PERSONNIFICATION (esthétique)
PERSONNIFICATION, esthétique
«Figure de pensée», selon la terminologie de la rhétorique, consistant à représenter à l’aide des
traits humains, physiques ou moraux, une abstraction ou une chose inanimée : ainsi les vices et
les vertus dans la littérature (comme dans la peinture ou la sculpture) médiévale, et les vertus
encore dans l’œuvre de Péguy. (Si l’écrivain prête, en outre, la parole à sa création, la
personnification est prolongée en prosopopée.) On pourrait, des mythologies et des littératures
les plus anciennes (l’Aurore-aux-doigts-de-rose d’Homère...) à tels films récents (la mort dans le
Septième Sceau d’Ingmar Bergman ou dans Orfeu Negro de Marcel Camus), en passant par les
allégories du Roman de la Rose et les abus du Lutrin et de la Henriade , montrer la permanence
d’un procédé que les traités de rhétorique rangent dans la catégorie plus vaste de la «fabulation»
mais que l’on peut aussi rattacher au principe plus général de l’analogie, et dont on comprend
ainsi la nature essentiellement poétique. (Ce qui n’exclut pas bien sûr sa présence dans la
prose : on en trouve des exemples aussi bien chez un moraliste classique comme La Bruyère
que dans le roman naturaliste de Zola.) On notera l’usage des substantifs doubles tels que l’Ange
Liberté ou le Géant Lumière dans l’œuvre de Victor Hugo, que Baudelaire définit comme «un
magnifique répertoire d’analogies humaines et divines», et la fonction de la personnification dans
celle de Baudelaire lui-même, poète des correspondances. Un exemple, entre tant d’autres, de
personnification celui de la France représentée sous l’apparence d’une femme (chacun des
traits ou chacune des parties du corps de cette femme correspondant aux éléments constitutifs
de l’État ou aux aspects physiques et artistiques de ses différentes régions), grave et magnifique
dame dans la Complainte de France à la fin du Moyen Âge, «pauvre femme atteinte de la mort»
dans les Discours de Ronsard, «mère affligée» dans Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné, jeune
fille aux yeux clairs dans tel poème d’Aragon permettra d’apprécier la constance et
l’affinement de la «figure» à travers notre littérature, et les effets (ici celui d’une «vie matérielle et
symbolique», comme dit H. Weber) que les écrivains peuvent en tirer.
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