privilégié dans cet esprit de deuil, avec en 1920 l’installation de
la tombe du soldat inconnu.
A_ Une puissance inquiète : le prix de la victoire
Après deux ans de recherche ,une commission présidée par Louis Marin établit un
bilan humain de la guerre : 1 380 000 morts (17% des combattants), 300 000 mutilés, 700 000
veuves, 760 000 orphelins. A la surmortalité, il faut ajouter l’effondrement des naissances (1,4
millions de déficit). En 1911, la population est de 39,6 millions d’habitants ; en 1921, elle est
tombée à 39,2 millions. La France apparaît comme un pays vieilli. Le nombre de décès est
toujours plus important que le nombre de naissances. Le prix de la victoire est donc
démographique, mais aussi économique : le budget du pays est de 5 milliards de francs en
1913 ; en 1920, la dette publique atteint 120 milliards de francs. La France rentre dans l’ère de
l’inflation, et c’est seulement en 1928 qu’on acceptera une dévaluation du franc. L’essentiel
des combats à lieu en France, avec une « zone rouge » de 500 km de long et 25 de large, zone
totalement inutilisable. D’où une baisse de 30% de la production industrielle.
Le traumatisme de la guerre conduit certains à une brutalisation des esprits, avec la
recherche de voies politiques radicales. Certains rejettent cette voie par des convictions
pacifistes (« plus jamais ça »), avec en particulier les œuvres de Jean Giono. C’est en réalité
l’Europe qui est en déclin, qui est abattue par cette guerre. Albert Demangeon publie Le
déclin de l’Europe : l’Europe sort affaiblie politiquement et économiquement, les Etats-Unis
étant les grands vainqueurs de la guerre. Cette idée du déclin est reprise par Paul Valéry, ou
par le mouvement surréaliste et le dadaïsme. Il organise notamment un procès fictif à
l’encontre de Maurice Barrès. 8,5 millions de Français ont été mobilisés, 7 millions sont
encore en vie après la guerre. Clemenceau dit qu’ « ils ont des droits sur nous ». La
démobilisation se fait dans des conditions difficiles : une prime modeste, un costume civil,
beaucoup se retrouvent au chômage.
B_ Un nouvel acteur politique : l’ancien combattant
Des associations d’anciens combattants se forment pour défendre leurs intérêts :
l’Union fédérale des combattants (UFC), plutôt proche du parti radical (850 000 adhérents), et
l’Union nationale des combattants (UNC), plus conservatrice, liée à la hiérarchie militaire et à
l’Eglise (850 000 adhérents). Ces associations prennent aussi position dans le débat politique,
soutenant la politique pacifiste de Briand. Le discours est moralisateur. A gauche on retrouve
l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC) dans la mouvance du PCF, à
l’initiative d’Henry Barbusse (Le Feu). Les mouvements d’extrême droite s’appuient sur les
mouvements de droite : le Faisceau de Georges Valois, les Croix de feu du colonel de la
Roques. En 1940, Vichy fait fusionner ces organisations : la Légion française des combattants
(« les chevaliers du maréchal »).
II_ Une République confortée ? Forces et faiblesses du
parlementarisme à la française
A_ Les institutions et leur pratique
Malgré la personnalisation du pouvoir par la poursuite de la guerre, les institutions
parlementaires ont continué de fonctionner, ce qui prouve la supériorité des régimes
républicains. Ses institutions sont acceptées par tous, ce qui va quelque peu les scléroser dans
les décennies suivantes. Les textes de 1875 montrent un certain équilibre théorique entre les
pouvoirs : le Président de la République est élu pour 7ans par le Parlement, nomme les
ministres, est le chef des armées, de la diplomatie et dispose du droit de dissolution. Les
députés sont élus pour 5ans au suffrage universel masculin, les sénateurs pour 9ans au
suffrage indirect. La crise politique de 1877, liée à la première cohabitation, pose la question
de savoir si le Gouvernement doit représenter les idées du Président de la République ou du
Parlement. Mac Mahon nomme un Gouvernement monarchiste, et dissout la Chambre des
députés pour que les Français confirment son choix. Sa défaite conduit au renforcement du
parlementarisme. En 1879, le nouveau président de la république Jules Grévy annonce son
renoncement au droit de dissolution. La suprématie du Président du Conseil s’établit dans les
faits : il est en charge d’un département ministériel et représente le Gouvernement. C’est au
milieu des années 30 que la fonction devient uniquement la présidence du Gouvernement.
Tous les parlementaires peuvent interpeller les membres du Gouvernement sur leur politique :
si le débat est défavorable au Gouvernement, la tradition veut que la question de confiance
soit posée, avec des résultats aléatoires, sans discipline de vote, surtout fonction des talents
oratoires du Président du Conseil. Michel Winock parle de « parlementarisme de
délibération ». Entre 1871 et 1919, 60 gouvernements se succèdent. Pendant la période de
guerre, il y a un rééquilibrage en faveur de l’exécutif. La majorité de la classe politique
préfère retourner à la pratique de l’avant-guerre, les réformes n’aboutissent pas.
B_ Le paysage politique au lendemain de la Première Guerre mondiale
Le clivage droite / gauche remonte à août 1789, au début des travaux de l’Assemblée
constituante, avec la question du veto royal. Cette division va devenir le facteur de distinction
le plus admis en France, puis dans d’autres pays. Beau de Lomenie fait une enquête en 1930
afin de connaître la conception de ce clivage. Le philosophe Alain (radical), lui répond que se
poser la question de la persistance du clivage, c’est déjà se placer à droite. Au XIXe siècle,
c’est la question du régime qui entretient le clivage, avec trois courant dans la droite
française : les légitimistes, contre-révolutionnaire, pour la monarchie absolue ; la « droite
réaliste », orléaniste, droite libérale pour une monarchie parlementaire ; la droite bonapartiste,
restaurée par Napoléon III, pour le césarisme démocratique, favorable à un exécutif fort
légitimé par le plébiscite. La gauche est alors républicaine, refusant la monarchie et l’empire,
avec une distinction entre les partisans de la république démocratique, et ceux de la
république sociale. Lorsque la république sera acquise, c’est la question religieuse qui
entretiendra le clivage : la droite favorable à l’Eglise et la gauche pour la laïcité. Dans l’entre
deux guerres, c’est la question de l’intervention de l’Etat en matière économique et sociale qui
entretient le clivage : question des politiques économiques, de la redistribution des richesses,
de la propriété,… Pour la gauche, l’ennemi est désormais le grand capitaliste, les « 200
familles » ; à droite, l’ennemi est le communisme.
1) Les gauches en France : radicaux, socialistes et communistes
Le parti républicain, radical et radical socialiste va jouer un rôle essentiel dans
l’histoire de la IIIe République et dans l’entre deux guerres. Le parti est fondé en juin 1901,
rassemblant toutes les forces qui se réclamaient du radicalisme. Ce terme apparaît dès le
milieu du XIXe siècle, désignant sous la IIde République un républicain de gauche. Sous le
IInd Empire, ils souhaitent renverser le régime ; au début de la IIIe République, ils s’opposent
aux républicains conservateurs. Les parlementaires se réclament du radicalisme : 78 sénateurs,
200 députés, un millier d’élus locaux sont présents au congrès de juin 1901. Il y a aussi des
représentants du GOF, de la Ligue de l’enseignement, de la Ligue des droits de l’Homme, de
200 journaux locaux, de la Société d’encouragement à l’agriculture (créée par Gambetta en
1880) dirigée par Henry Queuille. Ces forces s’unissent dans un parti politique, dont la force
est d’être déjà très enraciné dans le vie politique française, avec 250 000 membres dans
l’entre deux guerres (revendiqués). L’origine fédérale du parti explique qu’il restera toujours
décentralisé : les comités locaux entendent garder leur autonomie, d’où quelques problèmes
d’investiture. Les parlementaires n’ont pas de discipline de vote. On peut distinguer plusieurs
niveaux de cette doctrine. Au niveau théorique, Léon Bourgeois et Fernand Buisson sont des
philosophes adhérents au radicalisme . Il y a plusieurs thèmes : la foi dans la raison, se
présentant comme les héritiers du rationalisme et du positivisme, la confiance dans le progrès.
La morale radicale se définit aussi comme une morale de la solidarité, qui doit se manifester
dans le vie politique intérieure (impôt sur le revenu), mais aussi au niveau international,
contre la guerre, favorable à des solutions d’arbitrage pacifiques, d’où leur ralliement à la
SDN. Dans les années 20, c’est le philosophe Alain qui va compléter cette doctrine radicale,
professeur à Henry IV (Eléments d’une doctrine radicale, 1925 ; Le Citoyen contre les
pouvoirs, 1926), apparaissant plus pessimiste que ses confrères : il s’agit de défendre la
République contre les menaces, mais aussi défendre les citoyens contre les institutions qui
entravent ses libertés (la justice, l’Eglise, l’armée,…), le rôle du parti radical étant de
contrôler le régime politique et d’assurer la démocratie, la République devant trouver un
équilibre entre l’obéissance et la résistance. Le radicalisme des militants est plus simple,
résumé en un slogan du parti, « l’action laïque contre le cléricalisme, l’action démocratique
contre la dictature, l’action sociale contre la misère ». Ils se reconnaissent dans la république
démocratique et laïque, se reconnaissant dans des petits propriétaires indépendants, hostiles au
grand capital, mais refusant l’idée de la lutte des classes, au non du le principe de
solidarisme : ce sont les classes moyennes, les professions libérales, les propriétaires
exploitants agricoles, les commerçants, artisans, les petits industriels, les fonctionnaires,
milieu hétérogène, à mi-chemin entre la bourgeoisie et le prolétariat, « un parti de
propriétaires qui travaillent, et de travailleurs qui possèdent ». Herriot le définit comme le
parti des « Français moyens ». Le politologue Thibaudet le présente comme le parti de la
province. Deux bastions peuvent être distingués : Lyon et la vallée du Rhône, qui s’organise
autour de la figure d’Edouard Herriot ; Toulouse et tout le Sud-Ouest, avec la dépêche de
Toulouse, qui tire à près de 350 000 exemplaires, dirigé par les frères Sarraut (Maurice et
Albert).
A gauche du parti radical, c'est le parti socialiste, fondé en 1905, la SFIO- PSU,
formée par trois grandes familles: les anarcho-syndicalistes, les marxistes avec Jules Guesdes,
les réformistes (possibilistes) qui ont renoncé à la solution révolutionnaire, et exercent la
gestion de municipalités. Jean Jaurès réussit à réunir ces différentes familles, assassiné en
juillet 1914, ce qui conduit les socialistes à participer à l'Union sacrée. Cette ligne va poser un
problème durant le conflit puisqu'un courant d'opposition interne apparaît. Deuxième conflit
au sein du PS, celui issu de la révolution bolchevique, avec la question de la reconstruction de
l'Internationale socialiste. Une première Internationale avait été crée par Marx en 1864,
jusqu'en 1876, échouant face à l'opposition anarchiste. Une deuxième Internationale est mise
en place en 1889 lors du congrès de Paris, dont Jaurès avait voulu se servir pour éviter la
guerre, mais qui échoue avec les unions sacrées. En 1920, Lénine fonde la troisième
Internationale, posant 21 conditions pour les PS voulant y participer, les contraignant à faire
un choix. C'est un modèle de parti très centralisé est insurectionnel qui est défini par ces
conditions: obligation d'une organisation clandestine, amenée à passer à l'action lors de la
phase révolutionnaire; pratique de l'épuration; les décisions de l'Internationale ont autorité sur
les partis;... En décembre 1920, le congrès de Tours doit trancher cette question, avec deux
lignes opposées: le discours de l'adhésion avec Marcel Cachin, qui revient d'URSS, explicant
que pour la première fois la question sociale est devenue une réalité en Russie, et estimant que
les Français n'ont pas à se méfier de la discipline bolchevique; le discours de Léon Blum est
hostile à l'adhésion, n'hétant pas hostile à la révolution ni à la dictature du prolétariat, mais
refusant une structure trop centralisée, où le débat est impossible, et contraire au socialisme
français, refusant des décisions prises par un état-major clandestin (« Dictature d'un parti,
oui, dictature du prolétariat, oui, dictature de quelques individus connus ou inconnus,
non. »). D'où une scission interne: un vote majoritaire se prononce pour l'adhésion, fondant un
nouveau parti, la SFIC ou PCF; une minorité restant à la SFIO, rejoignant la deuxième
Internationale refondée en 1922. La scission est de même syndicale, entre la CGTU proche du
PC, et la CGT avec la SFIO. En 1921, ceux qui sont restés à la SFIO sont dans une situation
difficile, avec 35 000 militants (100 000 pour le PC), perdant l'Humanité au profit du PC, la
SFIO gardant tout de même la majorité du groupe parlementaire (sur 68 députés, 55 restent
SFIO), et certaines personnalités restent à la SFIO: Jules Guesdes, Jean Longuet, Renaudel;
les dirigeants du partis deviennent Paul Faure et Léon Blum. Faure s'emploie à réorganiser les
structures locales du parti. Blum rédige en 1919 le programme de la SFIO, Le Populaire,
nouveau journal, diffusant ses idées. Dès 1920, on assiste à une rapide reprise des effectifs: à
partir de 1922, un certain nombre de militants reviennent à la SFIO (Ludovic-Oscard
Frossard), avec 140 000 militants (niveau de 1914, le parti social démocrate allemand en
affichant un million). Il est très représenté dans le Nord, le centre, le midi méditerranéen, sa
base constituée d'ouvriers, enseignants, petits fonctionnaires, le PC privant le PS d'une partie
de sa base populaire, l'obligeant à s'ouvrir aux classes moyennes; un sondage du Populaire
présente la composition de la SFIO: 19% d'agriculteurs, 15% d'ouvriers, 26% de
fonctionnaires, 18% de professions libérales. Cette évolution pose un problème de ligne pour
la PS: son objectif reste la révolution, se présentant dans la droite ligne du marxisme. Les
socialistes entrent au Gouvernement avec le Cartel des gauches; la question de la participation
devenant centrale, Blum présente les deux objectifs: la conquête du pouvoir (objectif à long
terme) dans le cadre d'une crise révolutionnaire, mais les conditions n'étant pas réunies;
l'exercice du pouvoir, permettant une série de réformes concrètes sans attendre la révolution.
Ils acceptent donc le jeu des institutions, mais seulement lorsque les réformes sont possibles,
devant devenir avant tout la force principale de gauche, ce qui ne sera atteint qu'en 1936.
Plus de 200 000 militants ont rejoint le PC, qui garde aussi l'Humanité. Il bénéficie du
ralliement de nombreux intellectuels: Anatole France, Henry Barbusse (Le Feu). Certains
surréalistes rapprochent du PC comme André Breton ou Louis Aragon. Son fonctionnement
restera assez proche de celui de la SFIO. Les choses changent en 1923 avec la reprise par la
troisième Internationale, rappelant à la SFIC les 21 conditions, exigeant une épuration du
parti. Face à ces exigences, Frossard, membre de la Ligue des droits de l'Homme et francmaçon, quitte le PC pour la SFIO. On rappelle aussi au PC l'obligation de soumission à
l'Internationale, Fried étant envoyé surveiller le PCF. On parle de « bolchevisation » de la
SFIC, centralisation avec comme unité de base la cellule, puis les sous-rayons, les rayons et la
direction centrale. Il faut aussi former de nouveaux militants et dirigeants, avec la création de
l'école de cadres Bobigny. La formation plus poussée conduit à l'école internationale de
Moscou, qui forme les cadres de l'Internationale. De nouveaux cadres prennent donc la place
des anciens SFIO dans les années 20: Maurice Thorez, qui entre militant SFIO en 1917, et
devient secrétaire général en 1930; Jacques Duclos, membre de l'ARAC, d'origine paysanne,
battant Blum aux législatives de 1928; Jacques Doriot, formé à Bobigny, un des meneurs
d'Hommes du PC, chargé de la question coloniale (condamnant la guerre du Rif). En 1926, le
PC adopte la tactique de la lutte classe contre classe, reposant sur une analyse mondiale, qui
doit mener les communistes à lutter contre la menace fasciste, mais aussi contre les sociotraitres (partis de gauche modérée), qui suppose qu'on refuse toute alliance électorale avec les
autres partis de gauche, refusant tout désistement au second tour des élections, comme le
décrit Ferrat. D'où l'effondrement parlementaire du groupe communiste: 25 députés en 1924,
14 en 1928 et 10 en 1932. De même pour le nombre de militants: 30 000 en 1931. C'est dans
les régions industrielles que le PC va disposer des meilleures implantations: bassin parisien,
Nord, Est, arrondissements populaires de Paris et banlieues Est (en 1924, 1/3 des voix PC
vient du département de la Seine). Le PC s'appuit sur la CGTU et sur un réseau associatif très
dense dans les banlieues: clubs sportfs, troupes de théâtre, avec la victoire aux municipales
dans de nombreuses municipalités de banlieue. D'où la créations de colonies de vacances, de
bureaux d'aide médicale et pour l'emploi; c'est la création d'une contre-société. On trouve
aussi un communisme rural, attendant les réformes agraires et le partage des terres.
2) Droite parlementaire et droite ligueuse
René Rémond (Les Droites en France) distingue trois traditions de droite en France,
qui remontent à la Révolution française: la tradition légitimiste, hostile à la Révolution,
attachée à l'ancien régime, refusant la modernité (Joseph de Maistre, Louis de Bonald); la
tradition orléaniste, libéralisme conservateur, partisan de l'équilibre des pouvoirs, attaché à la
libre entreprise, conservateur en matière sociale (Françoit Guizot, Alexis de Tocqueville); le
bonapartisme, proposant une interprétation autoritaire de l'héritage révolutionnaire, avec
comme modèle le césarisme démocratique, l'usage du plébiscite. Ces héritages sont toujours
visibles, mais un nouveau clivage s'est imposé au début du siècle: ceux qui se rallient à la
République parlementaire, droite de gouvernement, et ceux qui critiquent toujours la synthèse
républicaine, souhaitant la fin du régime, prêts à l'agitation de rue, la droite ligueuse.
La répartition de la droite parlementaire est plus difficile, car le militantisme est moins
présent, restant des partis de notables, qui fonctionnent au moment des élections mais ne
possèdent pas de structures permanentes: l'Alliance démocratique ( marquis de Moustiers) et
la Fédération républicaine. L'Alliance démocratique est une formation de centre droit, et joue
un rôle charnière, correspondant au profil de la droite orléaniste, ralliée à la République, au
parlementarisme et à la laïcité. On se réfère à Jules Ferry, représentant un républicanisme
modéré et laïque. Ils défendent l'orthodoxie libérale, contre l'intervention de l'Etat (contre
l'impôt sur le revenu en 1914, contre la limitation de la journée de travail à 8 heures, contre le
droit syndical de la fonction publique). Sa force tient en un vivier d'élus locaux (moins de 25
000 militants dans les années 20). Ses cadres sont des professions libérales ou des cadres
d'entreprises. Il s'appuie dans certaines régions sur le syndicalisme agricole de gros
propriétaires. Il constitue un vivier pour la constitution de ministères, avec la pratique de la
concentration républicaine. C'est la génération de la « Tour Eiffel »: Raymond Poincaré,
Louis Barthou. On trouve plus à droite la Fédération républicaine, partie la plus conservatrice
de la droite parlementaire, favorable au libéralisme économique, se distinguant par son côté
plus traditionaliste, avec des dirigeants d'origine cléricale, et une bonne implantation dans les
régions de l'Ouest. C'est une force poli€tique importante de l'entre deux guerres. En 1919, elle
envoie 125 députés à la Chambre. Elle est moins souvent aux affaires que l'Alliance
démocratique. Elle ne fournira aucun des chefs de gouvernement de l'entre deux guerres. Ses
dirigeants sont Louis Marin et François de Wendel, avec deux journaux importants, La Nation
et Le Journal des Débats.
Pour ce qui est de la droite ligueuse, l'Action française est apparue en 1898, constituée
d'antidreyfusards convaincus et républicains (Henry Pujo et Maurice Vaugeois), Charles
Maurras les convertissant au monarchisme. Il s'engage dans l'affaire Dreyfus au moment de la
découverte des faux fabriqués par le colonel Henry (« les faux patriotiques »), inventant la
devise « politique d'abord ». Il publie Enquête sur la monarchie, où il énonce un certain
nombre d'idées, notamment le fait que la décadence d'Athènes soit due à la Démocratie. Pour
lui, la Révolution française n'est pas parvenu à construire un ordre nouveau, se présentant
comme l'héritier de la tradition légitimiste: il veut revenir à l'état d'avant 1789, glorifiant la
figure d'Henry IV, contre la centralisation mise en place par Louis XIV. C'est une pensée antidémocratique, méprisant le suffrage universel, ne donnant au gouvernement qu'une légitimité
provisoire, la démocratie étant un système de dilution des responsabilités, appelant la
République « la femme sans tête ». Il se présente comme le défenseur du nationalisme
intégral. Tous les nationalistes devraient se présenter pour la monarchie. C'est un nationalisme
d'exclusion, contre l'Allemagne et les ennemis de l'intérieur, « l'anti-France », les groupes les
seuls bénéficiaires du régime démocratique: les protestants, qui ont rompu l'unité religieuse,
se ralliant très tôt à la République; les francs maçons constituant le gouvernement occulte de
la République; les métèques, étrangers qui vivent sur le sol français; les juifs, inassimilables.
Sur ces bases, l'Action française va connaître un développement important, avec de grandes
signatures: Léon Daudet, membre de l'Académie Goncourt; le journal Action française, avec
l'historien Jacques Bainville, Massis. Dans la guerre de 14, le journal suspend ses critiques
pour se rallier à l'Union sacrée, fer de lance du nationalisme français, avec un tirage à 170 000
exemplaires en 1918. La ligue d'Action française est organisée autour de 10 régions,
comportant des Camelots de roi. Un institut d'Action française est créé, sorte d'université
privée. L'apogée du mouvement se situe dans les années 20: une trentaine de députés élus en
1919. Sa condamnation par l'Eglise catholique en 1926 est un revers important, lui reprochant
un certain cynisme (machiavélisme), utilitarisme (se servant de la religion plutôt que la
servant), Maurras étant lui même agnostique, reconnaissant au catholicisme un rôle social. La
querelle éclate en 1926, et en 1928 l'Action française est excommuniée, les oeuvres de
Maurras mises à l'index. Les tirages du journal baissent de moitié. Deuxième revers: le comte
de Paris, héritier du trône, se désolidarise de l'Action française en 1936.
III_ Les rythmes de la vie politique dans les années 20
Les enjeux des années 20 sont encore largement dominés par la guerre. A partir de
1914, la vie électorale est suspendue. Les nouvelles élections législatives ont lieu le 16
novembre 1919, avec un mode de scrutin différent: système de listes départementales à un
tour, avec représentation proportionnelle, et une prime majoritaire, favorisant les coalitions.
La droite, qui se présente unie dans le Bloc national, rallié par certains radicaux, est organisé
par Clemenceau. Le mot d'ordre est de maintenir l'ordre social. Les résultats sont favorables à
la droite: 415 députés sur 620. Les radicaux ont 86 députés, la SFIO 68, c'est la chambre
« bleu horizon ».
A_ Le Bloc national (1920-1924)
C'est Clemenceau qui réalise cette coalition, qui est mis à l'écart après sa défaite aux
présidentielles de janvier 1920. On lui reproche de ne pas avoir assez profité de la victoire
avec le traité de Versailles. De même son autoritarisme est-il mal accepté en temps de paix.
C'est donc Alexandre Millérand qui prend les rênes du pouvoir, qui devient chef du
Gouvernement en janvier 1920, puis Président de la République en novembre, après le
démission de Paul Deschanel. C'est un homme qui vient de la gauche socialiste, proche de
Jaurès, et avocat des syndicalistes. La première rupture à lieu en 1899 lorsqu'il choisit de
participer au Gouvernement de défense républicaine sans l'accord de ses camarades. Il occupe
des ministères sociaux, puis s'éloigne du socialisme, devenant ministre de la guerre, et un des
chefs de file de la droite parlementaire. Il se considère comme le chef de la majorité, même
après son élection à l'Elysée, s'éloignant du rôle prescrit. Il veut revenir à la lettre du texte de
1875, et tend à assurer le rôle de chef de la diplomatie française. A Evreux, en 1923, il
prononce un discours dans lequel il affirme qu'il souhaite un rééquilibrage des pouvoirs en
faveur de l'exécutif, en rendant au Président le droit de dissolution, en élargissant son collège
électoral, en intégrant des élus locaux et des représentants de la société civile. Il invite les
électeurs à reconduire le Bloc national. Ces attitudes suscitent la colère de la gauchequi estime
qu'il sort de son rôle.
En matière de politique intérieure, la politique du Bloc national est une politique de
défense de l'ordre social, contre l'agitation sociale qui réapparaît à partir de 1919, à cause des
privations dues à la guerre, à l'inflation et au chômage. En avril 1919, Clemenceau fait voter
la loi sur la journée de 8 heures. Mais l'agitation revient au printemps 1920, la CGT compte
plus de 2,5 millions de militants. Cette agitation prend dans les villes du Nord de la France,
puis dans les postes et chemins de fer: le 1er mai 1920 a lieu une grande manifestation, d'où la
peur d'une révolution bolchevique, ce qui pousse Millérand à réprimer les cortèges. On
révoque plusieurs milliers de cheminots et postiers, remplacés par les adhérents de l'UNC. Le
rapport de force est en faveur du Gouvernement, qui conduit la CGT à cesser la grève.
On retrouve une orientation cléricale, avec la volonté de régler les conflits en faveur
des catholiques, en autorisant la réinstallation des congrégation. L'Alsace-Lorraine revient à la
France en 1919, qui doit y préserver le régime de Concordat. Pour la gauche, il faut appliquer
la loi commune; pour la droite, cela constitue un particularisme régional auquel la population
est attachée. Les relations diplomatiques avec le Vatican sont rétablies: en mai 1920, le
Vatican annonce la canonisation de Jeanne d'Arc, le Gouvernement institue le premier
dimanche de mai comme sa fête; la France y renvoie un ambassadeur.
Le traité de Versailles, est signé le 28 JUIN 1919. Au cours des négociations Wilson
rappelle son programme en 14 points, dont le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Lloyd George revient à la politique de retour à l'équilibre européen: il ne faut pas que la
France soit en position hégémonique, et il ne faut pas humilier durablement l'Allemagne.
Clemenceau défend des points de vue intransigeants: écarter le plus durablement possible la
menace allemande, faisant du Rhin une barrière entre les deux pays, créant une Rhénanie
indépendante pour servir de tampon. Le résultat est l'établissement d'un traité de compromis,
rejetté par l'Allemagne qui le considère comme un diktat, et décevant pour la France car la
Rhénanie n'est que démilitarisée. Le traité déclare l'Allemagne responsable de la guerre, et
doit verser des réparations, fixées en 1920 à 132 milliards de marks/or par une commission
des réparations. Certains économistes, dont Keynes, condamnent ces réparations, qui vont
contribuer à ruiner l'Allemagne, et vont coûter plus cher au Royaume-Uni et à la France. Une
politique intransigeante est défendue par Poincaré, qui est Président du Conseil en 1922, et
qui devant le non paiement des réparations, décide d'occuper la Rhur en 1923. Le RoyaumeUni désaprouve cette décision. En 1923, l'Allemagne est épuisée et se trouve au bord de
l'explosion sociale. Certains, comme Foch, proposent d'en profiter pour renégocier le traité de
Versailles. Mais l'impopularité internationale, le coût de l'occupation et la désaprobation de la
gauche, pousse Poincaré à créer une commission d'experts internationale sur les réparations,
présidée par le général américain Dawes.
Sur le plan économique intérieur, en 1920, la dette publique s'élève à 120 milliards de
francs, qui absorbe 40% du budget de l'Etat. Le Gouvernement pense que les réparations
allemandes vont permettre de la combler (« L'Allemagne paiera », Klotz, ministre des
finances). On émet des bons du trésor pour drainer l'épargne des Français, avec des créances à
court terme. Aucune réforme de structure n'est prise. Autre problème, celui de l'inflation, qui
apparaît pendant la guerre: depuis 1914 la convertibilité du franc a été suspendue. On ne
remet pas en cause la valeur du franc germinal; or l'évolution du taux de change entre le franc
et la livre sterling démontre une forte dépréciation du franc. Poincaré semble avoir pris
conscience de ce fait en 1924, et annonce des hausses d'impôts, ce qui contribue à
l'impopularité de la droite, et à la défaite électorale de 1924.
B_ Le Cartel des gauches (1924-1926)
Ce Gouvernement n'est pas resté dans les mémoires, à cause de son bilan modeste.
Selon Jean-Noël Jeanneney (La Faillite du Cartel des gauches, leçon d'histoire pour une
gauche au pouvoir), il est constitué par plusieurs familles aux aspirations différentes: les
socialistes ont été choqués par les répressions de 1920, les radicaux sont marqués par la
politique cléricale. Les deux partis se rapprochent et mettent au point une entente électorale.
On retrouve ainsi le thème du pacifisme, l'école unique, ... Des listes communes sont mises en
place dans la plupart des départements. En 1924, la droite est divisée entre les partisans de
Millerand et ceux de Poincaré, entre cléricaux et anti-cléricaux. Le Cartel dispose de 327
sièges à la Chambre, 105 pour la SFIO, 139 pour le parti radical, le reste allant à la gauche
indépendante.
L'expérience commence par une crise institutionnelle: la nouvelle majorité ne veut pas
gouverner avec Millerand, le poussant à démissionner. Dans un premier temps il refuse, mais
face à la « grève des ministères », c'est-à-dire le refus d'occuper la présidence du Conseil par
tous les leaders de gauche, il nomme un homme de centre-droit qui est renversé, et finit par
démissionner le 11 juin. Mais la gauche ne parvient pas à faire élire à l'Elysée Paul Painlevé,
battu par un centriste de droite, Gaston Doumergue, qui appelle Edouard Herriot à la
présidence du Conseil. Les socialistes soutiennent le Gouvernement mais refusent d'y
participer. Sont présent dans le Gouvernement Daladier et Queuille. Le Gouvernement prend
des mesures symboliques: transfert des cendres de Jean Jaurès au Panthéon, contesté par le
PCF qui refuse sa récupération par le Cartel; rupture des relations diplomatiques avec le
Vatican, expulsion des congrégations non-autorisées, et application des lois laïques à l'AlsaceMöselle. La Fédération nationale catholique, dirigée par le général de Castelnau, lutte contre
cette politique par de grandes manifestations, dont l'ampleur fait reculer le Gouvernement,
annulant les mesures annoncées.
Au niveau international, Herriot veut rompre avec l'unilatéralisme de Poincaré, et
renouer avec la Grande Bretagne, où les travaillistes arrivent au pouvoir. Le jour même de son
investiture, il part en Angleterre rencontrer le Premier ministre Ramsay Mac Donald, qui en
septembre 1924, prononce un discours à la tribune de la SDN, voulant en faire un instrument
de la réconciliation des peuples. Pour Herriot, le nouvel ordre international doit être
« arbitrage, sécurité et désarmement », souhaitant l'entrée de l'Allemagne et de l'URSS. C'est
en fait la question financière qui va faire trébucher le Cartel, accentuée par une crise de
confiance avec l'arrivée de la gauche au pouvoir, alimentée par la campagne de presse de la
droite, par une spéculation contre le franc sur les différents marchés boursiers, crise qui
touche les petits épargnants, qui rapportent leur bons du trésor, ce qui pose un problème de
trésorerie. Herriot est contraint de se tourner vers la Banque de France, dont le conseil
d'administration est composé d'actionnaires privés, lui demandant de faire marcher la planche
à billets, la loi fixant un plafond à ces avances, et Herriot le dépassant par deux fois. Herriot
se met sous la dépendance de la Banque de France, et une sorte de chantage apparaît,
imposant une politique d'austérité, sous condition de révélation des avances illégales, ce qui
finit par arriver. Herriot est pris à parti par le Sénat le 10 avril 1925, le Gouvernement est
renversé: il est renversé par le « mur d'argent ». Le Cartel va encore survivre quelques mois,
mais l'élan semble brisé, et on s'enfonce dans une instabilité ministérielle, avec 6
gouvernements en 15 mois; la chute du franc s'accélère. Briand fait appel à Caillaux pour
redresser le franc. Herriot tente de reformer un gouvernement, mais le taux de change du franc
est au plus bas, et Doumergue se tourne vers Poincaré.
On constate le développement de nombreuses ligues, notamment la Ligue des patriotes
de Paul Déroulède, reprise par Taittinger en 1924 qui fonde les Jeunesses patriotes. Elles se
développent contre le danger communiste, et recrute auprès de la jeunesse étudiante
bourgeoise, avec un noyau de 65 000 militants. Les Jeunesses patriotes se rangent lorsque la
droite est au pouvoir. Autre mouvement, le Faisceau de Georges Valois: il est anarchiste à la
fin du XIXe (attaché à la pensée de Proudhon), il rejoint l'Action française, fondant en 1911 le
Cercle Proudhon, tentant de réconcilier le nationalisme de Maurras et le socialisme de
Proudhon. Il rejette le marxisme, mais ne croît pas que l'Action française puisse se convertir
au fascisme. Il crée le journal Le Nouveau siècle, et veut créer un mouvement anticapitaliste
et antiparlementaire. Le 11 novembre 1925, il crée le Faisceau, avec plusieurs organisations
internes: le Faisceau des combattants, composé d'anciens combattants, le Faisceau des
producteurs, sur une base corporatiste; le faisceau des jeunes; le Faisceau civique, ouvert au
femmes et aux sympathisants. Ce mouvement de contestation est financé par des catholiques,
des patrons (François Coty, Eugène Mathon). En 1926, Valois organise plusieurs grands
meetings: à Verdun en février, à Reims, rassemblant environ 30 000 militants.
C_ L'Union nationale autour de Poincaré (1926-1929)
Gaston Doumergue avait fait appel à tous les leaders politiques du Cartel des gauches.
Il se tourne donc vers le chef de la droite modérée, Raymond Poincaré. C'est le début de
l'Union nationale, référence explicite à l'Union sacrée. Elle s'étend de la gauche radicale à la
droite modérée. Poincaré a appellé un certain nombres de figures importantes: sur 13
ministres, 6 sont des anciens président du conseil (Briand, Herriot, Barthou). La Fédération
républicaine est représentée par Louis Marin. La priorité du Gouvernement est d'enrayer la
chute du franc. Il crée une caisse de compensation chargée de gérer la dette publique, et
s'engage à rétablir l'équilibre budgétaire. Pour la première fois, en 1927, le budget devient
excédentaire. Tout au long de l'année le franc ne bouge pas, ce qui fait envisager un retour à la
convertibilité or (suspendue en 1914), mais on ne peut revenir à la valeur de 1914. C'est un
rapport de Jacques Rueff qui pousse Poincaré à la dévaluation, pour favoriser les exportations
et alléger la dette de l'Etat. Les élections de 1928 confortent la majorité, et Poincaré dévalue le
franc, convertible à 65,5mg d'or (dévaluation de 80%). Cela représente une perte de leur
épargne pour les Français, mais les anciennes incertitudes attribuent à cette mesure une
certaine satisfaction. En 1929, Poincaré termine se carrière politique avec une grande
popularité.
A l'éducation, Herriot entame une réforme du système scolaire: il multiplie les
bourses, et fait accepter le principe de la gratuité du secondaire jusque à la 3e, puis jusqu'au
bac. En 1928, André Fallières jette les bases d'un système d'assurance sociale. Ministre des
Affaires étrangères depuis 1925, Aristide Briand tient ce poste jusqu'en 1932, définissant un
briandisme reposant sur le ralliement de la France à une politique pacifiste, qui passe par le
règlement du contentieux franco-allemand, avec le ministre allemand Streseman. La
conférence de Locarno entraîne la reconnaissance par l'Allemagne de ses frontières
occidentales, ainsi que la démilitarisation de la Rhénanie. Elle finit par adhérer aux clauses du
traité de Versailles. En 1926, Briand et Streseman reçoivent le prix Nobel de la paix. En 1925,
le plan Dawes prévoit d'étaler les réparations sur 59ans. Le plan Young les réduit, et en 1932,
elles sont abandonnées lors de la conférence de Lausanne. Briand veut mettre la guerre hors la
loi, en favorisant le rôle de la SDN comme arbitre international. En 1928, le pacte BriandKellog promeut le renoncement à la guerre comme résolution des conflits, rejoint par de
nombreuses nations. Dans un discours à la SDN, Briand se prononce pour la création d'un lien
fédéral entre les différents pays d'Europe. Cette volonté pacifiste se manifeste en 1928 avec la
réduction de 3 à 1an du service militaire. On trouve cependant la volonté de protéger le
territoire, avec la construction de la ligne Maginot. C'est donc une politique contradictoire: la
France se prononce pour la sécurité collective, et fortifie ses frontières, mais multiplie les
alliances avec les pays d'Europe centrale.
C'est une période de stabilité politique, qui se fissure à partir de l'automne 1928, avec
le mécontentement croissant du parti radical. Lors de son congrès de novembre, les militants
demandent aux ministres radicaux de quitter le Gouvernement. Poincaré reste à la tête du
Gouvernement jusqu'en juillet 1929, ce qui met fin à la période de stabilité, avec la
mésentente de ses successeurs.
Chapitre 2: La vie politique dans les années 30: la France
en crise
En 1931, l’enquete de Robert Brasillach, La Fin de l'après-guerre, est un recueil
d'entretiens avec les hommes politiques et des intellectuels de l'époque: de nombreux enjeux
passent au premier plan, comme la crise du capitalisme, l'avènement de nouveaux modèles
politiques (fascistes, nazis, staliniens). En matière de politique intérieure: crise du système de
la IIIe République et crise de l'identité nationale.
I_ Le basculement dans la crise (1929-1934)
A_ La montée des difficultés intérieures
Dès la fin 1928, on avait constaté un essouflement de l'économie mondiale. Le crach
du jeudi noir de 1929 accélère la crise, et touche en premier lieu les Etats-Unis, l'Allemagne et
l'Angleterre, où les faillites bancaires se multiplient, les prix baissent et les entreprises
ferment. La France a dans un premier temps l'impression d'échapper à la crise, du fait de la
dévaluation de 1928 et de la relative fermeture au commerce international. A partir de 1931,
la crise est visible en France, avec une baisse importante de la production industrielle. On
passe d'un indice 100 en 1928, à 58 en 1932. Les prix agricoles chutent. 260 000 chômeurs
sont recensés en 1932, 350 000 en 1933.
Sur cette crise économique se greffe des tensions sociales. Le pacte républicain semble
se briser. C'est la stabilité politique qui est remise en cause, avec un mécontentement
catégoriel. Henry Dorgères fonde en 1928 le Comité de défense paysanne: son discours est à
la fois anticapitaliste et antiparlementaire (« Haut les fourches »). Au sein des classes
moyennes, on observe la multiplication des associations de défense: la Fédération des
contribuables lutte contre la pression fiscale et provoque des agitation de rue. Le monde
ouvrier s'agite à travers la CGT et la CGTU, avec l'organisation d'une marche de la faim entre
Lille et Paris. Les groupes de pensée se multiplient et tentent de renouveler le débat politique.
La NRF, en décembre 1932, ouvre ses colonnes à une dizaine de jeunes intellectuels qui
présentent un cahiers de revendications. On les appellent les non-conformistes des années 30.
Parmi les thèmes communs, il y a l'idée d'un désordre établi, avec l'incapacité des grandes
nations à créer un ordre international stable et crédible; ils dénoncent le désordre économique
lié au capitalisme, avec un discours très hostile aux Etats-Unis (Robert Aron, Arnaud Dandieu
écrivent Le Cancer américain, dénonçant le capitalisme américain); ils dénoncent le désordre
intellectuel, reprochant aux intellectuels français de fuir l'engagement (contre le livre de
Julien Benda La trahison des clercs); ils dénoncent la crise du parlementarisme. Pendant l'été
1931, le groupe X crise publie un bulletin mensuel consacré aux problèmes économiques et
sociaux, avec un discours très critique à l'égard des élites politiques: il faut passer à une
république des spécialistes (Jules Moch, membre de la SFIO, Jacques Rueff, Alfred Sauvy). Il
faut planifier l'économie de marché. Certains se réclament du spiritualisme, avec le groupe
Esprit (revue créée en 1932) fondé par Emmanuel Mounier, pour qui la crise économique est
avant tout une crise de civilisation, prônant l'idée de « refaire la Renaissance »: il veut un
nouveau humanisme, le personnalisme communautaire, voie intermédiaire mettant la
personne au coeur de la société, sans omettre la solidarité communautaire. Il y a une forte
influence catholique.
B_ Le 6 février 1934 et la crise du régime
Face à la crise, de 1929 à 1932, la droite gouverne en France, mais n'arrive pas à
préserver la stabilité acquise avec Poincaré. 9 gouvernements se succèdent en 3ans. La figure
dominante est André Tardieu: major de l'ENS, diplomate, éditorialistes, il essaye de
développer sa propre vision politique. Il veut une modernisation des institutions, partisan de la
réforme de l'Etat, plaidant pour un exécutif fort, et se déclare pour le bipartisme. Il réclame
aussi une modernisation économique, prenant encore pour modèle les Etats-Unis: les
structures économiques françaises sont trop archaïques; il voudrait un capitalisme plus
conquérant, avec la formation de grands groupes compétitifs au niveau international. L'Etat
doit favoriser la croissance par un programme d'équipement. Mais la dégradation de la
situation économique déssert son programme, de même que son image de grand bourgeois
parisien.
En 1932, les législatives donnent le pouvoir à la gauche, coalition menée par le parti
radical, retourné à l'opposition à l'automne 1928, qui obtient 160 députés. On assiste à un
nouveau gouvernement Herriot, les socialistes refusant toujours de participer. Il veut rassurer
les milieux financiers, et va puiser dans les remèdes de l'orthodoxie libérale, refusant une
nouvelle dévaluation du franc. L'impératif est de maintenir l'équilibre des finances publiques,
avec une politique de déflation, qui contribue à maintenir la dépression. Le chômage continue
de progresser, le gouvernement est renversé fin 1932, et en 1933, quatre gouvernements se
succèdent. Cette instabilité fait se développer un discours antiparlementaire, exacerbé en 1933
par un scandale politico-financier, l'affaire Stavisky. Alexandre Stavisky est un personnage
mondain, propriétaire de plusieurs cabarets à Paris (et du théâtre de l'Empire), possédant de
nombreux réseaux de connaissances. La faillite du crédit municipal de Bayonne, créé par le
député maire Garat sous les conseils de Stavisky, met en lumière des détournements de
capitaux: Garat est arrêté et Stavisky en fuite. La presse révèle ses nombreuses escroqueries:
ses procès ont toujours été reportés, ce qui fait soupçonner des soutiens politiques, en
particulier au parti radical. Le magistrat qui préside les services financiers de Paris est le
beau-frère de Camille Chautemps. Stavisky est retrouvé mort dans un chalet de Megève.
Philippe Henriot mène une offensive parlementaire; l'Action française tente de relancer son
audience, soulignant l'origine juive de Stavisky, et la franc-maçonnerie de Garat. L'UNC
s'insurge. La ligue des Croix de feu du colonel de la Rocques dénonce de même l'affaire.
L'opinion publique se réveille: la Comédie française joue Coriolan de Shakespeare, où les
répliques antiparlementaires sont applaudies. Chautemps démissionne le 27 janvier 1934,
remplacé par Edouard Daladier. Ce dernier renvoie le préfet de police de Paris Jean Chiappe,
ce qui suscite un appel à la manifestation le 6 février, le jour du vote de la confiance au
cabinet Daladier. On y retrouve l'Action française, l'UNC et les Jeunesses patriotes de
Taittinger réunis à l'Hôtel de ville. A gauche, l'ARAC appelle à manifester, relayée par
l'Humanité, dénonçant la menace fasciste, la corruption du régime et le gouvernement
Daladier. Cette crise se joue sur deux tableaux: parlementaire, avec l'investiture de Daladier et
la violence des débats; et populaire, alors qu'à l'extérieur la manifestation dégénère en émeute,
avec des combats violents pour l'accès au Palais Bourbon. Au matin du 7 février, on relève
une quinzaine de morts: Daladier dénonce une attaque contre la sûreté de l'Etat, un complot de
l'extrême droite, ce dont les historiens doutent. Dès le matin du 7 février, Daladier
démissionne, se sentant lâché par son propre parti. Se forme un gouvernement d'union
nationale avec Gaston Doumergue, comprenant Pierre Laval, Louis Marin, Edouard Herriot,
Albert Sarraut, Henry Queuille et le maréchal Pétain. Doumergue ne sera que Président du
Conseil: il prend une série de mesures d'urgence en matière économique, gouvernant par
décret-lois, et s'attache à la réforme de l'Etat par la formation de commissions parlementaires
à cet effet. Les résultats arrivent au moment de l'affaiblissement de l'union nationale, et ne fait
donc pas parvenir à son projet de réformes: il voulait rendre au Président de la République son
droit de dissolution et réduire la puissance du législatif. Ce projet se heurte à l'hostilité du
Sénat, et la méfiance du parti radical, qui y voit une remise en cause du parlementarisme
français, et estime que le projet est inspiré par Tardieu. Doumergue est le premier à utiliser la
radio, appel à l'opinion publique qui induit un mépris des parlementaires. Il démissionne le 10
novembre 1934, et le projet de réforme n'aboutit pas. L'année 1935 voit passer des
gouvernements de centre-droite.
II_ Le reclassement des forces politiques (1934-1936)
A_ La dynamique du Front populaire et les recompositions à gauche
Au début de la crise, la gauche est divisée, et en 1934, une dynamique de
rassemblement se met en place. Le parti radical connaît un certain nombre de tensions
internes, qui portent sur la tactique suivie depuis les années 20, et sur l'identité du parti. A la
droite du parti se développe un néo-radicalisme, qui tire une conclusion de l'échec du cartel
des gauches, et d'une alliance impossible avec les socialistes. Il faut ancrer définitivement le
parti au centre, et s'allier avec le centre-droit, affichant son hostilité au marxisme, et son
soutient au libéralisme. Ce néo-radicalisme est très présent au Sénat, avec Joseph Caillaux et
Albert Sarraut. Se développe aussi une tentative de modernisation de la pensée radicale dans
l'aile gauche, avec la nouvelle génération de militants radicaux, dont Edouard Daladier, qui
affiche une volonté de cohérence de restructuration. Les « jeunes turcs » sont des trentenaires
qui appartiennent aux élites du parti: Pierre Cot, Jean Zay, Bertrand de Jouvenel, Pierre
Mendès-France et Gaston Bergery (chef de cabinet d'Herriot au quai d'Orsay). Ils soutiennent
la politique pacifiste de Briand, la SDN et la construction d'une Europe fédérale, induisant une
réconciliation franco-allemande, passant par la révision du traité de Versailles. Ils développent
un discours critique à l'égard du capitalisme international. Ce ne sont pas des marxistes, se
réclamant d'une troisième voie, la voie de l'économie dirigée, où l'Etat donne de grandes
orientations, favorables à un système d'économie mixte. La IIIe République ne serait pas
mesure de remplir ces objectifs, imposant une réforme de l'Etat: ils sont partisans d'un
renforcement de l'exécutif, mais au profit du Président du Conseil; certains veulent supprimer
le Sénat, le remplaçant par une chambre corporative. En 1933, Herriot redevient Président du
parti, déception pour les jeunes turcs car il représente la vieille garde. Certains vont rallier le
Front populaire (Zay, Mendès-France); d'autres quittent le parti (Bergery, de plus en plus
hostile au parlementarisme, soutenant Vichy).
Au PS, on constate une alliance impossible avec le PC, de même que l'alliance avec
les radicaux a montré ses limites. Il se définit encore comme un parti révolutionnaire. Blum
déclare à l'égard du parti radical: « Ils ne peuvent nous suppléer dans notre tâche, mais nous
pouvons les assister et les stimuler dans la leur. » Pour les plus modérés, la SFIO doit
participer aux gouvernements radicaux, question qui prend une place croissante dans les
débats internes. En 1925, la participation receuille une opinion minoritaire, tandis qu'elle est
presque majoritaire en 1929. Le débat concerne aussi l'évolution de la doctrine socialiste, avec
la publication de Au-delà du marxisme d'Henry de Man, qui appelle à se défaire de la doctrine
marxiste, s'éloignant de la lutte des classes, et se prononçant pour un socialisme réaliste et
réformiste, favorable à la planification économique. Ces idées seront reprises par Marcel
Déat, chef de file des néo-socialistes, se prononçant pour une révision du marxisme, pour un
rassemblement anti-capitaliste ouvert à tous les partis de gauche, pour une alliance entre les
ouvriers et les classes moyennes, en agissant sur la gestion plutôt que sur la propriété. Lors du
congrès socialiste de 1933, Déat s'en prend à Blum, lui reprochant de chercher des alibis pour
fuir les responsabilités ministérielles, de rester dans les idées du XIXe. Adrien Marquet,
député-maire de Bordeaux, relais ces attaques. Blum accuse Marquet de fascisme face aux
revendications réclamation d'un Etat fort. Les néo-socialistes sont exclus de la SFIO, fondant
le Parti socialiste de France, rejoints par une trentaine de parlementaires et cinq fédérations
départementales.
Au PC, la bolchevisation exclue tout débat interne, avec la tactique de classe contre
classe, s'opposant aux socio-traitres. Il dispose de 28 000 militants. Mais quelques tensions
internes sont visibles: Doriot fait son autocritique concernant les alliances avec les autres
partis de gauche.
Les événements du 6 février 1934 vont permettre un rassemblement de la gauche. Le
PC et la CGTU manifestent le 9 février contre la menace fasciste, avec des affrontements qui
font 4 morts. Deux appels à manifester pour le 12 février: un appel du PC et de la CGTU, et
un appel de la SFIO et de la CGT. Ces deux manifestations vont fusionner. Elles ont lieu à
Paris mais aussi dans les grandes villes de province. Un tel rassemblement va interpeller les
états-majors des partis, par la mobilisation des bases, et des intellectuels qui plaident pour un
rassemblement de la gauche. Un rassemblement des intellectuels antifascistes se crée à partir
de l'Internationale communiste: la politique culturelle des communistes est plus souple,
accueillant toutes les personnes se reconnaissant dans ces mêmes valeurs. Ce mouvement est
initié par Henry Barbusse et Romain Rolland, qui se rapprochent au début des années 30 face
à la menace fasciste: Rolland rejoint les positions de Barbusse et devient un compagnon de
route du parti. En août 1932, le congrès d'Amsterdam réunit des intellectuels qui dénoncent la
menace fasciste. Cette lutte se poursuit en juillet 1933, avec le congrès de Paris, à la salle
Pleyel. Se met ainsi en place le comité Amsterdam-Pleyel. Or ce comité est considéré trop
proche du parti communiste par les intellectuels socialistes. En mars 1934, est mise en place
une nouvelle structure, le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, représenté par
trois hommes qui représentent les trois grandes familles de la gauche: Alain, Paul Rivet
(ethnologue proche de la SFIO) et Paul Langevin (scientifique proche de la SFIC). Il
rassemble plus de 6000 signatures, et crée des sections en province, avec près de 35 000
adhérents en 1936. On a donc des signes de volonté unitaire, mais les états-majors tardent à
suivre: il y a une unité face au fascisme, mais la tactique classes contre classes n'est pas
abandonnée. Le 5 mars 1934, dans un communiqué, le PC affirme sa lutte face au fascisme,
mais appelle aussi à la lutte acharnée contre la SFIO et la CGT. On accuse Daladier et Tardieu
de vouloir créer une république fasciste. Des critiques apparaissent au sein du PC, avec
notamment Jacques Doriot, qui reprend l'offensive en mars 1934, faisant circuler une lettre
appelant à l'unité de la gauche, créant un comité de front unique ouvert à tous les partis de
gauche. Il est alors la cible réprimandes: il est convoqué avec Thorez à Moscou pour régler le
conflit, mais refuse de s'y rendre, craignant une purge, et est exclu du parti. Sa tactique est
pourtant mise en oeuvre à partir de juillet 1934. Dimitrov, à partir d'avril 1934, dirige
l'Internationale communiste, et critique la tactique de classes contre classes. On constate en
1934, que le nazisme s'installe durablement en Allemagne, Dimitrov voulant éviter les erreurs
allemandes. Il initie donc une politique de main tendue aux socialistes. Cette tactique est
rapidement mise en place: le congrès du parti, en juin 1934 à Ivry, accepte d'ouvrir des
négociations, et un pacte est finalement signé avec le PS, le 27 juillet 1934, afin de mobiliser
toute la classe laborieuse contre la menace fasciste. Les deux partis mettent en oeuvre des
comités d'action anti-fascistes. Le parti veut aussi associer les classes moyennes, c'est-à-dire
le parti radical: en octobre 1934, Thorez prône l'alliance des classes moyennes avec la classe
ouvrière, prenant contact avec le parti radical, qui est très divisé face à cette proposition. La
droite du parti, avec Joseph Caillaux, est très hostile, de même que Herriot au centre. Les
partisans de l'alliance sont à la gauche du parti, avec Daladier et les Jeunes Turcs (Zay). En
1935, la volonté unitaire finit par l'emporter. Les élections municipales de mai 1935 montrent
une poussé à gauche de l'opinion publique. Les listes unitaires reçoivent de bons résultats; on
se retire lorque les listes radicales sont mieux placées pour le second tour, signe de main
tendue. Cette politique est généralisée en 1935 en Europe, avec notamment un front populaire
en Espagne. Moscou revoit sa diplomatie: les relations avec la France évoluent de façon
favorables, avec un pacte de non-agression en 1932, rapprochement poursuivi par Louis
Barthou en 1934, alors ministre des Affaires étrangères du Gouvernement Doumergue,
s'inquiétant de la menace nazie. Il est assassiné en novembre 1934 à Marseille, avec le roi de
Yougoslavie. Pierre Laval lui succède: poursuivant cette politique, il signe en 1935 un pacte
d'assitance mutuelle, se rendant en URSS en mai 1935, Staline affirmant la légitimité d'un
réarmement français contre l'Allemagne. Le PC abandonne son discours antimilitariste, et à
partir de 1935, vote les crédits militaires. Son discours est plus patriotique, s'appropriant un
patriotisme révolutionnaire. Le 14 juillet 1935 est une fête qui scelle l'unification de la
gauche, à laquelle participent les partis et les syndicats, mais aussi le comité AmsterdamPleyel, et un certain nombre d'associations (groupe Octobre). Un serment est alors prêtté, de
même que la réunification des deux syndicats en mars 1936. En octobre 1935, les radicaux
officialisent leur ralliement au Front populaire, et en janvier 1936, ils proposent un
programme commun, avec le slogan « Le pain, la paix et la liberté ». L'unité est donc faite,
mais avec des convictions différentes: les radicaux y voient une unité de défense républicaine,
ralliement avant tout politique pour défendre le régime; pour les socialiste, c'est la mise en
oeuvre de la stratégie de Léon Blum, d'exercice du pouvoir dans le cadre du régime en place;
pour le PC, la révolution est mise en attente, projet à long terme.
B_ La radicalisation des droites
L'échec de la réforme de l'Etat par le Gouvernement Doumergue est mal vécu par la
droite, prouvant que le régime est incapable d'évoluer. La défection des radicaux est jugée
comme la cause principale de cet échec. Le rassemblement des gauches est aussi vécu comme
une menace. Ce durcissement est visible à la Fédération républicaine, avec une nouvelle
classe dirigeante, qui doute de plus en plus du régime républicain, avec notamment Philippe
Henriot et Xavier Vallat. Une partie de la droite libérale évolue aussi vers des positions de
plus en plus autoritaires, le basculement de Tardieu étant assez représentatif de cette
évolution, pour qui la république parlementaire se traduit par une impuissance politique, liée à
la faiblesse de l'exécutif et aux pratiques parlementaires, les radicaux ayant perdu le sens de
l'intérêt général, préférant représenter les idéaux locaux. Tardieu se prononce pour une
république plébiscitaire, qui rétablisse l'autorité de l'exécutif, et donc le droit de dissolution, et
préconise également l'introduction du référendum dans la Constitution. Jusqu'à la fin des
années 30, Tardieu poursuit son action hors du cadre politique, avec des articles et des livres
(Refaire la Révolution).
Il y a aussi un essor des ligues, avec en particulier la Ligue des Croix de feu, créée en
1929 par Maurice d'Hartoiy, écrivain ancien combattant, essayant de rassembler une élite
ancien-combatante (il fallait avoir reçu la Croix de guerre), et s'étend aux briscards (ceux qui
ont passé au moins 6 mois au front). Cette ligue est financé par François Coty. Hartoiy est
écarté, remplacé par le colonel de La Rocque: il a fait l'essentiel de sa carrière au Maroc,
prenant sa retraite en 1929, rentrant à la Compagnie générale d'électricité, dirigée par Ernest
Mercier, qui est à la fois le Président du Cercle de Redressement français. La Rocque n'est pas
un chef charismatique, mais c'est un organisateur infatigable. Il recrute des jeunes qui n'ont
pas fait la guerre, et crée des mouvements jeunes et des sections féminines, ainsi qu'un service
d'ordre musclé, les « dispo », militants mobilisables en permanence, organisés en divisions
d'une quinzaine d'hommes. La Rocque est partisan d'une réforme de l'Etat, anticommuniste.
La ligue se défend d'être un parti politique, mais la politisation du mouvement s'accentue à
partir de 1933-1934. Il interdit de donner l'assaut au palais Bourbon le 6 février 1934.
Larocque prend la direction du mouvement en 1930, atteignant les 100 000 militants en 1934,
et 130 000 en 1936. Apparaît ainsi un mouvement de masse à droite: alors que les partis ne se
fondent pas sur des militants, les Croix de feu mobilisent, en particulier les classes moyennes
(70% de commerçants, artisants; 25% appartiennent à la bonne bourgeoisie). Ils vont tenter de
convaincre l'opinion publique par des démonstrations de force. Pour Blum, on est en présence
d'une organisation paramilitaire. Le 14 juillet 1935, ils défilent sur les Champs-Elysées.
L'historien Robert Soucy analyse la ligue comme une organisation fasciste, adaptée à la
situation française. Selon lui, on y retrouve le culte du chef, de la discipline. Pierre Pucheu,
ministre sous Vichy, est militant aux Croix de feu, de même que Pozzo di Borgo attirés par le
modèle fasciste. La plupart des historiens refusent cette analyse, dont René Rémond (Les
Droites en France), et Pierre Milza: les Croix de feu ne s'inscrivent pas dans une logique
totalitaire; Laroque respecte les corps intermédiaires, les hiérarchies sociales, ce qui est
contraire à la logique totalitaire. Il n'est jamais sorti de la logique légaliste, et le mouvement
n'a jamais été aussi fort que lorsqu'il s'est transformé en parti, le PSF, qui dépasse le million
d'adhérents à la veille de la guerre. Nobécourt, biographe de La Rocque, le définit comme un
nationaliste chrétien. Le fascisme est plutôt présent dans d'autres ligues: le Francisme de
Marcel Buccard, héritier du Faisceau de Georges Valois, qui n'a pas regroupé plus de 10 000
membres. Autre groupuscule, la Solidarité française n'a pas eu plus d'audience.
III_ Les tensions des années 1936-1939
A_ La situation intérieure: victoire et reflux du Front populaire
Ces années vont occuper une place très importante dans la mémoire collective, et ce
pour trois raisons: ces années apparaissent comme le point culminant de la mobilisation
collective; c'est l'émergence de nouvelles modalités du pouvoir, le Gouvernement de gauche
de signifiant plus le Gouvernement radical; elles constituent aussi l'apogée des tensions
politiques entre gauche et droite, avec une situation de guerre civile larvée.
La campagne législative de 1936 est très animée, mais à la fois très tendue, essayant
une issue à la crise politique de 1934; Thorez met en avant la politique de la main tendue: en
avril 1936, il prononce un discours proposant une alliance aux chrétiens ayant peur du
fascisme, et aux Croix de feu restés républicains. A droite, on exploite la peur du PC (« En
France comme en Russie le communisme fera de vous ses esclaves »), avec des affiches du
caricaturiste Sennep, démontrant que l'alliance des gauches se fait au profit du PC. Cette
passion politique se traduit par une participation importante (plus de 90%); les élections se
déroulent le 25 avril et le 3 mai, et marquent un fort glissement à gauche. Le Front populaire
remporte 57% des suffrages, et 1/3 des sièges à l'Assemblée: d'une part un transfert vers la
gauche des électeurs, mais au détriment du parti radical qui recule; d'autre part la SFIO
devient le premier parti en voix et en sièges. Le PC double le nombre de ses électeurs, et
multiplie par 6 le nombre de ses députés. Il y a aussi une bipolarisation accentuée, puisque
que la droite recule, mais la droite dure recule moins que la droite libérale.
Ces élections suscitent un véritable mouvement social en mai 1936: le 1er mai, les
ouvriers décident de ne pas travailler pour participer aux défilés. Certains de Ces ouvriers sont
licenciés, et vont rapidement être soutenus par de forts mouvements de grève, dont la
mobilisation des ouvriers de Renault à Boulogne-Billancourt est le point d'orgue. C'est le
Gouvernement Sarraut qui gère la crise jusqu'à la prise de pouvoir de Blum en juin. 9 000
entreprises sont occupées par leurs ouvriers. La CGT bénéficie de ce mouvement avec une
hausse sensible de ses adhésions (800 000 en mars 1936, 4 millions fin 1936). Cette crise est
le résultat d'un processus cumulatif depuis les années 20, avec notamment l'apparition du
taylorisme et la crise économique (compression des salaires, temps partiel, chômage). La
mobilisation donne l'espoir de changer les choses, avec des revendications qualitatives et
quantitatives. Simone Weil rapporte un besoin de dignité exprimé par les ouvriers.
Le Gouvernement Blum va essayer un autre mode d'exercice du pouvoir. Les
socialistes, pour la première fois, participent au Gouvernement. Les communistes se récusent,
ils apporteront leur soutient parlementaire, mais refusent tout ministère. Maurice Thorez
affirme que le PC se réserve le « ministère des masses ». Le parti radical participe au
Gouvernement. Blum estime qu'il est dans un contexte d'exercice du pouvoir dans la légalité
républicaine. Certains, à gauche du parti, comme Marceau-Pivert, pensent qu'on peut aller
plus loin (Tout est possible). Cette analyse est réfutée par Blum, qui rejette toute crise
révolutionnaire, de même que par les communistes, qui sont dans une stratégie de
conciliation, sans effrayer les classes moyennes, pour attirer les républicains. L'Humanité
répond à Pivert par « Tout n'est pas possible ». Blum a l'ambition de changer un certain
nombre de pratiques, rénover le parlementarisme à la française en le légitimant (La Réforme
gouvernementale). Il veut « passer de la République des députés à une République des
partis », refusant une politique dominée par l'individualisme et l'indiscipline. Il veut un
gouvernement parlementaire stable, qui reposerait sur un accord entre plusieurs partis. Blum
cherche à rationaliser la machine gouvernementale en revalorisant le rôle du Président du
Conseil, en particulier par la mise en place d'un secrétariat général du Conseil, à la tête duquel
il place Jules Moch. Plusieurs femmes accèdent au Gouvernement: Irène Joliot-Curie,
secrétaire d'Etat à la recherche scientifique; Suzanne Lacore à la protection de l'enfance;
Cécile Brunschvig à l'éducation nationale. Blum crée un ministère de l'économie nationale,
confié à Charles Spinasse, ainsi qu'un secrétariat d'Etat aux loisirs et au sport, confié à Léo
Lagrange. Des négociations sont mises en place à Matignon entre les partenaires sociaux, qui
permettent les accords de Matignon: 15 à 16% d'augmentation des salaires, création de
contrats collectifs de travail dans chaque branche (droits et devoirs des employeurs),
renforcement de la liberté syndicale (un délégué dans chaque entreprise de plus de 10
ouvriers). Ces accords permettent la reprise du travail en juin 1936. Dans la foulée, des lois
sociales sont votées par le Parlement: une première vague en juin complète les accords de
Matignon. Le 11 juin, une loi institue deux semaines de congés payés. Le 12, un loi précise le
contenu des conventions collectives négociées dans les branches. La durée hebdomadaire du
temps de travail passe de 48 à 40 heures. L'obligation scolaire est élevée de 13 à 14ans.
Lagrange négocie un billet populaire destiné aux ouvriers partant en congés payés. Suivent
des réformes plus économiques: réforme du statut de la Banque de France, le Conseil de
régence étant remplacé par une Assemblée générale élargie, dirigée par des techniciens
nommés par l'Etat, la nationalisation étant rejettée par le Sénat. Dans le domaine de
l'agriculture, le ministre de l'agriculture Georges Monnet va essayer de réorganiser le marché
des céréales avec la création de l'ONIB (office national interproffessionnels du blé), qui fixe
les prix, permet de stocker les excédents et vient en aide aux coopératives. Cette politique
agricole inquiète les radicaux (menace de collectivisme pour certains). Le cours du blé repart
à la hausse. La nationalisation n'est utilisée que pour les industries d'armement: Daladier,
ministre de la Défense, l'estime nécessaire. Elle est aussi utilisée pour les chemins de fer, avec
le regroupement de plusieurs compagnies dans la SNCF, contrôlée à 51% par l'Etat. La
politique culturelle apparaît (« 1% pour la culture »), avec notamment Jean Zay, ministre de
l'éducation nationale, par la création d'un secrétariat l'éducation nationale, et d'un secrétariat à
l'expression nationale. Un certain nombre d'initiatives sont prises: création du CNRS, du
musée de l'Homme, du musée des arts populaires, aide à la production théâtrale, organisation
des loisirs (construction d'équipements sportifs, brevets sportifs populaires).
Des oppositions vont se former face au Front populaire. La droite classique accepte la
victoire de la gauche: Paul Reynaud affirme que l'alternance fait partie de la vie politique.
Mais le nouveau Gouvernement fait l'objet d'attaques très dures de la part de la presse de
droite et d'extrême-droite (Action française, Je suis partout de Robert Brasillach). Cette
campagne de presse va reposer sur des attaques personnelles: Roger Salengro, ministre de
l'Intérieur, est accusé d'avoir déserté pendant la guerre; une commission parlementaire le
blanchit (Salengro  Propre en gros), ce qui n'arrête pas la critique, et le pousse au suicide le
7 novembre 1936. Cela n’arrête pas la campagne. Blum est aussi une cible privilégiée, avec
un arrière plan d'antisémitisme: dans un discours, Xavier Vallat (député de la fédération
républicaine, futur commissaire à la question juive sous Vichy, auquel succédera Darquier de
Pellepoix en 1942) regrette, dans un discours prononcé au Parlement, que pour la première
fois le Gouvernement soit dirigé par un juif. En 1936 se met en place un rassemblement antijuif dirigé par Louis Darquier de Pellepoix, au conseil municipal de Paris. La Libre parole,
journal créé par Edouard Drumont, reparaît en 1937. Céline participe à cette campagne avec
Bagatelle pour un massacre. Alors que Voyage au bout de la nuit avait été perçu comme de
gauche car antimilitariste mais cette fois, présente les juifs comme un microbe qui
décomposerait l’organisme national français. Brasillach demande un statut spécial pour les
juifs. Mais la pensée anticommuniste est plus virulente, aussi bien à droite qu’une partie des
radicaux, notamment chez certains radicaux au Sénat avec Joseph Caillaux. Thème du
complot communiste. Cet anticommunisme est mûri par les images de la guerre d'Espagne:
L’historien Pierre Laborie parle d'un « miroir espagnol ». En juin 1936, le Gouvernement de
Front Populaire décide la dissolution des ligues car représente un danger pour leur République
: les ligues se reconstituent sous différentes formes les Croix de feu se reconstituent à
l'automne sous la forme d'un parti politique, le PSF (Parti Social Français), ce n’est plus un
mouvement d’ancien combattant mais un parti classique. Le colonel de Laroque, dénonce le
parti communiste, veut reconquérir l’unité nationale à travers les classes moyennes, face au
Front Populaire fait le choix d'une stratégie électorale: le PSF compte 450 000 militants
quelques mois après sa création, parvenant à environ 1 million de militants en 1938, avec pour
objectif de rallier les classes moyennes, effrayées par la menace communiste. Il recueille près
de 10% des voix dans les élections d'avant guerre. Processus de recentrage qui ouvre des porte
 Cette situation favorise la montée du PPF, nouveau parti fondé par Jacques Doriot, exclu
du PC en 1934 pour indiscipline alors que sa ligne devient forte  Rancœur extrême à
l’égard du PC. Exclusion ne signe pas sa mort politique, il est réélu en 1935 à la mairie de
Saint-Denis, et considère la conjoncture favorable à la création d'un parti, s'appuyant sur un
noyau communiste de Saint-Denis et d'autres exclus, comme Henri Barbé ou André Marion,
et des militants d'Action française déçus par le vieillissement du mouvement, un certain
nombre de technocrates favorables à un gouvernement autoritaire, comme Pierre Pucheu, et
certains intellectuels d'extrême-droite, comme Drieu-la-Rochelle. Doriot organise un meeting
fondateur à Saint-Denis en 1936 pour créer son parti, se présentant comme l'homme du
rassemblement national, et dont le succès réside dans ses qualités d'orateur. Il regroupe un
noyau de 100 000 militants, bien implantés dans la région parisienne et dans le midiméditerranéen (Sabiani), de même qu'en Algérie. La référence au fascisme n'est pas explicite,
mais l'évolution du mouvement fait apparaître une pratique fasciste (salut, serment de fidélité
au chef, discours). Or il lui manque une dimension territoriale nationaliste, Doriot se ralliant à
un certain pacifisme en 1938.
A partir de 1937, le Front populaire se heurte à une série d'oppositions internes: face à
la guerre d'Espagne, les communistes souhaitent un engagement de la France, à quoi les
radicaux sont opposés. Le Gouvernement doit faire face à des difficultés économiques
importantes: reprise de l'inflation, accroissement du déficit public, fuite des capitaux, d'où une
nouvelle dévaluation du franc. Les communistes pensent qu'il faut poursuivre la politique
sociale, alors que les radicaux prônent une politique beaucoup plus pragmatique. Blum
annonce la pose des réformes, et en 1937 il demande les pleins pouvoirs économiques: le
Sénat lui refuse et le renverse. Le Front populaire survit un an: Blum tente un retour en mars
1938, mais est renversé en avril. Les radicaux se rapprochent du centre-droit. Daladier dirige
le Gouvernement à partir d'avril, dans lequel sont présents des hommes de centre-droit. Août
1938, il annonce une nouvelle ligne politique, « il faut remettre la France au travail ». En
novembre 1938, la semaine de travail peut repasser à 48h, mesure dénoncée par le PC et la
SFIO. La CGT appelle à la grève le 30 novembre, mais ne parvient pas à infléchir la politique
du Gouvernement.
B_ Les menaces extérieures: la marche à la guerre
Parmi les principes du briandisme, on trouve la volonté de désarmement, le pacifisme
et la volonté d'unité européenne. La défense française s'est donc batie sur une tactique
défensive, avec la construction de la ligne maginot. De Gaulle dénonçait ce choix exclusif
d'une stratégie défensive et estimait que la guerre de mouvement avait encore un rôle à jouer.
Mais cet avis est minoritaire.
La victoire de Hitler en 1933 crée un nouveau contexte en Europe: celui-ci rompt avec
la politique d'apaisement de ses prédécesseurs. Il remet en cause le traité de Versailles. Il ne
cache pas sa volonté de rassembler les peuples germaniques et sa volonté d'étendre « l'espace
vital »: la Tchécoslovaquie et la Pologne sont menacées. Or ce sont les alliés de la France, et
celle-ci est mal préparée pour le venir en aide.
En 1934, Louis Barthou, ministre des Affaires étrangères du Gouvernement
Doumergue (6 février), s'efforce de définir une nouvelle politique de défense; la note qu'il
écrit explique que la France renonce à l'idéal de sécurité collective avec la SDN. Elle décide
d'assurer sa sécurité avec ses propre forces. Cette nouvelle politique suppose un réarmement
et un renforcement des alliances contre l'Allemagne, et en particulier avec l'URSS,
rapprochement initié par Bathou en 1934. Mais il est assassiné en novembre 1934, et ses
successeurs ne suivront pas ses choix de nouvelle diplomatie.
On va ainsi assister à une certaine passivité des démocraties face aux coups de force:
en 1935, l'Italie attaque l'Ethiopie, pays indépendant représenté à la SDN, et ne fait l'objet que
d'une condamnation morale. En mars 1936, Hitler procède à la remilitarisation de la
Rhénanie, violant de fait le traité de Versailles et celui de Locarno. En 1936, la France est en
fin de législature: le chef du Gouvernement, Albert Sarraut, condamne l'Allemagne, mais ne
se sent pas assez de légitimité politique pour agir. En juillet 1936, c'est le début de la guerre
civile en Espagne, avec un coup d'Etat militaire qui tente de renverse la République: Blum est
partisan de la réaction, mais il se heurte assez vite à une partie de sa majorité, les radicaux y
étant très hostiles, de même que son allié britannique. En août, un pacte de non-agression est
signé par les grandes puissances européennes, violé par l'Allemagne, l'Italie et l'URSS. En
mars 1938, l'Allemagne proclame l'Anschluss, Chautemps ne réagit pas. En septembre 1938,
l'Allemagne exige l'annexion des Sudètes, alors que la France s'était engagé à défendre les
frontières de la Tchécoslovaquie. Le 25 septembre, le France commence à mobiliser. Une
conférence est organisée à Munich, en présence d'Edouard Daladier, Président du Conseil,
Neville Chamberlain, Hitler et Mussolini, une délégation tchécoslovaque n'étant pas admise
dans les négociations. La France et le Royaume-Uni acceptent les revendications de
l'Allemagne. Les députés français ratifient le traité.
Cette vague pacifiste rassemble toutes les sensibilités politiques: des néo-pacifistes
d'extrême-droite, bellicistes en 1914 mais pacifistes en 1938; l'Action fraçaise considère que
c'est Moscou l'ennemi; les jeunes fascistes admirent l'Allemagne et l'Italie. La droite libérale,
avec Flandin, prône un pacifisme ardent. Les radicaux, avec Georges Bonnet, sont pour une
politique de pacification, invitant Ribbentrop en France. Les socialistes sont divisés: Blum est
pour la fermeté, mais Faure est pour un pacifisme de gauche, craignant une nouvelle
hécatombe. Blum va donc signer les accords de Munich. Malraux et des hommes de droites
vont dénoncer ces accords (Reynaud et Kerillis). A partir de 1939, Blum prend le parti de la
fermeté et en devient le chef de file. Daladier évolue aussi en faveur de la fermeté, et va
essayer de préparer la France à la guerre, incarnant un Gouvernement beaucoup plus
autoritaire, avec une volonté de propagande et de personnification du pouvoir.
La situation internationale se dégrade à la fin 1939: l'Allemagne se tourne vers la
Pologne; le 23 août 1939, un pacte germano-sovietique est signé, Hitler s'assurant l'absence
d'ennemis à l'Est, des clauses secrètes prévoyant le partage de la Pologne. Le 1er septembre,
l'Allemagne envahit la Pologne: la France déclare la guerre le 3 septembre, mais laisser
l'Allemagne s'occuper de la Pologne, les belligérants s'installant dans la « drôle de guerre ».
Les forces politiques se rallient à une forme d'union sacrée: le PC est dissout, rentrant dans la
clandestinité, dénonçant une guerre impérialiste.
Chapitre 3: La France en guerre (1940-1945)
Au cours de cette période, la vie politique est encadrée par la mise en place d'un
régime autoritaire, qui entend réserver au pouvoir central l'initiative politique: le suffrage
universel disparaît, les assemblées élues sont remplacées par des commissions nommée, le
contrôle policier étouffe toute expression pluri-démocratique. Une résistance apparaît en
1940, et va se développer progressivement pour triompher en 1945.
I_ Le régime de Vichy
A_ Les fondements du nouveau régime: la révolution nationale et la
collaboration
Le premier choix du régime est celui de la résignation à la défaite et l'armistice; le
second est celui d'un nouvel ordre intérieur; le troisième est celui de la collaboration. L'armée
française se place derrière la ligne Maginot, et les meilleures troupes sur la frontière belge. Le
10 mai 1940, l'offensive allemande se déploie sur deux axes: invasion prévisible de la
Belgique, mais percée dans la forêt des Ardennes, bousculant tout le dispositif militaire des
alliés. Les troupes alliées sont ainsi neutralisées par la tenaille allemande, et c'est la déroute
dès la fin du mois de mai. Le Président du Conseil, Paul Reynaud, qui a succédé à Daladier en
mars, opère des remaniements dans son Gouvernement pour ramener l'espoir, faisant entrer
Pétain. Le général en chef Gamelin est remplacé par le général Weygand. Or Pétain et
Weygand sont les plus partisans de l'armistice. Le 17 juin, le Gouvernement évacue la
capitale, alors que les Italiens entrent en guerre. Plusieurs solutions sont envisagées pour
poursuivre la guerre: Jean Monnet propose de fusionner avec l'Angleterre, d'autres veulent
poursuivre la guerre dans l'Empire, et installer le Gouvernement à Alger. Mais ces solutions
se heurtent aux partisans de l'armistice, refusant une lutte hors de l'hexagone. Le 12 juin,
Reynaud, qui se sent minoritaire au sein du Gouvernement, laisse la place à Pétain, qui
annonce qu'il veut signer l'armistice. Il est signé le 22 juin 1940 à Rethondes dans le même
wagon machin truc, et comporte 25 articles qui imposent la loi du vainqueur: les prisonniers
de guerre ne seront libérés qu'après la signature d'un traité de paix, l'Allemagne recuperera
une partie du territoire, des indemnités lui seront versées à titre de frais d'occupation. Le
territoire français est démantelé: une zone frontalière est placée sous administration
allemande; deux autres zones apparaissent ensuite espérées par une ligne de démarcation. La
marine de guerre française est désarmée; le trafic avec l'empire est contrôlé. La France doit
livrer tous les opposants politiques réfugiés sur son territoire. Deux commissions d'armistice
sont mises en place: une avec l'Allemagne qui siège à Wiesbaden, une autre avec l'Italie à
Turin. Le Gouvernement militaire s'installe à Paris, avec un représentant diplomatique, Otto
Abetz.( ? Les Français vont peu à peu perdre la gouvernance à mesure que le pouvoir
allemand se renforce). Le 29 juin, le Gouvernement se déplace à Vichy, et convoque les
parlementaires, leur proposant une révision de la constitution. Cette manœuvre est menée par
Pierre Laval. Laval = pacifiste, vaincu du front populaire. Pense pouvoir être le mentor
politique du nouvel homme fort. Il est chargé de la manœuvre parlementaire à Vichy. Le
Gouvernement propose de confier à Pétain le soin d'élaborer une nouvelle constitution, et que
durant cette période transitoire, le maréchal exerce les pleins pouvoirs. Certains ont demandé
à ce que Pétain soit nommé Président de la République. Laval est désigné comme son
successeur. Laval use de chantage, joue sur la crainte d’un coup d’Etat militaire et sur la honte
des parlementaires avec l’effondrement de la puissance française en quelques semaines.
Spinasse parle d’un parlement qui doit accepter de se « crucifier ». 56 députés votent les
pleins pouvoirs, 20 s'abstiennent et 80 votent contre (dont 36 socialistes, 27 radicaux, 3
anciens PC, 6 de la gauche indépendante et 7 de droite). Or il n'y a pas de constitution en
préparation, et les actes votés le 11 juillet mettent en oeuvre un régime autoritaire. Philippe
Pétain se présente comme le chef de l'Etat français; Régime ultra-personnalisé. Al a fois chef
de l’Etat et chef de Gouvernement. Albert Lebrum, Président de la République, s'efface.
Pétain est le seul titulaire du pouvoir exécutif et législatif. Il peut nommer son successeur et le
11 juillet il nomme Pierre Laval. Dictature personnalisée. Le personnel dirigeant est
complètement renouvelé, avec des personnages issus de la droite anti-républicaine: l'Action
française occupe une place importante (Alibert, Massis); d'autres viennent de la droite
parlementaire comme Pierre Laval; d'autres encore des Croix de feu, mais de la gauche avec
des radicaux comme certains jeunes turcs, ou des anciens responsables de la CGT comme
Belin; des haut-fonctionnaires comme Bouthillier. Le nouveau régime reprend en main
l'appareil administratif, et à l'automne 1940, le régime est opérationnel. Le 10 octobre 1940,
un discours de Pétain fixe les deux axes de sa politique: la « Révolution nationale » à
l'intérieur, et à l'extérieur se délier avec l'Angleterre et initier une politique de collaboration.
Pour DG, Pétain mort en 1925 : hostilité à la IIIème République depuis le
gouvernement Doumergue. En 1936, il prononce des discours contre l’urbanisme, la
modernisation et fait l’éloge d’une France paysanne. Il est cité par différents mouvements de
droite.
Le 25 juin 1940, Pétain annonçait l'arrivée d'un « ordre nouveau », révolution
politique et culturelle. Pour Pétain, la République parlementaire porte le poids de la défaite.
Gouvernement s’installe à Vichy quelques jours après l’entrée en vigueur de l’armistice.
Pétain rejette l'idée d'égalité naturelle des Hommes, rejetant ainsi la philosophie des Lumières.
Démocratie libérale qui en découle = condamnée. A rejeté les valeurs communautaires et
cause de la défaite de 1940. Cette philosophie rejette la modernité, s'inspirant des idées de
Maurras. Au bonapartisme, elle emprunte le culte du chef. La nouvelle devise est « Travail,
Famille, Patrie ». L'image du travail valorisée par le régime est celle du travail rural, dont
l'exaltation se retrouve dans les discours de Pétain dès 1940. C'est le thème du retour à la terre
qui est développé, pour créer un nouvel ordre social défini par la Charte du travail, adoptée en
octobre 1941, qui jette les bases d'une organisation corporatiste de la société française. Ce
modèle ramène à l'Ancien régime, et prend pour exemple l'Italie fasciste et le Portugal de
Salazar. Ces corporations sont organisées par branches, encadrement stricte de la population
laborieuse, dans le but de supprimer toute lutte des classes.
Idéologie de la « révolution nationale » : Son buste remplace Marianne dans les
mairies et sur les timbres. Chanson dans les écoles. Rattachement aux non-conformistes des
années 30  nécessaire rationalisation de l’Etat. Défaite de 1940 offre la possibilité de
reconstruire sur des bases nouvelles en donnant le pouvoir aux spécialistes, aux techniciens.
Synthèse de cette nouvelle idéologie dans la devise : « Travail, famille, Patrie » « Tracas,
Famine, Patrouille. » Symbole de cette France au travail = France rurale et paysanne. Octobre
1941 : Charte du travail qui affiche sa volonté d’abolir la lutte des classes avec un modèle
corporatiste. Chaque grand secteur doit s’organiser à l’intérieur d’une corporation pour faire
collaborer patron et ouvrier. Famille doit redevenir la cellule de base de la société.
Célébration de la mère au foyer avec fête des mères instaurée en 1941. Patrie comme identité
immuable. Vision fermée de cette patrie. Elle se reçoit en héritage, elle n’est plus un contrat
basée sur la volonté collective  Politique de révision des naturalisations obtenue dans
l’entre-deux-guerres.
Autre point important, la famille, déstructurée par l'individualisme des sociétés
modernes. On revient à un certain ordre social, qui s'incarne dans une politique répressive
(lutte contre l'avortement, législation restrictive sur le divorce, répression de l'adultère). On
trouve aussi une nouvelle image de la famille, avec en 1941 l'institution de la fête des mères.
La patrie s'incarne dans les réalités les plus anciennes que sont la commune, la
province, avec une remise à l'honneur des traditions provinciales (langues locales). Mais c'est
une vision fermée de la patrie, qui n'est plus définie par le vouloir vivre en commun, mais par
l'héritage, vision qui se traduit par une politique xénophobe et antisémite: on revient sur les
naturalisations accordées depuis 1927, les fonctionnaires doivent être nés de parents français.
L'énoncé s'est aussi traduit dans les faits. La Révolution nationale imposait pour
certain la création d'un parti unique, auquel on préfère la création de la Légion française des
combattants, créée le 27 août 1940, qui doit se substituer aux anciens groupes d'ancienscombattants. Elle reçoit la mission de diffuser la Révolution nationale, d'agir sur l'opinion
publique. On envisage la création d'une organisation de la jeunesse unique, ce qui provoque la
réticence des associations et de l'Eglise, d'où la création d'un secrétariat général à la jeunesse:
les mouvements gardent leur autonomie, mais leurs cadres doivent se former dans une école
d'Etat, dans plusieurs écoles de cadre. Des politique d'exclusion sont mises en place, et dès
1940, c'est la poursuite de « l'anti-France »: les responsables politiques de la IIIe République,
accusés de ne pas avoir préparé la guerre, avec l'arrestation de Reynaud, Blum et Daladier,
jugés à Riom par une Haute-Cour de Justice, les accusés se défendent et mettent en cause
Pétain  interruption du procès; Logique d’exclusion chez les « mauvais fonctionnaires »,
avec une loi du 17 juillet 1940, qui met en place une épuration de la fonction publique
(révocation de 10 000 fonctionnaires); les francs-maçons, dont une loi de 1940 impose la
dissolution de toutes les loges; les juifs, jugés inassimilables, dont le premier statut est voté le
3 octobre 1940, promulgué sans pression allemande, le projet étant d'exclure les juifs de la
société/nation française, ce qui implique leur révocation de la fonction publique et leur
interdiction d'exercer un certain nombre de professions (fonction publique,
information/presse, métiers artistique, finance/banque). Il faut les enfermer dans une sorte de
ghetto juridique, les marginaliser au sein de la communauté. Juifs d’Algérie, autochtones
avaient eu la nationalité en 1870. Pétain leur retire.
Scoutisme.
Rugby à XV, alors amateur, valorisé au détriment du rugby à XIII, professionnel alors.
Secrétariat général à la jeunesse chargé d’encadrer les mouvements de jeunes.
Secrétariats des chantiers de la jeunesse.
Secrétariat général au sport.
L'Histoire de Vichy, de Robert Aron 1954, présente la collaboration comme une
politique voulue par l'occupant. La France dans l'Europe de Hitler, de Ebert Jackel 1948, et La
France de Vichy, de Robert Paxton 1974, démontrent que la collaboration est , démontrent
que la collaboration est en fait voulue par Vichy, l'Allemagne n'ayant jamais vraiment voulu
jouer le jeu. La première motivation est de faire reconnaître la souveraineté de Vichy sur
l'ensemble du territoire français; deuxième motivation, celle de préparer le passage de
l'armistice au traité de paix dans des conditions plus favorables. Le rapprochement avec
l'Allemagne est favorisé par la rupture avec l'ancien allié britannique, elle-même facilité par le
bombardement de Mers-El-Kébir. Vichy va donc essayer d'établir un contact avec le
vainqueur de 1940 à travers plusieurs canaux: le canal militaire avec les commissions
d'armistice; le canal diplomatique avec l'installation d'une ambassade allemande à Paris. Ce
rapprochement se concrétise par les rencontres entre Laval et Hitler et entre Pétain et Hitler, le
22 et le 24 octobre 1940 à Montoire, au retour du voyage en Espagne du Führer. Pétain
déclare que la collaboration a pour but de maintenir l'unité française. Or les deux partenaires
ne sont pas sur la même ligne: Hitler pense à l'invasion de l'URSS, et souhaite le maintien du
statu quo à l’ouest, et n'a donc pas l'intention d'alléger le régime d'armistice, ni de considérer
la France comme un partenaire. Vichy va pourtant manifester des signes de bonne volonté,
sans avoir de retour sur cette politique: le régime est prisonnier de ses choix de 1940.
B_ Les évolutions du régime de Vichy
Laval avait été désigné par Pétain comme son successeur. Le 13 décembre 1940,
Pétain renvoie Laval: plusieurs ministres rapportent une certaine impopularité de Laval qui
risque de rejaillir sur Pétain; Laval monopolise la politique de collaboration grâce à ses
contacts avec Abetz. Pierre-Etienne Flandin est désigné comme son successeur, mais rejeté
par les autorités allemandes. C'est donc l'amiral Darlan qui est désigné à la tête du
Gouvernement: c'est un politique (« Le marin qui n'a jamais vu la mer ») qui passait pour
républicain, nommé amiral de la flotte par le Front populaire. Son arrivée aux affaires est
accompagnée d'une transformation de la classe dirigeante, écartant la vieille garde
maurassienne et les jeunes catholiques, et impose des hommes assez jeunes, issus du privé,
comme Pierre Pucheu, secrétaire d'Etat à la production industrielle, puis ministre de
l'Intérieur: il a travaillé dans les industries sidérurgiques, adhérent au Croix de feu et au PPF.
Jacques Benoist-Méchin, agrégé d’allemand est chargé des relations franco-allemandes. Il
s'agit de travailler à une modernisation économique du pays, réformer l'Etat, et réintégrer la
France dans une Europe allemande. La France est entrée dans une situation économique
difficile, où le marché noir domine. Les premiers signe de décrochage de l'opinion publique
vis-à-vis du régime débutent en 1941: en mai-juin, un mouvement de grève des mineurs est
réprimé par l'occupant. Face à la dégradation de la situation intérieure, le régime se durcit. Le
12 août 1941, Pétain parle d'un « vent mauvais » qu'il entend se lever en France. Les
fonctionnaires et les militaires doivent prêter un serment à la personne du maréchal; Pucheu
renforce les pouvoirs de la police contre la résistance; des tribunaux d'exception sont créés,
les sections spéciales, qui sont chargés de rendre une justice expéditive. C'est aussi le
renforcement d'un antisémitisme d'Etat: un deuxième statut est rédigé le 2 juin 1941, qui
allonge la liste des interdictions professionnelles, et crée un commissariat général aux
questions juives. Darlan prolonge la politique de collaboration afin de passer au traité de paix
avec l’Allemagne : 6 mai, Darlan, rencontre Hitler ; au printemps 1941, la situation semble
favorable, avec la guerre au Moyen-Orient, alors que l'Iraq passe sous contrôle allemand, qui
doit se servir des aérodromes français. Darlan accepte les Protocoles de Paris en juin 1941 qui
accorde l'utilisation des bases françaises. France autorise l’utilisation de toutes les bases
militaires FR, y compris de l’Empire en particulier les bases aérodromes de Syrie et du Liban
Mais ces protocoles ne sont pas ratifiés car le Royaume-Uni reprend l'Iraq, et reconquiert avec
les forces gaullistes la Syrie et le Liban. Objet principal du traité perd sa raison d’être.
L'image de Darlan au sein de l'opinion publique est mauvaise, du fait de sa politique
répressive et de l'échec des négociations avec l'Allemagne. France autorise l’utilisation de
toutes les bases militaires FR, y compris de l’Empire en particulier les bases aérodromes de
Syrie et du Liban. En mars 1942, Laval est rappelé, Darlan reste à la Défense, ainsi que
successeur désigné de Pétain, mais Laval reçoit le titre de chef du Gouvernement, et contrôle
le ministère de l'Intérieur et celui des Affaires étrangères. Laval a des contacts avec les
allemands, notamment l’ambassadeur Abetz qui l’avait envoyé chercher en zone sud avec une
troupe de soldats et ramené à Paris  Pétain espère donc une amélioration grâce à ces
relations. René Bousquet est nommé à la direction de la police. Laval entend jouer la carte
allemande sans restriction, et en juin 1942, il déclare « Je souhaite la victoire de l'Allemagne,
parce que sans elle le bolchevisme s'installerait partout ». Collaboration totale. Désillusion
rapide car l’Allemagne est rentré en 1942 dans une guerre totale et son impératif est de
renforcer l’effort de guerre. Elle a besoin de plus en plus d’effort de la part des territoires
occupés. Usine française + ouvrier français qui vont jusqu’en Allemagne. L'Allemagne ne va
faire que renforcer ses exigences à l'égard de la France: Laval doit fournir 150 000 ouvriers
pour travailler en Allemagne, en proposant des conditions favorables de travail, et en mettant
en place le système 1 prisonnier libéré pour 3 ouvriers engagés = système de la relève,
présenté comme devoir patriotique : volontariat mais marché pas alors à partir de septembre
1942, la politique de propagande n'aboutissant pas, on passe à un système autoritaire.
Politique à l’égard des juif se renforce avec l’accélération de la Solution Finale. Quota de
100 000 personnes livrées. En matière de maintien de l'ordre, Vichy doit renforcer sa
collaboration avec l'Allemagne: Bousquet signe un accord avec Oberg qui institue une
collaboration entre les deux forces de police (29 juillet 1942) pour la lutte contre la
Résistance, et pour la mise en place d'une politique de déportation. 40 000 personnes sont
déportées en 1942, puis 36 000 en 1943 et 1944. Vichy voit son image se dégrader fortement,
même si elle garde quelques atouts: la zone libre, une armée d'armistice, une flotte militaire et
un empire. Or en quelques semaines, elle perd tous ces atouts, c’est un tournant de la guerre:
le 8 novembre 1942, le débarquement allié en Afrique du Nord et le cessez-le-feu du 12
novembre signé par Darlan, qui prend le titre de haut-commissaire de France en Afrique, fait
perdre l'empire. Les troupes de Vichy résiste dans un premier temps mais l’action des
résistants à Alger par exemple a vite inverser la tendance. Darlan se trouvait alors à Alger car
con fils se trouvait gravement malade. Après quelques jours d’hésitation il retourne sa veste et
négocie avec américains et anglais. Le 14 novembre les forces de l’empire entre en guerre
contre la France vichyste, sous le commandement de Darlan. Le 11 novembre 1942, les
troupes allemandes envahissent la zone libre pour répondre au débarquement africain et
protéger le littoral méditerranéen. La flotte française, pour ne pas tomber sous domination
allemande, se saborde. L'armée d'armistice est supprimée. La satellisation de Vichy est alors
totale. Un certain nombre de dirigeants démissionnent, et certains passent du côté allié.
Dictature policière, composition la plus ultra. Le régime devient un régime policier, avec une
répression très dure, et la création en janvier 1943 d'une milice, organisation para-militaire,
qui s'attaque à la Résistance, et participe à la répression antisémite, notamment aux côtés de
l'armée allemande contre le maquis de Glières en février-mars 1944. Victor Basch, président
de Ligue des droits de l’homme avant la 2ème GM, tombe sous les coups de la milice. Joseph
Darnand, membre de la milice, devient secrétaire général au maintient de l'ordre. Une loi de
février 1943 institue le STO, qui mobilise les jeunes nés en 1920, 1921 et 1922, réquisitionnés
pour aller travailler en Allemagne: 250 000 travailleurs sont envoyés en 1943, 600 000 à l'été
1944. La plupart de ceux qui refuse cet ordre doivent alimenter les maquis. Renforcement
des pouvoirs des ultras de la collaboration. En août 1944, les dirigeants de Vichy suivent le
retrait allemand.
III_La société française sous Vichy
Distinction de plus degré dans l’adhésion au régime. Archives de Vichy, carton de
lettre faite au chef de l’Etat. Pétainistes actifs : dans les assemblées mises en place par le
régime. Vichy a supprimé les assemblées élues par des assemblées nommées. 1941 : création
d’un Conseil national chargé d’assister le maréchal Pétain dans la rédaction de la nouvelle
Constitution. Sorte de parlement. Vichy s’est appuyé sur les notables, les élites naturelles :
grands propriétaires, membres des professions libérales, notables locaux qui profite de Vichy
pour retrouver leur influence. Chefs d’entreprise favorables au retour de l’ordre.
Légion Française des Combattants créée à la fin août 1940, regroupe les combattants
des 2 guerres, installés dans les 45 départements de la Zone Libre et l’Empire. Directeur
nationale qui nomme direction locale. Jean-Paul Cointet a fait sa thèse là-dessus. Sociologie
des milieux dirigeants de la légion. A travaillé sur un échantillon de 600 légionnaires.
Défaite s’explique par excès de jouissance, décadence. Pétain dans ses discours
doloriste : « vous souffrez et vous souffrirez encore ». « Travail, famille, patrie ». Eglise de
France espère pouvoir recueillir certains avantages de son ralliement  notamment
subventions pour ses écoles catholiques. Réunion de hauts responsables (cardinaux et
archevêques se prononce pour un ralliement au régime : « Nous voulons que sans inféodation
soit pratiqué un …. ». Problème des institutions de jeunesse sur laquelle l’Eglise, elle, ne veut
pas trop de tutelle. Développement des grandes rafles anti-juives. Pas de prise de position
officielle de la part de l’assemblée des archevêques et cardiaux. Monseigneur Saliège,
archevêque de Toulouse : « les juifs sont des hommes, les juives des femmes, ce sont nos
frères ». Relayer par une résistance chrétienne clandestine : Cahier du témoignage chrétien.
« Déjeuners de la table ronde », déjeuner d’affaire réunissent chaque mois une 50aine
d’entreprises française et allemandes favorables à une collaboration économique entre les 2
pays ; 7000 entreprises travaillaient pour l’Allemagne, 15000 à la Libération. ¾ de l’activité
mécanique était destinées à l’Allemagne.
Sapiro a étudié le profil des intellectuels collaborateurs. Plus complexe qu’on ne le croit, pas
seulement des intellectuels en marge ou en mal de reconnaissance. On trouve des personnages issus
de l’Académie Goncourt (Sacha Guitry), Académie FR. Journal Je suis partout, point de ralliement des
jeunes intellectuels fascistes français dès 1936, Brasillach. Drieu La Rochelle : fascisme comme
antidote à la décadence ; il connait Habetz (futur ambassadeur allemand en France) dès 1940. Ce
dernier lui propose de prendre les commandes de la plus prestigieuse revue FR, la Nouvelle Revue
Française, édité par Gallimard. Dirige la revue jusqu’en juin 1943. NRF devient la tribune des écrivains
de la collaboration. Brasillach : Sorti de l’ENS dans la même promo que Pompidou. Brasillach sombre
dans une sorte de fascisme esthétique : célébration du culte de la force et de l’unité qui se dégage
des mises en scène nazi. Libéré en 1941 par les allemands, reprend la direction du journal Je suis
partout ; 1942 : Brasillach approuve les grandes rafles. Il faut éliminer l’influence juive. »il faut se
débarrasser des juifs en bloc mais ne pas garder les petits ».
Pour d’autres collaboration relève de l’opportunisme. Exemple de Lucien Rebatet, membre
de l’équipe de Je suis partout, critique littéraire et cinématographique dans les années 30. Auteur
des Décombres, best seller de la collaboration. Explore les décombres de la IIIème République.
Automne 1941 : congrès de littérature européenne organisé à Weimar (ville de Goethe) par
les allemands. Nouvelle occasion d’illustrer sa collaboration à l’intégration de la France dans un
ensemble culturel sous domination allemande.
Cela relève de la collaboration partisane s’efforçant de donner une dimension collective. Une
dizaine de formation politique vont se réclamer de cette collaboration, pour l’essentiel, elles se
développent en zone occupé. D’un soutien individuel à un soutien organisé. Dans cet ensemble de
formations 2 ou 3 émergent :
- PPF de Doriot (Parti Populaire Français créé en 1936, assez hétérogène, accueille des
transfuges, communistes, de droite). Heure de gloire avant la guerre  100 00 militants. Se
reconstitue sur son noyau dur après la défaite. 20 000 militants en métropole. Il est installé
en zone libre et en zone occupée, en Afrique du nord. Doriot, dès 1940, se présente comme
partisan déterminé de la collaboration en soutenant dans un premier temps la politique du
régime de Vichy, essai Je suis un homme du maréchal. Espère que le pouvoir. Mais
finalement ça ne vient pas, il se radicalise (ultra de la collaboration), il espère que les
allemands eux-mêmes l’imposeront. Dès 1941, une grande partie de son fonctionnement
venait de l’ambassade d’Allemagne. PPF organise un grand congrès du pouvoir en 1942,
congrès qui augure une prochaine du parti au pouvoir. Mais ce même jour, 8 novembre
1942, les anglais débarquent en Afrique du nord.
- Rassemblement National Populaire, fondé par Marcel Déat, qu’on appelle aussi les néosocialistes. Se veut homme de gauche partisan d’une participation au pouvoir. Déat battu aux
législatives de 1936 par un candidat du Front Populaire, s’éloigne alors de sa famille
politique. Avant-guerre : ultra-pacifisme et volonté de conciliation avec l’Allemagne. Ancien
combattant, ne veut pas de nouvelle guerre contre l’Allemagne. Anti-communiste
grandissant, parti de la guerre selon lui. Tente de jouer un rôle à Vichy à l’été 40 : propose un
projet de parti unique. Echoue et se retire à Paris pour créer son propre mouvement en
février 1941 : le RNP. N’abandonne pas l’idée d’en faire un parti unique. Cathala (homme
fidèle de Pierre Laval) et Delonck (de l’extrême droit). Déat victime d’un attentat en juin 1941
a toujours soupçonné Delonck.
Collaboration militaire de membres de ces groupes. Soutien militaire au IIIème Reich. En juin 1941,
au lendemain de l’entrée en guerre contre l’URSS : justification de leur engagement. Nouvelle
structure est créée : Légion des Volontaires Français : petite unité créée pour la lutte contre le
Bolchévisme, avec la bénédiction de Vichy. 6000 volontaires incorporés dans cette Légion. A
constitué un régiment d’infanterie de la Werhmart, combat sous uniforme allemand.
150 000 à 200 000 français auraient participé à ces mouvements de collaboration active (1%
de la pop) à mettre en parallèle avec les 200 à 300 000 qui auraient participé à la Résistance. Philippe
Burin, dans La France à l’heure allemande, a étudié les sources judicaires pour proposer un profil :
phénomène urbain et masculin, région parisienne étant à elle-seule, principale source des
mouvements. Paysans et ouvriers sont fortement sous-représentés dans ces milieux : moins de 30%
des effectifs alors qu’ils sont 60 % des français. Classes moyennes et supérieures sont les principaux
renforts de la collaboration. Notables et élites dominent la première période (1940-41). Abaissement
du niveau social des collaborations dans la dernière phase avec l’arrivée d’une population plus jeune
et moins insérée dans la population, moins représentative de son milieu d’origine. Presse de la
collaboration tire à près d’1 million d’exemplaires  1 millions de lecteurs (collaboration plus
passive, élargie).
Population juive de France face à la (double) persécution, prise en taille par la politique
d’occupation allemande et par la politique de Vichy. On pense qu’il y avait 350 000 juifs de France,
appartenant à une population assimilée de longue date à la société FR, pas une communauté. Se
distingue par la religion mais tous ne sont pas pratiquants. Raymond Aron explique que dans les
années 30, appartenant à une famille juive laïque, ne savait pas ce que c’était un juif français. Vague
d’immigration notamment dans l’entre-deux-guerres en raison de la politique de persécution
allemande. Dès les années 30, regain d’antisémitisme qui vise particulièrement les juifs immigrés,
d’Europe centrale (xénophobie + antisémitisme). Blum met en garde contre ça et appelle à la
solidarité juive car tous les juifs sont en fait visés. Projet de Vichy : exclure les juifs de la nation
française, aussi bien les juifs étrangers que les juifs français. Législation contraignante dès 1940.
Statut d’octobre 1940 définit les populations visées par cette politique. Sont touchés par ce statut
des juifs toute personne issu de 3 grands-parents de race juive ou de 2 si le conjoint lui-même est
juif. Deuxième statut de juin 1941 reprend ça mais en remplaçant le mot « race » par le mot
« religion ». Ces 2 statuts multiplient les interdictions professionnelles. En 1941, Vichy met en place
un commissariat aux questions juives, seul interlocuteur public pour ces populations. Face à ce
commissariat général, le gouvernement va créer à l’automne 1941, une union générale des israélites
de France (UGIF) qui a pour mission de représenter les juifs auprès des pouvoirs publics. Tous les juifs
et associations juives doivent être placés sous sa tutelle. Marginalisation juridique et économique
avec la politique d’aryanisation économique qui se développe à partir de 1941. : interdiction aux juifs
de participer aux métiers cruciaux de la société FR  tous les fonctionnaires juifs sont révoqués,
métiers de l’info et de la communication aussi. Biens et valeurs appartenant aux juifs. Mouvement de
transfert de propriété, de spoliation. De 1941 à 1944 : entreprises sont placés sous administrations
provisoires, 29 000 revendues à de nouveaux propriétaires aryens, administrateur récupère 10% sur
la vente, ancien proprio reçoit aussi 10%... le reste est placé sur un compte bloqué de la caisse des
dépôts et consignations. [Dans les années 1990 il restait encore 9 milliards de francs dans ces caisses
des dépôts et consignations, pas réclamés, propriétaires déportés…]
Réaction des populations juives. Juifs pense que Pétain va constituer un rempart à la
politique antisémite de l’envahisseur. Réflexes loyalistes les conduit à répondre aux recensements de
1940. La fois suivantes des consignes de boycott seront diffusées. UGIF : renoncer d’y siéger c’est ne
pas représenter ces pop mais siéger c’est accepter le traitement. Refus de se considérer comme une
population étrangère à la nation française. En 1941-42, les initiatives réagissant à la politique
antisémite : création d’association poru venir en aide aux fonctionnaires révoqués ou aux
commerçants spoliés avec création de couloir. Juifs immigrés ont une tâche facilitée par leurs
réseaux d’avant-guerre. Choc des grandes rafles de 1942 interpelle la population FR et les gestes de
solidarités se multiplient à l’égard des persécutés. De nombreux juifs rejoignent également la
résistance. Dans le récit d’après guerre, ils se présentent comme des résistants juifs et non pas
comme des juifs résistants : le combat plus que l’origine. Léon Hamon, gaulliste de gauche, chef de
file de ce mouvement de résistance. Volonté de lutter contre les infamies même si certains groupes
se constituent sur la base de l’appartenance juive. Groupe de la main d’œuvre immigrée de la Moye,
créée par le PC avant la guerre. Regroupement des juifs d’Europe centrale et orientale. Ces groupes
basculent dans la clandestinité. Poursuit les mêmes buts que les groupes de résistances du PC, se
donne également pour but d’avertir les populations juifs. Eclaireur israélite de France, 2500 avant la
guerre, se regroupe dans le sud, développe une section d’accueil des enfants juifs du nord, bascule
dans la clandestinité en 1942 et est à l’origine de maquis dans la région.
Situation des camps. 1er camps d’internement français sont apparus avant 1940, avant même
la défaite. Décrêt du 12 novembre 1938, juste après Munich avec idée de la guerre déjà présente,
autorisait la détention des étrangers indésirables pour éviter les menaces. Novembre 1939 : autorise
l’internement de tous les suspects, français ou étrangers. Automne 1939 : tous les étrangers
séjournant en France sont orientés vers ces camps. Camp de Rieucros en Lozère, camp de Gurs et
camp de Rivesaltes. Réfugiés espagnols (républicains qui ont franchi les Pyrénées), communistes,
d’Europe centrale. Jusqu’à la défaite l’internement relevait encore d’une logique d’exception. Avec
l’installation de Vichy on passe à une logique d’exclusion beaucoup plus structurelle. Exclusion = un
des fondements du nouveau régime. Politique de déportation. Dispositif législatif se durcit à l’égard
des internés et des indésirables ; Fonctionnement de ces camps défini par une loi du 3 septembre
1940 qui fait disparaitre les dernières garanties juridiques de la législation française. Permet
l’internement de tout individu menaçant la sécurité nationale et publique. Etranger de race juive
résidant en France peuvent être interné sur simple décision préfectorale. Fin 1940 on estime que
26 000 personnes sont détenus dans les 26 camps de la zone sur, 10 000 dans les camps de la zone
nord. Ils sont alors composé à 75% de juifs étrangers. Camp de Drancy devient la clé de voûte du
système de déportation. Garde du camp confié à la gendarmerie française mais commandement à un
SS. 67 convois partiront de Drancy vers les camps de l’est. Au total plus de 75 721 juifs de France
déportés dans le cadre de cette politique. 24 000 étant des juifs français. 2300 reviendront de cette
déportation (mais les juifs étrangers ont pu aller ailleurs que revenir en France ?). au 75000
déportations raciales il faut ajouter les 60 000 déportés politiques vers les camps de la mort lentes :
travail économique qui les élimine progressivement. Moins de la moitié reviendra de la déportation.
Germaine Sillon, La Traversée du Mal, ethnologue française décrit son expérience
concentrationnaire.
IV_ La Résistance française
Rousso et Conan avaient publié Vichy, un passé qui ne passe pas, dans lequel ils
consacraient un chapitre à la Résistance. Ils constataient que la mémoire de la Résistance avait
occupé toute la place de l'après-guerre, en occultant le régime de Vichy. Dans les années
70/80, on redécouvre l'histoire de Vichy et de la collaboration, avec la déportation des juifs de
France, au point que la Résistance soit un peu oubliée. Avec les années 90, on est revenu sur
la résistance. Ce livre constitue une prise de conscience. Des biographies sont consacrées aux
chefs, comme Jean Moulin ou Henri Frenay, mais aussi à la Résistance de base. Cordier,
résistant puis historien de la résistance.
A progressé aussi le travail sur la définition de la Résistance. Définition de Pierre
Laborie sur trois critères:
_ La volonté de nuire à un ennemi déterminé, en l'occurrence l'occupant, et ceux qui se
mettent à son service;
_ La conscience de résister, le choix individuel fait par les résistants et l'acceptation
des risques; Choix individuel de volonté de rejoindre l’action collective.
_ L'engagement dans l'action et l'acceptation de pratiques de transgression, avec le
refus du pouvoir répressif. Clandestinité et désobéissance dans un contexte de disparition des
libertés publiques.
Pour autant, cette résistance a pris différentes formes. La résistance extérieur autour du
général DG, la résistance intérieure, la libération.
A_ La France Libre: ambitions et moyens
Résistance qui se fait hors du territoire. L'idée d'une résistance extérieure apparaît dès
la débâcle de juin 1940: Reynaud s'interroge sur le déplacement du Gouvernement dans
l'Empire, mais doit y renoncer car minoritaire dans son propre cabinet et s’efface face au
maréchal Pétain. Mais ce choix est assumé par un de ses ministres, le général De Gaulle, entré
au Gouvernement le 5 juin 1940 comme sous-secrétaire d'Etat à la guerre, adversaire de
l’armistice et partisan de la poursuite des combats. A 50 ans, il n'est pas très connu du public,
mais par les spécialistes de questions militaires. Il a enseigné l'histoire militaire à Saint-Cyr
durant l’entre-deux-guerres, plus tourné vers l’écriture que vers la vie de garnison (Pétain
l’avait d’ailleurs remarqué au début des années 20) et a publié plusieurs essais de réflexion sur
la défense: Le Fil de l'épée (1932), Vers l'armée de métier (1934), La France et son armée
(1938). Ce dernier livre signe la rupture entre Pétain et De Gaulle, ils ont un point de vue
opposé sur la politique militaire de la France durant l'entre-deux-guerres: pour De Gaulle, la
guerre de mouvement n'a pas disparu, et est permise par la mécanisation. La guerre éclair
menée par l’Allemagne confirme son point de vue et il s’est d’ailleurs illustré en freinant
l’avancé allemande avec une division de blindés ce qui lui vaudra la promotion de général de
brigade et l’entrée au gouvernement. Churchill le repère. Il refuse l'armistice proposé par
Pétain. Dès le 18 juin 1940, il lance un appel à la résistance. Son analyse de la situation est
vigoureusement opposée à celle du Gouvernement de Pétain: la guerre n'est pas finie, des
erreurs stratégiques ont causé cette défaite. Le sort de la France n'est pas définitif, et il appelle
à le rejoindre à Londres. Il estime qu'il dispose de la légitimité nationale parce qu'il continue
le combat, contrairement au Gouvernement qui accepte la défaite, et dont la légalité n'est
qu'apparente. Il entend combatre les forces de l'Axe, et défendre les intérêts de la France chez
les Alliés. De Gaulle se considère comme l'équivalent d'un gouvernement en exil, et est
reconnu par l'accord du 7 août 1940: il prend en charge les intérêts français pendant toute la
durée du conflit. Ses moyens sont faibles: peu se rallient, sinon René Cassin (juriste), René
Pleven (industriel), Jacques Soustelle, Pierre-Olivier Lapie (député socialiste), l'amiral
Muselier, le capitaine de Hautecloque et le général Catroux (général de corps d'armée révoqué
par Vichy). Il dispose de 4500 hommes, 3200 marins et 200 aviateurs. Ce sont des hommes
passés volontairement en Angleterre, comme Romain Gary (La Promesse de l'aube). Ce
mouvement de résistance extérieure va pouvoir s'appuyer sur des territoires coloniaux: les
comptoirs des Indes, la Nouvelle-Calédonie et l'Afrique équatoriale française, le gouverneur
Félix Eboué entraînant ce ralliement. De Gaulle voulait rallier l'Afrique occidentale, mais
échoue devant Dakar avec une opération navale franco-britannique. Au printemps 1941, le
Liban et la Syrie basculent dans le camp gaulliste. En décembre 1941, Saint-Pierre et
Miquelon est libéré par une opération montée par Alain Savary. La France Libre a donc ses
propres ressources, et dispose d'un réservoir d'hommes: 70000 combattants en 1942.
Dès octobre 1940, De Gaulle met en place un Conseil de défense de l'empire. Un an
plus tard, il devient le Comité national français; De Gaulle promulgue un manifeste dans
lequel il déclare qu'il rendra compte de son action devant le peuple français dès qu'il en aura
l'occasion.
B_ La Résistance intérieure: développement et organisation
Elle s'est développée indépendamment de la France Libre, et est le fait de choix
individuels dès 1940. Ce sont des mouvements improvisés, avec la distribution de tractes, le
sabotage des activités allemandes, la manifestation du 11 novembre place de l'Etoile. Les
motivations sont diverses: le refus de la défaite et de l'occupation (droite nationaliste);
l'antifascisme, lutte contre le nazisme avec une justification morale (Vercors, Jorge Semprun);
le refus du pouvoir de Vichy, réflexe républicain (Michel Debré). Cette résistance va
s'agréger: le réseau du musée de l'Homme est l’un des premiers réseaux en zone occupée; il
est constitué autour de l'ethnologue Germaine Tillion, qui rentre d'un voyage d'étude en
Algérie quelques jours avant l'armistice. Elle se met au service d'une association qui aide les
prisonniers de guerre. Or certains membres ont une activité clandestine, et Tillion va intégrer
ce noyau. Au musée de l'Homme, elle se rend compte que l'ethnologue Vildé a fédéré un
noyau de son côté. A la fin 1940, environ 200 personnes travaillent pour ce mouvement.
En zone Sud, on peut citer le mouvement Combat, qui apparaît sous sa forme
définitive en novembre 1941, résultant de l'association de deux groupes: un groupe
nationaliste de Frenay et un groupe de démocrates chrétiens de François de Menthon. Une
branche se spécialise dans le renseignement, le noyautage de l'administration, et prépare le
combat; une autre branche publie le journal clandestin Combat, qui tire 80 000 exemplaires en
1942, jusqu'à 300 000 à la veille de la Libération. Le mouvement Libération se développe
dans les deux zones. A l'origine de ce mouvement on trouve Jean-Pierre Cavaillès
(philosophe), les époux Aubrac et Emmanuel d'Astier de la Vigerie (journaliste rallié à la
gauche, « le marquis rouge ») réfugiés à Clermont-Ferrant. C'est un mouvement clairement
orienté à gauche, qui recrute dans les milieux syndicalistes.
Le PC, dissous en 1939, des cellules clandestines sont mises en place, alors que
Thorez est en exil à Moscou: 10 000 militants sont remobilisés à la fin de l'été 1940. Après le
pacte germano-soviétique, la ligne du mouvement est de dénoncer un guerre impérialiste. La
critique de cette ligne va se faire à partir de 1940. Les intellectuels continuent de dénoncer le
fascisme (Decour, Politzer qui publient le journal clandestin Université libre). La nouvelle
ligne de l'internationale va évoluer à partir de 1941, avec la dégradation des relations
germano-soviétiques: les luttes de résistance sont légitimées. Un Front national pour
l'indépedance de la France est créé. Le PC bascule dans la guerre totale contre l'Allemagne à
partir de juin 1941 et l'invasion de l'URSS. En juillet 1941, le premier officier allemand sous
l'occupation est abattu par le colonel Fabien. Ce mouvement regroupe quelques milliers de
personnes en 1940, et environ 400 000 au moment de la Libération. On compte environ 30000
fusillés au cours de cette période, et environ 60 000 déportés.
3- La préparation de la Libération
Cette Libération supposait un rapprochement entre les deux mouvement de Résistance.
Tous les résistants intérieurs n'acceptent l'autorité de De Gaulle. Frenay dit que les résistants
sont à la fois des soldats et des citoyens, ce qui suppose qu'ils puissent choisir leur chef. Les
contacts se multiplient à partir de 1942, avec l'envoi de représentants de De Gaulle en France,
comme Jean Moulin. Des chefs de réseaux sont envoyés à Londres. Les événements d'Afrique
du Nord renforcent ces relations. Les négociation des Alliés avec Darlan sont inacceptables.
De Gaulle est alors reconnu comme seul chef légitime de la Résistance. L'assassinat de Darlan
clarifie la situation. Lui succède le général Giraud, moins compromis avec Vichy, qui négocie
avec De Gaulle en 1943 pour former le Comite français de libération nationale, qui siège à
Alger. Giraud est progressivement écarté. Alger devient à partir de 1943 le siège de la France
en guerre. Les chefs de réseaux y participent. Ils préparent la Libération, ainsi que l'épuration.
Le Conseil national de la Résistance, structure mise en place en mai 1943, qui regroupe tous
les mouvements de Résistance intérieure, publie en mars 1944 son programme national pour
la Libération, qui prévoit un ensemble de réformes structurelles économiques et sociales à
mettre en oeuvre à la Libération, en ayant recours à une économie dirigée (nationalisations,
planification, sécurité sociale). En juin 1944, le CFLN devient le Gouvernement provisoire de
la République française, et est reconnu comme le Gouvernement de la France libérée. Les
premières élections ont lieu en octobre 1945, donnant le pouvoir constituant à une nouvelle
chambre. On ne revient pas à la IIIe République, on crée un nouveau régime.
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