Paul Verlaine, Fêtes galantes
Texte édité par des professeurs de l’Académie de Rouen - http://lettres.ac-rouen.fr/verlaine/index.htm
ANALYSE D'UN TABLEAU DE François BOUCHER :
Diane sortant du bain,
1742, (57x73 cm)
Musée du Louvre, Paris
Lien: « l'amour par terre »
Une chasteté bien désirable...
De même que Verlaine, Boucher s'inspire fréquemment de la mythologie pour mieux glorifier
des chairs bien réelles, des corps féminins délicieusement appétissants et bien peu éthérés,
comme Rubens avant lui (cf. Le Jugement de Pâris, 1636, ou Les Trois Grâces, 1639, musée du Prado,
Madrid) et Renoir après lui (cf. Les Grandes Baigneuses, 1884-1887, The Philadelphia Museum of Art,
Philadelphie). Mais dans cette œuvre, que Verlaine est allé voir au Louvre en 1867, la richesse des
allusions montre un peintre moins superficiel qu'on ne le prétend parfois.
Diane (Artémis), déesse éternellement vierge, personnifiait la Chasteté. On voit à quel point
Boucher, en l'incarnant avec tant de sensualité, inverse son image! Pour mieux mettre en lumière
l'éclat d'une nudité pourtant si fortement éclairée au centre du tableau, au milieu de la grande
diagonale qui part du carquois et suit la tenture bleue, quoi de mieux en effet que de jouer sur le
contraste entre tout et rien? Diane est bien nue, elle ne porte aucun vêtement. Mais elle est parée
de bijoux: le collier de perles qu'elle tient comme un chapelet d'un autre genre, évoquant la
religion d'une autre Vierge, Marie, et sa parure de tête. Or les bijoux sont la dernière touche de
l'art vestimentaire. Ici, le contraste entre l'état de nature et les derniers raffinements de la
civilisation cherche à éveiller le désir.
Diane-Artémis, une déesse aux fonctions multiples et à la symbolique complexe:
La déesse lunaire
Les Anciens interprétaient déjà Diane-Artémis comme une personnification de Séléné, la déesse
Lune, son frère Apollon représentant, lui, le Soleil. D'où le croissant lunaire dont Boucher orne sa
chevelure, mais aussi les perles blanches dont la rotondité renvoie, elle, à une autre phase de la
lune, lorsqu'elle est pleine.
La déesse de la chasse contre la déesse de l'amour
Boucher insiste ici davantage encore sur une autre fonction de Diane-Artémis: la déesse de la
chasse, d'où le trophée de chasse en bas à droite et l'arc, auxquels répondent symétriquement en
bas à gauche le carquois et les flèches. Or ces trophées ont une signification symbolique: on y
trouve deux pigeons (ou deux colombes?) et un lapin (ou un lièvre!). Et rien n'est ici innocent: le
lapin, animal très prolifique, a été considéré comme un symbole de lascivité, surtout à partir de la
Renaissance. Consacré à Vénus, il figure alors comme emblème de la volupté dans nombre de
scènes amoureuses (cf Vénus, Mars et Cupidon de Piero di Cosimo, vers 1505, Gemäldegalerie,
Berlin). Quant aux deux pigeons / colombes, ce sont aussi des attributs de Vénus (cf. Mars et
Vénus, allégorie de la Paix de Louis Jean François Lagrenée, 1770, The J. Paul Getty Museum, Los
Angeles). Boucher les représente aussi au nombre de deux dans La toilette de Vénus (1751) du
Métropolitan Museum of Art de New York. Le fait que deux des attributs de Vénus, déesse de