autant, cette “ innovation ” n’en est une pour personne. L’art de la distinction conceptuelle est bien un de
ces principes sur lequel il n’y a pas de débat entre professeurs… Enfonçons donc une porte ouverte…
Sur les auteurs :
La querelle de l’astérisque est byzantine (même si on peut comprendre les motivations de ces querelles). La
présence de certains auteurs fait sourire : Plotin, Anselme, Husserl (avec astérisque…)etc. L’œuvre complète
l’est rarement compte tenu de nos impératifs (ce qui n’est pas toujours gênant, sauf à penser qu’un auteur
peut aussi construire son ouvrage et que la compréhension structurelle est une des données de la lecture…).
Qui plus est, nous constatons que les textes donnés à nos élèves au baccalauréat ne s’éloignent guère d’une
liste bien plus réduite où l’on reconnaîtra sans peine les tropismes et traditions de l’Université française
(Rousseau, Kant, Descartes, Platon, Hegel, Spinoza, Bergson).
Sur l’apprentissage de la réflexion philosophique :
Nous reconduisons donc imperturbablement les exercices sanctifiés par la tradition. Soit. Nous pensons
effectivement qu’une dissertation ou un commentaire philosophique sont des outils remarquablement
formateurs pour l’exercice de la pensée. Mais pourquoi alors constatons nous à la fin de l’année que les
contraintes de ces exercices ne sont réellement et pleinement maîtrisées que par une minorité d’élèves ?
Quelles que soient les moyennes obtenues, les données arithmétiques ne masquent guère les difficultés
rencontrées dans la lecture de textes anciens ou simplement complexes. Là encore, l’évolution de
l’enseignement du français vers une approche de plus en plus formaliste ne nous aide guère dans
l’élucidation du sens et la mise en perspective critique. Qui plus est, si nous suivons le texte du programme,
la dissertation devrait être évaluée (le vilain mot est certes élégamment oublié) selon les critères suivants :
clarté et nuance, sens de la définition, justifier et déterminer l’extension et la signification d’un concept, mais
aussi transposition des “ connaissances acquises par l’étude des notions et œuvres ”, et maîtrise des
distinctions conceptuelles sises dans le programme… Cela laisse songeur : ce programme est ambitieux,
nous y souscrivons. Mais sont ce des critères d’évaluation ? Sont ils quantifiables et surtout identifiés comme
tels ? Question subsidiaire : combien de copies parviennent à respecter ces impératifs ?
On ne saurait que louer les objectifs que propose un tel programme (aptitude à l’analyse, sens de la
responsabilité intellectuelle, esprits autonomes, avertis de la complexité du réel et capables de mettre en
œuvre une conscience critique du monde contemporain…). De tels objectifs son renchéris par la
proposition suivante : “ l’enseignement de la philosophie en classes de terminale présente un caractère
élémentaire qui exclut par principe une visée encyclopédique ”. Cette dernière précision est tout autant
louable que les précédents objectifs cités ci-dessus et constitue avec ceux-ci un ensemble cohérent. Mais là,
où précisément, nous serions en droit d’attendre un programme de notions qui rejoigne ces perspectives,
nous ne pouvons que manifester notre déception et notre désarroi. Exclure toute visée encyclopédique
s’avère, dans les conditions actuelles de l’enseignement, absolument impossibles ! Comment le professeur de
philosophie pourrait raisonnablement s’estimer capable d’une telle combinaison ? Les heures de cours, étant
ce qu’elles sont dans les classes de terminale des séries générales, ne peuvent aucunement recevoir une telle
démarche. Le nombre de notions s’oppose radicalement à un apprentissage philosophique si l’on s’estime
devoir les traiter toutes. Hormis en approchant la forme du cours magistral, toutes les notions ne sont pas
traitables si l’on se donne d’abord pour priorité les objectifs que propose un tel programme. Insistons avec
force sur ce point : chacun sait précisément (et chacun en a fait l’expérience en tant qu’ancien étudiant ou en
tant qu’étudiant en puissance) que la maîtrise et la découverte d’un problème mérite du temps ainsi que le
déploiement élevé d’une énergie intellectuelle ! Dit simplement, la réflexion philosophique ne saurait être
découverte et abordée en quelques heures. Or, c’est bien ce que propose le programme en amenant une telle
quantité de notions. Soit les notions sont toutes étudiées, auquel cas c’est la réflexion philosophique ainsi
que l’approfondissement de ces mêmes notions qui en pâtissent, soit certaines sont évacuées et donc non
traitées, mais alors le risque est grand puisque l’élève peut se retrouver confronté à des sujets de baccalauréat
qui comprennent des notions non traitées en classe. N’oublions pas, à cet égard, de préciser que la
philosophie est découverte en terminale… or toute découverte suppose, une fois encore, du temps et une
énergie intellectuelle. Ainsi, le programme avance certes des objectifs appréciables mais les moyens qu’il
fournit aux enseignants sont loin d’y répondre. On pourrait nous objecter que l’essentiel réside dans l’Idée et
non dans l’effectivité et que l’ambition visée est de s’approcher autant que faire se peut de cette Idée. Nous