raison et le réel ») qui regroupent de trois à six notions ordinaires (« Théorie et expérience », « La
démonstration », « L’interprétation », etc.). Il semble dès lors naturel de considérer que chacune doit être
étudiée pour elle-même, dans sa singularité et indépendamment des autres notions. Cette tendance est
renforcée par les attentes de notre public. A un moment ou à un autre de l'année, nous avons tous
entendu les élèves nous interroger, d'une voix angoissée : "Madame, Monsieur, il nous reste encore
beaucoup de notions à traiter ?". Comment leur en vouloir ? Ils sont habitués aux pratiques des
enseignements d’Histoire-Géographie et de Sciences qui, par nature, décomposent le programme en
items distincts et irréconciliables entre lesquels il est extrêmement difficile, voire impossible, d'établir
des passerelles et d'aménager une circulation. Le professeur d'Histoire ne peut pas plus associer dans un
même cours la politique du président Eisenhower, le Grand Bond en Avant de Mao Zedong et la
construction de la Ve République que celui de Mathématiques solidariser géométrie spatiale et
statistique. Il résulte de ce fait une attente des élèves, modelée sur l'exemple des autres disciplines qui
atomisent les cours et qui empilent des couches de savoirs, d’après une sorte de visée encyclopédique
(« Le monde depuis 1939 ») qui ne saurait être la nôtre. L'illusion atomistique est enfin renforcée par les
pratiques éditoriales qui, suivant à la lettre l'ordre administratif de présentation du programme,
consacrent un chapitre entier à chacune des notions sans se soucier des liens constitutifs de leur
organicité. Non seulement les éditeurs dédient un chapitre à chaque notion mais, le plus souvent, ils ne
prennent même pas soin d'indiquer, par un système de renvois, les liens qui unissent telle notion à telle
autre. Pis encore, les manuels respectent à la lettre l'ordre administratif de présentation du programme
quand les textes programmatiques précisent que cet ordre indicatif n'a pas de valeur prescriptive. Dès
lors, la tendance la plus fréquente et la plus naturelle, mais aussi la plus préjudiciable à notre
enseignement, est de juxtaposer les notions plutôt que de les coordonner dans leur rapport organique et
d'étudier en soi chacune comme si elles étaient toutes d'égale importance et comme si elles se référaient
à des problématiques radicalement divergentes. L’atomisation ne se borne hélas pas aux notions : elle
affecte le programme lui-même, qui est indissolublement un programme de notions et de textes. Les
professeurs de philosophie tendent parfois à dissocier l'étude des oeuvres de celle des notions pour les
constituer en un champ autonome comme si l'étude du Discours de la méthode, de l'Idée d'une histoire
universelle d'un point de vue cosmopolitique ou des Lettres à Ménécée ne permettait pas respectivement
de faire cours sur la raison, l'histoire ou le bonheur.
L'illusion atomistique engendre trois types de conséquences préjudiciables à notre
enseignement. La première est de condamner le traitement du programme à une sorte de mission
impossible. La réaction la plus naturelle du professeur et des élèves, souvent constatée lors des réunions