Le Mexique préhispanique et colonial Hommage à Jacqueline de Durand-Forest Recherches Amériques latines Collection dirigée par Denis Rolland et foëne Chassin La collection Recherches Amériques latines publie des travaux de recherche de toutes disciplines scientifiques sur cet espace qui s'étend du Mexique et des Caraïbes à l'Argentine et au Chili. Déjà parus Carlos AGUDELO, Enjeux du multiculturalisme, 2004. Federica MORELLI, Territoire ou Nation : Réforme et dissolution de l'espace impérial en Équateur, 1765-1830, 2004. Lionel BAR, Communication et résistance populaire au Nicaragua, 2004. Martine DAUZIER (coord.), Le Mexique face aux Etats-Unis, : stratégies et changements dans le cadre de l'ALENA, 2004. DAVID DIAS Mauricio, Dynamique et permanence des exclusions sociales au Brésil, 2004. TETTAMANZI Régis, Les écrivains français et le Brésil, 2004. CRUZOL Jean, Les Antilles — Guyane et la Caraïbe, coopération et globalisation, 2004. SAUTRON CHOMPRÉ Marie, Le chant lyrique en langue nahuatl des anciens Mexicains : la symbolique de la fleur et de 1 'oiseau, 2004. CARBO RONDEROS Guillermo, Musique et danse traditionnelles en Colombie : la Tambora, 2003. NAVARRETE William, Cuba : la musique en exil, 2003. LEMAISTRE Denis, Le chamane et son chant, 2003. RABY D., L 'épreuve fleurie, 2003. PROST C., L 'armée brésilienne, 2003. MINGUET C., Alexandre de Humboldt, 2003. PEREZ SILLER J., L'hégémonie des financiers au Mexique sous le Porfiriat, 2003. DEL POZO VERGNES E., Société, bergers et changements au Pérou. De l'hacienda à la mondialisation,2003. - - - Textes réunis et publiés par Patrick LESBRE et Marie-José VABRE Le Mexique préhispanique et colonial Hommage à Jacqueline de Durand-Forest Préface de Georges Baudot et Miguel Le6n-Portilla L'Harmattan 5-7, rue de l'ÉcolePolytechnique 75005 Paris FRANCE L'Harmattan Hongrie Hargita u. 3 1026 Budapest HONGRIE L'Harmattan Italia Via Bava, 37 10214 Torino ITALIE C L'Harmattan, 2004 ISBN : 2-7475-6416-9 EAN : 9782747564168 Hommages à J. de DURAND-FOREST Paris, L'Harmattan, 2004 Avant-propos Pourquoi un hommage à Jacqueline de Durand-Forest ? Pour ses anciens étudiants, la question ne se pose pas. Par sa présence constante à leurs côtés lors de leurs recherches, elle a su les motiver, les accompagner et les guider par ses conseils éclairés, son indéfectible soutien et sa grande disponibilité. Aussi ont-ils souhaité lui témoigner leur respect, leur gratitude et leur amitié. Pour tous les autres chercheurs qui savent la valeur inestimable de ses nombreux travaux, la réponse est également évidente. Cette excellente nahuatlata, dont l'érudition n'a d'équivalent que la grande modestie, ne pouvait quitter son poste de Directeur de recherches au CNRS sans que, du monde entier, les spécialistes du Mexique préhispanique ne lui manifestent considération et sympathie. Ainsi, de la collaboration de confrères de divers pays -Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France et Mexique- est né ce recueil d'articles en hommage à l'une des sommités mexicanistes. Après des études multidisciplinaires Proit comparé international, Langues), Jacqueline de Durand-Forest est entrée en 1959 au CNRS où elle a mené, durant 37 ans, une brillante carrière récompensée en mars 1997 par la Médaille d'Honneur du CNRS. Ses travaux témoignent de sa passion et de ses multiples intérêts pour le Mexique amérindien : artisanat préhispanique et contemporain, chroniqueurs indiens coloniaux —en particulier Chimalpahin-, manuscrits pictographiques, religion préhispanique, évangélisation, langue nahuatl, etc. Sa thèse de doctorat d'Etat L'Histoire de la vallée de Mexico selon Chimalpahin Quauhtlehuanitzin (du Xie au XVIe siècle) a été couronnée du Prix du Duc de Loubat de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres en 1989. Enseignante enthousiaste à l'EHESS en collaboration avec Jacques Soustelle et à Paris VIII-Saint-Denis où elle a pris en charge le cours de langue et de civilisation de nahuatl classique, elle a toujours fait partager avec simplicité sa connaissance approfondie de la culture méso-américaine et son expérience. Telle La pintora penchée sur son travail, seule représentation de femme scribe existant dans les codex du Mexique central, Jacqueline de Durand-Forest continue à se consacrer à l'étude. De récents ouvrages comme les commentaires du 8 Hommages à J. de DURAND-FOREST Codex Borbonicus ou Parlons nahuatl, ainsi que plusieurs articles prouvent que sa longue liste de publications est bien loin d'être close. Elle n'hésite pas, non plus, à répondre à différentes sollicitations de participer à des colloques : en mai 2002, elle a abordé à Toulouse les représentations de Nezahualcoyotl dans les manuscrits pictographiques ; en mars 2003 à Londres, elle s'est penchée sur le symbolisme de la 19ème treizaine du Codex Borbonicus. Reprenant les axes de recherche privilégiés par Jacqueline de DurandForest, cet ouvrage en son honneur se compose de trois parties principales : Iconographie et manuscrits pictographiques, Documents alphabétiques et chroniqueurs indiens, Évangélisation et Nouvelle-Espagne. Le lecteur y trouvera de nombreux éclairages sur la religion préhispanique (Tlaloc, Itzpapalotl, Huitzilopochtli, Tetzauhteotl, Xipe Totec), ses survivances coloniales, les chroniqueurs indiens (Chimalpahin, Ixtlilxochitl, Tezozomoc, Crist6bal del Castillo) ou espagnols (Veitia). D'autres recherches concernent la littérature aztèque (Romances... , Cantares...), les manuscrits pictographiques (Codex Boturini, tonalpohualli, glyphes), la société aztèque (Templo Mayor, guerriers cuauhhuehuetque) ou bien l'adaptation de la réalité mexicaine aux modèles occidentaux (divination) ou inversement (exempla). L'ouvrage présente des "coïncidences" intentionnelles : certaines études analysent les travaux de chroniqueurs coloniaux (Alva Ixtlilxochitl, Mariano Echevarria y Veitia) et leurs rapports avec l'oeuvre de Domingo de San Ant6n MuMn Chimalpahin Quauhtlehuanitzin dont Jacqueline de Durand-Forest s'est faite l'un des spécialistes mondiaux. En revanche, d'autres coïncidences entre certains articles sont involontaires. Itzpapalotl est analysée par José Alcina Franch et Guilhem Olivier (mythes de San Pedro Jicara et iconographie), mais figure aussi dans une étrange évocation coloniale antiquisante qu'étudie José Rubén Romero Galvàn (Tlantepucilama). L'iconographie de Tlaloc est longuement détaillée par Michel Graulich (postclassique et époque classique) et José Contel (statue de la Collection Uhde), tandis que certaines survivances coloniales sont évoquées par Placer MareyThibon (Ruiz de Alarc6n). La caverne, également, conserve son importance à l'époque coloniale tardive (Georges Baudot, José Rubén Romero Galvàn). Les articles de Marc Thouvenot sur l'anthroponymie, d'Alfredo L6pez Austin sur le problème d'usage du vocabulaire pour désigner les réalités préhispaniques et de Marc Eisinger sur les variantes orthographiques, apportent une réflexion utile sur les limites de la recherche mexicaniste. *** Au moment de terminer cet ouvrage, nous déplorons la disparition brutale de nos chers collègues Marie Sautron, Georges Baudot et José Alcina Franch. Nous sommes néanmoins heureux de pouvoir publier encore un article inédit de chacun d'entre eux. AVANT-PROPOS 9 »»» Nous remercions chaleureusement Edouard Joseph de Durand. Merci à Martine Gouriou, présente dans l'initiation de ce projet. Sincères remerciements à Eric Puech pour son aide précieuse et généreuse qui a permis la mise en page de ce recueil d'articles, des illustrations et des index. *** Jacqueline de Durand-Forest, mexicaniste passionnée et érudite, représente, comme le disaient les anciens Nahuas, « in tlahuilli, ocotl, in tezcatl », « la clarté, la torche, le miroir » : un exemple. Marie-José VABRE & Patrick LESBRE Hommages à J. de DURAND-FOREST Paris, L'Harmattan, 2004 Préface Georges BAUDOTt et Miguel LE,ÔN-PORTILLA Reline este volumen aportaciones de un conjunto de colegas, investigadores de varios !mises, a quienes nos une un interés comùn. Es éste el del estudio en torno a las culturas mesoamericanas y, de manera màs especifica, la de los pueblos de lengua nàhuatl, antiguos y contemporàneos. Precisamente por esto también nos sentimos muy vinculados a Jacqueline de Durand-Forest que ha dedicado la mayor parte de su vida a la investigaci6n, la docencia y la preparaci6n de publicaciones sobre lengua y cultura nahuas. Testimonio del aprecio que todos tenemos por ella es este conjunto de trabajos que, en su honor, hemos preparado y ahora publicamos aqui. Jacqueline, a la que conocemos desde hace màs de cuatro décadas, ha tenido en su haber una s6lida y muy amplia preparaci6n académica. Después de cursar el bachillerato en Paris, su ciudad natal, se encamin6 hacia el campo del derecho y asimismo al aprendizaje de varias lenguas. En particular le atrajo el derecho comparado. Esto, como ella misma lo ha manifestado, al requerir el conocimiento de codificaciones legales extranjeras, de alguna manera la prepar6 para lo que a la postre fue su interés principal. Justamente los estudios etnol6gicos buscan también la comprensi6n de las culturas de pueblos distintos. A su vez, el aprendizaje de lenguas también extranjeras -en el caso de Jacqueline, del alemàn, inglés e italianovino a ser también antecedente en su estudio de la lengua nàhuatl. No hemos mencionado intencionalmente la lengua espariola porque pensamos que, puesto que la madre de Jacqueline vivi6 muchos aiios en México y hablaba como primera lengua el espatiol, muy probablemente trasmiti6 a su hija en el seno de su hogar el conocimiento de este idioma. De todos es conocido que Jacqueline, genuina poliglota, se expresa muy correctamente en la lengua de Cervantes. Su acercamiento a las culturas indigenas de México se inici6 en la bastante temprana fecha de 1952. Un afio después se acerc6 ella al muy distinguido mexicanista Jacques Soustelle en los cursos y seminario que tenia en la Escuela de Altos Estudios en Ciencias Sociales. 12 G. BAUDOT et M. LEÔN-PORTILLA era su vocaci6n. A partir de entonces Jacqueline percibi6 con claridad Su vida iba a girar en torno a las antiguas culturas indigenas de México. Una beca que obtuvo del gobierno de México le permiti6 trasladarse a dicho pais y permanecer en él los alios de 1958 y 1959. En México tom6 parte muy activa en las actividades del Seminario de Cultura Nahuatl de la Facultad de Filosofia y Letras de la Universidad Nacional, a cargo de uno de los que suscribimos esta presentaci6n. Pudo también entonces conocer a otros maestros, de modo muy especial al doctor Angel Maria Garibay K. y al profesor Wigberto Jiménez Moreno. También inici6 fructuosa amistad con varios estudiantes del Seminario hoy distinguidos investigadores. De regreso en Francia continu6 su vinculaci6n con Jacques Soustelle. En 1958 obtuvo su diploma en la Escuela de Altos Estudios en Ciencias Sociales presentando una memoria sobre el artesanado azteca, en tanto que en el Instituto de Derecho Comparado de Paris obtenia otro diploma en dicho campo. La culminaci6n de sus estudios ocurri6 màs tarde al alcanzar un doble doctorado en la Sorbona, primeramente de Tercer Ciclo en Etnologia Americana, y posteriormente de Estado, en la Universidad Paris IV Sorbona. No nos corresponde presentar aqui el curriculum vitae de Jacqueline que es muy amplio y a la vez excelente testimonio de su incansable dedicaci6n. Por una parte, ha continuado hasta el presente sus mtUtiples investigaciones en torno a la cultura nahuatl. Por otra, ha dado cursos, conferencias y preparado asi a buen dunero de personas que han pasado a engrosar el elenco de los mexicanistas en Francia. A Jacqueline le han atraido particularmente el conocimiento de la lengua nahuatl, instrumento indispensable para sus investigaciones; asimismo el universo de los c6dices indigenas y, en estrecha relaci6n con lo anterior, el estudio de las principales fuentes para el conocimiento de la antigua cultura, tanto en nahuatl como en espaiiol. Quien siga paso a paso el registro pormenorizado de sus publicaciones, cursos, participaciones en congresos, viajes de trabajo, y otros muchos géneros de actividades académicas habrà de reconocer en Jacqueline a una infatigable maestra e investigadora. Si quisiéramos al menos poner de relieve sus principales logros en el contexto de la cultura nahuatl debemos sefialar que estos se sitàan en los campos de la religi6n, las artes, la economia y los testimonios de la tradici6n prehispànica. En esto ella ha hecho el rescate de algunas fuentes particularmente significativas, como es el caso de las Relaciones Prirrzera y Tercera de Chimalpain Cuauhtlehuanitzin y los Huehuehtlahtolli. Sus comentarios de c6dices y sus muchas monografias, difundidas ampliamente en principales revistas especializadas, no s6lo la han dado a conocer internacionalmente sino que le han merecido un reconocimiento universal. Se dice en espaiiol que hay que rendir honor a quien honor merece. Jacqueline de Durand-Forest lo merece con creces. Su curriculum vitae es la mejor prueba de ello. El que sus amigos, maestros, colegas y discipulos nos acerquemos PREFACE 13 con nuestras aportaciones dedicadas a ella en este libro confirma ampliamente el grande aprecio que a todos nos merece. Como expresi6n de un deseo que todos compartimos concluiremos estas lineas expresàndole nuestra alegria por todo lo que ha realizado y nuestras fundadas esperanzas de que, durante muchos alios màs, continuarà haciendo aportaciones tan valiosas como las que ha realizado y bien conocemos. Miguel Le6n PORTILLA, Professeur à l'Institut d'Études Historiques de la UNAM, México. Docteur Honoris Causa de la UNAM et de l'Université de Toulouse-Le Mirail. Membre de l'Académie mexicaine de l'Histoire et de l'Académie mexicaine de la Langue (Correspondiente de la Real Academia de Madrid) ainsi que de El Colegio Nacional. Georges BAUDOT t Professeur à l'Université de Toulouse-Le Mirail. Membre Correspondant de l'Académie mexicaine de l'Histoire et de l'Académie mexicaine de la Langue (Correspondiente de la Real Academia de Madrid). Décoré de l'Ordre Mexicain de l'Aigle Aztèque. Hommages à J. de DURAND-FOREST Paris, L'Harmattan, 2004 « Puisqu'aussi bien il faut se souvenir.... » Jacqueline de DURAND-FOREST C'est en 1958 seulement que je foulai pour la première fois le sol mexicain. Je venais d'obtenir l'une des trois premières bourses accordées par le Gouvernement mexicain, ou plutôt par la UNAM, à des étudiants français. Tandis que l'une de mes compatriotes devait se consacrer à l'Economie mexicaine et l'autre à la Littérature (notamment à Alfonso Reyes encore en vie), j'avais pour tâche de poursuivre les recherches en Ethnohistoire du Mexique, que j'avais entreprises quelques années auparavant sous la direction du Professeur Jacques Soustelle, dont j'ai évoqué ailleurs la personnalité scientifique et les qualités humaines. Après une traversée de l'Atlantique, sur un cargo mixte italien, qui dura quelque quarante deux jours, de Gênes à Cadix, puis à Saint-Domingue, à Porto Rico, au Venezuela (La Guaira, Puerto Cabello), à La Havane et enfin à Véracruz, j'arrivai pour finir à Mexico en mars 1958. Grâce aux lettres de recommandation aimablement dispensées par le Professeur Guy Stresser-Péan, j'ai pu prendre rapidement contact avec les Professeurs Ignacio Bernal et Wigberto Jiménez Moreno et je commençai à suivre des cours à l'ENAH (Escuela Nacional de Antropologia e Historia). Cependant, le responsable du Service des Bourses m'apprit bientôt l'existence du Séminaire de Culture Nahuatl et me suggéra de m'y inscrire et de prendre part à ses activités. Ce Séminaire, créé l'année précédente par le Père Angel Maria Garibay et le Professeur Miguel Le6n-Portilla, était désormais dirigé par ce dernier, qui m'accueillit très chaleureusement. Je fus aussitôt incluse dans le groupe d'étudiants qui assistaient de manière assidue aux réunions hebdomadaires du Séminaire et parmi lesquels figuraient Alfredo L6pez Austin, Selma Anderson, Alberto Estrada Quevedo et Jorge A. Manrique. Avec le dynamisme et l'enthousiasme dont il ne s'est jamais départi, Miguel Le6n-Portilla s'employait déjà à donner de l'impulsion à l'étude des documents du XVIè siècle en nahuatl émanant d'informateurs indigènes. Ainsi nous faisait-il traduire un texte en commun ; c'était, pour nous, l'occasion de débattre de la traduction, pour lui d'assortir celle retenue de considérations pertinentes autant que stimulantes. Parallèlement, chacun de nous préparait un travail personnel qui allait figurer dans le volume II de Estudios de Cultura Ndhuatl. Ce fut ainsi que sur les conseils de M. Le6n-Portilla et sous sa direction, j'entrepris de traduire en français et de commenter le huehuetlatolli recueilli par Sahaen « de la mère à sa petite fille ». Le sort a voulu que, bien des années plus tard, alors qu'il était 16 JACQUELINE DE DURAND-FOREST Ambassadeur du Mexique à l'Unesco, Miguel m'ait demandé de préparer avec lui une édition en français des huehuetlatolli réunis par fray Andrés de Olmos. C'est encore Miguel qui me fit découvrir alors d'importantes publications, tels les premiers volumes du Codex de Florence, dont Charles E. Dibble et Arthur J.O. Anderson entreprenaient la traduction intégrale, ou encore divers ouvrages de l'Ecole mexicaniste allemande, en particulier le Gliederung des alt-aztekischen Volks in Familie, Stand und Beruf de Leonhard Schultze Jena, si utile à mes recherches en cours sur les Artisans aztèques. Il faut rappeler, en effet, qu'à l'époque nombre de chroniqueurs et de sources anciennes étaient encore inédits ou épuisés. Sahagtin n'échappait pas à la règle, car hormis la Historia General... republiée en 1955 par Acosta Saignes et par Garibay en 1956, son œuvre -du moins ce que Paso y Troncoso en avait publiéétait difficilement accessible. De même, jusqu'en 1963, le Dictionnaire de la Langue nahuatl de Rémi Siméon ne pouvait être consulté qu'en Bibliothèque. Les appareils de photocopie étaient encore peu répandus, et il ne s'en trouvait alors aucun dans l'incontournable Bibliothèque du Musée de l'Homme, unique en son genre à Paris et peut-être même en France durant ces années. Le Seminario de Cultura 1■Icihuatl faisait déjà partie de l'Institut° de Investigaciones Histéricas (sis au dixième étage de la Torre de Hurnanidades de la UNAM). Celui-ci regroupait un certain nombre de personnalités que j'ai eu la chance de rencontrer, tels le linguiste Mauricio Swadesh, le père de la glottochronologie uto-aztèque, les préhistoriens José Luis Lorenzo et Carlos Bosch Gimpera, les ethnohistoriens Carlos Martinez Marin et Paul Kirchhoff. Ce dernier me permit de réunir des informations sur les recherches ethnologiques en cours au Mexique à l'intention de Georgette Soustelle, elle-même chargée de préparer un article sur la question pour une Encyclopédie française. Le même chercheur, tout comme Wigberto Jiménez Moreno, eurent toujours du temps à me consacrer en cette année ou plus tard, lorsque je les consultai, le premier sur « l'organisation politique du Chalco », le deuxième sur « la migration des Aztèques ». Leurs encouragements me furent précieux dans mes longues recherches sur Chimalpahin. Ce fut encore Don Wigberto qui m'engagea à me lancer, pour une meilleure appréhension de la pensée aztèque, dans l'étude des manuscrits pictographiques. Par les conseils qu'il m'a donnés et l'intérêt qu'il m'a porté, il fut sans nul doute un de mes Maîtres mexicains. On me fit connaître également l'historienne Eulalia Guzmàn, auteur d'un article retentissant sur la découverte récente d'ossements qu'on croyait pouvoir attribuer à Cuauhtemoc. Elle me présenta à Byron Mc Afee, nahuatlato réputé, auteur avec Roberto Barlow du Diccionario de elementos fonéticos en escritura jeroglifica, resté indispensable jusqu'aux travaux plus récents sur le Codex Mendoza de Joaquin Galarza et son équipe et de Patricia Anawalt et Frances Berdan. Autre personnalité rencontrée en 1958, le Professeur Eusebio Dàvalos Hurtado, qui eut l'obligeance quelques années plus tard de m'envoyer des photos SOUVENIRS 17 de l'INAH sur divers artisans contemporains, pour illustrer mes chapitres sur les « Survivances des Techniques précolombiennes ». C'est lui qui allait diriger le futur Muse° Nacional de Antropologia de Chapultepec. En 1958, en effet, les collections archéologiques étaient encore conservées dans l'ancienne Casa de la Moneda, construite au XVIIIè siècle, au N°13 de la Calle Moneda. Certaines pièces importantes gisaient par terre dans le patio intérieur de l'édifice, attendant une meilleure présentation. A l'époque, Mexico était une ville beaucoup moins peuplée (5 millions d'habitants environ), moins étendue, à la circulation bien moins intense ; il n'y avait pas encore de métro. Pour se rendre au Zdcalo, il fallait prendre un taxi, un bus ou encore y aller à pied. L'Antigua Libreria Robredo était au nombre des hauts lieux que j'ai fréquentés à Mexico même, par goût personnel non moins qu'à l'instigation du Professeur Stresser Péan. Située précisément derrière la Cathédrale, au coin des Avenues Argentina et Guatémala, c'était une véritable caverne d'Ali Baba pour les amateurs de livres sur le Mexique ancien. Les libraires, Gerônimo et Rafael Porrûa étaient affables et compétents. Leur rendre visite était un plaisir d'une rare qualité : on ne repartait jamais bredouille ! L'Institut° de América Latina de Mexico, dirigé alors par le Professeur François Chevalier, était un centre culturel très actif, doté d'une riche Bibliothèque, où se tenaient des Tables Rondes réunissant des personnalités scientifiques mexicaines et étrangères. Je me souviens d'avoir assisté à l'une d'entre elles, portant sur Tula, me semble-t-il, et regroupant entre autres Wigberto Jiménez Moreno, Alfonso Caso, Ignacio Bernal, Guy Stresser-Péan. Les échanges de vues furent des plus stimulants. Durant ce premier séjour au Mexique, l'une de mes préoccupations les plus constantes fut d'aller le plus souvent possible à la découverte du pays, dans la mesure où me le permettaient mes études et les moyens matériels dont je disposais. S'il était aisé de se rendre à Oaxaca par le bus, à Véracruz par le même moyen de transport ou par le train, il n'en allait pas de même pour Mérida, du fait de la distance. Certes, le plus simple et le plus rapide était de prendre l'avion, encore fallait-il pouvoir le faire, financièrement parlant, et prier le ciel pour que les pistes ne soient pas inondées et impraticables, comme il m'est arrivé pour San Crist6bal de las Casas via Tuxtla Gutiérrez. De la capitale yucatèque partaient des bus en direction de Chichén-Itzà, Uxmal, voire Kabah ; mais Sayil et Labnà restaient inacessibles, faute de route, sinon par jeep ou avionnette. C'était encore le cas en 1977 ! Ma première visite à Palenque est restée très présente à ma mémoire, car ce fut Alberto Ruz Lhuillier qui nous accueillit en personne, ma fidèle compagne de voyage, l'économiste, et moi-même. Il avait découvert la fameuse crypte funéraire de Pacal six ans auparavant. Craignant que nous ne fassions la fâcheuse rencontre d'un serpent, comme cela s'était produit pour des visiteurs précédents, il nous fit accompagner par un de ses aides, muni de l'indispensable machete. Il n'y avait pas encore de Musée sur le site. En revanche, Villahermosa en offrait déjà deux : le Parque de la Venta et le Musée du Tabasco, où les originaux côtoyaient des copies, 18 JACQUELINE DE DURAND-FOREST qui fut avantageusement remplacé en 1980 par le très beau Museo Regional de Antropologia Carlos Pellicer. Un autre moment marquant de mon séjour fut la visite d'El Tajin avec sa surprenante Pyramide des Niches et les Tableros du Jeu de Balle sud. Le Tajin Chico ne devait pas être dégagé comme maintenant. Le site ne présentait pas encore de Musée, il ne s'y déroulait pas de démonstrations fréquentes des « Voladores de Papantla ». D'ailleurs, cette danse rituelle, qui avait fait la réputation de Papantla, village totonaque distant de 13 km, n'y était exécutée que durant la Fête de Corpus Christi. Ce fut donc bien des années plus tard que j'ai pu assister à cette danse, désormais plus touristique et commerciale que sacrée. Dans l'espoir d'assister à la Fête des Morts, le 2 Novembre, nous nous rendîmes à Patzcuaro et de là en bateau sur l'Ile de Janitzio. Des autels étaient bien dressés devant les tombes, éclairés par des cierges, quelques femmes à croupetons les entouraient. Mais les cérémonies en commun avaient probablement déjà eu lieu, à l'abri des importuns encore peu nombreux. Quoi qu'il en soit, ce que nous vîmes du spectacle justifiait déjà notre déplacement ! Je ne puis terminer ce tour d'horizon sans évoquer l'émotion, l'admiration suscitées par la découverte de certains édifices religieux de l'époque coloniale (Tepotzotlan, Acolman, Actopan...), que la lecture conjointe de divers ouvrages fondamentaux comme La Conquête spirituelle... de Robert Ricard m'a permis d'apprécier à leur juste valeur. Malgré tous mes efforts et les sacrifices consentis, il est resté nombre de sites archéologiques, de monuments laïcs ou religieux post-colombiens qu'il ne m'a pas été donné de visiter à cette époque. De toute façon, l'appareil de photo dont je disposais alors étant dépourvu de cellule ne m'a permis que rarement d'obtenir des clichés réussis. Je n'ai pas été en mesure, non plus, de me rendre dans certains villages réputés pour leur production artisanale, afin d'observer personnellement les techniques traditionnelles encore employées de nos jours. Heureusement avec l'aide de mon mari, j'ai pu, lors de séjours ultérieurs au Mexique, combler cette lacune, agrandir mon champ d'observation et constituer une collection de documents photographiques indispensable à mes recherches et à mes cours. L'année 1958-1959 demeure toutefois une des plus fructueuses de ma carrière scientifique, jusque dans les limitations et les lenteurs dont je me plaignais parfois alors. La hâte et la précipitation n'étaient pas encore de rigueur ; on prenait le temps, et mon voyage en bateau m'y avait quelque peu préparé. La vie à Mexico, les interminables trajets en bus ou en train à travers le pays permettaient la lente imprégnation indispensable à toute véritable connaissance. Je pense avoir répondu, autant qu'il m'était possible, au souhait maintes fois exprimé par le Professeur Bosch Gimpera : " Prenez le temps de voir, de regarder, d'écouter les oiseaux chanter ! " Hommages à J. de DURAND FOREST Paris, L'Harmattan, 2004 - Publications de Jacqueline de DURAND-FOREST 1960 "Huehuetlatolli. Discours de la mère aztèque à sa petite fille", Estudios de Cultura Nahuatl, vol. 2, México, UNAM, IIH, pp. 149-61. 1961 "L'éducation des jeunes filles aztèques", Nouvelles du Mexique, Revue trimestrielle des Services culturels du Mexique à Paris, n° 18, Paris, juillet, pp. 1-4. Uacqueline Francis Forest]. 1962 "Testament d'une Indienne de Tlatelolco. Traduction et commentaire", Journal de la Société des Américanistes, tome LI, Paris, pp. 129-58. 1962 "De la monnaie chez les Aztèques", Cahiers de l'Institut de Sciences Économiques Appliquées, Humanités, Éconornie, Ethnologie, Sociologie, Supl. 129, Série V, n° 4, Paris. 1963 SIMEON, Rémi, Dictionnaire de la Langue Nahuatl ou Mexicaine, Préface par Jacqueline de DLTRAND-FOREST, Graz (Autriche), Akademische Druck-u. Verlagsanstalt , 12 + 710 pp. 1963 "Les Aztèques et les Mayas", Introduction bibliographique à l'Histoire du droit et de l'Ethnologie juridique, Institut de Sociologie Solvay de l'Université Libre de Bruxelles, Bruxelles, 40 pp. 1966 1967 1968 "Survivance de quelques techniques précolombiennes dans le Mexique moderne", Journal de la Société des Américanistes, Paris, Tissage, tome LV-2, pp. 525-62, Poterie, tome LVI-1, pp. 95-147 et Vannerie, tome LVI-2, pp. 495-518. 1967 "El cacao entre los aztecas", Estudios de Cultura Nàhuatl, vol. 7 , México, UNAM, IIH, pp. 155-81. La liste des abréviations du présent ouvrage se trouve page 391. 20 Hommages à J. de DURAND-FOREST 1968 "De la Divination et des Présages dans le Mexique ancien et moderne", Cahiers des Amériques Latines, Série "Sciences de l'Homme", Paris, IHEAL, n° 2 - juillet-décembre, pp. 3-43. 1968 "De la divination et des Présages dans le Mexique moderne", La divination, Études recueillies par André CAQUOT et Marcel LEIBOVICI, 2 volumes, Paris, PUF, tome 2, pp. 151-90. 1968 "Nagualisme et Chamanisme", Verhandlungen des XX XVIII Internationalen Amerikanistenkongresses, Stuttgart-München, Band II, pp. 339-45. 1970 "La monnaie chez les Aztèques", in Cahiers Vilfredo Pareto, Revue Européenne des Sciences Sociales, n° 21, Genève, Librairie Droz, pp. 235-45. 1971 "Cambios econ6micos y moneda entre los Aztecas", Estudios de Cultura Nihuatl, vol. 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