le point où j`en suis

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LE POINT OÙ J’EN SUIS
Recueil poétique d’André Pieyre de Mandiargues (1909-1991), publié à Paris chez Gallimard
en 1964.
Du «point» où il en est, à la fois au centre du prisme et comme en marge, le poète-narrateur
évoque sa vision hallucinée du monde. Dans le sillage des surréalistes, Pieyre de Mandiargues
mêle la réalité au songe: «Je me veux universellement fou / J’écorce la raison / Pour
l’exaltation de la sève» (“Jardin”). Les images du seuil (“la Porte tournante”) ouvrent sur
l’«espace du dedans», qui entre en résonance avec le monde (“le Gong”) pour le transfigurer
au gré des fantasmes de l’artiste. Suscité par la réalité extérieure (“le Café espagnol”, “le
Transistor”, etc.), le sujet des poèmes subit le travail puissant de l’imaginaire qui emprunte au
fonds mythique de l’auteur (“Absalon”), à ses obsessions personnelles et littéraires. Les textes
célèbrent le corps de la femme, à la fois guerrière et amante voluptueuse (“Deux Vierges”), et
lancent un hymne à la nuit obscure: «Dans la nuit où je suis je vois» (“Sceau”), et au soleil
dans toute sa violence: «Le soleil dut porter un masque de feu pour que le reflet de son vrai
visage ne fût pas communiqué à tout l’univers» (“Humanités”). Le texte ne laisse affleurer
que l’expression synthétique et symbolique de tout un cheminement du songe et de
l’imaginaire poétique. Il appelle, comme en écho, le souvenir des histoires anciennes comme
celles de Clorinde et Bradamante (“Sur une pendulette en forme de cuirasse”). Des citations
poétiques mettent en abyme l’héritage des poètes aimés (le titre, pastiche baudelairien, de
“Somewhere in the World”; le souvenir d’Apollinaire, «J’ai vu un amour cou coupé», “En
homme rouge”). Des œuvres artistiques témoignent du goût pour la critique d’art: “l’Heure
des mirages”, d’après un détail de la Tentation de saint Antoine, de Jérôme Bosch; “l’Animal
d’albâtre”, en souvenir de Canova. Aussi une poésie étrange se dégage-t-elle du recueil, qui
cultive les antithèses baroques: «Soleil et nuit sont un [...] Le fond du volcan / Est froid» (“la
Voix basse”), évoque le spleen baudelairien: «La tristesse m’ennuie et la gaieté m’attriste»,
(“À A.S.”), l’ordure de Lautréamont: «Je vois un feu nourri d’ordures» (“Je vois”), et la
révolte rimbaldienne: «Puisses-tu pourtant te rebiffer» (“Éventail”). La recherche de
l’archaïsme — «Je mourrai sans désaimer» (“Exaltation”) — se conjugue à la familiarité crue:
«J’aime l’ail en été mais l’oignon m’indispose» (“Méridienne”). Le poète est un gouffre, un
volcan d’où surgit la lave froide de la parole: dans ces textes en prose ou en vers libres, il
brasse la richesse du songe et les scories du réel. Il restitue alors le verbe dans son unité,
proche de celle des mystiques, mais dans une exaltation dionysiaque qui célèbre l’amour et la
volupté, approches du néant purificateur: «Deux seins nus mieux que des aiguilles /
Crèveraient la boue de ces temps» (“À B.”, la femme aimée, Bona Tibertelli).
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