Pour respecter l'anonymat et la confidentialité, conditions de la liberté d'expression de chacun et promis à tous ceux qui ont accepté de répondre à nos questions ou de nous laisser pénétrer dans leur collège ou leur lycée et dans leur classe, les personnes, les établissements, les académies, les régions portent dans ce rapport des noms d'emprunt… Seuls les personnages publics, tels les ministres ou les auteurs de publications, apparaissent ici sous leur nom. Que tous ceux que nous avons visités, questionnés, observés, soient ici très vivement remerciés du temps et de l'attention qu'ils nous ont consacré. Marie-Claude Derouet-Besson, Maître de conférences, Romuald Normand, Chargé d'études, Groupe d'études sociologiques-Centre Paul Lapie Les objectifs de l'étude, d'investigation, le calendrier les moyens Commandée par le ministère de la Culture pour éclairer ses décisions, cette étude a pour but d'établir un premier bilan des activités engagées au titre de l'opération "Architecture au collège" initiée par la Cellule d'Action Éducative de la Direction de l'Architecture et du Patrimoine depuis l'année scolaire 1998-1999. Confiée au Groupe d'études sociologiques de l'Institut National de Recherche Pédagogique, cette étude est l'investigation, menée par des sociologues, d'une forme de politique publique en éducation caractérisée par le partenariat, de l'échelle interministérielle à celle de la classe. La présence conjointe d'enseignants et d'étudiants en architecture dans les classes, but de l'opération, est en effet le résultat d'une coopération entre un nombre élevé de partenaires qui doivent coordonner leur action à chaque échelle et à chaque étape avant même que l'essentiel, l'action auprès des élèves, ne soit engagé, ni même défini. Dans une telle chaîne partenariale, la prise en compte de l'ensemble du dispositif est nécessaire puisque les relations établies à chaque échelon, académique, régional, départemental, local influencent les autres. Comprendre le sens que chacun des acteurs engagés dans cette chaîne donne à son action est la visée principale de cette étude. S'il est facile de constater que la sensibilisation à l'architecture est une formule dominante et commode, sous laquelle la plupart des acteurs, enseignants et élèves, chefs d'établissement, intervenants architectes et enseignants des Écoles d'architecture, personnels de la Culture, des Inspections, de l'Action culturelle, des Conseils de l'Architecture, l'Urbanisme et de l'Environnement (CAUE) range sa participation, il est évident qu'elle ne recouvre pas la même signification pour chacun d'entre eux. La nouveauté de la situation oblige à penser l'action autrement, en décalage avec les pratiques antérieures, à interpréter les lignes directrices que suggèrent les textes nationaux pour tenter de leur donner une définition utile. La double présence dans la classe, par exemple, interroge l'enseignant, l'intervenant, les élèves et la largeur des consignes les incite à suivre des pistes différentes. L'importance de cette interprétation se vérifie à chaque échelle et à chaque étape de l'opération. L'étude porte donc essentiellement sur cette capacité des acteurs, dans l'ensemble du dispositif, de l'incitation nationale à la mise en œuvre locale, à choisir leurs modes d'inscription dans une chaîne d'action collective et leurs modes de participation individuelle. Il s'agit là de traiter un problème classique de la sociologie contemporaine. L'investigation des logiques qui inspirent les acteurs montrent la difficulté de parvenir à un accord sur les finalités. Il faut passer de la notion d'accord à celle de coordination de l'action : comment des personnes qui se réfèrent à des valeurs différentes peuvent-elles converger sur des dispositifs communs (Derouet 1999) ? Pour approcher des positions aussi diverses, les informations ont été recueillies selon les méthodes d'investigation habituelles du Groupe d'études sociologiques, celles d'une sociologie rapprochée de l'éducation 1 : observations et entretiens. En centrant notre travail sur quatre régions Jonville, Mernalet-Savorgne, Mirande et Oriane, qui recouvrent cinq académies, nous sommes parvenus à rencontrer, dans chaque cas, les principaux partenaires institutionnels des ministères de la Culture et de l'Éducation nationale, les personnels des CAUE, des Écoles d'architecture, et un nombre important de participants directs. L'annexe qui détaille les sources de ce travail d'information en donne la liste. Le choix des régions et académies retenues pour l'enquête résulte d'un premier constat : toutes ne se sont pas saisies de l'opportunité qui leur était offerte à travers l'opération "Architecture au collège". La qualité des intervenants proposés, des étudiants "diplômables" en dernière année d'études d'architecture, a été considérée, dans certaines académies, comme inadéquate aux objectifs poursuivis. Sans négliger cette critique récurrente, l'enquête a été menée dans quatre régions où la mise en œuvre de cette opération a été entreprise au plus près semblait-il des possibilités offertes. L'entrée dans l'opération a été le second critère de choix. Dans deux des régions choisies, l'opération a été commencée dès 1998, dans une troisième, en 1999, et dans la quatrième en 2000. L'étude s'est déroulée sur dix-huit mois (de juillet 1999 à janvier 2001) pour tenter de saisir les évolutions de la mise en œuvre durant trois années scolaires : 1998-1999, année de l'innovation pour les huit académies pionnières, 1999-2000 année d'extension de l'opération à dix-huit académies et 2000-2001, en principe année de généralisation à toutes les académies. 1 "Nous voulons signifier par là que si notre observation se situe au plus près du terrain, elle n'est pas enfermée dans l'échelle des situations et s'inscrit dans un projet sociologique global, qui traite des grandes questions de la sociologie de l'éducation : l'élaboration des contenus d'enseignement, la socialisation de la jeunesse et les valeurs qui la sous-tendent, la genèse des inégalités, etc. Si nous avons construit notre dispositif d'observation le plus près possible du terrain, c'est pour saisir la complexité du social avant la mise en forme que lui impose le cadre administratif. Si nous avons cherché d'autres références théoriques que celles qui avait été utilisées dans les années soixante et soixante-dix, c'est pour ne pas réduire trop vite cette complexité avec des méthodes qui opèrent une sélection trop rude des données ou des concepts qui procèdent à une organisation trop rapide. Mais notre but a toujours été de suivre la construction du social jusqu'à ce que d'autres appelleraient le niveau macro-social et de formuler des conclusions générales." Derouet J.-L. Le groupe d'études sociologiques : une sociologie rapprochée de l'éducation, in L'école dans plusieurs mondes J.-L. Derouet (coord.) Paris-Bruxelles, De Boeck, 1999