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R. ARNALDEZ LA GUERRE SAINTE SELON IBN HAZM
que toutes celles qui ont laissé l'Islam s'altérer sous des influences nom
arabes, tant en Orient qu'en Occident. Le gâhirisme conduit logiquement à l'arabisme. Aussi
pensons-nous que dans ce traité archaisant • surie ÿihad, le but d'lbn Hazm n'a pas été
essentiellement de définir les prescriptions relatives à la guerre sainte comme si elles étaient
encore immédiatement applicables, mais qu'il a été plutôt de rappeler ce qu'aurait dû être la
conduite de la Communauté musulmane, depuis le siècle d'or de Muhammad, d'Abû Bakr et
de 'Umar, pour rester digne de son fondateur et pour garder l'élan qui lui avait fait conquérir
lamoitié du monde connu. Espérait-il qu'un jour, grâce peut-être à son rappel, les conditions
d'un gihàd véritable renaîtraient et que l'Islam. achèverait la conquête de l'univers? Il n'en dit
rien. Mais on est fondé à penser que sa triste expérience des hommes et de la politique, l'issue
lamentable de l'action qu'il avait menée, le laissaient trop désabusé. A l'époque où il écrit le
Kilab al-Mukalla, il est devenu un homme qui dit imperturbablement ce qui doit être, se
refusant avec fierté à. prendre en considération ce qui est ou ce qui peut être. Aussi son
oeuvre juridique tout entière et en particulier son traité du Jihad peuvent. s'interpréter comme
l'implacable condamnation des hommes et de l'histoire. Tant pis pour les hommes et pour
l'histoire, puisque en définitive c'est la Loi telle qu'il la trouve dans les textes, telle qu'il
l'explique par les textes, qui jugera le monde.
Nous ne croyons pas forcer la pensée d'Ibn Hazm en concluant que pour lui la Loi ne peut
s'appliquer que si la Communauté musulmane est fondée sur une obéissance stricte aux ordres
de Dieu, c'est-à-dire une obéissance Fàhirite. Là où il n'y a plus de véritables musulmans, il ne
peut y avoir de véritable jihad. Par conséquent le ÿihMd suppose que les musulmans sont, non
seulement en droit mais en fait,. autres que leurs adversaires, sur un autre plan qu'eux, et
inaccessibles au moindre compromis. La guerre sainte est réglée comme un rituel
religieux.
Le jihad est une obligation qui pèse sur tous les musulmans. Mais quand certains d'entre eux
s'en acquittent, repoussent l'ennemi et portent la guerre (gazwa) dans ses foyers, quand ils
défendent les villes frontères, les autres sont déchargés de cette obligation. C'est donc un fart
kifaga. Néanmoins, en cas de danger pressant, tout fidèle qui n aucun empêchement majeur,
peut être appelé à combattre. Celui qui, dans le Dar al-Harb, reçoit l'ordre de combattre, doit
obéir, à moins qu'il n'ait une excuse valable. Ibn Hazm n'entend pas que les musulmans,
même déchargés en fait de l'obligation, se désintéressent du jihad sous. prétexte qu'il n'est pas
au premier chef une prescription personnelle (fard ayn). Les textes qu il cite sont
caractéristiques de ce souci de maintenir les fidèles en haleine. Le Coran, dans de nombreux
versets, insiste sur ce devoir.: Apportez votre aide, que vous ayez peu ou beau-
-. coup de poids, faites le Jihad en engageant vos biens et vos personnes.
448.Or. dit Ibn Hazm, c'est là un ordre (C général», car il n'y a personne qui ne soit «ou léger
ou lourd». Selon un hadü. «« celui qui meurt sans avoir fait la guerre (wa [am gagzu) ou sans
avoir r entretenu l'espoir de la faire (wa lem yuhaddit bihi nafsahu), meurt dans une sorte
d'hypocrisie)). Selon un autre, le Prophète a déclaré : ((Pas d'abandon après la conquête, mais
jihad et ferme propos (nigya). Et si on vous appelle, venez à l'aide», Il semble donc qu'à côté
de la guerre proprement dite, il y ait comme une préparation psychologique permanente à la
guerre. Sous cette forme latente, le ,Jihad ne doit pas cesser,
Cependant il n'est pas permis de faire la guerre sans l'autorisation du père et de la mère, sauf