Polis / R.C.S.P. / C.P.S.R. Vol. 7, Numéro spécial, 1999/2000 5
mouvements de 1962 dans l’ordre politique postcolonial camerounais [LACROIX, 1998]. En
effet, les instruments sus–évoqués étant (souvent) “produits par et pour l’activité passée de
l’Etat”, peuvent lorsqu’on ne les appréhende pas de façon critique, se contenter
d’authentifier et de certifier des “conduites qui doivent à l’activité de l’Etat d’avoir été
consacrées sous l’espèce d’archives” [LACROIX, 1998]. Ceci peut être préjudiciable dans
l’examen scientifico-analytique des objets étudiés dans une perspective socio-politologique
critique vis-à-vis de la raison historienne mais qui refuse d’accepter à ce sujet, une attitude
polémique.
L’entreprise sociologique et politologique de reconstruction critique des relations
passé-présent et présent-passé qui examine les événements de 1962 comme volets d’un
épisode historico-politique, s’appuie sur une démarche soucieuse d’éviter les difficultés
épistémologiques liées au fait “de refuser l’histoire et de privilégier les apparences de
stabilité et d’équilibre, la statique des systèmes sociaux”, apparences perçues comme “un
danger” parmi ceux qu’affronte la “science politique” [BAYART, 1975 :VII]. Il s’agit alors
d’étudier l’ordre postcolonial camerounais de façon dynamique et relationnelle en mobilisant
les ressources de la discipline historique pour consolider “une sociologie de l’événementiel”
élargissant les possibilités d’énonciation et d’organisation d’une “ sociologie du temps
conjoncturel” [BRAUDEL, 1984 : 113].
Cette démarche sociologique et politologique doit permettre de revisiter théoriquement
et empiriquement une “ page de l’histoire camerounaise” à l’issue de la dynamique politique
de 1962 – soumise à un travail rétrodictif et rétrospectif d’enquête – caractérisée comme
moment de “fabrication d’une crise” dans l’évolution de l’ordre politique postcolonial
[BAYART, 1985 : 99]. Afin de comprendre les logiques du conflit politique de 1962 au
Cameroun, l’analyse sociologique et politologique en termes d’objectivation sociale doit
pouvoir examiner “un événement aussi complexe” en récusant les perspectives
d’énonciation et d’observation “faisant abstraction des tactiques, des enchaînements ou de
l’issue auquel ce moment de référence paraît aujourd’hui devoir son importance” et mettant
en question “l’usage lettré d’un système de références canonisées ” au profit d’une
“ réflexion issue de la manipulation expérimentale” [LACROIX,1986 :118]. Le travail
socio-politologique de reconstruction de l’épisode politico-historique de 1962
“conventionnellement considéré au début de la recherche comme événement ” n’établira sa
pertinence qu’à travers une réflexion et une investigation susceptibles de contrôler les biais
épistémologiques de “la reconstruction rétrospective” et de “l’illusion téléologique qui habite
celle-ci” [LACROIX, 1998 :10]. C’est en procédant de cette façon que l’analyse peut parvenir
à faire comprendre comment ce qui se joue dans les événements de 1962 va correspondre
historiquement à une transition entre des logiques pluralistes d’organisation de la domination
et les configurations de puissance d’un “régime de parti unique” [BAYART, 1978-2]. Et ceci
sans céder à l’illusion de “l’histoire naturelle” dans l’examen sociologique de ce conflit
politique [DOBRY, 1986 : 16].
L’appréhension et la compréhension socio-politologiques pertinentes de la
problématique de recherche envisagée dans la perspective de l’objectivation