l’intérêt des penseurs chinois pour les phénomènes impliquant une action à distance (magnétisme,
marées, phénomènes sismiques, autorégulation des organismes...) de préférence à ceux qui reposent sur
des actions directes et mécaniques ; pour l’algèbre plutôt que pour la géométrie et, enfin, pour les
théories ondulatoires plutôt que pour les théories atomistiques.
Mathématiques
Les inscriptions sur os et écailles (jiaguwen ) découvertes dans la région de Anyang, dans l’actuelle
province du Henan, à la fin du siècle dernier, nous apprennent que, dès les XIVe-XIe siècles avant notre
ère, les Chinois utilisaient une numération décimale de type « hybride », combinant dix signes fixes pour
les unités de 1 à 9, avec des marqueurs de position particuliers pour les dizaines, centaines, milliers et
myriades. Aux abords de l’ère chrétienne, le système se stabilise et note déjà les nombres pratiquement
de la même manière qu’en chinois moderne. Le zéro-cercle, très probablement d’origine indienne, n’est
attesté qu’au XIIIe siècle, mais, auparavant, on ménageait un espace vide pour indiquer les unités
manquantes.
Habiles calculateurs, rompus aux opérations sur les grands nombres comme sur les fractions dès le
début de notre ère, les Chinois n’ont jamais conçu la mathématique comme une science déductive, mais
plutôt comme une logistique reposant sur la manipulation d’instruments, essentiellement le boulier
(suanpan ) et les baguettes à calculer (chousuan ). Pour dire « calculer », la langue chinoise moderne
utilise encore des termes comme yansuan ou tuisuan , dont le sens premier est, respectivement,
« manœuvrer les baguettes », « pousser les baguettes ». Peut-être issues des tiges d’achillée à usage
divinatoire, ces baguettes en bambou, ivoire ou métal, longues d’une dizaine de centimètres et de section
circulaire, triangulaire ou carrée, étaient placées soit sur une quelconque surface horizontale, la table à
compter, soit aussi, vraisemblablement, sur un échiquier dont les cases offraient des repères naturels
permettant de distinguer les divers ordres d’unités, ou même de « mettre en mémoire » le résultat d’un
calcul intermédiaire. Cet ensemble instrumental permettait non seulement d’effectuer les opérations
courantes de l’arithmétique élémentaire, mais aussi d’exécuter des algorithmes beaucoup plus
complexes : opérations sur les polynômes, résolutions d’équations numériques.
Le boulier, qui est encore très répandu en Extrême-Orient, se compose de deux étages de boules
mobiles enfilées sur des tringles serties dans un cadre en bois, et séparées par une barre transversale.
Depuis les Ming, il en existe plusieurs variétés qui se différencient soit par le nombre de tringles qui les
composent (27 au maximum), soit par le nombre de boules par tringle (5 en bas et 2 en haut, ou bien
5 + 1, ou 4 + 1) ; les boules du bas valent chacune une unité, et celles du haut cinq unités. L’origine de
cet instrument, dont l’utilisation suppose la mémorisation de règles rimées très différentes de celles
qu’énoncent nos tables, reste mal connue. On le considère généralement comme un perfectionnement
tardif des anciennes baguettes à calculer survenu au plus tôt sous la dynastie des Yuan, voire des Song.
Toutefois, certains historiens comme Yamazaki Yoemon le font dériver du boulier romain, car un
ouvrage chinois, dont certaines parties pourraient remonter aux Han, le Shushu jiyi (Les Traditions de
l’art calculatoire ) contient une description d’un instrument à calculer à boules. Mais le boulier ne s’est
vraiment répandu en Chine qu’à partir des Ming. Contrairement aux savantes baguettes, il n’a eu
d’application pratiquement qu’en arithmétique commerciale.
D’autres instruments de mathématiques d’origine européenne, comme le compas de proportion de
Galilée, les réglettes multiplicatives de Neper, la règle à calcul, ont pris beaucoup d’importance à partir
du XVIIe siècle.
Les plus ancien traité de mathématiques chinois connu – le Jiuzhang suanshu , ou les Neuf Chapitres
sur l’art mathématique – compilé sous les Han, a exercé une influence considérable. Il se présente
comme une collection de deux cent quarante-six problèmes, regroupés principalement par rubriques à
visées utilitaires : arpentage des champs, échanges de marchandises, travaux de terrassement, impôt et
corvée, mesure des distances sur le terrain, etc. Après l’énoncé de chaque question viennent la réponse,
le procédé permettant de l’obtenir et, enfin, à la différence des textes égyptiens ou babyloniens, un ou